Abstracts
Résumé
Le terme « parentalité » connait une expansion importante dans les champs politique, sociologique et psychologique. S’il est aujourd’hui admis que le fait d’être parent engage des dimensions symbolique, juridique, psychologique et pratique, et peut donc prendre plusieurs formes, qu’en est-il des enfants? Comment définissent-ils ce qui fait famille, et quels sont les adultes qu’ils considèrent comme leurs parents? En particulier, dans des situations complexes, quelles dimensions les enfants mobilisent-ils pour se définir comme l’enfant d’un adulte ou d’un groupe? Tout comme la parentalité, l’enfantalité ne passe pas uniquement par la filiation biologique, mais également par des représentations, un quotidien partagé, un cadre juridique…Dans le cadre d’une recherche sur le devenir d’enfants ayant bénéficié d’interventions socioéducatives, nous avons rencontré vingt-trois enfants âgés de sept à douze ans. Du fait de leur parcours spécifique, ils connaissent des situations familiales variées : certains vivent avec leurs deux parents biologiques, d’autres, dans une famille monoparentale, recomposée, dans la famille élargie, dans une famille d’accueil… Leur discours met en évidence les enjeux liés à l’appartenance à plusieurs familles et à la nomination des différents protagonistes (l’enfant, ses parents, beaux-parents, grands-parents, parents d’accueil…), et permet d’esquisser un modèle de l’enfantalité. Dans certains cas, on pourrait être simultanément l’enfant de plusieurs parents ou de plusieurs familles, de différentes façons.
Mots-clés :
- Enfantalité,
- affiliation,
- appartenance familiale,
- nomination,
- enfant
Abstract
The term “parenthood” has taken on a wider sense within the political, sociological and psychological fields. If it is now agreed that the very fact of being a parent has acquired symbolic, legal, psychological and practical dimensions and can, thus, take several forms, what does this signify with regard to children? How do they define what they see as a family, and which adults do they consider to be their parents? More specifically, in complex situations, what factors do they draw upon in order to define themselves as the child of an adult or of a group? Like parenthood, infanthood is not based simply on biological affiliation, but is also built on representations, on a shared daily life, on a legal framework… Within the framework of a research activity concerning the future of children who have been the subject of socio-educational interventions, we met with twenty-three children between seven and twelve years old. Due to their specific pathways, they have gone through a range of family situations: some live with their two biological parents, others in a single-parent family, in a blended family, in the extended family, in a foster family… Their remarks underline the issues linked to the fact of belonging to more than one family and to the naming of the various players (the child, parents, step-parents, grandparents, foster parents…), and allow us to outline a model of infanthood. In some cases, it is possible to be at one and the same time the child of several parents or several families, but in different manners.
Keywords:
- Infanthood,
- affiliation,
- family affiliation,
- naming,
- child
Article body
Le terme « parentalité » connait une expansion importante dans les champs politique, sociologique et psychologique. S’il est aujourd’hui admis que le fait d’être parent engage des dimensions symbolique, juridique, psychologique et pratique, et peut donc prendre plusieurs formes, qu’en est-il concernant les enfants? Comment définissent-ils ce qui fait famille, et quels sont les adultes qu’ils considèrent comme leurs parents? En particulier, dans des situations complexes, quelles dimensions les enfants mobilisent-ils pour se définir comme l’enfant d’un adulte ou d’un groupe? Notre réflexion sur « l’enfantalité » s’est développée au cours de nos recherches auprès d’enfants dans des situations familiales diverses et parfois complexes. Elle est née de la nécessité de disposer d’un cadre permettant de prendre en compte la manière dont les enfants construisent leur identité d’enfants de tels ou tels parents, de telle ou telle famille, quel que soit le contexte de construction de cette famille.
En effet, au cours d’une recherche sur le devenir de familles monoparentales ayant été accueillies en centre maternel (centre d’hébergement mère-enfant accueillant des femmes enceintes ou accompagnées d’enfants de moins de trois ans dans le cadre de la protection de l’enfance), nous avons été amenée à rencontrer des enfants qui connaissaient des situations familiales variées, vivant avec leurs deux parents biologiques, dans une famille monoparentale, dans la famille élargie, dans une famille recomposée ou dans une famille d’accueil. Malgré la diversité des situations et des parcours de ces enfants, dont certains ont connu des conditions de vie et d’éducation particulièrement difficiles, dans leur discours sur leur réalité familiale apparaissaient des manières de se représenter la famille, de ce qui la fonde au quotidien, et la reconnaissance d’une identité parentale attribuée aux adultes qui les élèvent sans qu’il s’agisse toujours de leurs parents biologiques.
Après un détour par la notion de parentalité, nous interrogerons les notions d’appartenance familiale, d’affiliation et d’enfantalité au regard des recherches portant sur le vécu des enfants dans différents contextes spécifiques (enfants vivant dans des familles recomposées, des familles d’accueil ou des familles adoptives). Nous présenterons ensuite le contexte de notre recherche auprès de familles ayant été accueillies en centre d’hébergement mère-enfant ainsi que la méthodologie de l’enquête menée par entretien auprès de vingt-trois enfants. Puis, nous développerons les représentations de la famille et des relations parents-enfants à partir du discours des enfants. Cela nous permettra de préciser les dimensions de l’enfantalité et la place de l’enfant dans ce processus.
1. Émergence et usages sociaux de la notion de parentalité
Durant les trente dernières années, les transformations des relations entre hommes et femmes dans les sociétés occidentales ont entrainé le développement de travaux sur les formes de vie familiale et la paternité, avec l’émergence d’une notion en apparence asexuée, qui sera utilisée de manière diverse selon les disciplines : la parentalité. De manière aujourd’hui classique, on attribue la paternité de cette notion à la psychanalyste américaine Benedek (1959), qui crée le néologisme « parenthood » pour désigner le processus de développement psychoaffectif vécu par les deux parents au moment de la conception et de l’accueil d’un enfant. Au cours des années 1980 et 1990, des efforts de théorisation dans différentes disciplines permettront d’intégrer les divers aspects à la notion complexe et polysémique de parentalité. En France, à la demande du ministère de l’Emploi et de la Solidarité, un groupe de recherche composé de chercheurs et de praticiens et mené par le psychiatre et psychanalyste Didier Houzel travaillera à définir le concept de parentalité au cours des années 1990. En se basant sur l’étude de cas cliniques, le groupe de recherche dégagera trois axes composant la parentalité : l’exercice, l’expérience et la pratique. L’exercice de la parentalité correspond, d’un point de vue symbolique, « aux droits et devoirs qui sont attachés aux fonctions parentales, à la place qui est donnée dans l’organisation du groupe social à chacun des protagonistes, enfant, père et mère, dans un ensemble organisé et, notamment, dans une filiation et une généalogie » (Houzel, 1999). L’expérience de la parentalité renvoie à l’expérience subjective, affective et imaginaire, qui amène l’individu à devenir psychiquement parent. Enfin, l’axe de la pratique de la parentalité concerne les aspects concrets et observables de l’expérience parentale : soins, pratiques éducatives, interactions parents-enfants… Ce découpage en trois axes vise une meilleure compréhension du concept, mais ceux-ci restent intrinsèquement liés dans l’expérience des individus exerçant un rôle parental.
