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Les progrès médicaux, technologiques et scientifiques réalisés au cours des dernières décennies assurent la survie d’un nombre croissant d’enfants gravement malades ou sévèrement handicapés ( Mantler et al ., 2022) . Ils vivent plus longtemps de sorte que les conséquences vécues par les familles s’échelonnent souvent sur de longues périodes. De fait, ils sont de plus en plus nombreux à quitter les soins médicaux pédiatriques et à vivre la transition vers les soins adultes.

Des études démontrent que le quotidien des familles ayant un enfant atteint d’une maladie qui menace sa vie ou limite son espérance de vie a des influences multiples. Certaines mettent en lumière les effets sur le réaménagement des rôles familiaux, la précarité financière, la détresse psychologique des conjoints, les tensions au sein du couple (Dewan et al ., 2013; Anderson et al ., 2011; Champagne etal ., 2014) et l’ effritement des liens sociaux (Edelstein etal . , 2017). De la même façon, il semble que la santé mentale des membres de la fratrie pourrait être fragilisée (Mooney-Doyle et al ., 2022). Le contexte sociopolitique dans lequel prend place la maladie de l’enfant et ses effets multiplient les défis auxquels sont exposées ces familles qui doivent souvent se battre pour obtenir l’aide et le soutien adaptés à leurs besoins. Pire encore, la société peine à imaginer que des enfants puissent mourir de sorte que les soins palliatifs ne sont pas toujours accessibles d’où la pertinence du présent article qui permet notamment de démystifier ce champ de la médecine pédiatrique.

Dans cet article, les soins palliatifs pédiatriques (SPP) seront précisés et la population susceptible d’en bénéficier sera circonscrite. Par la suite, la prévalence des SPP sera située. Enfin, l ’expérience des familles et des acteurs impliqués auprès des enfants en SPP sera décrite. Les principaux enjeux seront discutés dans la conclusion qui permettra aussi de présenter succinctement les articles rassemblés dans ce numéro thématique.

Les soins palliatifs pédiatriques : quelles définitions ?

Dans le but de fournir à des enfants gravement malades, ainsi qu’à leur famille, la meilleure qualité de soins possibles, plusieurs d’entre eux sont admissibles à recevoir des soins palliatifs pédiatriques (SPP). Cette approche de soins est définie comme étant :

« des soins actifs et complets, englobant les dimensions physique, psychologique, sociale et spirituelle. Le but étant d’aider l’enfant à maintenir une qualité de vie et d’offrir du soutien à sa famille incluant le soulagement des symptômes de l’enfant, des services de répit pour la famille et des soins jusqu’au moment du décès et durant la période de deuil. Le suivi de deuil fait partie des soins palliatifs, quelle que soit la cause du décès, ce qui inclut les traumatismes et les pertes dans la période périnatale » (Groupe de travail sur les normes en matière de soins palliatifs pédiatriques, 2006 : 17).

Les soins palliatifs sont pertinents à tout stade de la maladie ou de la condition qui menace la vie de l’enfant. Ils peuvent s’inscrire en complémentarité avec des soins à visée curative. Tel qu’illustré dans la figure 1 ci-dessous, il convient de distinguer les soins curatifs et les soins palliatifs qui devraient être accessibles dès l’annonce du diagnostic. L’intégration précoce des soins palliatifs permet de mieux accompagner l’enfant atteint d’une maladie qui menace sa vie, sa famille et ses proches. Dans certains cas, les soins palliatifs fondent l’unique objectif de soins et la phase palliative peut alors s’étendre sur quelques années et même chevaucher l’enfance et l’âge adulte. Les SPP incluent les soins de fin de vie, mais ne s’y restreignent pas.

Figure 1

Le rôle des soins palliatifs pédiatriques

Le rôle des soins palliatifs pédiatriques
Source : Association canadienne de soins palliatifs. 2006. Soins palliatifs pédiatriques : Principes directeurs et normes de pratique, Ottawa (Ontario) Canada, p. 9.

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Les SPP ont pour objectif d’apaiser la souffrance de l’enfant et d’optimiser sa qualité de vie. Ils visent aussi à offrir de l’aide, du soutien et du répit aux membres de la famille. En cela, les SPP intègrent des soins complets et holistiques tout au long de la vie de l’enfant, au moment de sa mort et tout au long du processus de deuil vécu par sa famille et leurs proches. Les SPP sont prodigués par une équipe interprofessionnelle composée de professionnels issus de différentes disciplines (ex. médecin, sciences infirmières, psychologie, travail social, etc.). Une définition des soins palliatifs proposée tout récemment par l’ International Association of Hospice and Palliative Care (International Association Hospice and Palliative Care, 2018) va plus loin en visant désormais non seulement la qualité de vie de l’enfant, celle de ses proches, mais également celle des soignants.

À qui s’adressent les soins palliatifs pédiatriques ?

