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Le thème de la migration des jeunes est un sujet aujourd’hui bien investi par les recherches scientifiques dont l’intérêt se retrouve aussi bien dans les pays occidentaux industrialisés que dans les sociétés en émergence comme le prouve l’une des dernières livraisons de Annals of the American Academy of Political and Social Science, intitulée précisément « Youth migration and transitions to adulthood in developing countries » (Juarez et al., 2013).

La migration se définit ici comme une mobilité géographique, avec installation résidentielle habituelle, dans une autre localité que celle où le jeune habitait avec ses parents[1]. On peut distinguer plusieurs types de migration selon l’échelle de déplacement considérée et la réalité qu’elles traduisent. Il y a des migrations intrarégionales, interrégionales et internationales[2]. Également, les raisons de ces migrations sont multiples. La migration juvénile se décline ainsi en migration pour études, en migration professionnelle, en migration pour l’expérimentation de nouveaux modes de vie (liés à la vie conjugale ou non) (Gauthier et al., 2003).

Pour les chercheurs engagés dans ces recherches, il s’agit de mesurer et de comprendre ces comportements migratoires, les raisons des déplacements et les effets sur les parcours d’insertion sociale et professionnelle des jeunes.

La jeunesse est considérée à la fois comme une période de transition et d’insertion. S’intercalant entre l’adolescence et l’âge adulte, elle représente une transition de vie où les individus apprennent « à faire des choix, assumer des responsabilités, bref prendre leur place dans la cité » (Gauthier et Laflamme, 2009 : 2), à s’insérer socialement.

Dans le contexte des sociétés occidentales d’aujourd’hui, cette période de la vie tend à s’étirer du fait à la fois d’un allongement de la période consacrée aux études et de l’incertitude des parcours d’insertion professionnelle et familiale. L’insertion professionnelle est souvent progressive et les contrats de travail précaires; l’insertion familiale se fait également à petits pas : entre le jeune chez ses parents et le couple installé dans son logement, il existe des expériences de vie solitaire, de colocation, de couple chez les parents, etc. Si cette période de la vie peut être généralement caractérisée par la quête de l’autonomie personnelle et de l’exploration identitaire, elle regroupe néanmoins des sous-catégories d’âge aux enjeux différents. On reconnaît aujourd’hui une nouvelle étape de la jeunesse, celle de l’émergence de l’âge adulte (18-25 ans) (Arnett, 2004), qui est une forme de « semi-dépendance » (Van de Velde, 2008), et le résultat d’une tension entre une recherche d’autonomie personnelle et des conditions matérielles et financières, qui maintiennent les jeunes encore largement dépendants de leur famille. Ensuite, la période « jeune adulte » (25-30 ans) caractérise la prise des engagements parentaux, conjugaux et professionnels et la période d’entrée dans l’âge adulte se terminerait au début de la trentaine (30-35 ans) (Gaudet, 2007).

La mobilité géographique marque sensiblement les cheminements des jeunes vers l’âge adulte et l’insertion sociale et professionnelle. Les « étapes » du devenir adulte – l’arrêt des études et le début de la vie professionnelle, le départ du foyer parental et la mise en couple – s’accompagnent d’une forte probabilité à la migration. La mobilité apparaît intrinsèquement liée à l’axe familial (départ du foyer familial et mise en couple), et être la condition même du passage (Flipo, 2013).

Des migrations juvéniles aujourd’hui plus nombreuses qu’auparavant

Les jeunes multiplient les expériences de mobilité géographique. Ce n’est certes pas un phénomène nouveau, mais il a pris de l’importance chez les jeunes adultes au cours des dernières décennies.

Dans le tome 1 du Regard sur… Jeunes et dynamiques territoriales, Serge Côté (2008) propose une utile comparaison entre deux grands sondages québécois qui ont exploré les différents aspects de la migration des jeunes[3], l’un datant de 1999 et l’autre, de 2004. Le constat le plus marquant est sans aucun doute l’augmentation du phénomène de mobilité géographique chez les jeunes à l’intérieur de la province. Cette évolution est précisément concomitante avec le développement et l’allongement des études supérieures. On retrouve ce même phénomène en Europe. En France, par exemple, les travaux de Myriam Baron et al. (2003, 2005) indiquent également que les études puis l’insertion professionnelle provoquent des trajectoires de mobilité à l’intérieur du cadre national. Avec l’augmentation importante des effectifs étudiants depuis les années 1990, ce phénomène n’a rien d’étonnant. À l’échelle européenne, la migration internationale s’est également intensifiée, notamment d’est en ouest, de la part de jeunes Est-européens en poursuite d’études ou en phase d’insertion professionnelle (Flipo, 2013).

