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La famille est généralement le premier lieu de socialisation, d’apprentissage et de transmission des valeurs, des pratiques et des cultures pour les jeunes enfants. Le développement d’une compétence à l’action environnementale en contexte familial serait donc à encourager afin de faire face aux principaux défis contemporains, dont les changements climatiques (Agundez-Rodriguez et Sauvé, 2022). La question de la place et du rôle des familles dans l’éducation à la citoyenneté a toutefois peu été abordée (voir notamment le no 41, 2017, de la Revue internationale de l’éducation familiale), et encore moins la relation entre la famille et l’écocitoyenneté. Ce dossier « Famille et écocitoyenneté » de la revue Enfances Familles Générations vise à éclairer cette relation au travers des contributions de cinq textes.

L’écocitoyenneté est un concept qui s’inscrit dans une vision démocratique de l’action environnementale, et plus particulièrement dans le rapport des citoyens et des citoyennes à l’environnement compte tenu des répercussions de leurs actions quotidiennes et de celles de leur société. Il fait donc référence à la responsabilité de l’humain en matière de protection de l’environnement naturel (Sauvé et al., 2017) et au respect dû aux diverses sociétés et populations, incluant les générations futures. Cette prise en compte des impacts éventuels des gestes, des valeurs et des allégeances politiques de chacun et chacune incite à adopter une posture d’humilité et de respect envers la nature et les autres humains qui partagent la planète avec nous. Pour Séguin et al. (2005 : 21), « l’écocitoyenneté constitue une façon d’appréhender le réel, de cibler des problématiques et des enjeux spécifiques ». Le devoir d’une personne écocitoyenne va donc au-delà de la prise en compte des répercussions de leurs propres actions. En effet, l’écocitoyenneté implique une action au sein des processus de décisions démocratiques, une contribution à la sensibilisation des autres citoyens et citoyennes et une remise en question de certaines pratiques individuelles, économiques ou étatiques, voire à l’émergence d’une culture sociétale alternative induisant un autre modèle de développement plus respectueux de la nature et des besoins sociaux (Harribey, 2021).

L’enjeu de l’écocitoyenneté en contexte familial est important, comme le soulignent par exemple Léger et Pruneau (2012 ; 2015), puisque les familles jouent un rôle privilégié dans la construction des habitudes, mais aussi parce que les ménages seraient responsables de près des deux tiers des émissions de gaz à effet de serre dans le monde (Ginsburger, 2020). Il apparaît donc essentiel de comprendre quels sont les changements d’habitudes et de comportements à encourager au sein des familles pour limiter leurs impacts environnementaux. Toutefois, il importe aussi de tenir compte des contextes sociaux très différents limitant certaines familles à réduire leurs impacts. Le lieu d’habitation, les services offerts dans la communauté, le revenu des familles sont certains des facteurs sociaux qui ont également une influence sur la mise en œuvre de pratiques écocitoyennes.

Pour comprendre ce qui mène au changement, plusieurs approches théoriques peuvent être mobilisées (Léger et Pruneau, 2015). On peut penser, notamment, aux différentes théories du changement de comportement, dont, par exemple, la Théorie du comportement planifié d’Ajzen (1991), le modèle transthéorique de Prochaska et DiClemente (1992) et l’approche de compétence actionnelle de Jensen et Schnack (2006). Les approches théoriques mobilisées pour comprendre le changement de comportement peuvent aussi emprunter des outils théoriques de disciplines diverses, comme, la théorie des systèmes utilisée par Salem (2005) dans son analyse des familles comme systèmes ouverts et équilibrés.

Dans ce numéro, les liens entre l’écocitoyenneté et les familles sont abordés de différentes manières par les auteurs et autrices qui répondent à l’un ou plusieurs des objectifs des axes suivants : 1. L’écocitoyenneté et la transformation des dynamiques familiales ; 2. La mobilisation des enfants et des jeunes dans l’action environnementale ; 3. Le rôle des institutions dans le développement de l’écocitoyenneté.