Les SPP s’adressent à cinq groupes d’enfants et un groupe de parents endeuillés (Groupe de travail sur les normes en matière de soins palliatifs pédiatriques, 2006 ; Craig et al ., 2008) :

  1. Les enfants présentant une maladie qui peut entraîner une mort prématurée et dont le traitement intensif prolongé peut échouer (ex ; cancer, atteinte cardiaque, atteinte rénale) ;

  2. Les enfants dont la maladie entraîne inévitablement une mort prématurée. Ces enfants peuvent avoir besoin de longues périodes de traitements intensifs destinés à prolonger leur vie et à leur permettre de participer à des activités normales (ex ; mucoviscidose, dystrophie musculaire) ;

  3. Les enfants présentant une maladie progressive sans espoir de guérison. Les traitements sont palliatifs et peuvent s’étendre sur plusieurs années (ex. ; maladie de Batten, mucopolysaccharidose) ;

  4. Les enfants présentant une maladie non progressive accentuant leur vulnérabilité et accroissant les risques de complication non prévisibles avec détérioration sévère de leur état (ex. ; accidents avec atteintes neurologiques, paralysie cérébrale grave) ;

  5. Les nouveau-nés dont l’espérance de vie est limitée ;

  6. Les membres d’une famille ayant perdu un enfant subitement des suites d’une maladie, d’un accident ou pendant la période périnatale. Le soutien dans la période de deuil, une composante importante des soins palliatifs pédiatriques, accompagnera ces familles.

En Europe, les définitions des SPP ont été publiées en 2007 dans un document de référence intitulé International Meeting for Palliative Care in children Trento ( IMPaCCT) (Craig et al. 2008), qui a été actualisé par les standards dénommés Global Overview-Pediatric Palliative Care Standards (GO-PACCS) précisant les modalités conceptuelles, organisationnelles, éducationnelles des SPP (Benini et al ., 2022). De plus, le National Institute for Health and Care Excellence (NICE, 2019) propose également des lignes directrices pratiques soutenant le travail clinique des équipes en SPP (National Institute for Health and Care Excellence, 2017) en précisant les modalités d’identification des enfants à besoins palliatifs, de gestion de symptômes, d’accompagnement psycho-socio-familial, de planification anticipée des soins et d’accompagnement au deuil. Song et al. (2021) propose un outil pour identifier plus précocement les enfants nécessitant des soins palliatifs.

À ce jour, aucune étude n’a encore permis de déterminer le nombre d’enfants et d’adolescents canadiens ou québécois atteints d’une condition qui limite ou menace leur vie. Toutefois, Fraser et coll. (2021) estiment qu’en 2017-2018, l’Angleterre comptait 66,4 enfants atteints d’une maladie à issue potentiellement fatale pour 10 000 enfants et prévoit une augmentation entre 67,0 et 84,2 par 10 000 enfants en 2030. L’extrapolation de ces données permet de croire que le Québec pourrait compter entre 12 459 à 15 657 enfants qui seront atteints d’une condition qui limite ou menace leur vie en 2030 et qui seront admissibles à des soins palliatifs pédiatriques (Statistique Canada, 2022).

Comment s’organisent les soins palliatifs pédiatriques ?

Les enjeux éthiques et organisationnels sont multiples en raison de l’hétérogénéité des maladies, des groupes d’âge concernés, mais également de l’impact émotionnel que représentent la maladie grave et la mort des enfants dans les sociétés modernes. En tant que discipline relativement jeune, les SPP sont encore largement restreints à la fin de vie, peu documentés dans les publications scientifiques et dont l’impact n’est que très partiellement évalué (Friedel, 2019). Pourtant, les recommandations internationales (World Health Assembly, 2014) visent à intégrer les soins palliatifs pédiatriques dans les systèmes de soins existants, plutôt que de les isoler en fin de vie.

Trois niveaux décrivent le degré de spécialisation des compétences, des offres et des prestations de soins palliatifs à savoir : 1) la sensibilisation aux soins palliatifs au sein de la communauté, via les médecins généralistes ou une maison médicale située dans la communauté où sont offerts des soins de proximité par une équipe interprofessionnelle ; 2) les soins palliatifs généraux prodigués par exemple en unités hospitalières de pédiatrie et ; 3) les soins palliatifs spécialisés au travers d’équipes exclusivement dédiées aux soins palliatifs pédiatriques (Friedel, 2020). Force est de constater qu’il manque des modèles d’organisation de soins palliatifs pédiatriques clairement décrits, explicités et évalués (Virdun, 2015 ; Harding, 2017), qui permettraient de comprendre comment ces trois niveaux s’articulent entre eux. Néanmoins, plusieurs formes d’organisation de soins palliatifs s’observent selon les contextes et les pays et sont décrites brièvement ci-après (Kaye, 2015) :

  1. Des soins palliatifs pédiatriques : Services interdisciplinaires qui répondent aux besoins des enfants, adolescents et jeunes adultes qui ont des conditions limitant/menaçant leur vie ainsi qu’à ceux de leurs parents. Le traitement vise à soulager la souffrance physique, psychosociale et/ou spirituelle. Le but est d’améliorer la qualité de vie de l’enfant, accompagner la famille au travers de la maladie et du deuil, facilitant les prises de décision et aidant à la coordination des soins (Feudtner, 2013).

