Abstracts
Résumé
En France, alors que les recherches centrées sur les couples hétérosexuels sont de plus en plus nombreuses, l’homosexualité et l’homoconjugalité féminines restent encore mal connues. Pourtant, l’étude de la formation et des modes de fonctionnement des couples lesbiens est particulièrement heuristique. Elle révèle l’importance de penser l’homosexualité et la conjugalité en termes de parcours et de processus. Dans cette perspective, cet article vise à exposer les correspondances qui s’établissent entre les manières de vivre l’homosexualité et les manières de « faire couple », entre les parcours homosexuels et les parcours conjugaux au sein d’une population lesbienne.
Mots clés:
- homosexualité féminine,
- conjugalité,
- parcours,
- temporalité,
- processus
Abstract
In France, while research centered on heterosexual couples is very much on the increase, female homosexuality and lesbianism are still too rarely studied. However, work on the forming and behaviour patterns of lesbian couples is particularly amenable to heuristic research. Such studies demonstrate the importance of envisaging homosexuality and conjugal relationships in terms of trajectory and process. With this in mind, the present article attempts to bring out the connections between a homosexual lifestyle and a spousal lifestyle, between a homosexual and a conjugal trajectory within a lesbian population.
Article body
Introduction
Le nouvel engouement pour l’installation conjugale observé au sein de la population homosexuelle reflète une mutation « des modes de vie homosexuels » (Adam, 1999). En effet, le nombre et la visibilité accrus des mises en ménage des couples de même sexe expriment de nouvelles aspirations tournées vers le couple et la famille. « Par rapport aux années 1970, l’idéal homosexuel s’est largement déplacé de la recherche du “bonheur dans le ghetto” vers la quête d’un bonheur dans la sphère domestique » (Adam, 1999 : 58). Aussi, la place qu’occupe de nos jours la conjugalité dans les nouvelles revendications sociales et les modes de vie des « populations » homosexuelles invite à s’interroger sur les configurations et les modes d’organisation des unions de même sexe.
En France, l’étude des couples homosexuels relève pourtant d’un domaine encore peu exploité en sociologie de la famille. Les modes de construction et de fonctionnement de ces couples restent, en effet, encore mal connus. Du côté de l’homosexualité féminine, les travaux francophones (essentiellement québécois) produits depuis les années 1980 s’inscrivent dans deux grandes thématiques. On dénombre une multiplication des études menées sur la santé physique et mentale des lesbiennes et sur l’adéquation des services sociaux et de santé au regard des besoins des usagers homosexuels. Un deuxième domaine d’investigation rassemble quant à lui des travaux centrés sur la famille et les relations intergénérationnelles au sein de la parenté des lesbiennes, sur la maternité et sur la reconnaissance juridique des couples de même sexe et des familles homoparentales (Chamberland, 2003). En dehors de deux études menées sur les violences conjugales au sein des unions lesbiennes et des questionnements liés aux absences de reconnaissance juridique des unions homosexuelles[1], l’homoconjugalité féminine semble peu étudiée. Cette pénurie des travaux se justifie entre autres par « l’occultation sociale du lesbianisme et la nouveauté du champ d’étude des homosexualités » (Chamberland, 1996 : 33). À ce jour, en France, l’homoconjugalité (féminine et masculine) se trouve essentiellement abordée par le prisme des formes de parentalité inédites qu’elle met en scène dès lors qu’un enfant s’intègre à l’union conjugale (Gross et al., 2005; Gratton, 2008). Pour autant, l’homoconjugalité féminine apparaît comme un objet d’étude à part entière. Son étude met en évidence des parcours « homosexuels » diversifiés, ponctués par différents rapports à la conjugalité. Elle offre également l’intérêt de saisir une partie des dynamiques conjugales préalables à l’émergence et à l’édification des différentes formes que revêtent les familles homoparentales[2] (Cadoret, 2005; Descoutures, 2006; Mailfert 2002). Au regard de certaines de ces perspectives et en mobilisant des résultats d’une recherche doctorale en cours[3], nous proposons d’aborder les couples lesbiens au travers de leurs différentes facettes, de pointer la diversité de leurs configurations conjugales. Cette diversité des modes conjugaux s’observe à deux niveaux. À l’échelle de la population lesbienne enquêtée, elle participe d’une classification des homosexuelles, d’une typologie par laquelle se lisent quelques grandes tendances conjugales. À l’échelle de l’individu, elle jalonne un parcours conjugal; un parcours ponctué de transformations conjugales. Ainsi, la conjugalité sera appréhendée dans cet article au travers de la temporalité et des dynamiques qui caractérisent son élaboration. En effet, le couple n’existe pas « “en soi” hors du temps. Il n’y a de couple qu’à un moment donné, dans un lieu donné, et non pas en substance, quel que soit le degré de transcendance que l’on accorde à cette relation » (Duret, 2007 : 30). Dans cette perspective, la notion de parcours permettra la saisie des transitions qui oeuvrent au cheminement conjugal et qui sous-tendent, pour les lesbiennes, le passage d’un mode de conjugalité à un autre.
Méthodologie d’enquête
Il résulte de la nouveauté du champ d’étude présenté une documentation sur l’homosexualité féminine éparse et peu fournie, exigeant des recherches actuelles traitant de la question un surinvestissement dans la production des données empiriques.
La production des données relève de deux types de méthode dans cette enquête. La première renvoie aux observations participantes effectuées au contact de nombreuses homosexuelles et au sein d’associations et de boites de nuit lesbiennes (parfois gaies et lesbiennes) situées dans Lyon et dans d’autres villes provinciales de France. Les démarches ont été ici de type ethnographique et ont été nourries des échanges informels et des activités partagées avec les enquêtées. La connaissance du terrain s’est instituée progressivement entre 2000 et 2008. Le travail ethnographique s’est toutefois formalisé en 2004 à l’occasion de nos premiers travaux universitaires traitant de l’homoconjugalité féminine. Familière avec notre objet d’étude, il s’agissait alors de trouver « la bonne distance », de procéder à « une enquête par distanciation » nécessaire au travail d’objectivation dans les démarches ethnographiques (Weber, 2006 : 57). Intégrée dans différents réseaux de connaissances, participant aux soirées festives entre amies dans des cadres privés ou encore publics (tels que les boites de nuit ou encore les concerts de musique « electro »), ayant eu l’occasion également de participer à des week-ends entre amies et de partager des quotidiens, nous avons pu relever des manières différentes de « faire couple » et de vivre l’homosexualité. Ainsi, par la diversité des profils des lesbiennes rencontrées et grâce à la durée du travail de terrain, il nous a été possible de « faire varier et de restituer les points de vue ». En outre, échelonnées sur plusieurs années, les observations entreprises nous ont permis de saisir l’individu comme le résultat d’un « processus » ou comme « le produit d’une histoire qu’on peut dire aussi bien “sociale” que “personnelle” » (Beaud et Weber, 2003 : 304).