L’écocitoyenneté et la transformation des dynamiques familiales

Un des premiers objectifs de ce dossier est de comprendre quelles sont les transformations des dynamiques familiales liées aux valeurs et aux pratiques de l’écocitoyenneté. Il s’articule autour de l’analyse des pratiques et habitudes de vie, mais aussi des valeurs écocitoyennes transmises au sein des familles. Selon Martinez et al. (2020), le fait de discuter en famille d’enjeux sociaux et environnementaux comme les répercussions des changements climatiques augmenteraient les chances que l’enfant devienne une personne-citoyenne plus engagée en ce qui concerne l’environnement. L’apprentissage intergénérationnel où l’enfant agit comme un agent d’information et de mobilisation de sa famille envers l’écocitoyenneté est également porteur (Ballantyne et al., 2001). Ce phénomène a besoin toutefois d’être mieux compris et étudié (Williams et al., 2017), notamment en tenant compte de la dynamique familiale et du milieu sociopolitique. Ainsi, par quels types de changement de pratiques ou d’adaptations des modes de vie, l’écocitoyenneté est-elle mise en œuvre ? Autrement dit, comment l’engagement écologique se traduit-il au sein des familles ?

Trois contributions du dossier s’intéressent plus particulièrement à l’aspect du changement de pratiques. L’article de Dominique Morin, Bruno Bourliaguet, Hubert Armstrong et Marie-Andrée Leduc, celui de Justine Langlois et de Virginie Loizeau se penchent plus particulièrement sur les pratiques écoénergétiques. D’après les résultats de Morin et ses collègues, les personnes ayant répondu à un sondage en ligne sur leurs pratiques à l’égard de leur consommation d’électricité distribué, auprès d’un échantillon d’abonné.es d’Hydro-Québec, ont une représentation positive et satisfaisante des écogestes posés. Toutefois, les aîné.es (les 65 ans et plus) affirment davantage « en faire déjà assez pour l’environnement », réponse moins cochée par les 18 à 34 ans et les parents d’enfants d’âge préscolaire. Selon Morin et ses collègues, « [c]ette autoévaluation moins positive [par le groupe constitué des générations les plus récentes et des jeunes familles], supposant des gestes écocitoyens moins pratiqués qu’il leur serait souhaitable de le faire, pourrait s’expliquer par l’hypothèse d’idéaux plus élevés dans leur génération » (paragraphe 21). Il pourrait aussi possiblement s’expliquer par un contexte socioéconomique caractérisé par une plus difficile conciliation travail/études-famille et par conséquent une mise en pratique de comportements écocitoyens. En effet, la vie familiale et le travail ou les études impliquent un arrangement du temps « libre » pouvant limiter la capacité à transformer les pratiques quotidiennes.

Langlois, quant à elle, présente des résultats qui confortent le rôle que la famille joue dans la transmission de pratiques plus écoresponsables et ce, à travers plusieurs générations. Ce rôle se met en œuvre par la transmission d’habitudes ayant une consommation énergétique moindre, mais aussi par la conviction que l’accumulation de ces petits gestes contribue à inculquer des valeurs écocitoyennes aux enfants et à une transformation sociale. Enfin, l’article de Loizeau, qui analyse les pratiques au sein de familles ayant au moins un enfant atteint d’une maladie respiratoire, rapporte des pratiques écologiques qui sont parfois induites par les recommandations associées à des soins tels qu’éviter « les composés organiques volatils émanant des matériaux de revêtement et du mobilier (les colles utilisées pour les parquets par exemple) » (paragraphe 46) car pouvant irriter les bronches des enfants atteints de la mucoviscidose. D’un autre côté, certaines des recommandations des équipes soignantes induisent des pratiques ayant des impacts plus négatifs sur l’environnement comme le lavage fréquent de la maison, tirer la chasse d’eau ou faire la lessive à l’eau chaude. Loizeau constate des tensions au sein de certaines familles entre la conciliation de valeurs écocitoyennes et les recommandations de soins pour leur enfant.