  2. Des soins palliatifs pédiatriques communautaires : Ce sont des soins offerts en dehors de l’hôpital en proposant des ressources et services dans des structures privées, structures de soins de santé primaires, structures de répit. Ces soins peuvent être gérés au travers de soins à domicile, de médecins traitants, avec un soutien offert au travers de personnes, par téléphone, par correspondance électronique. Ces programmes permettent une continuité des soins pour les patients qui circulent entre les soins intra et extra-hospitaliers pour améliorer la qualité de vie des enfants au travers d’un continuum de soins (Meyers, 2014).

  3. Des hospices care axés sur la fin de vie: Il s’agit d’établissements offrant des soins axés sur la fin de vie. On y trouve des services médicaux, psycho-sociaux, spirituels et de bénévolat tout en offrant un équipement médical à long terme, ainsi que des interventions diagnostiques et thérapeutiques qui correspondent aux objectifs de soins de l’enfant et de sa famille. Ces services sont habituellement financés par un forfait journalier (all-inclusive) et peuvent être proposés soit à la maison, soit dans une structure d’hospice séparée (Feudtner, 2013). Cette idée de continuum de soins pour les soins palliatifs, est soulignée par l’Assemblée mondiale de la santé en janvier 2014 (World Health Assembly, 2014), mais aussi, par exemple, par la chambre belge des représentants dans sa loi 2016 (Service public fédéral, 2016) lorsqu’elle élargit la notion de soins palliatifs au-delà des seuls soins de fin de vie.

L’expérience des soins palliatifs vécus par les

Même si plusieurs facteurs influencent l’expérience de la maladie d’un enfant, il n’en reste pas moins qu’elle se caractérise par sa singularité tant pour l’enfant, ses parents, sa fratrie et les proches.

L’enfant malade

La plupart des études s’intéressant à l’expérience des enfants gravement malades documentent le vécu de l’enfant à travers le point de leurs parents ou des membres des équipes de soins qui les accompagnent (Ciobanu et Preston, 2021). Cela dit, la capacité des enfants atteints d’une maladie limitant leur espérance de vie de participer à des discussions à propos de leur état de santé varie en fonction de leur âge, de leur stade de développement, de facteurs psychologiques et cognitifs liés à leur état et du comportement des adultes qui les entourent (Gilmer et al ., 2013). Néanmoins, les parents sont souvent ceux qui décident au nom de l’enfant (Mitchell et al. 2020). Bien que les décisions auxquelles ils sont exposés soient difficiles et parfois complexes, elles sont multiples et de natures diverses (Chénard et Trevisan, 2022).

Les parents 

Dans une revue systématique, Mitchell et al . (2020) répertorient différentes études témoignant de la capacité d’adaptation des parents qui, au fil du temps, deviennent des experts de l’administration des soins et de la gestion des répercussions de la maladie de l’enfant sur la vie familiale.

Des études montrent que la vie avec un enfant atteint d’une condition médicale complexe qui réduit son espérance de vie a d’importantes répercussions sur la vie des familles notamment celles qui assument des soins complexes et continus à domicile (Perrin et al. , 2014). La maladie de l’enfant force le réaménagement des rôles au sein de la famille (Cohen et al ., 2018) au point d’altérer l’identité du parent qui se sent davantage interpellé par le rôle de défenseur et de soignants ( Teicher et al ., 2022). De plus, la situation génère un stress financier (Anderson et al ., 2011) parce qu’un des conjoints suspend ses activités professionnelles pour assumer son rôle de personne proche aidante à temps complet ( Yu et al ., 2022) et contribue à l’effritement des liens sociaux de la famille (Teicher et al ., 2022; Champagne et al ., 2014; Kirk et al ., 2005). Des chercheurs mettent aussi en évidence des conflits au sein du couple parental ainsi qu’un niveau élevé de détresse psychologique chez les parents (Verma et al. , 2020; Dewan et Cohen, 2013; Anderson et Davis, 2011) – une détresse exacerbée par le contexte pandémique lié à la Covid-19 (Charton et al . 2022). Les conversations au sein du couple tournent essentiellement autour des besoins de l’enfant (Teicher et al ., 2022).

Des études, menés majoritairement auprès de mères, mettent aussi en évidence des répercussions sur la santé physique et mentale des parents (Yu et al ., 2022; Teicher et al ., 2022; Bayer et al ., 2021). D’ailleurs, certains seraient à risque de burnout parental ( Gerain et al ., 2018; Mikolajczak, 2018; Edelstein et al ., 2017; Lindström, 2010) . De plus, l e contexte provoqué par la pandémie liée à la Covid19 est venu exacerber le niveau de stress d’un certain nombre de parents et augmenter le risque de violence au sein des familles (Charton et al ., 2022; Kathryn et al ., 2020) .

Une étude qualitative visant à documenter plus spécifiquement l’expérience des pères d’un enfant gravement malade révèle que plusieurs d’entre eux ont déjà ressenti de la détresse. Certains ont déclaré avoir déjà eu le sentiment de perdre le contrôle de la situation ce qui paraît préoccupant dans la mesure où ils ont, pour la plupart, tendance à se replier sur eux-mêmes et à ne pas demander d’aide (Chénard et al ., 2023).