Ces phénomènes migratoires se sont intensifiés à tel point qu’ils ont suscité l’inquiétude des pouvoirs publics de certaines zones géographiques, rurales en particulier. Quel que soit le pays considéré, il apparaît que les déplacements géographiques des jeunes en phase d’insertion sociale et professionnelle convergent majoritairement vers les centres urbains d’importance, là où se situent des établissements d’enseignement supérieur et où les propositions d’emploi sont plus nombreuses. Au Québec, le terme « exode des régions » a souvent été utilisé pour décrire cette mobilité et traduit un problème crucial. Dès le début des années 1990, les pouvoirs publics attiraient l’attention sur la migration des jeunes de 15 à 34 ans, des zones rurales vers les centres urbains, ce qui provoquait le dépeuplement et le sous-développement social et économique de certaines régions, posant des problèmes évidents d’attractivité de ces territoires.

Les paradoxes de la mobilité

Ces inquiétudes légitimes ne sont pas pour autant sans traduire un certain paradoxe. En effet, la mobilité spatiale est aujourd’hui considérée comme une norme sociale. Dans un monde étalé, dense et cosmopolite, c’est une qualité requise et attendue de l’acteur social de savoir bouger, se déplacer entre les différents lieux où il a à faire. À l’heure de la jeunesse, la mobilité est un atout qui permet de s’ouvrir au monde, de s’enrichir de nouvelles expériences, de se confronter à l’altérité. Elle est considérée comme positive et créatrice d’expériences valorisantes et valorisables dans des logiques d’insertion sociale et professionnelle.

Le rendement positif de la mobilité géographique sur l’insertion professionnelle a pu être prouvé (Perret, 2008; Deschenaux et Laflamme, 2004). Ces mobilités produisent du « capital spatial[4] » dont « l’augmentation du volume [...] favorise corrélativement l’acquisition de savoirs et le développement de compétences qui sont susceptibles d’intervenir au cours du processus de mise au travail » (Garneau, 2006 : 294).

Les pouvoirs publics, notamment en France, se mobilisent en proposant, par des programmes spécifiques, de soutenir la mobilité des jeunes, qu’elle soit nationale ou internationale. Ces programmes apparaissent ici comme une réponse aux difficultés d’insertion professionnelle. L’article d’Emmanuelle Santelli, dans ce numéro, part de l’exemple d’un de ces programmes, développé dans un cadre régional, pour étudier la mobilité professionnelle internationale de jeunes de milieux populaires issus de l’immigration maghrébine. Cette mobilité est entreprise en vue d’améliorer l’employabilité et l’insertion professionnelle de retour en France.

Paradoxalement, les jeunes sont enjoints simultanément à partir, à rester et à revenir. Ces réflexions ont particulièrement alimenté les débats au Québec. Mais on retrouve les mêmes réflexions en Europe et notamment en France.

Il apparaît bien ici que la question de la mobilité des jeunes ne peut faire l’économie d’une réflexion sur leurs ancrages. Dans cette perspective, au Québec, le Groupe de recherche sur les migrations des jeunes (GRMJ) a préféré le terme de migration à celui d’exode, ce dernier terme induisant un caractère définitif au déplacement. Car il s’agit bien là de constater et de comprendre les mouvements de départ des régions, mais aussi de retour lorsqu’il a lieu. Les recherches du GRMJ ont ainsi pu montrer qu’une part non négligeable des jeunes ayant quitté leur région d’origine revient s’y installer. L’enjeu est de saisir plus profondément les liens d’appartenance – que nous appelons aussi ancrage – aux territoires, qu’ils soient d’origine ou d’arrivée. L’enseignement fondamental de ces travaux est alors de montrer qu’il est illusoire de vouloir comprendre les phénomènes de mobilité spatiale en eux-mêmes, c’est-à-dire sans les situer dans un rapport à des territoires. Les ancrages d’origine jouent de diverses manières sur la construction des trajectoires de mobilité : suscitant le mouvement par la volonté ou l’obligation de s’extraire de lieux jugés trop étroits, trop contraignants, trop peu dotés en ressources scolaires ou professionnelles, etc.; par le désir de s’y installer de nouveau et d’y retrouver ses ressources familiales et amicales. L’agrégation des données recueillies par toutes ces recherches a permis ainsi de comprendre les trajectoires migratoires de ces différents types de jeunes en saisissant, à partir des représentations construites par les jeunes eux-mêmes, les motifs de leurs mobilités, leurs caractéristiques, leurs mécanismes.

La place des liens familiaux et des relations intergénérationnelles dans la compréhension de la migration des jeunes

Dans cette perspective, ce numéro d’Enfances Familles Générations souhaite contribuer à la réflexion sur la migration juvénile en l’envisageant précisément sous l’angle des relations familiales et intergénérationnelles. L’ensemble des articles rassemblés dans ce numéro, en mobilisant des enquêtes de terrain originales et variées, nous montre la place centrale qu’à la famille dans les comportements migratoires des jeunes. Les travaux restent néanmoins circonscrits à des cas occidentaux, toutes les contributions à ce numéro provenant d’Amérique du Nord et d’Europe. Les pratiques de mobilité géographique et d’ancrage de différentes populations de jeunes sont envisagées : la mobilité des étudiants, des adolescents et des jeunes issus de quartiers populaires, des adolescents placés par décision de justice, de jeunes issus de l’immigration. Plusieurs contextes nationaux sont également proposés – Québec, Suisse, France – ainsi que plusieurs approches disciplinaires : sociologie, géographie sociale et psychologie. Au-delà de cette diversité, ces différents articles nous apportent tous des éléments utiles pour la compréhension de la place des liens familiaux et des relations intergénérationnelles sur les comportements de mobilité et d’ancrage des jeunes.