Comme l’évoquent Lalanne et Lapeyre (2009), les changements de pratiques pour adopter des modes de vie plus écologiques peuvent engendrer un surcroît du travail domestique et pèsent de manière déséquilibrée sur les femmes. Comme le relèvent plus particulièrement, les articles de Virginie Loizeau et Justine Langlois les femmes (et notamment les mères) jouent un rôle prépondérant à la fois dans la transmission de valeurs, d’habitudes et de pratiques jugées écologiques (Langlois), mais aussi dans les pratiques domestiques associées aux soins (Loizeau) qui peuvent être positives ou négatives sur l’environnement ou encore dans l’accompagnement de nature plus politique et de changements institutionnels (Grégoire-Labrecque).

Face à ces changements de pratiques et de modes de vie, l’écocitoyenneté engendre-t-elle des conflits au sein des familles ? Les articles de Geneviève Grégoire-Labrecque, de Sophie Nemoz et de Justine Langlois font état également de tels conflits et tensions au sein des familles en regard des valeurs et pratiques écocitoyennes. Dans les résultats présentés par Grégoire-Labrecque et par Nemoz, les tensions et conflits émergent de la réception négative par les parents de certaines demandes ou dénonciations de leurs enfants (ex. ne plus acheter de bouteilles d’eau). Dans le texte de Langlois, les résultats présentés font aussi état de conflits et de négociations entre les membres d’un ménage en raison de leurs différentes pratiques écoénergétiques. Ces conflits touchent par exemple aux niveaux de températures des pièces communes et à certaines pratiques d’hygiène personnelle (ex. douche). L’autrice explique qu’« [e]n observant comment les normes et les significations autour des pratiques sont négociées, on constate que la résolution des tensions et des conflits relatifs à l’énergie contribue, in fine, à la construction de la famille et du couple, venant définir les règles de la vie commune et les manières de faire partager au sein de la communauté de pratiques » (paragraphe 38).

Sur la dimension des valeurs écocitoyennes, les 5 articles du dossier présentent surtout une transmission via de petits gestes quotidiens. Ces gestes sont fréquemment transmis depuis plusieurs générations (ex. réduire la consommation énergétique, jardiner, pratiques d’entretien ménager) et ne peuvent pas toujours être liés explicitement à une intention de réduire les impacts environnementaux des ménages. Enfin, comme le souligne Justine Langlois, les normes sociales hors ménage sur les bonnes pratiques, la représentation d’un « bon parent » (paragraphe 49) et le contexte du monde du travail sont aussi à prendre en compte dans la capacité des familles à adopter des pratiques écocitoyennes, dans la manière dont elles négocient au sein de ses membres les valeurs et les pratiques à mettre en œuvre et leur capacité d’influence de changements plus structurels. Ainsi les dynamiques familiales semblent devoir être encourager pour engendrer une prise de conscience progressive de l’écocitoyenneté.

La mobilisation des enfants et des jeunes dans l’action environnementale

Le deuxième objectif du dossier concerne plus particulièrement la mobilisation des enfants et des jeunes dans l’action environnementale. Plusieurs recherches font état d’un intérêt marqué des enfants pour la protection de l’environnement naturel et les problèmes socio-environnementaux (Blanchet-Cohen et Di Mambro, 2016 ; Grasso, 2016). Les enfants peuvent même inciter leur famille à réduire leur empreinte écologique, notamment en matière de consommation d’énergie (Léger et Martin, 2020). Dans cette perspective, de quelles manières et dans quels contextes sociaux et familiaux, les jeunes sont-ils des moteurs de changement au sein des familles ? À l’image du mouvement Vendredi pour le climat auquel se sont joints des jeunes de partout à travers le monde depuis 2018, les enfants et les adolescents, adolescentes représentent-ils, elles les vecteurs de valeurs écocitoyennes, les moteurs de nouvelles pratiques familiales (décarbonisation des déplacements, végétarisme et véganisme, achats écoresponsables, etc.) et d’engagement public et politique (implication communautaire, pressions sur les autorités politiques, etc.) ? Ou sont-ils eux-mêmes les produits d’un système qui reste à être précisé ?