Malgré les défis importants rencontrés par les parents d’un enfant atteint d’une maladie grave, Teicher et al. (2022) ont identifié deux déterminants de la résilience parentale. Le premier facteur de résilience est le soutien reçu (ex. soutien dans les soins, soutien émotionnel, informationnel et matériel). L’attitude positive représenterait le second déterminant de la résilience des parents (ex. la croyance en ses capacités, la conscience de soi et l’autocompassion et la capacité à recadrer les attentes).

La fratrie

Des études montrent également que la vie avec un enfant gravement malade pourrait déclencher chez les membres de la fratrie une variété d’émotions dont les conséquences peuvent être importantes (Mooney-Doyle et al. , 2022; O.-d’Avignon, 2012). Plusieurs membres de la fratrie vivraient de la tristesse, de l’ennui, de la colère, des émotions négatives envers l’enfant ou l’adolescent malade (Dinleyici et al. , 2019; Long et al. , 2018). Certains de ces membres auraient tendance à se replier sur eux-mêmes, à exprimer des comportements d’opposition, de l’irritabilité ainsi que des humeurs dépressives (Tay et al. , 2022). La fratrie pourrait aussi ressentir de la honte et de l’inconfort face aux changements dans l’apparence physique de son frère ou sa sœur malade et accepter difficilement que sa famille soit différente (Tay et al. , 2022).

Teicher et al. (2022) soutiennent que les parents seraient préoccupés par le peu de temps passé avec la fratrie en comparaison au temps consacré à l’enfant malade. Plusieurs parents pensent qu’en consacrant plus de temps à l’enfant malade, la fratrie pourrait ressentir de la jalousie, avoir des comportements négatifs ou que cela pourrait mettre à rude épreuve la relation parents-fratrie. D’autres croient plutôt que la présence de l’enfant malade contribuerait à accroître leur niveau de maturité.

Les proches

Bien que plusieurs politiques sociales privilégient une approche centrée sur l’enfant malade et sa famille, peu d’études se sont intéressées à l’expérience des proches significatifs comme les grands-parents, les membres de la famille élargie ou encore les amis. Les résultats d’une étude qualitative (Chénard, 2020) montrent pourtant qu’ils sont très affectés par la situation. Les émotions seraient plus intenses au moment de la naissance, à l’annonce du diagnostic et lors d’hospitalisations. La plupart hésitent cependant à exprimer ce qu’ils ressentent aux parents, car ils craignent d’ajouter des difficultés au fardeau des enfants et de leurs parents. Bien qu’ils soient touchés et qu’ils se sentent concernés par la situation, l’accès aux services d’aide et de soutien paraît très inégal. Certains reçoivent peu ou pas d’aide professionnelle de la part des intervenants du réseau de la santé et des services sociaux, alors que d’autres doivent se tourner vers des ressources privées.

L’expérience des soins palliatifs vécus par les professionnels de la santé

L’accompagnement de l’enfant gravement malade au quotidien par les membres de sa famille est une épreuve exigeante et pouvant engendrer une multitude de conséquences à court, moyen et long terme. À ces acteurs de premier plan, s’ajoute un autre groupe d’individus, les professionnels de la santé, à qui la science reconnaît des répercussions individuelles et collectives à la prise en charge et l’accompagnement des enfants les plus gravement malades.

Les professionnels de la santé qui travaillent auprès de l’enfant gravement malade peuvent faire partie d’une équipe interdisciplinaire de soins palliatifs pédiatriques ou faire partie de l’équipe traitante. Peu importe leur position, ils font face à des défis uniques qui peuvent avoir un impact significatif sur leur bien-être physique, émotionnel et professionnel (Kiernan et al ., 2022; Papadatou, 2021). Seront ici abordés les enjeux émotionnels engendrés par la pratique professionnelle en SPP ainsi que les principales recommandations afin d’en prévenir les conséquences.

Les enjeux liés au stress émotionnel

Les professionnels de la santé travaillant dans les SPP sont souvent confrontés à des émotions intenses telles que la tristesse, l’impuissance ainsi qu’un sentiment d’injustice (Papadatou, 2021). Ces émotions sont exacerbées par la relation de proximité avec l’enfant et sa famille ainsi que par l’incertitude dans le pronostic de l’enfant malade ainsi que la souffrance des parents (Rico-Mena et al. , 2023). Papadatou (2021) affirme que les professionnels de la santé ne s’habitueront jamais à la fin de vie et la mort d’un enfant. Face à ces situations difficiles, ils adoptent une diversité de comportements pour s’adapter au stress émotionnel engendré par cet accompagnement (Papadatou, 2021). Chercher à paraitre invulnérable et en contrôle comme professionnels de la santé est une attitude pouvant engendrer des conséquences néfastes, au même titre que si le professionnel de la santé est envahi par les émotions au point que son fonctionnement en est perturbé (Papadatou, 2021). Selon Papadatou (2021), la position à rechercher serait un point d’équilibre entre ces deux états. Pour un certain nombre de professionnels de la santé, la gestion de ces émotions sera un défi en raison du rôle de soutien qu’ils représentent pour l’enfant et sa famille. En effet, les maladies et conditions des enfants rencontrées en soins palliatifs sont pour la plupart au long cours et les professionnels de la santé s’impliquent auprès de l’enfant et sa famille longtemps, voire des années, dans la prise en charge de l’enfant gravement malade (Roca-Mena et al ., 2023). De plus, dans un contexte émotionnel, tel que les soins palliatifs, la relation de confiance et de proximité entre les familles et les professionnels de la santé se développerait plus rapidement (Bergsträsser, 2017).