Aux côtés de ces observations participantes, l’enquête s’est organisée autour de la passation de dix entretiens approfondis. Ces entretiens semi-directifs concernent cinq couples lesbiens et ont été menés auprès de chacune des conjointes au sein du domicile conjugal. La sélection de ces couples s’est en partie effectuée sur l’âge des partenaires. Face à la contrainte d’une éventuelle variation d’âge entre conjointes, un seul critère a été retenu. Chaque conjointe devait être âgée de plus de vingt-cinq ans. En outre, chaque couple devait justifier de plus d’un an de vie commune dans un même logement. Enfin, les appartenances sociales ont été homogénéisées dans la mesure du possible. L’échantillon se compose en majorité d’enseignantes, d’infirmières et d’éducatrices spécialisées. Organisés en deux temps, les entretiens avaient d’abord pour objectif le récit de vie ou la narration du vécu de l’homosexualité s’échelonnant de la période antérieure à la première expérience homosexuelle à aujourd’hui. Un intérêt particulier a été accordé aux manières de vivre l’homosexualité dans le temps (à l’image de soi, au travail d’acceptation de l’homosexualité par l’individu et sa famille, à la divulgation ou non de l’orientation homosexuelle aux entourages familiaux, amicaux, professionnels, estudiantins, aux éventuels investissements associatifs et aux fréquentations des établissements lesbiens). En parallèle, des questionnements s’axaient sur le « parcours » amoureux de chaque lesbienne, incluant parfois des relations sérieuses et d’autres, plus « légères ». Pour finir, une deuxième partie d’entretien était consacrée à l’histoire et à l’organisation conjugale du couple dans lequel étaient investies les lesbiennes au moment de l’enquête. Nous nous intéressions à l’intégration du couple dans la famille de chaque conjointe, à l’organisation domestique, aux loisirs communs et individuels, aux rapports à l’habitat, à ses ouvertures et ses fermetures, à son organisation spatiale et aux appropriations conjointes ou personnelles dont il pouvait faire l’objet.
Les données dégagées de l’analyse de ces entretiens et du travail ethnographique ont permis l’élaboration d’une typologie de la population lesbienne et des parcours conjugaux.
La population enquêtée
La population enquêtée de manière informelle se compose d’une centaine de lesbiennes, dont l’âge varie de 18 à 45 ans. Au moment de l’enquête, ces femmes connaissaient des situations conjugales, professionnelles ou estudiantines disparates. Comme il a été évoqué, s’ajoute à cet ensemble d’enquêtées une dizaine de lesbiennes interrogées de manière plus formelle. L’ensemble de ces homosexuelles ne peut toutefois prétendre à une quelconque représentativité. Au regard de l’absence de données renseignant sur la composition et la structure de la population lesbienne, de la diversité des manières de vivre l’homosexualité et de la stigmatisation assignant parfois les individus à une homosexualité clandestine, il apparaît extrêmement difficile de quantifier une population lesbienne et d’en proposer une définition exhaustive.
Cependant, au travers de la multiplicité des réseaux par lesquels nous avons rencontré ces homosexuelles, nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec des enquêtées présentant des profils très différents. Ainsi, tantôt menées au sein des boites de nuit et des associations, tantôt entreprises dans des espaces privés auprès de couples lesbiens et au sein de groupes de pairs proches ou distants des associations et des établissements homosexuels, les investigations ont contribué à diversifier l’âge des femmes rencontrées, les modes de vie et les manières de vivre l’homosexualité. Ce panel d’âges différenciés dans la population enquêtée présente toute son importance. Nous verrons en effet que la disparité des parcours conjugaux n’efface pas l’influence de l’âge sur l’engagement dans une vie conjugale stable.
1. Une typologie de la population lesbienne : deux manières de vivre l’homosexualité et trois parcours conjugaux
Au sein de la population lesbienne, on observe des modes de conjugalité pluriels. S’expriment ainsi des gestions de l’homosexualité et des modes de vie diversifiés conférant à la conjugalité une place et un rôle spécifiques. Il existe différentes manières de vivre l’homosexualité, au coeur desquelles l’orientation homosexuelle occupe tantôt une place centrale dans la définition de soi, la conjugalité et les sociabilités, tantôt une place secondaire.
Ces deux tendances relèvent d’un processus d’acceptation de l’homosexualité au cours duquel l’individu apprend à vivre et à affirmer ses préférences sexuelles (Pollak, 1993). Elles contribuent à catégoriser divers « parcours homosexuels » jalonnés de dynamiques conjugales. Par les différentes configurations qu’elle revêt dans le temps, la conjugalité chemine en effet dans les « parcours homosexuels ». Elle renseigne sur la place qu’occupe l’homosexualité dans la structuration identitaire et dans l’organisation de la vie sociale, sur l’influence que peuvent avoir les environnements familiaux sur les différentes manières de vivre l’homosexualité. Elle-même en mouvement, la conjugalité accompagne le processus d’acceptation de l’homosexualité, les transformations identitaires et les changements de mode de vie qui s’opèrent dans le temps.
Chez les homosexuelles enquêtées, les configurations conjugales semblent s’édifier à la croisée de trois variables influentes : le positionnement identitaire à l’égard de l’homosexualité, l’adhésion ou non au « communautarisme »[4] homosexuel et l’acceptation ou le « rejet » de l’homosexualité par la famille. Il ressort ainsi des analyses différents styles conjugaux mettant en scène des unions plus ou moins cimentées et plus ou moins fragilisées, des unions clandestines et d’autres officialisées. À la croisée de ces styles conjugaux et des trois variables précitées, il se distingue deux catégories de lesbiennes qui se différencient par les manières de vivre l’homosexualité.
La première catégorie regroupe des lesbiennes relativement jeunes, dont l’âge n’excède pas vingt-cinq ans. Chez elles s’observe un ancrage communautaire lié à une fréquentation régulière des boites et des pubs gais et lesbiens, à un investissement dans les associations homosexuelles et à des réseaux amicaux fédérés par l’homosociabilité[5]. Ce « communautarisme » s’associe en outre à l’expression et la revendication d’une identité lesbienne. Ces jeunes homosexuelles se confrontent fréquemment à des environnements familiaux et professionnels hostiles à l’homosexualité. Leurs relations amoureuses relèvent de ce que J.-C. Kaufmann appelle la « quasi-conjugalité ». Elles forment des couples présentant la particularité de rester « en situation de cohabitants sans intégration, l’organisation légère et séparée des tâches ménagères permettant de ne pas engager l’avenir […] » (Kaufmann, 1992 : 73). Au sein de cette catégorie de lesbiennes, la légèreté des unions s’inclut dans le processus d’acceptation de l’homosexualité.
La deuxième catégorie rassemble des lesbiennes aux âges guère plus avancés, mais qui ont dans l’ensemble un niveau d’instruction supérieur aux précédentes. Elles se distinguent par l’absence d’appartenance communautaire. Les expressions d’une identité lesbienne apparaissent, de surcroît, inexistantes. Ces lesbiennes évoluent dans des environnements relativement tolérants à l’égard de l’homosexualité, facilitant ainsi l’acceptation de leurs orientations sexuelles. Leurs unions se scellent par des engagements plus prononcés et moins éphémères qu’au sein de la catégorie précédente.