Les contributions de Grégoire-Labrecque et de Nemoz s’intéressent plus particulièrement à la mobilisation des jeunes et des enfants. Selon l’étude de Grégoire-Labrecque, plusieurs adolescents, adolescentes ont agi comme vecteurs de sensibilisation auprès de leur famille, bien que confrontés à leur manque de pouvoir d’agir. En effet, même si le contexte familial est ouvert aux changements de pratiques, ce sont les adultes qui peuvent intervenir sur les pratiques alimentaires, les modes de déplacement d’habitudes de consommation. De plus, à l’instar de Grégoire-Labrecque, Nemoz souligne que le statut d’enfant et d’adolescent, adolescente, ait en sorte que leurs demandes et leurs projets écocitoyens ne soient pas toujours pris au sérieux. En effet, comme Nemoz l’écrit :

« une mobilisation écologique [des enfants] au sein de processus de décision publique - (…) [est] peu reconnue, quelles que soient les institutions familiales, scolaires ou politiques étudiées localement. Outre l’impossibilité juridique de voter pour les personnes mineures, bien des normes des mondes sociaux maintiennent leur âge dans une strate de la société (Riley et al., 1972) et l’enquête des processus par lesquels se construit l’écocitoyenneté ne conclut pas à une émancipation radicale » (Nemoz, 2023 : paragraphe 38).

Enfin, dans les cas où des membres de la famille agissent comme soutien aux projets et revendications des enfants et des jeunes, d’autres contraintes peuvent s’ajouter puisque des actions peuvent être du ressort d’autres acteurs sociaux tels que les propriétaires d’immeubles (voir les articles de Grégoire-Labrecque et Langlois) ou d’institutions telles que les écoles ou les centres de services scolaires (Grégoire-Labrecque). Ce qu’on retient c’est que les enfants et les jeunes sont des vecteurs importants de l’écocitoyenneté, mais les programmes qui favorisent des actions individuelles limitent leur pouvoir d’agir.

Le rôle des institutions, des programmes, et des politiques dans le développement de l’écocitoyenneté

Le rôle des institutions, des programmes, et des politiques dans la sensibilisation des familles et la mise en œuvre des pratiques d’écocitoyenneté constitue le troisième objectif de ce dossier. Face à l’urgence climatique et à la gravité des enjeux socioécologiques, des politiques et des programmes sont mis en place pour soutenir l’écocitoyenneté. Dans quelle mesure ces initiatives sont-elles porteuses de changement social ?

Le système d’éducation scolaire constitue un lieu privilégié des stratégies de sensibilisation et de mobilisation (Huet-Gueye et Rouyer, 2017). Quelle portée les écoles ont-elles sur les pratiques d’écocitoyenneté ? Deux contributions s’y sont intéressées, l’une en analysant « l’école dehors », une initiative pour les élèves préadolescents en France (Nemoz) et l’autre en étudiant l’expérience d’un comité vert (parascolaire) et un programme d’Environnement et d’agriculture urbaine (programme à option intégré au curriculum scolaire) s’adressant à des élèves du secondaire au Québec (Grégoire-Labrecque). Dans le cas québécois impliquant des adolescents et adolescentes, Grégoire-Labrecque constate que, malgré l’intention louable et les efforts déployés par le milieu scolaire dans les deux cas étudiés, la mobilisation des jeunes en milieu scolaire ne repose pas sur un mode d’engagement à la portée de ces élèves. En effet, ce sont souvent les familles qui sont visées par ce type de programme et comme nous l’avons souligné dans la section précédente, les élèves n’ont pas toujours la possibilité d’influencer les pratiques et modes de vie de leurs familles. Pour le cas français qui s’intéresse à des élèves plus jeunes (9 à 12 ans), Nemoz conclut que « [l]a participation des enfants aux situations de l’école dehors ouvre un champ d’expérience avec les êtres et les éléments à l’entour dont les savoirs environnementaux coopèrent à l’enseignement de leur professeure » (paragraphe 35), mais que la transformation des pratiques et modes de vie des familles, via leur enfant, n’est pas un résultat, ni un objectif de ce projet de formation scolaire.