Martin (2004) souligne que le succès de ce terme dans le langage médiatique et politique est lié à la multiplication des positions parentales possibles autour d’un enfant, mais aussi aux inquiétudes suscitées par les transformations de la famille, vues parfois comme un effondrement du lien familial. Le discours sur la parentalité sert alors de discours d’ordre public, mettant l’accent sur la responsabilité des parents et la nécessité d’un soutien à la fonction parentale, notamment en milieu populaire, pour assurer l’éducation des enfants et prévenir délinquance et incivilité. On voit ici réapparaître une forme modernisée des pratiques sociales visant à encadrer et normaliser les pratiques familiales, dénoncées comme une véritable « police des familles » dans les années 1970 (Donzelot, 1977). Cette thèse est complétée par Pioli (2006), qui souligne que la rhétorique du « soutien à la parentalité » est traversée par deux logiques contradictoires : valorisation des compétences des parents, d’une part, et conception disciplinaire visant le maintien de la sécurité publique par le contrôle des enfants, par celui des parents, d’autre part. Dans les deux cas, l’ordre familial est vu comme une composante forte de l’ordre social, entrainant une focalisation sur l’enfant et sur la fonction parentale.
En 2007, Sellenet publie un ouvrage de synthèse sur la parentalité, dans lequel elle introduit la notion de « parentalisme », dérive moderne du processus de responsabilisation des parents, qui « affirme la primauté de la fonction parentale sur toutes les autres fonctions dévolues à un individu. Le parentalisme correspond à un transfert de la demande normative de la bonne famille (familialisme) – le couple marié et stable – vers les bons parents, ceux qui assureront à leurs enfants une bonne éducation et socialisation, quels que soient les modalités et les aléas de leur relation conjugale » (Sellenet, 2007). On retrouve dans cette définition les deux faces de la focalisation sur l’ordre familial (valorisation des compétences parentales et logique sécuritaire) évoquées auparavant.
Dans le champ du travail social, Fablet (2009) émet l’hypothèse que la diffusion massive du terme parentalité est essentiellement liée aux transformations des relations entre les professionnels et les familles, impulsées par des évolutions de cadre juridique, notamment dans le champ de la protection de l’enfance. Pendant longtemps, les services de protection de l’enfance ont privilégié la séparation et la mise à l’écart de la famille, jugée dangereuse pour l’enfant. Le développement des connaissances sur les conséquences des ruptures précoces a abouti à un changement de cadre juridique et à une transformation des pratiques professionnelles à l’égard des familles. Depuis le début des années 1980, c’est la logique du maintien des liens qui prévaut. Cette logique a toutefois donné lieu à des attitudes ambivalentes du milieu professionnel qui soulignent régulièrement les risques du maintien des liens. C’est dans ce contexte que des professionnels de la protection de l’enfance ont pu s’approprier peu à peu la notion de soutien à la parentalité, permettant non plus de se centrer sur les défaillances, mais au contraire sur les potentialités et les compétences des parents.
Ces avatars du terme de parentalité et les évolutions des rapports entre familles et institutions qui les sous-tendent concernent directement les enfants rencontrés au cours de notre recherche. En effet, ils ont commencé leur vie sous le regard de professionnels de la protection de l’enfance, dans le cadre d’un accueil en centre d’hébergement mère-enfant, dont l’objectif est de soutenir les mères dans leur rôle parental. Toutefois, si le point de départ de la recherche concernait la parentalité des mères en difficulté soutenues par les centres maternels, le choix de mener des entretiens non seulement avec les mères, mais aussi avec les enfants nous a amenée à rechercher d’autres concepts afin d’opérer un renversement des regards et de penser ces dimensions du point de vue des enfants. En effet, si les axes de la parentalité constituent un cadre utile pour décrire les relations des adultes avec un enfant, ils ne permettaient pas d’analyser la manière dont les enfants rendaient compte de la place des différents adultes et du rôle qu’ils leur reconnaissaient.
2. Affiliation, appartenance familiale et enfantalité chez les enfants en situation familiale complexe
Les transformations importantes de la famille amènent les enfants à connaitre des trajectoires familiales de plus en plus complexes, avec des recompositions familiales de plus en plus fréquentes (Marcil-Gratton et al., 2003; Ouellette, 2011). C’est surtout à partir des situations d’enfants vivant en familles recomposées, en famille d’accueil et dans une famille adoptive que les chercheurs se sont posé la question de ce qui « fait famille », de ce qui permet de se dire « enfant de tels parents ». Pendant longtemps, toutefois, on s’est attaché au point de vue des parents, ou des enfants devenus adultes, mais ce n’est que récemment que l’on voit se développer des recherches prenant en compte le point de vue de l’enfant, en échos aux mutations sociales de la place de l’enfant (Danic et al., 2006).
Dans l’une des premières recherches donnant la parole aux enfants, Montandon (1997) met en évidence les différentes dimensions du terme famille pour les enfants tout venant rencontrés, âgés de 11 ou 12 ans. Si les membres de la famille nucléaire sont toujours cités, près de la moitié des enfants évoquent des membres de la famille élargie, et nombreux sont les enfants qui élargissent cette notion également à des amis proches ou des personnes familières comme la femme de ménage, voire à leurs animaux de compagnie. La notion de famille est également reliée, pour ces enfants, à l’habitat, lieux d’intimité de la famille, et à la vie quotidienne et au climat dans lequel elle se déroule. Si les frictions fraternelles sont régulièrement évoquées, la famille est essentiellement considérée comme un lieu d’aide et de soutien.
De manière plus spécifique, certains auteurs ont exploré le vécu des enfants vivant en famille recomposée. Ainsi, Poittevin (2005) montre l’importance de la dimension de corésidence dans l’affirmation de la relation fraternelle, notamment à l’égard des enfants qui n’ont pas de lien biologique, mais qui vivent sous le même toit suite à la mise en couple de leurs parents (les « quasi-frères et soeurs »). Le langage courant ne disposant pas de terme clair, c’est en fonction du lien biologique, mais également d’un subtil équilibre faisant intervenir proximité géographique, affective et générationnelle que les enfants emploient les termes de « frère et soeur » ou « demi-frère, demi-soeur ». Les périphrases sont nombreuses : « pas vraiment ma soeur », « comme mon frère », pour désigner ces liens construits au fil du quotidien et des trajectoires conjugales des parents, sans s’enraciner dans le lien de filiation classique. Au sein de ces réseaux familiaux complexes, en présence de frères et soeurs germains, de demi-germains ou de quasi-germains ainsi que de beaux-parents, voire de « faux grands-parents », les enfants deviennent acteurs de choix électifs et ne vivent pas tous la même famille (Mietkiewicz et al., 2005).