Le propos s’attardera dans un premier temps sur la description de chacune de ces deux catégories. Puis, il s’intéressera aux parcours conjugaux différenciés que connaissent les lesbiennes relevant de chacune d’elles. Nous verrons alors combien les cheminements conjugaux sont associés aux modes d’entrée dans la conjugalité, à l’évolution des positionnements identitaires et des rapports au « communautarisme » et à l’avancée dans le processus d’acceptation de l’homosexualité par l’individu et sa famille. Trois types de parcours seront présentés. Dans le premier se lit un investissement des lesbiennes dans des modes de conjugalité stables dans le temps. Les deuxième et troisième types de parcours présentent en revanche des avancées conjugales discontinues, des investissements conjugaux profondément remaniés au gré des changements de mode de vie et des manières de vivre l’homosexualité.
2. La « quasi-conjugalité » à la croisée d’un « entre-soi » et d’une hostilité de la famille à l’égard de l’homosexualité
Les lesbiennes en situation de « quasi-conjugalité » sont celles qui se caractérisent par un fort investissement dans le milieu lesbien[6] et par des réseaux amicaux essentiellement homosexués. Ce sont également celles qui se confrontent le plus fréquemment à des environnements hostiles à l’homosexualité. Il s’agit ici des jeunes lesbiennes que regroupe la première catégorie de la typologie.
Les attraits pour le « communautarisme » ou la phase d’affirmation de l’homosexualité
Les ancrages communautaires observés au sein de cet ensemble de lesbiennes soulignent le besoin de se retrouver entre pairs et de trouver une place dans un collectif fédéré par une orientation sexuelle communément partagée. L’homosexualité crée ici du lien, rassemble des individus partageant les mêmes orientations sexuelles et dont l’homosociabilité semble se justifier par une quête du « semblable » et de repères identitaires. Les groupes de pairs au sein desquels s’intègrent ces lesbiennes ponctuent les modes de vie, rythment les sorties et orchestrent les loisirs. Ce besoin d’être dans l’entre-soi s’accompagne de l’expression d’une identité collective travaillée par le groupe et le milieu lesbien. On observe dans cette expression identitaire un mimétisme entre pairs, à l’origine d’une appropriation par l’individu des codes et des attributs (gestuels, langagiers, vestimentaires) communs à l’ensemble du groupe. Au sein des groupes s’élaborent ainsi une présentation de soi et une identité communes fortement corrélées à l’homosexualité. L’orientation sexuelle apparaît dès lors comme fondamentale dans l’identité personnelle. Elle génère de surcroît un « sentiment de solidarité et d’identification mutuelle » entre les lesbiennes (Arc, 2006 : 103).
Cet « entre-soi », associé à la revendication d’une identité collective, répond à une phase du processus d’acceptation de l’homosexualité. Bien que bénéficiant de nos jours d’une plus grande acceptation sociale, l’homosexualité reste encore en proie à une stigmatisation. Cette stigmatisation s’attache au caractère « contre-nature » assigné aux rapports sexuels entre deux individus de même sexe. « L’opinion que l’homosexualité serait “contre-nature” est profondément ancrée dans les mentalités et cette idée est fréquemment évoquée dans les débats relatifs à l’accès à certains droits civils pour les couples de personnes de même sexe » (Leroy-Forgeot, 2005 : 179). Stigmatisante, l’homosexualité particularise ainsi l’individu. Différentes réponses sont apportées à cette stigmatisation amenant certaines lesbiennes à se construire et organiser leur vie sentimentale en adhésion au communautarisme et d’autres à se distancier de ce qui peut les particulariser.
La reconnaissance des désirs homosexuels invite cependant dans la plupart des cas à rechercher le « semblable » ou « l’autre significatif ». Propice à la découverte des pairs, le milieu lesbien apparaît alors attrayant pour certaines homosexuelles. Il met en scène des espaces homosexués aux accès contrôlés et plus ou moins fermés sur l’extérieur. Ces espaces permettent les rencontres et l’entrée dans l’homosexualité. Les lesbiennes y rencontrent fréquemment leurs premières partenaires sexuelles et s’affranchissent, dans ces lieux, des difficultés auxquelles elles se confrontent à l’extérieur pour assumer leur homosexualité. Le processus d’acceptation s’accompagne ainsi pour ces homosexuelles d’une socialisation au contact des pairs dans le milieu.
Ce processus d’acceptation et cette socialisation doivent être entendus dans leur temporalité. Ils sont liés à une appartenance communautaire qui correspond à la phase d’affirmation de l’homosexualité au cours de laquelle les individus s’adonnent à leurs premières expériences homosexuelles. Cette phase peut s’échelonner sur un temps plus ou moins long selon les lesbiennes. Certaines multiplieront les rencontres et les expériences sexuelles dans le milieu, d’autres, une fois les premières aventures vécues, s’investiront dans une relation à plus long terme et se distancieront du communautarisme. L’aspect temporel des adhésions communautaires tient également au processus d’acceptation de l’homosexualité par la famille. Le choix en faveur du communautarisme semble en effet souvent s’associer à l’hostilité que les environnements familiaux expriment à l’égard des orientations homosexuelles. Cependant, l’acceptation de l’homosexualité par la famille relève elle aussi d’un cheminement plus ou moins long, plus ou moins tumultueux, mais qui aboutit fréquemment à une moindre aversion envers l’homosexualité. Certes, plus ou moins instituée dans le temps selon les cas, la tolérance parentale à l’égard de l’homosexualité favoriserait alors l’expression des orientations sexuelles au sein d’espaces moins communautaires. A contrario, l’impossibilité d’assumer et d’exprimer l’homosexualité au sein des sphères familiales inciterait davantage les lesbiennes à vivre et à affirmer leurs préférences sexuelles dans des milieux essentiellement lesbiens, dans « l’entre-soi ». Par ailleurs, la relégation de l’homosexualité en des espaces et des groupes essentiellement homosexués contribuerait à particulariser l’homosexualité, à lui associer certaines spécificités. Cette dynamique favoriserait l’expression d’une identité lesbienne à l’origine d’une définition de soi centrée sur des « spécificités homosexuelles ».
Des investissements dans une conjugalité fusionnelle et éphémère au sein du milieu lesbien : une phase du processus d’acceptation de l’homosexualité
Les appartenances communautaires n’apparaissent pas sans répercussion sur les modes de conjugalité que connaissent les lesbiennes. Elles semblent en effet influer sur les modalités qui sous-tendent la formation des couples et sur les modes de fonctionnement conjugaux.