D’une part, la famille suscite et soutient les mobilités géographiques. Par la combinaison de différentes ressources (affectives, matérielles, financières), le groupe familial agit sur la capacité des jeunes à se déplacer ou non. D’autre part, l’analyse des migrations juvéniles révèle le fonctionnement du lien familial et de son évolution à l’heure du passage à l’âge adulte. C’est une entrée stimulante pour rendre compte de ces mouvements.

1. La famille suscite et soutient les mobilités géographiques des jeunes

Nous vivons dans une société dispersée où la multiplicité des lieux où nous avons à faire (travail, famille, consommation…) impose d’être mobile (Le Breton, 2005a). En développant ses capacités à se déplacer, l’homme a pu ainsi agrandir son monde, mais en instruisant par là même la mobilité comme une obligation. D’obligation, la mobilité est vite devenue une injonction et la source de l’intégration sociale. La mobilité devient une compétence qui nécessite l’acquisition de ressources. Il faut pouvoir et savoir se déplacer : pouvoir en ayant les moyens économiques d’utiliser les transports (automobile personnelle et transport en commun); savoir en possédant les ressources cognitives pour maîtriser les outils propres aux déplacements (lire une carte, se repérer dans l’espace, maîtriser le langage…).

Les caractéristiques familiales favorisent des compétences particulières à la mobilité

L’acquisition des compétences à la mobilité – ou motilité (Kaufmann, 2006) – s’acquiert dans la famille. La structure de la famille ainsi que son fonctionnement au quotidien orientent directement la mobilité de ses membres (Kaufmann et Widmer, 2005). Par exemple, le divorce parental amène les individus à développer des potentiels de mobilité plus élevés. La séparation des parents demande bien souvent aux enfants de se déplacer entre le domicile du père et celui de la mère.

Le style d’interactions familiales selon qu’il favorise l’individu sur le groupe ou le groupe sur l’individu influence aussi les manières d’envisager les déplacements. Selon Vincent Kaufmann et Eric Widmer (2005 : 204), « les familles adoptant un style de socialisation contractualiste, valorisant l’autonomie, promeuvent des scores de compétences personnelles en matière spatiale, de la part des préadolescents, plus élevés. Au contraire, les familles accordant une place première au “nous-groupe”, à la dynamique collective, cherchent à construire chez leurs enfants une dépendance aux moyens familiaux de mobilité ».

Ces styles familiaux se traduisent aussi différemment selon le genre de l’enfant, comme le montre l’article de Nicolas Oppenchaim dans ce numéro. L’auteur étudie les pratiques de mobilité des adolescents habitant dans des quartiers ségrégués de la région Île-de-France. Cette ségrégation spatiale se traduit par la concentration résidentielle de populations d’une même origine sociale ou ethnique. Dans les Zones urbaines sensibles (ZUS) sur lesquelles l’auteur concentre son regard, les caractéristiques des populations accueillies sont celles de la précarité socioéconomique et de la multiculturalité. Ces adolescents ont des pratiques de mobilités différentes de celles des autres adolescents franciliens, qui tiennent avant tout à une moins grande disponibilité des parents à accompagner leurs enfants dans des sorties, ce qui a pour effet de contraindre une partie des jeunes à rester dans leurs quartiers, notamment les filles. Cette disponibilité tient à la fois à des freins matériels : la possession et l’utilisation de la voiture sont moindres dans ces quartiers, mais aussi à des dispositions sociales et culturelles. L’auteur montre alors des manières différentes de penser la mobilité et son usage selon le genre. Les filles restent sous surveillance parentale et accèdent plus difficilement et plus tardivement que les garçons à un usage autonome de leur mobilité, acquise par ces derniers grâce notamment à l’usage des transports en commun.