En ce qui a trait aux enfants accueillis en famille d’accueil, les expériences semblent variées. Si certains enfants placés très jeunes en famille d’accueil se présentent comme les enfants de la famille d’accueil (Potin, 2009) et s’enracinent dans cette parenté (Cadoret, 1995), d’autres maintiennent une double appartenance, qui peut les mettre en difficulté (Mouhot, 2001). Dans la majorité des cas, au moment du passage à l’âge adulte, ces enfants sont amenés à choisir de maintenir le lien avec l’une ou l’autre famille (Dumaret et Coppel-Batsch, 1996; Mouhot, 2001). Les observations cliniques de Wendland et Gaugue-Finot (2008) montre que certains enfants, placés jeunes, vont effectivement s’affilier à la famille d’accueil sur le plan psychique, quand d’autres, souvent placés plus tardivement (après l’âge de trois ans), resteront affiliés à leur famille d’origine. Elles définissent l’affiliation comme « le fait de se reconnaître comme appartenant à une lignée, à une famille […], le processus par lequel l’enfant reconnaît ses parents en tant que tels. Dans ce processus, l’enfant n’est plus passif, héritier d’une filiation, mais actif, jouant sur le plan psychique une opération imaginaire et affective nécessaire à son équilibre » (Wendland et Gaugue-Finot, 2008).
Les jeunes vivant un placement rencontrés par Robin (2010) distinguent clairement « les parents géniteurs » et « les parents qui apprennent à faire les démarches dans la vie ». Les uns comme les autres peuvent être désignés tour à tour comme « les vrais parents ». Le placement dans une famille d’accueil crée des liens subjectifs, une parentalité additionnelle qu’il est difficile d’exprimer, car il n’existe pas de terme dans le langage courant pour désigner cette situation. Cadoret (2001) souligne également l’importance des petits gestes quotidiens pour marquer l’appartenance familiale, importance reconnue implicitement par l’administration de l’Aide sociale à l’enfance dans des documents de travail : « le tanner pour qu’il se lave les dents, le réveiller pour qu’il aille en classe et y arrive à l’heure, l’envoyer se faire couper les cheveux et le féliciter du résultat scolaire ou le déplorer », « le déroulement du goûter au retour de l’école, l’arrivée du père de famille chaque soir, les manières de mettre ou de débarrasser le couvert, les “tours” pour utiliser la salle de bains… » (Cadoret, 2001). Ces gestes quotidiens, ces manières de faire très concrètes viennent à la fois des familles d’accueil et des familles d’origine des enfants placés. Ils signent leur appartenance familiale, qui peut être multiple. Dans d’autres circonstances, Weber identifie également les différences existantes entre parenté pratique et parenté officielle, tant du point de vue de la prise en charge quotidienne que de l’affiliation symbolique, entendue comme la « transmission, légale et affective, des biens et des statuts » (Weber, 2006).
Le terme « enfantalité » est plus rarement employé. Il semble apparaître pour la première fois dès 1992, sous la plume de Pronovost, en introduction de l’ouvrage issu du colloque Comprendre la famille : premier symposium québécois de recherche sur la famille. Il est utilisé comme symétrique du terme de « parentalité » pour désigner l’expérience des enfants dans le cadre de l’évolution de la famille et des rapports parents-enfants. Toutefois, il semble peu repris par la suite.
La notion est proposée de manière beaucoup plus explicite en 2007 par Benghozi, dans son étude sur les liens entre parents et enfants adoptés : « Il y a la construction d’un devenir parent avec la reconnaissance d’être-parent pour cet enfant : la parentalité, et d’un devenir enfant avec la reconnaissance d’être-enfant pour ces parents : l’enfantalité. Ce sont deux formes de naissance de liens psychiques. La reconnaissance est reconnaissance de soi et reconnaissance de l’autre. Elle est aussi groupale, familiale et sociétale. Elle est naissance de soi par et pour l’autre » (Benghozi, 2007). Dans cette acception, l’enfantalité reste reliée essentiellement à l’expérience du lien psychique, par opposition au lien juridique de filiation. En effet, le but de Benghozi est d’interroger la spécificité du lien psychique d’adoption. Il souligne néanmoins l’intrication des dimensions juridique et psychologique, puisqu’il considère l’adoption plénière comme un « pacte de déni légal », contredit par la pratique aujourd’hui courante d’informer l’enfant de son adoption et de son histoire familiale singulière. Benghozi s’intéresse aux conflits de loyauté qui peuvent exister chez des enfants adoptés, entre la loyauté de filiation à leur famille d’origine et la loyauté d’affiliation à la famille adoptante, pris dans deux injonctions en apparence contradictoires : « je suis l’enfant de mes parents d’origine » et « je suis l’enfant de mes parents adoptants », et se demande s’il est possible d’être l’enfant de plusieurs parents, au-delà du couple biologique dont l’enfant est issu. La notion d’enfantalité permet donc d’élargir la perspective de l’affiliation, qui fait référence strictement aux aspects psychiques.
Ainsi, si on reconnait aujourd’hui la possibilité d’être parent sur différents axes, la place de l’enfant dans le processus de parentalisation reste pour l’instant simplement esquissée. C’est pourquoi nous avons souhaité nous baser sur les discours des enfants pour explorer leur expérience de l’enfantalité.
3. Présentation de la recherche
Cet article se base sur les entretiens menés auprès d’une population très spécifique d’enfants, à la suite d’une recherche sur les trajectoires de familles après un accueil en centre maternel. Cette recherche a été menée dans le cadre d’une thèse de sciences de l’éducation et a été soutenue par l’Observatoire national de l’enfance en danger. Après avoir décrit le contexte de ce type d’accueil, nous présenterons donc quelques résultats concernant les trajectoires ultérieures afin d’introduire l’enquête auprès des enfants.
3.1. L’accueil en centre maternel
Historiquement, les centres maternels français sont issus des établissements maternels apparus en Europe au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle afin de prévenir les abandons et de limiter la mortalité infantile (Boulbès, 2005). En France, depuis 1939, l'ouverture d'au moins une maison maternelle dans chaque département est obligatoire. La dernière réforme importante qui concerne ces établissements date de 1981. La mission aujourd’hui dévolue aux centres maternels, outre le soutien matériel, est d’apporter aux femmes accueillies « une aide éducative ou psychologique » et d’encourager « leur réinsertion sociale afin notamment de leur permettre de mieux se situer par rapport à la maternité, la sexualité, la vie en couple éventuellement; le cas échéant, de former un projet de vie pour leur enfant; de former et réaliser un projet d’insertion socioprofessionnelle[1] ». Au-delà de l’aspect matériel (hébergement, mais aussi accès à un mode de garde), le soutien psychologique et éducatif proposé touche à l’ensemble de la vie de la femme accueillie. Ces centres se distinguent nettement d’autres centres d’hébergement pour personnes sans domicile, car l’admission dans un centre maternel est subordonnée à l’accord de l’Aide sociale à l’enfance[2]. Les familles accueillies en centre maternel constituent un public considéré comme particulièrement à risque par les travailleurs sociaux de la protection de l’enfance. En effet, l’ensemble de la littérature indique que les familles concernées par une mesure de protection de l'enfance sont dans leur grande majorité issues des milieux défavorisés, et que les familles monoparentales sont surreprésentées (Velpry et al., 2000). Si la référence à la parentalité n’est pas citée dans le texte fondant les missions des centres maternels, aujourd’hui la plupart des établissements affirment proposer un soutien à la parentalité des femmes accueillies, avec l’ambiguïté soulignée plus haut entre soutien et contrôle, en focalisant les attentes sur le parent. Il s’agit d’observer et d’étayer une parentalité considérée comme « à risque ».