Tout d’abord, la quête de soi et l’expression d’une identité lesbienne associées à la fréquentation du milieu lesbien tendent à conditionner le choix de la conjointe. Au sein des boîtes de nuit lesbiennes et des groupes de pairs, les unions paraissent essentiellement s’établir par une présentation de soi similaire entre les partenaires. Ces dernières présentent un style vestimentaire, des coupes de cheveux, une gestuelle et des idiolectes ressemblants. Aux côtés de ces similitudes physiques, on relève également des représentations et des manières de vivre l’homosexualité concordantes entre les conjointes. Le positionnement de l’individu à l’égard du milieu lesbien révèle ici toute son importance. Il s’articule en effet au mode de vie, à la place que tient l’homosexualité dans la définition de soi et dans les sociabilités et oriente ainsi les choix matrimoniaux. Il s’inscrit en outre dans la présentation de soi et participe en ce sens des catégorisations indigènes oeuvrant au choix de la conjointe. Ainsi, les couples se composeraient fréquemment de deux partenaires fortement investies dans les discothèques, les associations ou les rassemblements lesbiens.
Les binômes que forment ces homosexuelles sont régis par des engagements conjugaux limités et restent éphémères. Ces couples de « semblables » se forment pour la plupart au sein d’établissements commerciaux ou de groupes de pairs et ne perdurent pas dans le temps.
Ils relèvent d’histoires amoureuses et sexuelles temporaires, participant du processus d’acceptation de l’homosexualité. Ces relations apparaissent sans lendemain ou aboutissent, lorsqu’elles durent quelque temps, à des mises en ménage puis à des séparations rapides. La promptitude de ces mises en ménage semble répondre à une conception du flirt indissociable d’une dimension conjugale. L’installation à deux dans un même logement sous-tendrait alors un souci de normalité; une normalité qu’offrirait l’installation conjugale et qui comblerait pour partie le sentiment de « déviance » accolé à l’homosexualité. Les études menées sur les familles homoparentales soulignent des logiques similaires. « Pour combler les risques de stigmatisation, une autre manière d’agir, volontaire ou non, pour un couple homoparental est de se mettre en scène en tant que famille, et pour y parvenir il tend à en « faire plus ». [...] la revendication des couples homoparentaux à être une famille comme les autres peut engendrer un effet paradoxal : la démonstration d’une certaine fusion, caractéristique des couples les plus traditionnels » (De Singly et Descoutures, 2005 : 334-335).
Au sein de cette première catégorie de lesbiennes, la dimension conjugale, omniprésente dans les représentations qu’ont les partenaires de leur union, semble paradoxalement être refrénée par une moindre intégration ménagère[7], cantonnant la relation au stade de « quasi-conjugalité » (Kaufmann, 1992). La vie commune dans l’habitat, peu empreinte d’habitudes conjugales, se caractérise par une faible routinisation du travail domestique et des activités ponctuant le quotidien. L’investissement conjoint dans l’acquisition du mobilier apparaît quasi nul. La situation la plus fréquente reste celle de l’installation d’une partenaire dans le logement de l’autre. La « quasi-conjugalité » qui caractérise ici les relations peut s’expliquer par le temps relativement court qui s’écoule entre la mise en ménage et la séparation, mais également par la retenue que marque chaque partenaire à l’égard de l’engagement conjugal. Cette deuxième observation souligne un paradoxe entre la volonté de former un couple au travers d’un logement conjointement partagé et le souhait de rester dans une légèreté relationnelle limitant l’édification d’un « nous » conjugal. La notion de couple, présente dans les représentations, se limiterait ainsi en pratique au rapprochement de deux individualités.
Autre paradoxe, les ressemblances physiques entre les deux conjointes et la rapidité des mises en ménage conféreraient aux relations un caractère fusionnel. Or, extrêmement prégnante dans la manière dont les conjointes gèrent leur quotidien dans le logement, leur présentation d’elles-mêmes, leurs goûts et leurs intérêts du moment, cette fusion ne s’observe pas dans l’investissement matériel concernant l’habitat. Le mobilier, les appareils ménagers et la décoration entreposés dans l’espace habité restent la propriété de l’une ou de l’autre des conjointes. Ils ne relèvent pas d’une concertation entre les partenaires ni d’une participation financière commune. En ce sens, la part de conjugalité réifiée dans l’habitat apparaît faible. Alors que la fusion confère un caractère passionnel à la relation, tout se passe comme si ces femmes limitaient leurs investissements l’une envers l’autre à la démonstration appuyée de leurs sentiments respectifs et à la volonté de tout partager ensemble, tout en ayant intégré l’aspect éphémère de la relation amoureuse dans laquelle elles sont investies. La fusion de ces unions engage fréquemment les conjointes à « surjouer » leur conjugalité publiquement, à afficher par des gestes ou des proximités physiques l’histoire qu’elles partagent ensemble. On observe toutefois que le « nous » conjugal ne s’inscrit pas dans la matérialité agencée dans l’habitat.
La pluralité des configurations conjugales que relèvent les études sur l’hétéroconjugalité dans les sociétés contemporaines révèle « des philosophies conjugales distinctes, c’est-à-dire des manières particulières de penser ce qu’est et doit être le couple » (Déchaux, 2007 : 34). Le couple doit donc être entendu dans sa diversité. L’analyse des modes d’organisation des couples hétérosexuels révèle cinq styles conjugaux[8] (Kellerhals, Widmer et Lévy, 2004). Pour chaque style, on observe des degrés de fusion entre les conjoints plus ou moins conséquents, une ouverture du couple à l’environnement plus ou moins prononcée et une régulation qui peut être selon les cas « fondée sur une division stricte des positions et des rôles dans le couple » ou sur une répartition plus négociée des rôles et des tâches entre les conjoints (Déchaux, 2007 : 35). Les couples que forment les lesbiennes s’apparenteraient, par certains aspects de leur mode de cohésion et de régulation, aux styles « cocon » et « bastion », mais s’en différencieraient également par certaines modalités de leur fonctionnement. À l’instar, ce que l’on observe dans ces deux styles conjugaux, l’autonomie ainsi que la place accordée à l’individualité de chaque partenaire restent faibles au sein de ces couples lesbiens. Toutefois, l’organisation conjugale n’apparaît ponctuée ni par une répartition stricte du travail ménager entre les conjointes ni par une routinisation du quotidien. Les modalités d’ouverture du couple à l’environnement se distinguent elles aussi de celles qui caractérisent les styles « bastion et « cocon ». La fusion ne s’accompagne pas d’un repli sur le couple, mais se traduit plutôt par le caractère « conjoint » des contacts entretenus avec des environnements essentiellement homosexués. En outre, la grande ouverture du couple sur l’extérieur associée à une faible routinisation des emplois du temps dénote le faible intérêt pour la stabilité et la sécurité associées aux valeurs de confort et de routine journalière.
Des hostilités familiales à l’égard de l’homosexualité et des conjugalités clandestines en correspondance
L’étude des modes de fonctionnement des couples lesbiens ne peut être dissociée d’une analyse des attitudes des environnements familiaux à l’égard de l’homosexualité. En effet, l’hostilité ou la tolérance familiale influerait sur la manière dont les lesbiennes vivent leur homosexualité et s’investissement dans leur histoire conjugale.