Les caractéristiques sociales et économiques des familles sont aussi des variables significatives pour comprendre les variations des conduites et des façons de vivre les mobilités. Dans ce numéro, Magali Hardouin, Bertrand Moro et Frédéric Leray envisagent la mobilité pour études, située ici dans le contexte français et plus particulièrement dans la région Bretagne. Ils s’intéressent précisément au choix de la localisation de la formation universitaire. Leur recherche, basée sur l’exploitation de plusieurs études quantitatives, analyse la distance qui existe entre le domicile des parents et la ville du lieu de formation que les étudiants ont choisie. Dans la région Bretagne, mais ce fait est confirmé par des études d’autres régions françaises (Vassal, 1990) et notamment dans la région Nord-Pas-de-Calais (Dumont et Piédanna, 1998), la majorité des étudiants poursuivent leurs études supérieures dans le même département que celui de la résidence de leurs parents. L’importance du rôle des ressources familiales apparaît non négligeable pour expliquer cette situation. Si le choix de la formation arrive en tête dans les motivations citées par les étudiants sur le choix de leur ville d’étude, l’importance de la proximité avec le domicile familial est la seconde raison. Cette proximité permet des retours fréquents et réguliers des étudiants chez leurs parents les fins de semaine et lors des vacances scolaires. Les travaux de sociologie de la jeunesse ont décrit depuis longtemps ces comportements pendulaires des jeunes étudiants français dont « le vécu renvoie à une double vie » (Erlich, 1998 : 192) par l’alternance semaine dans la ville universitaire, lieu des études/week-end dans sa ville d’origine. Les auteurs soulignent également que les ressources économiques de la famille jouent sur le choix de la localisation. Selon les formations, il apparaît que les étudiants qui sont originaires d’un autre département ou d’une autre région sont aussi ceux dont les ressources socioéconomiques des parents sont les plus élevées. Sans contredire l’importance du lien familial envisagé précédemment, cela montre aussi que l’absence de ressources familiales suffisantes peut contraindre le jeune à rester proche de sa famille.

Cette immobilité, considérée comme subie, conduit les auteurs à s’interroger, à l’instar d’autres chercheurs français, sur l’existence réelle d’une démocratisation scolaire permise par les antennes universitaires de proximité. Celles-ci ont été fortement développées à partir des années 90 et visent à mailler le territoire national de formations universitaires. Si ces antennes ont permis à des populations peu mobiles et fragiles économiquement de rejoindre l’enseignement supérieur, elles proposent une offre de formations relative. Elles peuvent ainsi contraindre les jeunes à choisir, peut-être par défaut, une formation de proximité qui ne correspond pas réellement à leurs ambitions, ne pouvant par manque de moyens économiques rejoindre les grands pôles universitaires régionaux offrant un spectre beaucoup plus large de formations.

Dans les recherches, les ressources financières et matérielles des familles sont souvent envisagées comme des éléments permettant de soutenir la mobilité des jeunes. L’article de Laurence Faure-Rouesnel et d’Éliane Le Dantec, qui s’intéresse aux expériences résidentielles de jeunes Français de classes populaires, nous invite à réexaminer cette affirmation. Ces deux sociologues ont enquêté, dans une perspective qualitative, auprès de jeunes en proie à des difficultés de logement et d’emploi, rencontrés dans deux structures sociales qui les accompagnent sur la voie de l’insertion. L’analyse de leur trajectoire résidentielle laisse apparaître que les ressources familiales jouent ici des partitions inattendues. La non-mobilité révèle l’existence d’un réseau familial sécurisant sur lequel le jeune peut s’appuyer lors de sa trajectoire d’insertion, effectuée ici au local. Bien qu’ambivalent, cet ancrage contribue à la sécurisation sociale des jeunes. À l’inverse, la mobilité est une nécessité non voulue qui marque l’absence d’un environnement familial sécurisant et expose le jeune à la précarité dans son parcours d’insertion.

Les situations décrites dans l’article de Magali Hardouin, Bertrand Moro et Frédéric Leray ainsi que dans celui de Laurence Faure-Rouesnel et Éliane Le Dantec sont révélatrices du cas français. La mobilité géographique et l’installation résidentielle indépendante sont difficilement acquises sans les aides financières et matérielles des parents. En leur absence, les trajectoires de migration et d’insertion risquent fort d’être précaires. Durant cette phase d’insertion sociale dans le monde adulte, les jeunes Français restent durablement dans des situations de « semi-dépendance » (Van de Velde, 2008). Ce constat révèle les choix politiques réalisés par la société française dans l’accompagnement de jeunes adultes vers l’autonomie. La conception retenue est celle d’une responsabilité parentale. Si l’État intervient, c’est en privilégiant le lien à la famille à travers les allocations familiales et les allègements d’impôts. On aide les parents qui aident leurs enfants. À l’opposé, dans le modèle social-démocrate des pays scandinaves, le soutien généreux de l’État dès 18 ans, pour tous les jeunes, permet à ces derniers de s’émanciper de leur famille. Dans les pays anglo-saxons, le principe est également celui d’une autonomie précoce des jeunes par rapport à leur famille. Mais en l’absence d’aides directes importantes de l’État, le modèle est plutôt celui de la culture de l’endettement. L’acquisition de l’autonomie incite à l’autofinancement au moyen de prêts.