Au-delà de leur fonction parentale, ces femmes connaissent un grand nombre de difficultés : précarité socioéconomique, faible niveau scolaire, parcours de vie chaotique marqué souvent par des problèmes de santé, des violences physiques ou sexuelles durant l’enfance, l’adolescence et à l’âge adulte (Corbillon et Duléry, 1997; Wendland, 2011). D'autre part, les migrantes sont largement représentées, puisque 35 % des femmes accueillies sur l’ensemble du territoire sont titulaires d’une nationalité hors Union européenne (Mainaut, 2010). Au cours des années 1990, dans la région parisienne, un quart des résidantes étaient titulaires d’une nationalité du Maghreb ou d’Afrique noire (Donati et al., 1999). Au cours de nos propres recherches, nous avons pu constater que la moitié environ des femmes accueillies étaient des mineures ou des jeunes majeures (âgées de moins de 21 ans) en rupture familiale. La population des femmes adultes semble se répartir différemment en fonction des contextes locaux. Dans les départements confrontés à une forte population de migrants, on retrouve dans les centres maternels une forte proportion de femmes arrivées récemment sur le territoire français, originaires notamment d’Afrique subsaharienne. Dans d’autres départements, on accueillera davantage des femmes adultes originaires de familles à problèmes multiples, connues des services sociaux depuis longtemps. Dans la quasi-totalité des dossiers, on retrouve dans le parcours de vie de ces femmes des expériences de vie susceptibles de fragiliser les liens familiaux ou communautaires : violences familiales dans l’enfance de la mère, placement à l’Aide sociale à l’enfance, violences conjugales, migration, séparation avec des enfants aînés, problèmes de santé mentaux ou physiques (Ganne et Bergonnier-Dupuy, 2011).
Au moment de la sortie du centre maternel, 8 à 10 % des enfants accueillis en région parisienne font l'objet d'un placement à l'Aide sociale à l’enfance (DASES, 1994; Donati et al., 1999)[3]. Toutefois, il n’existait pas de données permettant de connaitre les parcours de ces enfants après la sortie. C’est pourquoi nous avons mis en place une recherche explorant les trajectoires de ces enfants après leur accueil, sur les dimensions familiales et résidentielles.
3.2. Résultats de la première phase de la recherche
La recherche menée s’intéressait aux processus de construction des parcours des enfants après un accueil en centre maternel. Une première partie de la recherche s’est attachée à analyser les trajectoires résidentielles et les interventions socioéducatives, durant sept à huit ans après la sortie (Ganne et Bergonnier-Dupuy, 2012). Cette étude a été menée à partir de l’analyse des dossiers sociaux d’environ 200 familles. Elle nous a permis d’identifier différents types de parcours possibles. Environ un tiers des familles connaissent une trajectoire résidentielle stable à partir de la sortie du centre maternel. La moitié des familles connait une période de précarité résidentielle importante (centres d’hébergement, vie à l’hôtel, hébergement chez des tiers…) dans les années qui suivent la sortie, mais finit par accéder à un logement stable, plus ou moins adapté aux besoins de la famille. Enfin, une famille sur six n’a toujours pas accédé à un logement autonome sept ans après la sortie, et dépend toujours de l’hébergement familial ou de centres d’hébergement. Plus du tiers des enfants connaitront des mesures de protection de l’enfance, soit dans le cadre de placements judiciaires, soit dans le cadre de mesures en milieu ouvert, avec de grandes variations en fonction du contexte local et du profil de la mère. Pour certaines dimensions, l’analyse des 200 trajectoires a été complétée par un questionnaire biographique mené auprès de 66 mères de famille dont le parcours résidentiel et socioéducatif était proche de la population initiale. Sur le plan familial, un tiers des mères a entamé une vie conjugale avec le père de l’enfant après la sortie du centre maternel (qui s’est soldé par une rupture dans les deux tiers des cas), un tiers des mères s’est installé avec un nouveau compagnon, et un tiers des mères n’a pas noué de nouvelle union. Les trois quarts des femmes enquêtées ont eu d’autres enfants après la sortie du centre. Ces éléments montrent la diversité des parcours et des recompositions que vont connaitre les enfants concernés par ces trajectoires[4].
3.3. Méthodologie de l’enquête auprès des enfants
À la suite de cette recherche sur les trajectoires, nous avons souhaité appréhender le regard subjectif des enfants sur ces situations. Dans ce cadre, nous avons rencontré vingt-trois enfants afin qu’ils évoquent avec nous leur parcours et leur vie quotidienne. Il s’agit des enfants des femmes rencontrées lors de la passation du questionnaire biographique pour lesquels nous avons pu obtenir à la fois l’accord de la mère et l’accord de l’enfant. Au moment de l’enquête, ces enfants étaient âgés de sept à douze ans. Les entretiens avec eux se sont déroulés en général au domicile de la famille. Les enfants placés ont été rencontrés dans différents contextes : au domicile de la famille d’origine dans le contexte d’une visite, au domicile de la famille d’accueil, ou dans les bureaux du service de placement. Le guide d’entretien portait sur les souvenirs du parcours ainsi que sur l’ensemble des dimensions de la vie quotidienne des enfants : vie familiale, scolarité, relation avec les pairs, relations sociales, loisirs, centres d’intérêt… Une grande marge de liberté était laissée aux enfants dans la conduite de l’entretien afin de rester au plus près de leurs préoccupations. De ce fait, les entretiens présentent un déroulement et un contenu très variés. La manière de mener et de relancer l’entretien a été adaptée au niveau développemental de nos interlocuteurs, en favorisant l’illustration, les exemples, les situations concrètes ainsi que l’expression de sentiments contradictoires le cas échéant. Les entretiens ont été intégralement enregistrés et ont fait l’objet d’une analyse de contenu thématique.
Ces enfants n’ont pas été sélectionnés spécifiquement par rapport à leur situation familiale, mais du fait de la grande variété des trajectoires possibles après un accueil en centre maternel, ils connaissaient des configurations familiales très variées : sept d’entre eux vivaient dans une famille monoparentale, six, dans une famille recomposée, cinq, avec leurs deux parents biologiques, quatre, en famille d’accueil dans le cadre d’un placement, et une enfant était accueillie chez ses grands-parents paternels. Du fait de la spécificité des difficultés des familles accueillies en centre maternel, les enfants rencontrés connaissent des trajectoires particulièrement marquées par l’adversité. Ils ne sont en aucun cas représentatifs de l’ensemble des enfants de leur âge. En particulier, les situations de monoparentalités dont il est question dans notre recherche concernent des femmes en grandes difficultés sociales (sans logement) ou personnelles (problèmes psychiques ou toxicomanie) qui ne reflètent bien sûr pas l’ensemble des situations de monoparentalité.
4. Résultats
L’analyse des entretiens avec les enfants a permis d’identifier plusieurs axes dans leur discours sur la famille et les relations avec les parents : les représentations de la famille, l’importance des moments partagés, les relations avec un parent non-gardien, et les enjeux liés à la nomination et à la désignation des différentes personnes de la constellation familiale.