Certains professionnels seront à risque de développer de l’épuisement dans ce contexte de pratique particulier. En effet, côtoyer des familles, jour après jour, peut engendrer des états de stress posttraumatique signifiants en étant témoin par exemple, de douleur non soulagée chez leur enfant, créer le risque de développer un stress traumatique secondaire pour les professionnels. Cet état engendre une constellation de réactions dans les sphères cognitives, psychologiques et interpersonnelles. La fatigue de compassion est une forme de stress secondaire traumatique pouvant être observé chez les professionnels de la santé exposés de façon répétée à la souffrance des patients (Kase et al. , 2019). Vulnérabilisée par cet état de stress posttraumatique, l’exposition constante à la souffrance et la mort des enfants peut favoriser la fatigue de compassion, en fragilisant le sentiment de sécurité dans sa propre vie (Rourke, 2007). Être témoin de façon continue de la souffrance physique et psychologique de l’enfant et de sa famille engendrerait des blessures psychologiques chez les professionnels de la santé (Roca-Mena et al ., 2023). Certains professionnels de la santé seront davantage à risque que leurs collègues. Ce sont ceux qui démontrent un haut niveau d’empathie mais aussi des mécanismes d’adaptation personnels inflexibles et inefficaces qui présentent des facteurs prédictifs de la fatigue de compassion et de hauts niveaux de détresse psychologique (Rourke, 2007).

Dans son article, Rourke (2007) propose plusieurs recommandations afin de protéger les professionnels de la santé en soins palliatifs pédiatriques de l’effet cumulatif et des complications associés à la fatigue de compassion. En voici quelques-unes :

Tout d’abord des stratégies personnelles qui consistent à adopter une hygiène de vie permettant un sommeil réparateur, une alimentation saine et diversifiée et la pratique d’un exercice régulièrement. L’ajout d’activités calmes quotidiennes telles que le yoga, la méditation, les respirations profondes et la massothérapie permettrait un retour au calme. Pratiquer des activités de loisirs à l’extérieur du travail serait également bénéfique pour renouveler l’énergie et la concentration. De même, il conviendrait de trouver du temps personnel afin de faire le deuil des jeunes patients gravement malades qui décèdent. Être attentif à ses réactions émotionnelles lors des décès et consulter en psychothérapie au besoin (Rourke, 2007) apparaissent aussi importants. Depuis quelques années, le terme autosoins prend par ailleurs de l’ampleur en santé au travail. En SPP, adopter des comportements d’autosoins (self-care) signifie pour un professionnel de la santé de faire preuve de compassion à son endroit lorsqu’il ressent des émotions négatives associées à son travail auprès des enfants malades. Il pourrait par exemple s’accorder du repos, verbaliser ses émotions à une personne qui démontre une qualité d’écoute, ou pratiquer une activité signifiante à l’extérieur du travail. Ainsi le soignant recherche un équilibre en étant actif dans les moyens mis en place (Davies et al. , 2022).

Des stratégies professionnelles qui consisteraient à prendre part à un système de mentorat ou de supervision clinique de façon régulière permettraient aussi de limiter le stress émotionnel engendré par le travail en soins palliatifs pédiatriques. Il s’agit d’être clair et constant à propos de ses limites face à soi ainsi que face aux autres, développer une pratique diversifiée, permettant d’être impliqué dans l’enseignement, la recherche ou d’autres activités périphériques aux soins directs à la famille. Il conviendrait également de s’investir dans les soins à des enfants qui ne sont pas en contexte de soins palliatifs pédiatriques. Il est possible de remarquer ici que ces recommandations visent un équilibre permettant aux professionnels de la santé de s’impliquer dans différents contextes de pratiques (ex. pédiatrie générale et soins palliatifs pédiatriques) afin de ne pas s’exposer uniquement à des enfants atteints de maladies graves et incurables.

Enfin, des stratégies organisationnelles développées par les institutions de formations initiales et continues permettraient de présenter la fatigue de compassion comme une conséquence possible et non une faiblesse pour les professionnels de la santé impliqués auprès des enfants gravement malades (Shanafelt et al. , 2003). La mise à la disposition des soignants des opportunités de formation et de supervision, des congés et un environnement de travail positif et agréable serait également des stratégies de prévention en milieu de travail (Roca-Mena et al ., 2023). Le soutien entre collègues devrait aussi être valorisé. En effet, par les discussions d’équipes autour de l’épuisement et la fatigue de compassion, les membres peuvent discuter des stratégies à adopter afin d’en diminuer les impacts et pratiquer l’écoute active (Roca-Mena et al ., 2023). Alors que les ressources de soutien sont octroyées d’emblée aux membres de l’équipe interdisciplinaire, il apparaît en outre important de ne pas sous-estimer les besoins de soutien des membres de l’équipe administratives et cléricales qui subissent aussi des conséquences du travail quotidien auprès des familles d’enfants gravement malades (Swinney et al. , 2007).