Une étude quantitative menée par Glomeron et al. (2017), qui s’est intéressée à l’influence respective de la famille et du milieu scolaire sur les écogestes d’adolescentes et d’adolescents français.es, a constaté que les écogestes simples favorisant les économies d’énergie (éteindre les lumières ou les appareils électroniques, etc.) étaient davantage liés aux pratiques familiales et que le milieu scolaire possédait une influence limitée sur les pratiques environnementales des adolescents et des adolescentes. C’est aussi, comme explicité précédemment, le constat de plusieurs contributions de ce dossier. Toutefois, comme le souligne Langlois dans son article, l’école peut jouer un rôle de facilitateur et de légitimation des valeurs et pratiques que les parents tentent d’inculquer à leurs enfants.

Les rôles d’autres institutions ont aussi été soulignés dans les contributions de ce dossier. Virginie Loizeau met notamment en évidence, dans son étude auprès de familles ayant au moins un enfant atteint d’une maladie respiratoire, le rôle des institutions de santé et des équipes soignantes pour influencer certaines pratiques domestiques. Face aux recommandations des équipes soignantes, certaines familles adoptent des comportements plus écologiques (ex. utilisation du vinaigre plutôt que l’eau de javel pour l’entretien ménager) et mentionnent avoir modifié leurs conceptions et rapports à l’égard de l’hygiène. Par exemple, le secteur de la santé a des impacts environnementaux non négligeables (Marrauld et al., 2021), dont il conviendrait de tenir compte dans la formation des professionnel.les de ce secteur. Les sensibiliser aux pratiques écoresponsables pourrait en effet favoriser à la fois des meilleures pratiques dans leur environnement de travail, mais aussi, par ricochet, auprès des familles qui reçoivent des directives de la part d’équipes soignantes. La contribution de Justine Langlois souligne, quant à elle, le rôle des sociétés d’État telles qu’Hydro-Québec et du gouvernement de la province pour lever les barrières à certaines pratiques écocitoyennes comme l’intégration de normes énergétiques dans le Code de construction qui induirait une meilleure efficacité énergétique des bâtiments, contraintes hors de portée de plusieurs familles locataires. On retient qu’une panoplie d’institutions et des politiques ont un rôle important à jouer pour promouvoir l’écocitoyenneté, et qui constitue un potentiel d’amélioration largement inexploité et encore moins documenté.

Des pistes de recherche à poursuivre

Nos réflexions dans la préparation de ce dossier nous amènent à identifier plusieurs pistes de recherche à explorer qui n’ont pas été abordées dans les articles publiés. D’abord, le besoin de diversifier les contextes de recherche au-delà du Québec et de la France qui ont constitués les principaux terrains des articles présentés dans ce numéro. De plus, sachant que la dynamique familiale varie grandement selon les contextes culturels, il serait important de mieux connaître les modes de transmission des valeurs et des pratiques écocitoyennes selon les différentes cultures. Par ailleurs, comment se marient les savoirs ancestraux, les pratiques et les coutumes dans la transmission des valeurs écocitoyennes au sein des familles ? Explorer la diversité des transmissions et des apports à l’écocitoyenneté au sein des familles à partir des terrains, des contextes culturels et internationaux divers permettrait de développer ces concepts au niveau de la planète.