4.1. Les représentations de la famille
Nous avons interrogé les enfants rencontrés sur les personnes appartenant à leur famille ainsi qu’à leur famille élargie. Spontanément, lorsqu’on leur demande de nommer les personnes de leur famille, la plupart des enfants interrogés nomment celles qui vivent sous le même toit : « maman, papa, ma grande soeur, ma petite soeur », « ma petite soeur, mon père et ma mère ». Dans ce contexte, le vocable « papa » désigne autant le père biologique que le nouveau compagnon de la mère. De la même manière, « frère » et « soeur » désignent parfois des germains, mais dans la population interrogée, il désigne plus souvent les demi-soeurs et frères nés de la nouvelle union de leur mère, et qui vivent sous le même toit. À l’inverse, les enfants qui ne rencontrent leur père biologique ou leurs demi-frères et soeurs que de manière épisodique ne les citent pas dans leur description de leur famille, alors qu’ils peuvent les évoquer par ailleurs.
Certains enfants élargissent spontanément leur description à des personnes de leur réseau familial qui ne vivent pas tous les jours avec eux, mais qu’ils voient très régulièrement et qui jouent un rôle dans leur quotidien : « Dans ma famille, il y a ma soeur Juliette5, mon petit frère Momo, y a maman, y a moi! Et il y a le petit ami à maman. » Certains enfants passent tous leurs week-ends avec leur mère dans la famille élargie, et citent spontanément les personnes qu’ils voient régulièrement : « Y a ma mère, y a mon père, y a ma soeur, moi, ma mamie, mon papi, mon oncle, ma cousine, mon cousin, encore mon oncle, et y a ma tante, mon neveu… Et c’est tout. Ah oui, aussi mon autre papi, mon cousin encore, il est pareil que moi. Et c’est tout. » L’autre papi et le cousin sont ajoutés à la fin pour ne pas léser l’une des lignées familiales, mais ne sont pas cités spontanément, car moins présents dans le quotidien de l’enfant.
Les enfants accueillis en famille d’accueil constituent une situation à part. Ils font plutôt référence à leur famille biologique, parfois réduite à sa plus simple expression (« maman ») ou se sentent obligés d’expliquer leur situation : « J’habite à Ville-Nouvelle (il s’agit du lieu d’habitation de la mère biologique), c’est grand, même j’habite au 12, euh non, au 11. J’habite des fois à Ville-Nouvelle et des fois je vais en famille d’accueil. »
Enfin, une des enfants, que nous appellerons Aurélie, est accueillie depuis l’âge d’un an chez ses grands-parents paternels en raison d’une décision de justice prise au moment de la séparation de ses parents. Elle continue de voir régulièrement sa mère, mais celle-ci connait de grandes difficultés sociales et n’est jamais parvenue à se stabiliser dans un logement. Au moment de l’enquête, la mère est accueillie dans un studio au sein d’un centre d’hébergement. Aurélie voit souvent son père également, bien qu’il n’habite pas au domicile des grands-parents. Par contre, ceux-ci continuent d’héberger deux de leurs fils aînés, dont un avec sa compagne enceinte. Lorsque nous lui demandons qui fait partie de sa famille, Aurélie cite les personnes suivantes : « Ma mamie, mon papi, ensuite y a mes quatre tontons, mes trois taties, mes trois cousins, j’en ai une qui va naître bientôt, au mois de janvier, j’ai encore une arrière-grand-mère. » Et lorsque nous lui demandons qui fait encore partie de sa famille, Aurélie ajoute : « deux demi-soeurs, mais c’est mes soeurs ». Ses parents, qu’elle rencontre régulièrement et auxquels elle est très attachée, ne sont pas cités comme faisant partie d’une famille. On peut donc faire partie d’une famille, mais être l’enfant de parents qui ne sont pas dans cette famille. La famille est ici constituée par le groupe quotidien de personnes qui vivent avec l’enfant.
Lorsque l’on pose la question de la famille plus large, les enfants citent facilement les grands-parents, oncles, tantes, cousins, cousines… Les parrains et les marraines sont régulièrement cités comme faisant partie de la famille, même lorsqu’il s’agit d’amis des parents. Il existe parfois un doute sur le statut de certaines personnes : « Magali… euh, est-ce que Magali, elle fait partie de ma famille? » Mais la famille peut aussi être élargie à d’autres relations affectives. Ainsi, un enfant parlant de sa meilleure copine me dit qu’il s’agit de sa cousine; une enfant parle de ses chats. Un enfant cite ses copains tout en ajoutant : « Enfin, eux, ils sont pas de ma famille! » Le lien affectif est nécessaire pour être intégré dans la famille élargie : « Ma marraine, son petit copain, mais c’est pas notre parrain, maman, elle le connait à peine. » Les personnes que l’on connait à peine sont exclues de cette définition, quel que soit leur statut au sein de la parenté. Les enfants jouent donc un rôle actif dans la définition des contours de leur constellation familiale.
4.2. Les moments partagés
Les enfants parlent de leurs relations avec les adultes en position parentale en évoquant les moments qu’ils partagent ensemble : les moments plaisants, les moments forts comme les vacances ou les sorties en famille, mais aussi les moments concrets du quotidien domestique. Les sorties et les jeux en famille sont plébiscités par l’ensemble des enfants rencontrés : « Ce que j’aime bien de faire avec eux, me promener avec eux, par exemple, pique-niquer dans une petite forêt, faire plein de jeux… Voilà, des petits trucs comme ça! » « Des fois, avec notre famille, on bouge, par exemple à la piscine, à la base de loisirs, des trucs comme ça… »
Ces sorties et ces jeux communs sont vus explicitement comme un support à la relation et à l’échange avec les parents et les frères et soeurs. Ils peuvent aussi servir à instaurer une relation privilégiée avec l’un des parents : « Avec ma maman, on est allées voir Là-haut au cinéma. Je voulais y aller que avec elle, parce que c’est vrai que je lui pose pas beaucoup de questions, qu’elle me parle pas vraiment. » « J’ai dit à papa : on peut jouer, il a dit : tout à l’heure. Après, on a joué à ça. Ça me plaisait. J’ai dit : je veux rejouer, donc, il a dit : la prochaine fois aussi, on peut. » Toutefois, les enfants ont peu de prise sur la répartition temporelle de ces moments, et la plupart souhaitent davantage de temps d’échanges et de sorties avec leurs parents.
Dans tous ces temps partagés, le récit des enfants montre la part active qu’ils prennent dans la relation et le contenu qu’ils lui donnent. Ainsi, les corvées domestiques peuvent bien sûr être vues comme une contrainte, mais elles peuvent également être prises comme les signes discrets d’une appartenance familiale, d’autant plus lorsque la place de l’enfant auprès de ces adultes n’est pas assurée. Ainsi, Chantal, qui vit aujourd’hui avec ses deux parents biologiques, a été régulièrement confiée au cours de ses premières années à une voisine faisant office de nounou non déclarée, rétribuée directement par les parents. Durant une année, Chantal a même dormi chez la nounou et non chez ses parents. Il s’agit ici d’une situation de confiage informel, qui illustre l’importance des pratiques de circulation d’enfants. Chantal explique qu’à cette période de sa vie, elle préférait être chez sa nounou plutôt que chez ses parents. Elle évoque sa place au domicile de sa nounou en affirmant : « Je me sentais comme chez moi parce que je faisais la vaisselle, donc voilà, je me sentais chez moi. » De la même manière, Marc, accueilli en famille d’accueil, affirme que ce qu’il aime faire le mercredi, c’est « aider à ranger les courses », « ranger le lave-vaisselle ». Ces activités quotidiennes signent l’appartenance des enfants à une maison, à un foyer, et à une famille.