Les enjeux liés à la communication avec les familles

Les professionnels de la santé impliqués en SPP doivent communiquer quotidiennement des informations sensibles et difficiles à recevoir aux familles qu’ils accompagnent. Ces mauvaises nouvelles sont souvent en lien avec la détérioration de l’état de santé de l’enfant, la fin de vie et la mort. En raison du tabou de la mort, Bellieni (2022) compare les SPP à un champ de mines; reconnaître ce qui ne peut être reconnu et dire de ce qui ne peut être dit. Malgré la gravité de la condition dont souffrent les enfants en soins palliatifs, les professionnels de la santé identifient un manque de formation et de préparation à communiquer avec les patients leurs familles à propos de sujets sensibles en lien avec la fin de vie et la mort. Selon Oates et Maani (2022), plusieurs professionnels de la santé reconnaissent que la mort a été un sujet peu ou pas abordé durant leur formation initiale (Oates & Maani, 2022). Cet inconfort est vécu alors que ceux-ci souhaitent développer une communication ouverte et transparente avec les familles de l’enfant gravement malade, tel qu’il est recommandé (Kiernan et al. , 2022). Ce paradoxe ne peut qu’engendrer des conséquences néfastes pour les professionnels de la santé.

Bien que la communication avec la famille soit reconnue comme importante en SPP (Dussel & Jones, 2021), certains facteurs pourraient diminuer les habiletés de communication des soignants au sujet de la fin de vie et de la mort. Ces facteurs intrinsèques aux cliniciens sont nombreux dont une exposition fréquente et continue à la mort, le manque de temps à consacrer aux patients en fin de vie, une augmentation de la charge de travail, la communication de la mauvaise nouvelle et le retour rapide à une pratique curative auprès d’autres patients (Bellieni, 2022). Certains de ces facteurs s’expliquent par l’état psychologique dans lequel se trouve le professionnel de la santé. Par exemple, l’exposition fréquente à la mort des patients pourrait, en plus des multiples deuils engendrés chez le soignant, entrainer de la culpabilité et un sentiment d’impuissance diminuant son sentiment de compétence à soutenir l’enfant, la famille et les collègues (Bellieni, 2022). D’autres facteurs associés à l’enfant et sa famille peuvent rendre la communication difficile comme les croyances culturelles et religieuses de la famille, la préférence perçue ou réelle de l’enfant, le niveau d’éducation des parents et leur statut sociodémographique, l’état psychologique de la mère (Rodriguez etal. , 2013) et finalement, le désir des familles de protéger l’enfant (Bellieni, 2022).

Une vision du monde et des valeurs communes chez les soignants

Davies et al . (2022) se sont intéressés à dresser le portrait des praticiens en SPP qui se démarquent par la qualité de leur travail. Ces auteurs proposent que ces professionnels partagent des éléments communs au niveau de la vision du monde et des valeurs. C’est précisément leur vision du monde qui influence leurs valeurs qui à leurs tours guident leurs décisions, leurs actions et leurs attitudes auprès des familles d’enfants gravement malades. Ces professionnels en SPP auraient en commun une vision du monde qui conçoit l’être humain dans toute sa complexité, sa diversité et son ambiguïté. Cette vision du monde reconnaît comme légitimes et complémentaires le bon et le mauvais, le triste et le joyeux, les succès et les échecs. Aussi, ces professionnels de la santé souhaitent, par leur travail, faire une différence positive dans la vie des enfants gravement malades et de leurs familles, en transformant du mieux possible cette expérience traumatique. Ceux-ci envisagent chaque interaction avec la famille comme une opportunité d’apprendre et de s’engager, plutôt qu’une demande de performance et de tâches. En retour, les parents se sentent acceptés et valorisés en tant que membres de l’équipe traitante (Davies etal. , 2022). Ces résultats sont convergents avec les travaux de Kiernan et al . (2022), dans lesquels ces auteurs ont mis en lumière trois attitudes de professionnels qui travaillent avec les enfants atteints de maladies qui limitent la vie. Ceux-ci reconnaissent être dévoués à répondre aux besoins de l’enfant et sa famille en travaillant à « être présents », « être concentrés » et « être forts » . En effet, il semble que ces professionnels de la santé reconnaissent comme complémentaires la présence bienveillante et le travail exempt d’erreur auprès de l’enfant. Cela tout en demeurant empathiques et ancrés afin de soutenir la famille qui est en besoin de soutien.