S’interroger sur les pratiques de migrations juvéniles contribue donc à approcher les processus d’autonomisation et d’émancipation des jeunes à l’égard de leur famille et de leurs parents. Ce questionnement permet aussi d’approcher les reformulations des relations familiales et intergénérationnelles à l’heure du passage à la vie adulte. La transition à l’âge adulte n’a pas comme protagoniste unique et solitaire le jeune adulte, mais « c’est à la famille entière de “migrer” d’une phase à l’autre » (Scabini et Marta, 1995 cité par Cicchelli, 2001, p.12), d’une relation d’enfant à parent à une relation d’adulte à adulte, instituant par là une bonne distance relationnelle (Maunaye, 2001).

2. Les migrations juvéniles révèlent le fonctionnement du lien familial et de son évolution à l’heure du passage à l’âge adulte

Les travaux sur la migration géographique des jeunes contribuent à l’avancée des réflexions sur la migration identitaire, des places et des statuts de chacun dans la famille. Tout comme l’analyse de la distance spatiale entre les générations renseigne sur le sens de la bonne distance relationnelle entre jeunes et parents. L’analyse des migrations est une manière de comprendre comment les relations entre parents et enfants peuvent quitter le registre de la dépendance pour suivre le registre des relations affectives et électives, d’adulte à adulte.

L’analyse des migrations juvéniles révèle à la fois les enjeux du réajustement des relations intergénérationnelles et l’usage de la mobilité géographique dans ce processus.

Le prolongement de la cohabitation familiale

On constate depuis plusieurs années un prolongement de la cohabitation des jeunes avec leurs parents. Cette évolution se vérifie des deux côtés de l’Atlantique, en Europe (Van de Velde, 2008) comme en Amérique du Nord (Gaudet, 2007; Molgat, 2011). Il faut également souligner, partout, des phénomènes d’allers-retours, ce que les Anglo-saxons nomment les « boomerang kids » (Mitchell, 2006) (pour des exemples français : Villeneuve-Gokalp, 1997; Pellissier, 2002). En France, dès 1997, Catherine Villeneuve-Gokalp estimait ainsi qu’un départ sur cinq avant 25 ans était suivi d’un retour chez les parents. Selon Barbara Mitchell, en 2006 au Canada, il s’agit d’environ un tiers des jeunes.

Ces nouveaux comportements ont contribué à élaborer une représentation médiatique d’une jeunesse sous dépendance parentale prolongée, particulièrement peu encline à quitter le cocon familial et qui a été consacrée, en France, par le film Tanguy. Cette image paraît néanmoins bien loin de la réalité. Il est juste de penser que cette cohabitation est aujourd’hui souvent facilitée par les conditions matérielles d’existence et l’évolution du modèle familial. Les logements des parents sont aujourd’hui plus spacieux qu’ils ne l’étaient pour les générations précédentes et la nature des relations intergénérationnelles permet aux jeunes de conjuguer plus qu’auparavant dépendance matérielle et autonomie individuelle. L’allongement de la durée des études, les difficultés d’accès au marché du travail ainsi que la rareté et le coût des logements expliquent également cette évolution. L’analyse qualitative des situations de cohabitation révèle que, majoritairement, les jeunes vivent cette prolongation comme une situation subie plutôt que choisie, quel que soit le milieu social considéré (Van de Velde, 2008).

Dans un monde contemporain valorisant l’autonomie personnelle et la réalisation de soi, la décohabitation est considérée comme un vecteur essentiel et obligatoire dans l’acquisition de son individualité.

Pour un jeune, l’autonomie et la réalisation de soi ne peuvent se réaliser dans la famille. La mobilité géographique « est une alliée, un support de l’autonomisation. Partir, c’est se soustraire à la surveillance de l’autre et la possibilité de se définir soi-même » (Le Breton, 2005 : 83). Vincenzo Cicchelli (2008) explore les phénomènes de migration dans le cadre des études en partant d’une enquête réalisée auprès de jeunes ayant réalisé un séjour Erasmus[5]. Répondant à l’injonction à la mobilité et à la connaissance de l’autre (au cosmopolitisme, pour reprendre le terme utilisé par l’auteur), Cicchelli décrit ces rencontres avec l’altérité et leurs effets sur l’identité personnelle et plus globalement sur la construction d’une identité européenne. Cette rencontre avec l’autre permet ainsi « aux individus de se découvrir d’abord et de se déclarer ensuite pluriels par l’intermédiaire de la rencontre du côtoiement avec l’étranger » (Cicchelli, 2008 : 249). Pour Jean-François Guillaume et Geoffrey Pleyers (2008 : 222) : « Ces expériences sont propices à la construction de la personnalité et à l’affirmation d’une aptitude à devenir le sujet de “sa vie” ».