4.3. La régulation des visites avec les parents non présents au domicile
À l’inverse, les temps de visite déconnectés d’un quotidien domestique semblent difficilement investis. Parmi les quatre enfants placés en famille d’accueil, l’un dit qu’il souhaiterait pouvoir passer plus de temps avec sa mère. Les trois autres semblent plus affiliés à la famille d’accueil qu’à leur famille d’origine. Les temps de visite sont encadrés par les services de l’Aide sociale à l’enfance et les décisions judiciaires, et les enfants n’ont qu’une faible prise sur cette organisation.
Dans les familles recomposées, les relations avec le père non-gardien sont très variables en fonction des enfants. La plupart semblent investir le compagnon de la mère comme le père « au quotidien », en ayant toutefois connaissance de la situation. Parmi les enfants vivant en situation de monoparentalité que nous avons rencontrés, une grande partie avait été auparavant exposée à la violence conjugale[6]. La plupart de ces enfants refusent d’évoquer leur père biologique, qui n’est plus considéré comme faisant partie de la constellation familiale. Certains évoquent les sentiments ambivalents qu’ils entretiennent à l’égard de leur père dans cette situation : « On l’a pas vu, parce qu’on devait aller voir le juge, parce qu’en fait, depuis qu’ils ont divorcés, il fallait qu’on voie le juge, et comme, lui, à chaque fois, il mentait pour pas aller voir le juge, on l’a pas vu. Il a menti. » « Je suis quand même contente de le voir, mais je veux dire… sinon il me déçoit beaucoup, parce qu’il emploie pas vraiment toutes les règles qu’il faut, qui ont été mises par le juge… » Là encore, dans ces situations, le juge intervient comme instance extérieure régulant les relations parents-enfants, qui sont clairement différenciées par les enfants des relations familiales qu’ils entretiennent avec les personnes qui partagent la même résidence qu’eux.
4.4. Les enjeux liés à la nomination et à la désignation des membres de la famille
La question de la désignation des différents membres de la constellation familiale est apparue comme une donnée centrale dans l’analyse des entretiens avec les enfants. En effet, elle met en évidence la complexité des situations et l’absence de termes adéquats, mais également les choix des enfants qui, par l’emploi des termes « maman » et « papa », « ma mère », « mon père » (s’appliquant parfois à plusieurs adultes différents), sont acteurs dans la désignation des adultes dont ils se considèrent les enfants.
4.4.1. Marc et ses deux mamans
Marc est âgé de 9 ans au moment de l’enquête. Il est placé en famille d’accueil depuis sa sortie du centre maternel, alors qu’il n’avait que quelques mois. Sa mère biologique connait d’importants problèmes psychiques, il la rencontre plus ou moins régulièrement, en fonction de l’évolution de son état. La situation de Marc au regard de la filiation est particulièrement complexe : en effet, il a été reconnu dès sa naissance par le compagnon de sa mère, que nous appellerons M. Martin, père d’une première enfant avec elle, sans que ce compagnon soit le père biologique de Marc. Par la suite, le couple s’est séparé, Madame s’est mariée avec un autre homme, mais a divorcé quelques années plus tard. Au moment de l’enquête, elle venait de se remarier avec M. Martin et avait pris son nom.
Marc vit donc dans la même famille d’accueil depuis son tout jeune âge et semble avoir bien investi son placement. Nous avons déjà évoqué l’importance de la participation aux gestes concrets et aux tâches ménagères quotidiennes d’un foyer pour Marc. Cela se conjugue avec l’emploi du terme « maman » : « aider maman, aider à ranger les courses avec maman ». Il précise ensuite que c’est son assistante familiale (« nounou ») qu’il appelle maman dans ce contexte. Au cours de l’entretien avec Marc, qui a eu lieu dans les locaux du service de placement, un échange en présence de l’éducatrice qui suit Marc donne à voir les enjeux autour des termes employés pour désigner les membres de sa famille d’accueil et de sa famille biologique.
Intervieweur : Et là, quand tu dis que tu vas voir maman, c’est nounou ou…?
Marc : Maman au PF7.
Éducatrice : Alors je traduis, maman au PF, c’est sa maman. Mais sinon, c’est la nounou. Tu vois, comme quoi quand je te dis que c’est important, quand tu… si toi, tu dis « maman », pour nous, ta maman, c’est madame Martin. Tu vois ce que je veux dire? Et quand tu vas à l’extérieur et que tu parles de ta maman, ben, tout le monde va penser que c’est ta maman, la dame qui t’a porté dans son ventre, et que ça peut pas être madame Durand, qui est ta tatie. Tu vois? Ça m’étonne pas.
Intervieweur : À la maison où tu habites, avec nounou, il y a qui?
Marc : Nounou, Marine, tonton et moi…
Éducatrice : D’accord. Et Marine, c’est qui?
Marc : Euh… comme ma soeur. Et Aurélien, c’est comme mon frère. Et ma nounou, c’est comme… c’est comme ma maman, et mon tonton, c’est comme mon papa.
Éducatrice : Cette fois-ci, c’est juste.
Intervieweur : Et alors, dans ta famille, y a qui?
Marc : Stéphanie, madame Martin…
Éducatrice : Tu l’appelles madame Martin?
Marc : Maman et papa. Stéphanie et moi. Et mon petit frère, Yanis.
C’est sous la pression de l’adulte que Marc va décrire sa situation familiale en réservant les termes « maman » et « papa » à ses parents d’origine, alors qu’il les emploie spontanément à la fois pour ses parents d’accueil et pour ses parents d’origine. Ne trouvant pas de terme adéquat, il est contraint d’utiliser une périphrase pour évoquer la place de ses parents d’accueil et de Marine, une autre enfant accueillie dans la même famille depuis plusieurs années. Pour parler de sa mère biologique, il parle de « maman au PF ». Il montre ainsi qu’il a parfaitement repéré le système au sein duquel il évolue, et que l’emploi du terme « maman » procède d’un choix affectif et non d’une confusion. Afin de se conformer à ce qu’il pense que les adultes attendent de lui, il appelle sa mère d’origine par son nom de famille actuel (soit le nom de son père légal), mais l’éducatrice lui rappelle que ce n’est pas ce qui est attendu d’un enfant. Marc semble clairement dans un processus d’affiliation à sa famille d’accueil. Cela ne l’empêche pas de savoir qui sont ses parents d’origine. C’est le regard social sur son expérience d’enfant et la faiblesse du vocabulaire disponible qui le contraignent à réserver le terme « maman » à sa mère d’origine, et non une difficulté de repérage de sa part.
Au-delà de l’utilisation du terme « maman », les enjeux liés aux noms de famille, s’ils apparaissent dans son parcours, n’ont pas été abordés directement par Marc. Parmi les enfants rencontrés, les situations d’incertitude quant à la transmission du nom de famille sont nombreuses. L’exemple d’Aminata est particulièrement intéressant à ce titre.
4.4.2. Aminata : « pas vraiment mon père, mais mon vrai père quand même »
Aminata a été reconnue par son père biologique et porte son nom de famille, mais elle ne le voit que de façon très épisodique. Elle vit avec sa mère, d’origine africaine, et son beau-père, d’origine française, depuis plusieurs années. Elle a une demi-soeur cadette née de cette union. Au cours de l’entretien, Aminata parle de « papa », « mon père », en faisant référence à son beau-père. De plus, à plusieurs reprises, elle évoque son souhait d’être métisse, comme sa soeur.