Évaluer la qualité des soins palliatifs pédiatriques

L’évaluation des SPP est considérée comme essentielle pour améliorer les soins cliniques, évaluer la qualité des services et assurer le financement des programmes, et a été identifiée comme une priorité dans le programme de recherche en SPP (Chong et al . 2018 ; Goldhagen et al . 2016 ; Downing et al ., 2015 ; Harding et al ., 2017 ; Voyles, 2013 ; Baker et al ., 2015). Cependant, il existe actuellement peu de preuves de l'efficacité des SPP tel qu'ils sont pratiqués, car il est difficile de définir des mesures de résultats appropriées dans ce domaine (Hearn et al ., 1997; Bausewein et al ,. 2016 ; Ara ú jo et al ., 2015 ; Kaye et al ., 2017). À ce jour, le Québec notamment ne dispose d’aucun critère de qualité. Plusieurs obstacles ont été identifiés en ce qui concerne la recherche sur les effets des SPP: la petite taille de l'échantillon, la difficulté d'identifier un groupe de comparaison pertinent et, enfin, la grande hétérogénéité parmi les situations de SPP des enfants, ne serait-ce que la disparité des âges et des maladies ou conditions. De fait, plus de 7000 maladies rares sont répertoriées dans le monde et près de 75% d’entre elles visent des enfants (RQMO, 2023).

En outre, la pertinence de l'évaluation de la qualité de vie des enfants dans un contexte palliatif a été critiquée par certains auteurs conséquentialistes, qui soutiennent que face à la mort inéluctable, mesurer l'impact de la qualité de vie ne serait plus une priorité (Knapp et Madden, 2010). Ces hypothèses sont souvent liées à de fausses représentations des soins palliatifs pédiatriques, fréquemment limités aux moments de fin de vie. Plusieurs revues systématiques montrent qu'il n'existe actuellement aucune mesure idéale d'évaluation de la qualité des soins palliatifs pédiatriques (Coombes et al ., 2016, Friedel et al . 2019, Mayland et al ., 2022). Cette constatation est en accord avec la conclusion de Knapp et Madden (2010) et de Huang et al. (2010), qui ont trouvé qu'aucun des instruments génériques de mesure de la qualité de vie n'était adapté aux besoins de l'enfant en SPP.

Pourtant, la mesure de la qualité de vie suscite un intérêt croissant et constitue un critère d'évaluation dans de nombreux contextes cliniques. Cependant, dans les études sur les soins palliatifs, la qualité de vie peut devenir le principal ou le seul critère d'évaluation à prendre en considération (Fayers et Machin , 2008). Les résultats relatifs à la qualité de vie sont désormais communément appelés résultats rapportés par le patient (ou la personne) ( Patient reported outcomes measure s, PROs) afin de refléter plus largement tous les domaines mesurés, tels que la douleur, la fatigue, la dépression et les symptômes physiques, mais également des dimensions relationnelles, familiales, sociales et spirituelles (Scott et al ., 2023 ; Constantinou et al ., 2019).

Au-delà de ces difficultés, plusieurs équipes cliniques et de chercheurs tentent ces dernières années de développer des instruments de mesure pour évaluer soit la qualité de vie des enfants en SPP (Coombes et al ., 2022, Friedel et al ., 2021, Namisango et al ., 2019, Goldhagen et al ., 2016), soit la qualité des interventions en SPP dans différents domaines tels que l’oncologie pédiatrique (Ananth et al ., 2022), des enfants non-verbaux en neurologie (Pelke et al ., 2021), de la formation en SPP (Bogetz et al ., 2022 ; Chocarro González et al ., 2021), de l’économie par les études du rapport coûts/bénéfices des SPP (Bower et al ., 2022, Lo et al . 2022, Lysecki et al ., 2022, Chong et al ., 2018) et même de l’impact des SPP sur le sentiment d’efficacité personnelle des infirmières (Hamre et al ., 2022).

Les critères de qualité des soins palliatifs pédiatriques

Les soins palliatifs pédiatriques sont marqués par des ruptures, que celles-ci soient liées à la trajectoire de la maladie en passant d’une phase curative à une phase palliative, à des changements de lieu (du domicile à l’hôpital) et à la rencontre avec une multiplicité d’intervenants. Face à ces ruptures, une coordination et une continuité des soins semblent primordiale (Friedel, 2020). Les caractéristiques et critères de qualité de ces services assurant une continuité des soins « sans couture » (Friedel, 2014) sont variés (Widger et al ., 2019, Miller et al ., 2015 ; Kaye, 2015 ; Lichtenthal, 2015 ; Weaver, 2015 ; Niswander, 2014 ; Tay et al ., 2022, Zuniga-Villanuova et al., 2021) La gestion optimale de la douleur et des autres symptômes est une priorité dans les soins palliatifs pédiatriques. Pour y parvenir, il est essentiel d'avoir une équipe interdisciplinaire composée de professionnels de la santé, mais aussi de travailleurs sociaux, de psychologues et de bénévoles formés pour apporter un soutien émotionnel aux familles. Les familles doivent pouvoir accéder à un service de soins palliatifs pédiatriques 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Les soins doivent aussi être centrés sur les besoins de tous les membres de la famille, y compris les parents, les frères et sœurs et les grands-parents. Les soins palliatifs pédiatriques doivent par ailleurs être holistiques, c'est-à-dire qu'ils doivent prendre en compte les besoins bio-psycho-sociaux et spirituels de l'enfant et de sa famille. Une communication transparente avec les membres de la famille est essentielle pour établir une relation de confiance et un réel partenariat dans les processus décisionnels. Les familles doivent également être impliquées dans les décisions concernant le traitement et le lieu des soins. Il est nécessaire de rendre les services de soins palliatifs pédiatriques gratuits, intégrés dans le système de sécurité sociale. Les structures de soins palliatifs pédiatriques doivent en outre disposer du matériel et de l'équipement médical appropriés en fonction de l'état de santé de l'enfant et de ses besoins spécifiques. La planification anticipée des soins est un aspect crucial des soins palliatifs pédiatriques. Les familles doivent aussi avoir la possibilité d'accéder à des soins à domicile ou d'organiser le décès de leur enfant à domicile, si c'est leur souhait. Les familles doivent de même avoir accès à des structures de soins de répit pédiatrique. La coordination entre les différents services doit être structurée et efficace, en utilisant des outils de communication informatisés et en organisant des réunions de concertation régulières. Enfin, il est essentiel de proposer des services d'accompagnement au deuil aux familles, notamment aux fratries endeuillées et aux communautés scolaires.