Dans ce numéro, Emmanuelle Santelli étudie la mobilité professionnelle internationale de jeunes Français de milieux populaires issus de l’immigration maghrébine. Dans le cadre d’un dispositif public, ces jeunes partent réaliser une expérience professionnelle à Londres. Cette mobilité est entreprise en vue d’améliorer l’employabilité et l’insertion professionnelle de retour en France. Au-delà de ces effets strictement professionnels, la migration est également utilisée comme un vecteur de prise d’autonomie à l’égard de sa famille et de son milieu d’origine. L’auteure montre alors que la vie seule à Londres donne l’occasion de vivre sa jeunesse comme tout « jeune Français blanc de classe moyenne ». Éloignés du regard parental, ils peuvent ainsi expérimenter des modes de vie (vie nocturne, expériences affectives et sexuelles en dehors d’un projet de couple) qui ne leur sont pas permis dans la famille, et notamment pour les filles.

La migration peut ainsi permettre aux jeunes d’accéder à leur indépendance en leur permettant de s’affranchir des rôles sociaux, et particulièrement des rôles de genre imposés par la famille (Molgat, 2011; Flipo, 2013).

La norme de la séparation des générations

La mobilité géographique apparaît donc ici comme véritablement constitutive des relations familiales, dont l’enjeu premier, dans notre monde occidental et contemporain, est la séparation résidentielle des générations et l’établissement d’une bonne distance relationnelle (Maunaye, 2001). Interrogée dans le cadre d’une recherche sur les processus de départ des jeunes de la maison parentale (Maunaye, 2000), une jeune fille nous interpelle sur les manières dont les jeunes quittent aujourd’hui leur famille d’origine et construisent leur indépendance personnelle. « On reste chez ses parents jusqu’à un certain âge pour qu’ils nous inculquent le maximum, et puis après il faut s’en aller, voler de ses propres ailes. » Elle rappelle cette norme sociale à respecter qui s’est généralisée et imposée peu à peu au cours du XXe siècle (Bonvalet, 1991) : parents et enfants doivent se séparer lorsque les seconds ont atteint l’âge adulte et ainsi, doivent vivre des existences séparées.

Cet extrait d’entrevue souligne aussi la complexité et les paradoxes des cheminements vers l’indépendance et l’autonomie, en insistant sur le contenu du rôle éducatif des parents. C’est à ces derniers de transmettre à leurs enfants les règles, valeurs, normes qui leur permettront de s’intégrer petit à petit au monde des adultes. Dans une étude sur les adolescents, François de Singly (2002) décrit finement les enjeux identitaires fondamentaux chez les plus jeunes pour conquérir leur libre circulation. Négociée avec les parents, contrôlée par eux, cette libre circulation permet à l’adolescent de sortir seul de chez lui, d’agrandir peu à peu son monde qui, lentement, le sépare de celui de sa famille. L’acquisition de la mobilité autonome quotidienne est ici vue comme un « élément central du processus d’autonomisation des jeunes vis-à-vis de leur famille » (p. 21).

Se lier pour se délier

Les parents sont ici partie prenante du processus d’autonomisation de leurs enfants. Ils suivent, permettent, accompagnent. On touche là au paradoxe de la condition juvénile (Maunaye et Cicchelli, 2001) : les jeunes sont soumis à l’injonction de la construction de soi tout en étant (et voulant) être épaulés. Ici le lien permet de se délier.

C’est ce que montre, dans ce numéro, l’article de Julie Mareschal et Éric Richard. Ces auteurs proposent d’étudier le phénomène de migration pour études des cégépiens[6] québécois. Selon la localisation géographique du cégep, l’entrée dans le système d’enseignement supérieur entraîne ainsi de nombreux jeunes Québécois à quitter leur famille pour se rapprocher de leur lieu d’études. À partir de l’analyse des données quantitatives et qualitatives récoltées auprès de plusieurs cégeps de Montréal et de Québec, les auteurs soulignent le rôle central de la famille et du milieu d’origine dans les multiples adaptations dont le jeune étudiant devra faire preuve lors de cette migration : adaptation à un nouveau contexte urbain, adaptation à un nouveau contexte scolaire, adaptation à un nouveau contexte relationnel. Le rôle de pourvoyeur de ressources économiques et matérielles de la famille est démontré : ainsi, les parents ne sont jamais bien loin derrière leurs enfants en mobilisant régulièrement ou ponctuellement des aides financières ou matérielles. La famille et le milieu d’origine jouent également le rôle de pourvoyeurs de ressources affectives. Dans ce contexte de séparation avec sa sphère d’origine due aux études où les affres de la solitude ne sont pas absentes, famille et milieu d’origine représentent un soutien essentiel grâce aux échanges maintenus, mais aussi à l’ancrage identitaire qu’ils représentent. Pour Sandra Gaviria (2012), ce type de séparation peut s’apparenter à une véritable « souffrance de l’autonomie » où ces jeunes étudiants décohabitants sont confrontés aux sentiments de solitude, ce qui peut représenter le pendant négatif de l’autonomie et la liberté.