Les attraits pour le communautarisme vont fréquemment de pair avec une absence de divulgation de l’homosexualité à la famille ou l’aversion qu’expriment les proches envers l’homosexualité. Cette aversion vécue ou anticipée conduit les lesbiennes à taire leur préférence sexuelle et à mener une double vie. Cette double vie les engage à user de stratégies pour préserver le non-dit et éviter les conflits familiaux. En effet, certaines homosexuelles sont conduites à jouer les « faux-semblants » et à travailler ce qu’E. Goffman nomme la « présentation de soi » (1986). « Discréditables », elles ont appris à négocier le rapport au monde qui les entoure et à juger des lieux et des contextes au sein desquels leur homosexualité peut être affichée librement. Ainsi, selon les situations sociales, elles présentent des images différentes d’elles-mêmes. Ce « faux-semblant » refrénerait les mises en ménage ou limiterait les engagements conjugaux. L’installation à deux dans un même logement est en effet parfois cachée ou présentée comme une colocation. La vie dans l’habitat répond alors à des organisations particulières. On observe des agencements spatiaux modulables. La visite de membres de la famille au domicile impose la mise en place de certaines mesures, se trouve alors dissimulée toute trace de l’existence de la partenaire au sein de l’habitat, photos, vêtements, affaires personnelles et autres étant rangés hors de la vue des convives. La chambre d’ordinaire partagée par les partenaires peut elle aussi faire l’objet de réaménagement. Deux lits personnels y sont alors agencés. L’objectif étant de mettre en place deux espaces personnels distincts laissant présager d’une colocation.
Le lien qui s’observe entre l’hostilité des environnements familiaux et la clandestinité conjugale invite à s’interroger sur la durée relativement courte des histoires amoureuses qui se nouent dans ces contextes. Certes, la quête de soi, la découverte et l’acceptation de l’homosexualité engagent parfois les individus à multiplier leurs expériences amoureuses. Mais on peut imaginer une éventuelle influence de la clandestinité conjugale sur le devenir de la relation. Dans quelle mesure les couples trouvent-ils à cimenter leur relation, à tisser la trame de leur histoire et à s’inscrire dans de réels engagements conjugaux dès lors qu’ils sont contraints à limiter l’existence de leur union. Il est possible que la clandestinité conjugale interfère sur la pérennité de la relation. Le temps de clandestinité plutôt court que connaît le couple et la probabilité d’officialiser l’union au sein des sphères familiales contribueraient à perpétuer la relation. A contrario, le rejet de l’homosexualité par les proches amènerait les lesbiennes à anticiper une acceptation parentale impossible ou qui ne peut être effective qu’à très long terme, limitant les projections de la relation dans l’avenir et les engagements conjugaux. Dépourvue d’investissement matériel, de projets et de reconnaissance familiale, l’union ainsi fragilisée faciliterait le désengagement de chaque conjointe.
3. Une homosexualité et des modes de conjugalité « sans particularisme »
À coté des modes conjugaux et des manières de vivre l’homosexualité précédemment exposés, il se distingue une catégorie de lesbiennes présentant des rapports à la conjugalité différents. Les modes conjugaux observés sont liés à des positionnements identitaires, des rapports à l’homosexualité, des sociabilités amicales et des positions familiales à l’égard de l’homosexualité qui ne s’apparentent en rien à ceux qui caractérisent la première catégorie de lesbiennes. Dans cet ensemble de lesbiennes, on relève des configurations et des modes de fonctionnement conjugaux qui s’édifient, entre autres, par des entrées dans l’homosexualité et des investissements dans la conjugalité dissociés du « communautarisme ».
La non-adhésion au « communautarisme » et au milieu lesbien
Les lesbiennes de cette catégorie se situent dans des tranches d’âge similaires à celles des lesbiennes abordées précédemment. Elles se caractérisent toutefois par leurs rapports distanciés au milieu lesbien et par la mixité homo/hétéro de leurs cercles amicaux. Cette mixité effective dès le début de l’affirmation de l’homosexualité semble s’associer au niveau d’instruction, à l’appartenance sociale et à la tolérance de l’homosexualité au sein des sphères familiale et estudiantine que fréquentent les lesbiennes. Ces jeunes lesbiennes, évoluant dans des environnements relativement ouverts à l’homosexualité, disposent fréquemment d’un niveau d’instruction supérieur et leurs appartenance et origine sociales les distinguent des classes populaires. La moindre hostilité qu’elles rencontrent contribue à minimiser l’appel du « communautarisme » et la mixité de leurs groupes amicaux symbolise la place secondaire à laquelle est reléguée l’homosexualité dans la définition de soi, dans les relations à autrui et les modes de vie. Symbole d’ouverture et d’intégration dans la société, cette mixité s’avère pour elles fondamentale. L’homosexualité ne figure pas comme une composante essentielle dans la définition de soi, mais se présente plutôt comme une orientation sexuelle au caractère intime et privé[9]. La profession exercée, l’âge, le sexe ou les études en cours occupent les premières places dans la présentation de soi à autrui.
En outre, la fréquentation du milieu lesbien reste inexistante ou très épisodique. Elle répond, lorsqu’elle est effective, à une démarche festive dépourvue d’expression ou de quête identitaire. Pour ces lesbiennes, qui cherchent à se distinguer des homosexuelles attachées au « communautarisme », l’homosexualité se vit en dehors des appartenances communautaires. Ces marques de distinction révèlent l’importance des classifications indigènes dans la population lesbienne. Elles se traduisent parfois par une opposition réciproque prononcée entre les deux catégories de lesbiennes. Les homosexuelles investies dans le milieu lesbien se voient alors taxées de « glauques et d’instables » par celles qui se distancient des établissements homosexuels, celles-ci se trouvant en retour catégorisées de « fausses lesbiennes ». Les deux catégories de lesbiennes se mélangent peu. La composition des réseaux amicaux en atteste.
Un processus d’acceptation de l’homosexualité associé à l’engagement conjugal
Cantonnée à la sexualité et à la sphère intime, l’homosexualité intervient peu dans la définition que les lesbiennes donnent de leur union et de leur vie quotidienne. Elles déclarent vivre une conjugalité sans particularisme ou à l’image de celle des couples hétérosexuels. Le souci de conformisme par rapport à la société globale est fort et trouve écho dans la mise en avant d’une vie conjugale « ordinaire », ou « comme les autres ». Ainsi, la conjugalité représente un idéal de vie, la pierre d’angle du rejet des spécificités. Elle orchestre les modes de vie et les manières dont les homosexuelles définissent leur vie quotidienne. Le couple prend donc toute son importance. Au regard des représentations, il unit deux individus par le sentiment amoureux, peu importe la similitude des sexes. Parler de la conjugalité dans son sens ordinaire, exposer la vie de couple dans sa quotidienneté contribue chez ces lesbiennes à banaliser l’homoconjugalité et à estomper par là même les spécificités qui peuvent être assignées aux orientations homosexuelles. La mise en ménage et la « stabilité » conjugale jouent un rôle important dans cette dynamique de « normalisation ».