En synthèse, les soins palliatifs pédiatriques de qualité doivent inclure l’accessibilité, la coordination, la flexibilité et l’individualisation des soins à l’enfant, à sa famille et aux autres proches significatifs. Ce sont ces attributs qui sont supposés soutenir la qualité de vie de l’enfant et celle des membres de sa famille. Pourrait-on appeler les soins palliatifs pédiatriques durables ces soins qui ont démontré leur efficacité et qui tiennent compte à long terme des ressources humaines, matérielles et organisationnelles ? Malgré les défis, l’évaluation de l’impact des soins palliatifs pédiatriques est nécessaire non seulement pour améliorer les soins individualisés aux enfants, mais aussi pour rendre crédible cette discipline encore souvent restreinte à un art intuitif et réduite à la phase de fin de vie. Évaluer ces soins peut contribuer à assurer les financements à plus long terme des services de soins palliatifs pédiatriques.

Les contributions à ce numéro

Ces dernières années ont été marquées par le développement des soins palliatifs pédiatriques. Néanmoins, dans une revue systématique recensant, à l’échelle internationale, sur l’offre de services, les auteurs montrent que ce sont les régions où les besoins de soins palliatifs pédiatriques sont les plus importants qui sont le moins bien desservies (Knapp et al. , 2011). Pour soixante-cinq pour cent des pays inclus dans l’étude, aucun service de soins palliatifs pédiatriques n’était recensé (Knapp, 2011). Une étude cross-sectionnelle publiée en 2017 estime qu’au niveau mondial 21 millions d’enfants devraient bénéficier d’une approche palliative tandis que 8 millions d’entre eux auraient besoin de recevoir des soins palliatifs spécialisés (Connor, 2017).

Dans une récente recension des écrits, Winger et al . (2020) soutiennent que la plupart des études interrogent le point de vue de mères et que peu d’entre elles s’intéressent au point du vue des enfants et à celui des pères.

En réponse à ces constats, il devient ainsi clair que la réduction des inégalités d’accès aux services de soins palliatifs pédiatriques doit passer par l’augmentation de la formation en SPP et par le transfert de connaissances vers les pays du sud. De plus, favoriser la parole de l’enfant et de l’adolescent gravement malades dans les études en SPP permettra de documenter leurs besoins selon leur propre perspective afin de développer des pratiques innovantes et spécifiques.

Ce numéro thématique portant sur les soins palliatifs pédiatriques est une occasion de faire connaître de telles pratiques innovantes, tant dans la recherche que dans la pratique en SPP. Certains articles permettent l’avancement du champ des soins palliatifs par la réflexion qu’ils stimulent.

D’abord l’article de Claude-Julie Bourque, Marta Martisella et Marc-Antoine Marquis partage une réflexion sur la culture interdisciplinaire, humaine et éthique dont sont témoins ces auteurs dans un centre hospitalier pédiatrique québécois. Claire Van Pevenage, Frank Devaux et Christine Fonteyne partagent une réflexion interdisciplinaire sur l’euthanasie chez les mineurs en Belgique. Après la législation de cet acte dans ce pays, quels apprentissages en faire ? Finalement, l’équipe de Brigitte de Terwangue propose une réflexion sur les demandes des parents pouvant être en dissonance avec le bien-être de l’enfant et qui conduit à une position délicate pour le soignant.

D’autres articles enrichissent le champ des soins palliatifs par de nouvelles connaissances issues de la recherche scientifique. Ainsi, les auteurs Fortin, Lajeunesse et Lessard proposent un regard critique sur l’expérience de familles montréalaises confrontées à la fin de vie d’un enfant malade. Les auteurs Barros Polita, de Montigny et Nascimento dressent un portrait de l’expérience des pères brésiliens d’enfants qui sont atteints d’une récidive de cancer. Pour terminer, Simard documente les étapes menant à l’élaboration d’un programme visant à renforcer la résilience chez les familles vivant en contexte d’éloignement et étant confronté à un cancer pédiatrique.