Dans ce numéro, selon une perspective psychologique, Rebecca Ganem et Ghayda Hassan envisagent le rôle des relations fraternelles dans ces processus de déliaison et d’intégration. Les auteures étudient la contribution des relations fraternelles à la construction identitaire et à l’autonomisation des jeunes adultes. Classiquement, les relations fraternelles sont présentées comme des liens permettant le passage de l’individu entre la famille et la société. Dans un contexte de migration transnationale qui expose à l’altérité, elles servent aussi à recréer des continuités entre société d’origine, famille et société d’accueil et à trouver sa place.

Ancrage et mobilité : quand les racines aident à bouger

Au-delà de l’analyse de la reformulation des relations intergénérationnelles lors du passage à l’âge adulte, les travaux sur la migration des jeunes interrogent aussi le sens des ancrages et des appartenances. Cette question est au coeur de l’enquête d’Elsa Ramos, L’invention des origines (2006), qui s’intéresse aux ancrages identitaires. Loin d’une représentation d’une société d’individus sans attache, l’auteure démontre la nécessité de se construire des ancrages pour une certaine stabilité de l’identité, en cherchant à découvrir les espaces qui font sens pour l’individu.

Dans le contexte de la mobilité géographique des jeunes au Québec, Stéphanie Garneau (2003) explore le sentiment d’appartenance aux territoires, qu’ils soient d’origine ou d’accueil, en cherchant à approcher la signification de ces territoires locaux et régionaux. Une des dimensions du travail consiste à comprendre s’il existe un lien entre l’absence de sentiment d’appartenance au lieu d’origine et la décision de migrer. Si la plupart des jeunes rencontrés nourrissent un sentiment d’appartenance territoriale envers leur lieu d’origine, celui-ci ne les a pas empêchés de partir afin de poursuivre leur formation scolaire et d’élargir leurs horizons.

Paradoxalement, il apparaît que ce sont ces ancrages qui permettent la migration. Lorsque les jeunes ont quitté le foyer familial, plusieurs enquêtes montrent l’autre versant de la relation entre les enfants et leurs parents, celui du maintien d’une certaine proximité intergénérationnelle. Après le départ, les jeunes continuent de voir très régulièrement leurs parents, souvent lors des week-ends. Ces rencontres prennent tout d’abord pour les jeunes le sens d’un retour. La maison des parents est encore considérée comme le chez-soi où les jeunes souhaitent retrouver leur espace, notamment celui de la chambre, en manifestant un fort attachement aux objets et aux lieux de la maison parentale. Cet attachement a une fonction précise dans la construction de l’autonomie : elle est un point d’ancrage, de repères à partir duquel se définira la distance (Maunaye, 2001). Cette proximité se reformule, sans être abandonnée, au rythme des événements : le départ et l’installation indépendante, mais aussi l’entrée dans la vie professionnelle, l’entrée dans la vie de couple, etc. Dans une récente enquête sur le logement des étudiants en France (Maunaye, 2010), les jeunes se révèlent être ainsi des individus ancrés en différents lieux. Le logement indépendant est un « chez-soi » qui cohabite avec d’autres. On ne peut réduire le chez-soi étudiant à un seul espace qui serait son logement indépendant. Néanmoins, celui-ci a bel et bien une spécificité propre. Il est lieu d’apprentissage, d’autonomisation et tire son sens de la confrontation avec d’autres espaces significatifs, au premier rang desquels se trouve la maison familiale, vécue comme le lieu de l’ancrage, de l’enfance que l’on quitte avec plaisir, mais aussi avec l’inquiétude de réussir à organiser seul sa vie personnelle. La construction des espaces d’autonomie et du détachement des espaces d’appartenance ne signifie pas absence de liens.

Couper le cordon sans couper les ponts : la problématique de la bonne distance

Cette nécessité du lien familial est abordée, dans ce numéro, par Fleur Guy. Dans le contexte particulier du placement d’enfant – jeunes, retirés à leur famille après décision de justice, et placés dans des foyers ou des familles d’accueil –, l’auteure met en exergue cette valeur du lien. Dans ces situations de mobilité contrainte, le territoire familial et familier est un enjeu, essentiellement pour l’institution qui gère le placement de ces adolescents. Il y a obligation de sortir ces jeunes de ces territoires, considérés comme potentiellement dangereux pour les adolescents, mais en même temps nécessité d’installer ces jeunes dans des territoires périphériques qui permettront néanmoins le maintien de relations familiales.