L’ancrage conjugal s’observe dès l’entrée dans l’homosexualité. Il s’associe aux premières expériences homosexuelles et sous-tend le processus d’acceptation de l’homosexualité. Les lesbiennes affirment et vivent leur homosexualité au travers de la pérennité de leurs relations amoureuses. La sexualité s’avère indissociable d’une implication affective et d’une quête de soi qui n’exige ni multiplicité des partenaires ni recherche du semblable et fréquentation des pairs au sein du milieu lesbien. L’acceptation de l’homosexualité par les proches et une moindre stigmatisation de l’homosexualité au sein des sphères professionnelles et estudiantines offrent la possibilité à l’individu d’assumer ses orientations sexuelles hors des institutions gaies et lesbiennes. Cette acceptation influe également sur les mises en ménage, les encourage et conjure la clandestinité conjugale. Pour autant, les installations conjugales supposent une certaine pérennité de l’histoire amoureuse et ne surviennent qu’après un temps de relation. Les lesbiennes connaissent dès lors des mises en ménage en nombre limité, à l’origine de configurations conjugales distinctes du modèle fusionnel. Les modes de fonctionnement conjugaux accordent en effet une place non négligeable à l’individualité de chaque partenaire. Ce constat s’illustre entre autres dans les modalités qui guident le choix de la conjointe. Les rencontres amoureuses s’établissent hors du milieu lesbien, par le biais des réseaux amicaux, de la sphère professionnelle ou estudiantine ou encore par les sites de rencontres proposés sur Internet. La formation des unions n’implique pas une similarité des styles vestimentaires entre les partenaires (même si ces styles tendent à s’uniformiser au cours de la relation et au fil des interactions entre les conjointes) et repose plutôt sur des manières de vivre l’homosexualité distanciées des appartenances communautaires et d’une revendication identitaire.
4. Des conjugalités en transition ou des parcours homoconjugaux diversifiés
Les modes de conjugalité dans lesquels s’inscrivent les lesbiennes au fil du temps montrent des parcours conjugaux différenciés, présentant un caractère tantôt linéaire, tantôt discontinu. À la lumière de nos premières analyses, ces parcours semblent s’organiser en trois tendances[10].
La première est celle d’une continuité dans l’évolution des modes de conjugalité. Elle concerne les lesbiennes distanciées du « communautarisme » dès l’entrée dans l’homosexualité et qui cheminent au travers d’une stabilité conjugale déjà effective en début de parcours. La deuxième tendance se décline en deux orientations. Elle concerne des lesbiennes qui restent attachées durablement au communautarisme tout en se dégageant de la « quasi-conjugalité » et d’autres qui se maintiennent dans le multipartenariat en cumulant les aventures amoureuses. Enfin, la troisième tendance rassemble des lesbiennes temporairement attachées au « communautarisme » et qui, sous l’effet d’une stabilité conjugale, s’en distancient définitivement.
Au regard de ces trois types de parcours, la tendance générale s’oriente vers une plus grande stabilité du couple et davantage d’engagements conjugaux dans le temps. En effet, avec l’avancée en âge et sous l’effet des cycles de vie, les lesbiennes ancrées dans la « quasi-conjugalité » restent largement minoritaires. Cette tendance à la stabilité conjugale caractérise un ensemble de lesbiennes âgées de plus de vingt-cinq ans qui présentent comme point commun d’être investies durablement dans une relation orchestrée par une intégration conjugale. C’est donc au sein de ce groupe et à travers la diversité des parcours que seront appréhendées les transitions menant à l’intégration conjugale.
Le parcours « linéaire » que connaissent les lesbiennes les moins enclines au communautarisme s’oriente vers une construction conjugale en progression. La conjugalité s’institue de manière continue au gré d’investissements conjugaux de plus en plus prononcés.
Le cheminement conjugal présente ainsi une certaine évolution entre des modes de conjugalité en « cohérence ». L’avancée dans la conjugalité s’accompagne d’une mise en ménage, d’une sédimentation d’habitudes dans le couple participant de la construction d’un « nous » conjugal. Elle apparaît, en outre, favorisée par une acceptation de l’homosexualité par la famille contribuant à favoriser les engagements conjugaux et à cimenter les unions. Les rapports distanciés que ces homosexuelles entretiennent avec le milieu lesbien et l’absence de revendication identitaire se perpétuent dans le temps. Ces lesbiennes s’inscrivent dans des conjugalités ponctuées d’investissements matériels et immobiliers, formulent des projets familiaux et se projettent dans l’homoparentalité. Certaines entreprennent des démarches de procréation.
Un deuxième parcours recouvre un maintien des appartenances communautaires malgré l’avancée dans le processus d’acceptation de l’homosexualité et l’investissement dans une vie conjugale stable. Ces appartenances communautaires sont toutefois remaniées dans le temps sous l’effet des modes d’investissements conjugaux. Pour les lesbiennes investies dans une relation conjugale sur le long terme et ayant connu par le passé une phase « d’entre-soi » et une fréquentation régulière du milieu lesbien, le communautarisme se pérennise au travers d’investissements associatifs ou d’actions militantes au profit des « causes homosexuelles »[11]. L’installation conjugale s’accompagne ainsi pour ces lesbiennes d’un changement de modes de vie auparavant orchestrés par les sorties nocturnes dans le milieu lesbien. En effet, ces modes de vie s’organisent désormais autour de la conjugalité et d’un quotidien aux prises avec la vie conjugale. Ils incluent également des investissements associatifs à l’origine de cercles amicaux encore fortement homosexués et d’une perpétuation de « l’entre-soi ». L’homosexualité reste vécue comme des orientations sexuelles et identitaires très spécifiques. Cependant, les particularismes qui lui sont conférés n’empêchent pas l’élaboration de projets familiaux. Ces lesbiennes s’investissent parfois dans des démarches de procréation. À côté de ce groupe, on observe également un petit ensemble de lesbiennes dont les investissements dans le milieu lesbien tendent à se perpétuer malgré l’avancée dans le temps. Elles ne connaissent pas d’installation conjugale durable et multiplient les aventures amoureuses. Leurs appartenances communautaires s’associent à des revendications identitaires accordant à l’homosexualité des particularismes jugés incompatibles avec des projets familiaux. Elles n’expriment pas le souhait de s’engager dans une vie familiale ni de désir d’enfant et connaissent des mises en ménage qui se soldent fréquemment par une séparation. Ces dernières expriment cependant l’envie de s’investir dans une relation conjugale sur le long terme.