Aminata explique cette envie d’être métisse de la manière suivante :
Aminata : En fait, ma mère, avant, elle avait un autre… fiancé on va dire, et c’est mon vrai père, ils sont pas mariés, et ils ont pas vraiment divorcé, mais ils se sont séparés, et donc maintenant, j’ai mon beau-père.
Intervieweur : D’accord. Et c’est lui que tu appelles papa.
Aminata : Oui. Parce que mon vrai père, je le vois pas du tout souvent. Ça va faire bientôt deux ans que je l’ai pas vu. Parce que quand on me demande si c’est vraiment ma soeur, je leur dis oui, et on me dit toujours : « Ah, elle te ressemble pas, elle te ressemble pas! »
Intervieweur : On te dit ça?
Aminata : Beaucoup de personnes. Je sais pas, par exemple ceux qui sont dans ma classe. J’aimerais aussi changer de prénom. Ma mère, elle a dit que peut-être cette année, on va me changer de prénom. Parce qu’en fait, ma tante qu’habite à Chicago, elle a le même prénom que moi. Et en fait, elle a dit qu’elle regrette de m’avoir donné ce prénom, parce qu’elle aime pas trop. Enfin, c’est pas qu’elle aime pas trop, mais enfin, elle veut pas que je m’appelle comme ça. Et elle veut aussi me changer de nom de famille. Parce qu’elle veut que mon beau-père soit mon vrai père. Enfin, pas vraiment mon père, mais mon vrai père quand même. Et puis aussi parce que je voulais pas être la seule Coulibaly, parce que dans ma famille, ma mère, c’est Diallo, et mon père et ma soeur, c’est Dubois. Et donc, si ma mère, elle se marie avec mon père, elle va être Dubois, et moi, je serai Coulibaly et ça sera… enfin, je serai la seule à avoir ce nom de famille-là dans la famille.
Les enjeux liés à la transmission au sein de la famille apparaissent clairement autour de la question du métissage et de la nomination. Tant que trois noms de famille différents sont présents dans la famille, la situation semble acceptable pour l’enfant. Toutefois, si les parents se marient et que la mère prend comme nom d’usage le nom de famille du beau-père, Aminata deviendra « la seule Coulibaly », la seule exclue d’un nom de famille qui regrouperait toutes les personnes importantes pour elle au quotidien. Avoir un nom de famille différent dans la famille, s’il ne rattache pas l’enfant à une autre lignée significative pour lui, peut être vécu difficilement. On voit dans l’exemple d’Aminata que l’enfant n’est pas la spectatrice passive des choix des adultes. Elle réclame elle aussi un changement de nom de famille, pour faire clairement partie de cette cellule familiale recomposée et pour que son beau-père devienne « pas vraiment son père », mais son « vrai père ».
La situation d’Aminata met également en évidence la pluralité de significations du vocable « père », puisqu’on retrouve dans son discours trois emplois possibles du terme : celui qui a permis la naissance (le père biologique), celui qui transmet son nom (le père légal), celui qui élève l’enfant au quotidien (le père social[8]). Son discours, sans doute influencé par celui de sa mère, adopte le point de vue social dominant : son beau-père deviendra son vrai père le jour où il lui transmettra son nom. C’est le cadre juridique qui donnera une existence « véritable » au lien de filiation. Pour autant, ce lien entre Aminata et son beau-père, ni filiation ni affiliation stricte, apparaît déjà dans le discours d’Aminata sur son quotidien en famille. Elle parle en effet du caractère de son père : « Il est gentil sauf qu’il crie beaucoup », de l’organisation du quotidien, des sorties en famille. Lorsqu’elle se projette dans une vie adulte avec des enfants, elle explique qu’elle fera « comme papa et maman ». Toutefois, les termes courants manquent à l’enfant : ce beau-père qui transmettrait son nom deviendrait « pas vraiment » son père, mais son « vrai père quand même ». S’il est difficile de s’y retrouver en matière de vocabulaire, la situation en elle-même semble assez claire pour Aminata.
Discussion
Les sociétés occidentales sont très focalisées historiquement sur le modèle de la famille nucléaire. Le concept de parentalité a permis d’envisager l’idée que plusieurs adultes puissent exercer des fonctions parentales auprès d’un enfant. Néanmoins, l’idée qu’un enfant peut se vivre comme l’enfant de plusieurs adultes à la fois reste à explorer. En effet, l’enfantalité se distingue de l’affiliation; comme la parentalité, l’enfantalité ne peut pas se résumer à la part de projection psychique d’un enfant par rapport à sa famille. Nos premières analyses montrent que les dimensions qui semblent avoir du sens pour les enfants sont notamment la transmission du nom comme marque d’inscription familiale, le partage des activités concrètes quotidiennes ainsi que la possibilité d’envisager distinctement des relations familiales et des relations parentales. Cela confirme les analyses de Poittevin (2005) et Mietkiewicz et Schneider (2005) : l’enfant est bien acteur à part entière dans le processus de définition des places de chacun dans la constellation familiale.
Les enjeux liés à la nomination illustrent bien ce processus. Dans l’ensemble de la population, les assouplissements législatifs et l’augmentation des recompositions familiales modifient la logique de la transmission du nom de famille : celui-ci n’est plus aussi contraint, et la génération des enfants n’a plus à recevoir un nom, sans choix ni discussion possible, les parents ayant à décider le nom le plus approprié pour leur avenir (Schmit et Eutrope, 2012). Comme dans l’ensemble des processus de transmission, l’enfant n’est pas le récepteur passif de la transmission des adultes, mais un acteur qui investit ou non ce qui lui est transmis et les modifications susceptibles d’être proposées.
Toutefois, cette relative symétrie entre les axes de la parentalité et les dimensions de l’enfantalité ne doit pas masquer des différences importantes, liées à l’asymétrie des places et du développement entre adulte et enfant. Cette asymétrie est déjà présente dans les termes : le vocable « enfant » répond à celui de parent, mais il répond aussi à celui d’adulte. La définition de l’adulte ne se limite pas à la parentalité. De même, on connait aujourd’hui l’importance de l’école et du groupe des pairs dans l’expérience de l’enfant, mise de plus en plus en évidence par la sociologie de l’enfance. Il faut donc entendre le terme « enfantalité » comme répondant à l’expression « enfant de », et non comme englobant l’expérience de vie d’un enfant. Toutefois, l’expérience d’être « l’enfant de » ne se résume pas à « être la fille ou le fils de », c’est-à-dire à l’expérience d’une filiation (juridique) et d’une affiliation (psychologique et symbolique) : dans la construction du sentiment d’être l’enfant d’une famille, le partage du quotidien (qui répond en quelque sorte à la pratique de la parentalité) est également fondamental, y compris lorsqu’il ne semble pas entrainer une réelle affiliation psychologique ou symbolique.
Cependant, les enfants sont contraints, pour relater leur expérience, d’employer le vocabulaire à leur disposition : ils doivent ainsi faire coïncider leur expérience avec les catégories des adultes, et l’on voit bien, avec l’emploi important des périphrases « comme ma maman », « pas vraiment mon père », « mon vrai père », « ma maman au PF », que cela est parfois difficile, car certains d’entre eux font l’expérience concrète d’une enfantalité plurielle.