Au-delà de ce cas particulier du placement d’enfants, les travaux sur les relations intergénérationnelles entre parents et enfants adultes convergent tous vers le maintien de contacts nombreux librement consentis : contacts téléphoniques, par internet (réseaux sociaux, Skype), visites au domicile, etc. Dans une enquête développée au Québec, Patrice LeBlanc (2011 : 45) démontre par exemple que « les liens se maintiennent avec le milieu d’origine après les premiers temps de la migration. Près du tiers des jeunes migrants, tant ruraux qu’urbains, rencontrent assez souvent, voire très souvent, des gens du milieu d’origine et plus de la moitié rendent visite entre 1 et 24 fois par an (soit 1 à 2 fois par mois) aux amis ou parents dans le milieu d’origine ». En France, Catherine Bonvalet a développé la notion de famille-entourage locale (2003 : 39) :

une réalité qui ne va pas dans le sens d’une tendance générale au repli domestique : 30 % des enquêtés appartiennent à une famille-entourage locale, c’est-à-dire qu’ils habitent la même commune (ou une commune limitrophe) qu’un parent faisant partie des personnes citées comme proches, ont des contacts avec lui au moins une fois par semaine et échangent des services et des aides; 17 % appartiennent à des familles-entourage dispersées en maintenant ce type de relations fortes sans habiter à proximité. Au total, près de la moitié des enquêtés fonctionnent sur le mode de la famille-entourage.

Dans ce numéro, Gil Viry et Éva Nada, à partir d’une enquête quantitative réalisée en Suisse, reviennent sur ce thème et nous convient à réfléchir à l’importance d’accorder de l’attention à la question de la mobilité et de la distance géographique dans les recherches sur la famille et les relations intergénérationnelles. Ils montrent comment la distance géographique entre parents et enfants adultes affecte la relation intergénérationnelle, et plus précisément le lien de confidence. Autrement dit, les auteurs cherchent à savoir si les enfants citent moins fréquemment leurs parents comme partenaires de discussion ou non quand ils sont éloignés d’eux. Il apparaît ainsi que globalement, et comme d’autres études européennes l’ont déjà souligné, les contacts avec la famille restent nombreux et vivaces après la décohabitation des jeunes. Néanmoins, cet effet de distance affecte différemment les relations intergénérationnelles. Si la distance a globalement peu d’effets sur le lien parents-enfants, elle peut néanmoins contribuer à l’affaiblir dans certaines circonstances. En effet, les jeunes mères ayant des enfants citent moins fréquemment leur mère comme partenaire privilégiée de discussion quand elles sont éloignées d’elles. Ce qui n’est pas le cas des filles qui sont proches, qu’elles aient des enfants ou non, ni le cas des fils.

Cette importance réservée au maintien du lien familial semble alors jouer sur le rapport à sa mobilité géographique, comme l’abordent, dans ce numéro, Sabrina Aouici et Rémi Gallou. Pour leur part, ils se sont intéressés à l’évolution des relations au sein de familles d’origine subsaharienne vivant en France. Les relations aux pays d’origine et à la France jouent dans la construction des identités aussi bien du côté des parents que des enfants, chacun vivant à leur manière leur double inscription. L’attachement à la terre d’origine et l’ancrage à la France s’articulent de bien des manières. En retour, les relations intergénérationnelles influent sur le sens des appartenances des individus. Le choix du lieu où vieillir et où mourir pose des questions difficiles à la génération des parents africains immigrés en France. Si l’attachement aux lieux d’origine est indéniable, le maintien de la proximité avec les enfants et les petits-enfants joue également un rôle important dans la décision de partir ou de rester.

Il est évident que le développement des nouveaux modes de communication en général et d’internet en particulier permet de réduire virtuellement les distances à parcourir et de maintenir les contacts. Il reste que ces derniers articles présentés nous invitent à réfléchir à l’importance et le sens de la rencontre physique pour l’alimentation du lien familial intergénérationnel.

Conclusion

Aujourd’hui, la mobilité géographique est devenue une norme et fonctionne comme une véritable injonction. Dans notre monde multipolaire et étendu, le déplacement n’est plus seulement un droit, mais bien souvent une véritable obligation qui fragilise les populations les plus précaires ou vivant dans des territoires éloignés ou enclavés.

Pour les jeunes, la mobilité est présentée comme un atout qui permet de s’ouvrir au monde, de s’enrichir de nouvelles expériences, de se confronter à l’altérité et au final, de construire son individualité. Concrètement, les pratiques de migration chez les jeunes sont statistiquement importantes et ont eu tendance à se développer ces dernières décennies. Le processus d’insertion sociale et professionnelle (la formation, la recherche d’emploi, la mise en couple) oblige bien souvent à bouger.

Dans ce contexte, la famille est un acteur et un enjeu importants de la migration des jeunes. Un acteur, car par les ressources qu’elle peut transmettre (économiques, matérielles, affectives), elle soutient le cheminement des jeunes. L’absence de ces ressources peut, en certaines circonstances, contraindre à des formes d’immobilité. Un enjeu d’importance aussi, car la mobilité juvénile entraîne la séparation des générations. Il s’agit véritablement d’une norme à respecter. Celle-ci demande aussi un réajustement des relations intergénérationnelles et un réexamen, par les jeunes, du sens de lien familial et de leurs appartenances. L’analyse des migrations des jeunes permet alors de comprendre comment les relations entre parents et enfants peuvent quitter le registre de la dépendance pour suivre celui des relations affectives et électives, d’adulte à adulte.