Enfin, un troisième parcours se caractérise par une transformation marquée des modes de vie et des rapports à la conjugalité. Il concerne des lesbiennes fortement investies par le passé dans le communautarisme et qui, une fois impliquées durablement dans une relation conjugale, tendent à se détacher de toute appartenance communautaire. Les investissements conjugaux et la progression dans le processus d’acceptation de l’homosexualité se sont accompagnés de changements identitaires. On relève le passage d’une définition de soi étroitement liée à l’homosexualité à une définition de soi plus centrée sur la conjugalité. En outre, ces investissements conjugaux sont liés à une progressive acceptation de l’homosexualité par l’individu et par la famille. En proie par le passé à la clandestinité conjugale, nombre de ces lesbiennes ont en effet officialisé leur union. Ces observations soulignent l’importance d’appréhender le non-dit et la clandestinité conjugale dans leur temporalité. En réponse au rejet de l’homosexualité par les proches ou aux difficultés qui relèvent d’une affirmation de l’homosexualité à la famille, la clandestinité conjugale correspondrait à une phase déterminée du travail d’acceptation de l’homosexualité. À présent investies dans une relation amoureuse depuis plusieurs années, les lesbiennes ici concernées présentent en effet les attaches communautaires et la clandestinité conjugale comme des détours parfois obligés, des périodes de leur vie. La fréquentation régulière des établissements lesbiens connaîtrait les mêmes aspects temporels. Effectifs en début d’acceptation de l’homosexualité et pour partie liés aux entourages hostiles à l’homosexualité, ces investissements dans le milieu lesbien sembleraient se déliter dans le temps. Les sorties fréquentes dans le milieu lesbien, le caractère multiple et éphémère des relations amoureuses ont laissé place à des modes de vie centrés sur la conjugalité. Il en résulte des changements progressifs en termes de sociabilités, de loisirs, de vie quotidienne. Les réseaux amicaux de ces lesbiennes, auparavant exclusivement homosexués, se sont ouverts à l’hétérosexualité et les sociabilités amicales se sont dissociées de la fréquentation des établissements lesbiens. Les activités entre amies et amis homo/hétérosexuels se déroulent davantage au sein d’espaces privés et s’organisent pour l’essentiel autour de réceptions entre amis. De par la place qu’il occupe dans la conjugalité et dans les nouveaux modes de vie, l’habitat investi par le couple contribue désormais à édifier la conjugalité. Alors qu’au début du processus d’acceptation de l’homosexualité, l’habitat se présentait comme le simple support d’une « quasi-conjugalité », l’espace investi par le couple tient à présent un rôle actif dans la construction conjugale. Le type d’engagement affectif qui résulte de l’installation conjugale a favorisé dans certains cas l’acceptation de l’homosexualité par la famille. En effet, le rapprochement que l’engagement conjugal opère avec « l’hétéronormativité »[12] peut atténuer le sentiment de marginalité associé à l’homosexualité et minimiser le poids de la stigmatisation qui peut être supporté par les proches de l’individu « discréditable ». Les investissements conjugaux comprendraient ainsi des vertus « normalisantes » pour les parents qui, dès lors, seraient plus à même d’accepter l’orientation homosexuelle de leur fille. Cette acceptation parentale contribuerait en retour à cimenter l’union et à lui conférer une reconnaissance sociale. L’ensemble de ces évolutions encouragerait chez ces lesbiennes les projections dans une vie conjugale à long terme et la perspective d’une construction familiale.
Conclusion
« Quand commence le couple. Il est désormais difficile de répondre à cette question » (Kaufmann, 2003 : 59). La conjugalité se construit et s’édifie au fil du temps, dans un cadre processuel au sein duquel se confondent le cycle de vie et le cycle conjugal. « La vie de couple demeure le mode de vie le plus largement répandu à l’âge adulte : il concerne plus de 1 personne sur 2 à partir de 25 ans, puis 3 sur 4 après 32 ans » (Déchaux, 2007 : 27). Pour autant, le couple, dans sa formation, ses configurations et ses modes de fonctionnement, reste aux prises avec des dynamiques et des transformations qui lui confèrent un statut d’objet d’étude à part entière. La temporalité agit ainsi à deux niveaux sur la conjugalité. Elle l’inscrit, d’une part, dans des cycles de vie caractérisés par des rapports à la conjugalité et des modes d’investissements conjugaux particuliers, et contribue, d’autre part, à son élaboration en oeuvrant à l’intégration conjugale. L’analyse des rapports à la conjugalité des lesbiennes enquêtées révèle cette place prépondérante qu’occupe la temporalité. Le passage d’un mode de conjugalité à un autre ponctue des parcours homoconjugaux eux-mêmes associés à des parcours « homosexuels ». Ces parcours se dessinent à la croisée des processus d’acceptation de l’homosexualité par l’individu et ses proches, des changements identitaires et des manières de vivre l’homosexualité. Ils signalent également des rapports à la sexualité en mouvement dont l’analyse mériterait d’être étayée. Ces rapports à la sexualité accompagneraient les rapports à la conjugalité et les transformations identitaires jalonnant les parcours homosexuels et homoconjugaux. « Dans les sociétés contemporaines, il y a plusieurs manières de qualifier les rôles que la sexualité joue dans la vie et dans la construction identitaire des individus. [...]. La sexualité peut se vivre [...] de façon extravertie et visible, ou inversement, de manière discrète et secrète. Les individus peuvent valoriser le renouvellement des partenaires ou inversement, leur stabilité. La sexualité est appréhendée par les sujets comme une composante intrinsèque de leur personnalité, ou bien comme un attribut ou une propriété des relations qu’ils nouent » (Bozon, 2001 : 15). En ce sens, elle semblerait faire écho chez les lesbiennes à des manières de vivre l’homosexualité dont la diversité s’observerait davantage lors des premières étapes des parcours homosexuels. À ce propos, on peut s’interroger sur le rôle auquel elle répond et sur le sens qui lui est accordé dans la manière dont les concernées se revendiquent ou non homosexuelles. La « population » lesbienne ne prétend pas à l’homogénéité et recouvre des quotidiens et des manières de faire couple très disparates. Ces perspectives ouvrent la voie à de nouvelles pistes de recherche et invitent à penser l’homosexualité par le biais de sa diversité et non plus uniquement de ses spécificités. Aussi, on peut aujourd’hui s’interroger sur les discordances ou les concordances qui tendent à rapprocher ou au contraire à distancier l’homoconjugalité de l’hétéroconjugalité.
Appendices
Notes
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[1]
Sur ces deux sujets, se reporter par exemple à BORDELEAU, Suzie et Karole O’BRIEN (2003), « La violence conjugale chez les lesbiennes : l’expérience d’un groupe communautaire québécois », Revue canadienne de santé mentale communautaire, 22, 2, p.123-134; et MECARY, Caroline et Géraud de LA PRADELLE (2003), Liberté, égalité, fraternité?, Paris, PUF.
-
[2]
Il existe plusieurs modes d’entrée dans l’homoparentalité : la procréation médicalement assistée, l’adoption (familles dites biparentales), la coparentalité (des couples de gais et de lesbiennes s’accordent pour avoir un enfant qui évoluera entre leurs deux foyers), la recomposition d’une famille sur le mode homoparental, et la maternité de substitution (couples d’hommes qui ont recours aux mères porteuses).
Mailfert, 2007 : 209 -
[3]
C. Costechareire. Thèse de sociologie sous la direction de Jean-Hugues Déchaux. « Une étude comparative du processus de construction de la conjugalité au sein de l’habitat des couples lesbiens et des couples hétérosexuels ». Université Lumière Lyon 2. Modys.