En outre, existe-t-il des contextes ou des enjeux liés à l’écocitoyenneté qui induisent une transformation des relations d’entraides et de partages au sein des familles ? Si tel est le cas, comment s’articulent ces relations d’entraides et de partages, entre autres au niveau du travail domestique, dans les changements de mode de vie ? D’autre part, de quelles manières les discours (politiques de sensibilisation à l’environnement, au zéro déchet, etc.) promeuvent-ils, ou non, une justice sociale ? Bien que souvent négligées, les justices sociales et environnementales sont en effet jugées nécessaires à une transition écologique de nos sociétés (Blanchet-Cohen et Grégoire-Labrecque, 2021). Cet aspect ressort notamment fortement des mouvements écosociaux qui se mobilisent pour lutter contre les changements climatiques dont les enfants et les jeunes sont souvent à l’avant-plan, mais qui, par ricochet, impliquent également leurs familles.

Le rôle des médias, du numérique et particulièrement les réseaux sociaux, devrait également être approfondi pour mieux cerner leurs influences dans la sensibilisation, la mobilisation, la mise en action de l’écocitoyenneté au sein des familles et par les jeunes, car tout comme les enjeux environnementaux, les technologies occupent une place sociétale importante au 21e siècle. Plusieurs pays qui cherchent à aider leurs citoyennes et citoyens à se trouver une place dans l’économie numérique pourraient en profiter pour implanter divers programmes qui vise à instaurer des politiques plus écocitoyennes à une échelle étatique, comme une réduction de l’exploitation des carburants fossiles ou l’aménagement et la préservation de plus d’espaces verts.

La littérature scientifique ne comporte par ailleurs que très/trop peu d’articles sur le rôle potentiel des technologies de l’information et de la communication (TIC), entre autres technologies, sur le choix de comportements plus écoresponsables, que ce soit comme individu ou comme unité familiale. Les quelques études publiées en ce sens, comme celles de Bell et al. (2016) et Sweeney et al. (2014) indiquent généralement une influence plutôt positive des plateformes de réseautage social, telles que Facebook et X (anciennement Twitter), sur l’adoption de modes de vie plus écologiques, ajoutant que l’utilisation des médias sociaux en contexte de famille peut contribuer à un plus haut niveau de conscience environnementale, en plus d’une réduction en termes de consommation d’énergie à la maison. Léger et Martin (2020) confirment ces résultats, notamment en relevant l’effet positif, dans les échanges familiaux, de l’utilisation du courrier électronique. Il serait aussi intéressant de mieux appréhender le rôle des réseaux sociaux dans la mise en place d’actions environnementales en contexte de famille.

Étant donné la place grandissante du numérique dans les sociétés, d’autres pistes de recherche pourraient être approfondies pour cerner le rôle de cette technologie dans l’adoption de modes de vie plus écocitoyens dans la famille. Par exemple, comment les nombreuses plateformes de réseautage social technologique plus contemporaines (Instagram, SnapChat, Tik Tok, etc.), influencent-elles la mise en action d’habitudes familiales écocitoyennes ? Mais aussi quelles sont les limites de ces technologies sur le développement d’un sentiment de pouvoir agir environnemental, notamment dans un contexte collectif comme la famille ?

Les cinq articles de ce dossier apportent des éclairages sur les processus sociaux par lesquels se construit l’écocitoyenneté, mais aussi sur les changements qui s’opèrent au sein des familles en réponse aux actions écocitoyennes et à la remise en question de certaines pratiques individuelles, de consommation ou étatiques. La famille et l’écocitoyenneté constituent un domaine d’étude riche qui doit continuer à faire l’objet de plus de recherches. Nous espérons que ce numéro sur famille et écocitoyenneté encouragera d’autres études sur cette thématique pour contribuer aux bien et mieux-être des générations d’aujourd’hui et futures ainsi que l’avenir de notre planète.