L’autre point d’asymétrie est la distinction qui semble se faire jour, pour les enfants ayant des relations avec des parents non-gardiens (père ou mère) du fait de visites ponctuelles, entre relations familiales et relations aux parents. Dans cette perspective, les notions d’appartenance familiale et l’affiliation font surtout référence au vécu de l’enfant par rapport à la famille, entendue ici comme le groupe humain dans lequel ils évoluent au jour le jour. Elles ne permettent pas nécessairement de saisir la place qu’occupe l’enfant dans les relations avec ses parents. L’expérience de l’enfantalité comprend donc le vécu quotidien familial, mais aussi la place dans les relations parents-enfants à l’extérieur du domicile.
L’enfantalité pourrait ainsi se définir comme un processus au cours duquel l’enfant construit son expérience d’enfant à travers le partage concret d’un quotidien domestique, des projections concernant les places et les rôles de chacun (et c’est particulièrement le cas pour le parent non-gardien), des enjeux symboliques autour de la nomination et de la désignation de chacun des membres de la famille, et des enjeux juridiques qui régulent plus ou moins explicitement les relations. Cette articulation avec le juridique et les normes pratiques distingue l’enfantalité de l’affiliation : il s’agit d’une expérience plus large, qui englobe toutes les dimensions de l’expérience d’enfant (entendu comme « enfant de ») et non uniquement les dimensions psychologique ou même symbolique de l’affiliation à un parent. Elle interroge également l’articulation entre relations enfant-famille et relation enfant-parent, quand l’affiliation reste centrée sur l’analyse de la relation entre un adulte et un enfant. Ainsi, en élargissant la focale et en adoptant délibérément la perspective de l’enfant, la notion d’enfantalité permet d’analyser les processus intrafamiliaux en prenant en compte tout ce qui constitue la constellation familiale du point de vue de l’enfant, et notamment l’ensemble des liens biologiques, juridiques, symboliques et résidentiels. Cette perspective pourrait être particulièrement heuristique pour étudier la famille du point de vue des enfants suivis en protection de l’enfance, mais également pour prendre en compte l’expérience d’enfants confrontés à des situations de confiage informel, comme les enfants fosterés (Kamga et Tillard, 2013).
Les enfants semblent repérer clairement ces enjeux et ces places spécifiques, mais sont parfois gênés pour exprimer ces nuances en mots : en effet, les termes « père », « mère », « parents », « frères », « soeurs », « cousins », « cousine » et bien sûr « famille » peuvent être polysémiques et désigner des personnes différentes en fonction du contexte d’énonciation. Toutefois, comme Robin (2010), nous pensons qu’il s’agit plus de difficultés liées à l’inexistence de vocables appropriés qu’une difficulté de repérage des enfants dans ces situations complexes. Développer davantage l’étude de l’enfantalité pourrait soutenir la reconnaissance que les enfants peuvent être simultanément, sur différentes dimensions, « l’enfant de » la famille d’accueil, « l’enfant de » leur mère et « l’enfant de » la famille élargie; ou bien l’enfant de leur beau-père et de leur père, de manière différente.
Conclusion
Discutant le néologisme de parentalité et l’idéologie de « parentalisme » qui peut le sous-tendre, Messu affirmait en février 2008 que l’on pouvait s’attendre à l’éclosion de son « pendant structural », l’enfantalité (Messu, 2008). En effet, de la même manière que le terme « parentalité » insiste sur la figure parentale, son emploi met l’enfant en position d’acteur dans la construction de la famille. On peut l’envisager comme un risque, psychique et social, de faire porter à l’enfant une très lourde responsabilité dans la définition de la famille. On peut aussi y voir la possibilité de mieux comprendre la perspective des enfants eux-mêmes face aux reconfigurations importantes de la famille contemporaine : la notion d’enfantalité invite finalement à multiplier les recherches sur la famille à partir du point de vue des enfants, indépendamment des catégorisations des adultes sur les différentes configurations familiales.
De la même manière que la parentalité peut se décliner sur différentes dimensions, l’enfantalité, le fait de se reconnaitre comme l’enfant d’un adulte donné, ne passe pas uniquement par la filiation biologique, mais également par des représentations imaginaires, un quotidien partagé, un cadre juridique… On peut donc être simultanément l’enfant de plusieurs parents, de différentes façons. Aux situations de « parentés plurielles » (Cadoret, 1995) correspondent ainsi des situations d’enfantalité plurielles. Reconnaitre ces situations et la place active que les enfants prennent dans ce processus permettrait de considérer leur expérience à sa juste valeur, de reconnaitre leur capacité à se repérer dans des situations multiréférencées et de leur donner des outils pour mieux exprimer leur vécu.
Appendices
Notes
-
[1]
Circulaire n° 81/5 du 23 janvier 1981.
-
[2]
L’Aide sociale à l’enfance est l’administration responsable de prendre en charge les enfants dont les parents ou les titulaires de l’autorité parentale sont disparus ou défaillants. Depuis 1982, elle constitue une compétence des conseils généraux. L’Aide sociale à l’enfance, régie par le Code de l’action sociale et des familles, a cinq missions : apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique aux mineurs, à leurs familles, aux mineurs émancipés et aux majeurs de moins de 21 ans confrontés à des difficultés familiales importantes ; organiser des actions pour prévenir la marginalisation, faciliter l’insertion ou la promotion sociale des jeunes et de leurs familles ; prévenir les mauvais traitements à l’égard des mineurs ; répondre à l’urgence pour la protection des mineurs ; orienter et prendre en charge les mineurs qui lui sont confiés. Elle dispose pour remplir ces missions de quatre moyens d’action : les aides financières, les aides à domicile, l’accueil des enfants placés sur demande des parents ou du juge, et l’accueil temporaire des femmes enceintes et jeunes mères isolées. Le financement du séjour en centre maternel est assuré par l’Aide sociale à l’enfance pour une durée de six mois. Cette prise en charge peut être renouvelée jusqu’à ce que l’enfant atteigne l’âge de trois ans.
-
[3]
En dehors de nos propres recherches, il n’existe pas de références plus récentes concernant le taux de placement à la sortie des centres maternels. Sur la difficulté d’observation du dispositif français de protection de l’enfance, voir Fréchon, 2006.
-
[4]
Les résultats détaillés de l’analyse des trajectoires peuvent être consultés dans le rapport de recherche remis à l’Observatoire national de l’enfance en danger (Ganne et Bergonnier-Dupuy, 2011) ainsi que dans un article spécifiquement dédié à l’analyse des trajectoires résidentielles et socioéducatives (Ganne et Bergonnier-Dupuy, 2012).
-
[6]
Nous rappelons ici que les enfants rencontrés ont des parcours particuliers, en effet, ceux-ci ont été pris en charge avec leur mère dans des centres d’hébergement, et qu’ils ne sont absolument pas représentatifs de l’ensemble des enfants vivant dans un foyer monoparental.
-
[8]
Martins (2010) propose la notion de paternité sociale pour décrire la situation des hommes, beau-père de familles recomposées ou père d’accueil pour des enfants placés, qui s’investissent auprès des enfants sans avoir de lien juridique avec eux.
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