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[4]
Le communautarisme renvoie dans cette étude à la place prépondérante que tient l’homosexualité dans les sociabilités amicales, la fréquentation des établissements homosexuels (boites et pubs) et les festivités « homosexuées » (telles que les festivals musicaux), les investissements au sein d’associations gaies et lesbiennes. Il sous-tend l’influence des orientations homosexuelles sur les modes de vie et s’attache à des manières spécifiques de vivre l’homosexualité. Le communautarisme se traduit par des rapports étroits que les individus entretiennent avec les établissements gais et lesbiens, par une recherche de l’« entre-soi » dans les sociabilités amicales et par l’expression et la revendication d’une identité homosexuelle. Il renseigne, d’une manière plus générale sur la place qu’occupe l’homosexualité dans la définition de soi et la vie quotidienne.
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[5]
L’homosociabilité renvoie ici aux manières d’être et d’agir, aux goûts et aux intérêts qui guident les échanges et les pratiques au sein d’un groupe amical composé exclusivement d’individus homosexuels.
-
[6]
Nous entendons par milieu lesbien, l’ensemble des établissements commerciaux (regroupant essentiellement des boites et des pubs) et des associations visant un public ou une clientèle lesbienne ou gaie et lesbienne. Il peut y être également ajouté les festivités musicales rassemblant un public en partie ou en totalité homosexué. Peuvent être ainsi considérés les rassemblements autour de la musique « electro» ou les groupes musicaux composés exclusivement d’homosexuelles et revendiquant, au travers de leur nom de scène par exemple, cette homosexuation (à titre d’exemple, se référer au groupe Lesbians on Ecstasy)
-
[7]
« L’intégration ménagère consiste à mettre en commun les tâches du ménage, à ce que l’individu s’insère dans une organisation collective ». Le système qui sous-tend une organisation domestique « présuppose un début d’intégration ménagère. Le quasi-conjugal se définit justement par le refus de cette intégration ». (Kaufmann, 1992 : 65 et 74)
-
[8]
Le style « bastion » se caractérise « par son unité et son consensus plutôt que par la singularité ou l’autonomie de ses membres. L’organisation conjugale est agencée autour de différences de genre et de routines quotidiennes assez rigidement définies. Plutôt jaloux de son intimité, le groupe maintient cependant, par l’un de ses membres, un certain contact avec l’environnement. Les valeurs de solidarité, de stabilité et de sécurité dominent ». Le style « cocon » « s’organise autour des valeurs de confort. [...]. Le groupe est clos sur lui-même. À l’intérieur du couple, les repères sont précis : les espaces sont dotés de fonctions précises et l’ordonnance des rythmes accentue le sentiment de sécurité. On n’est pas pourtant dans la tradition : le manque d’intérêt pour les fonctions externes de l’union ainsi que la faible différenciation des rôles fonctionnels et l’égalitarisme [...] nous en séparent ». Le style « association » se caractérise par une « normativité assez faible. Les valeurs dominantes sont la négociation et la communication, moyens de concilier l’autonomie et l’authenticité reconnues à chacun avec les impératifs ou contraintes de la vie commune. [...]. Le couple est très ouvert sur l’extérieur. Il répugne aux routines et rejette une organisation du travail fondée sur la différence des genres ». Le style « compagnonnage » met en scène des « individus qui s’estompent un peu derrière le souci du bien commun. L’envie de ne faire qu’un, mais aussi d’aller ensemble vers une communauté [...] à laquelle on souhaite rendre certains comptes, apparaît comme le projet central. La souplesse en matière d’organisation conjugale, la volonté affirmée d’égalité et le refus de la routine s’orientent davantage vers l’idée de partage équitable que vers celle de négociation comptable ». Dans le style « parallèle », « l’unité du groupe est bâtie sur la complémentarité des fonctions et la fermeture par rapport à l’environnement [...]. La hiérarchie des genres est plus marquée qu’ailleurs et la routine est valorisée. » (Kellerhals, Widmer et Lévy, 2004 : 74-82)
-
[9]
Dans une étude sociohistorique des modes d’appropriation de l’espace public par les populations lesbiennes à Montréal entre 1950 et 1977, Chamberland expose les correspondances observées entre les classes sociales et la fréquentation des bars lesbiens. Elle relève, dit-elle, « de nets clivages liés à la classe sociale, et plus particulièrement au type de métier exercé, en ce qui concerne la fréquentation des lieux publics de rencontre » et ajoute « qu’il n’existait pas dans les années 50 et 60 une culture lesbienne homogène, mais plutôt des sous-cultures définies par la classe sociale : les lesbiennes de classe ouvrière et celles de classe moyenne avaient des façons différentes de se reconnaître entre elles, d’exprimer leur identité lesbienne et de constituer des réseaux d’interaction ». Ces sous-cultures marquaient de fortes disparités dans les manières de vivre l’homosexualité. Aussi, fortement dépréciés par une stigmatisation de leur clientèle et définis comme « sordides, malsains et vulgaires » par les lesbiennes exerçant des métiers très qualifiés, les bars se trouvaient essentiellement investis par les lesbiennes de classe ouvrière. (2003 : 248)
À ce jour, il semblerait dans notre étude que les lesbiennes bénéficiant d’une moindre hostilité à l’égard de l’homosexualité sont celles qui se distancient le moins des milieux « intellectuels », et ce, tant dans le choix des études entreprises que dans la profession exercée par les parents (À titre informatif, les grandes écoles, telles que l’École normale supérieure (ENS) ou encore l’École centrale Lyon (ECL), comptent dans leur organisation une association d’élèves gais et lesbiennes. Pour l’ENS, il s’agit de l’association « Homonormalité » : http://homonormalite.free.fr et pour l’ECL, il s’agit de l’association « Centrale gay Lyon » : http://cg-lyon.eclair.ec-lyon.fr)
-
[10]
Les analyses révèlent au premier abord trois types de parcours. Dans cette étude en cours, ces observations font toutefois l’objet d’investigations plus approfondies.
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[11]
Les associations investies se proposent fréquemment d’apporter une aide et un soutien aux jeunes gais et lesbiennes en début d’acceptation de leur homosexualité. Leurs actions visent à sortir ces jeunes homosexuels de leur isolement, à les aider à assumer leurs orientations sexuelles et à faire face aux éventuels conflits familiaux liés à l’homosexualité. Ces associations se présentent comme des lieux d’accueil et d’écoute et proposent diverses activités. Beaucoup d’entre elles engagent également des actions militantes en faveur des droits des homosexuels et pour lutter contre l’homophobie (à titre informatif, se référer aux associations Angel, David et Jonathan, Les Divagaies, Le Forum gai et lesbien de Lyon…)
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[12]
« L’ordre social s’agence [...] selon des normes sexuelles qui prescrivent et interdisent, mettant en place une hiérarchie des sexes et des sexualités » (Descoutures, 2008 : 167). Aussi, « l’hétéronormativité » se définit comme un cadre normatif de référence. Elle pose l’hétérosexualité et l’hétéroconjugalité comme la norme et leur confère un statut de modèle.
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