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INTRODUCTION

Chaque salle de classe est composée d’une diversité d’élèves ayant des besoins éducatifs multiples. Le mode d’intervention basé sur une individualisation des mesures d’aide ne permettrait plus de répondre à l’ensemble de ces besoins, puisqu’il génèrerait des contraintes jugées excessives par le personnel enseignant (Conseil supérieur de l’éducation, 2017). En effet, le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) (2017) affirme que « la croissance du nombre d’élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage conjuguée à la rareté de certaines ressources spécialisées crée une forte pression sur les services d’aide à l’élève, qui ne suffisent plus à la demande » (p. 15). En ce sens, il convient d’opter pour des approches proactives qui prennent en compte la diversité de tous les élèves pour permettre à chacun de développer son plein potentiel.

La réponse à l’intervention (RAI), qui s’articule autour d’un système de prévention à paliers multiples (souvent composé de trois paliers) constitue une approche proactive qui vise à répondre aux besoins de tous les élèves (Murawski et Hughes, 2009). Ce modèle d’organisation des services apparait dans diverses publications ministérielles (MELS, 2012; MEES, 2017), et gagne en popularité au Québec et dans les provinces canadiennes depuis plusieurs années (McIntosh et al., 2011; MEES, 2020). Dans une vision d’intégration des perspectives, la RAI s’est transformée récemment en système de soutien à paliers multiples pour refléter davantage l’élargissement des voies d’action associées à l’approche de la RAI (Desrochers et Guay, 2020). De plus en plus, il devient nécessaire d’intégrer efficacement les différentes approches ayant le potentiel de répondre à la diversité des besoins de tous les apprenants (Allsopp et al., 2016). Allsopp et al. (2016) affirment que la pédagogie universelle représente un exemple d’approche qui devrait être intégrée davantage à travers les différents paliers d’intervention : « Il est important que tous les enseignants soient en mesure d’enseigner en incorporant les principes de la pédagogie universelle à l’intérieur d’une approche de réponse à l’intervention parce que celle-ci offre un cadre basé sur l’enseignement et l’apprentissage pouvant favoriser l’accès aux apprentissages pour tous les élèves […] » (p. 155, traduction libre). Des auteurs affirment qu’il y aurait plusieurs bénéfices à intégrer davantage la pédagogie universelle et la RAI (Basham et al., 2010; Strangman et al., 2006; Allsopp et al., 2016). Ces deux approches auraient plusieurs points en commun : « La RAI et la pédagogie universelle partagent l’objectif commun d’offrir un système mettant l’accent sur les pratiques d’enseignement proactives basées sur la recherche visant des retombées éducatives pour tous les élèves » (Basham, 2010, p. 244, traduction libre). Combinées, la pédagogie universelle et la RAI peuvent établir une synergie pour renforcer l’efficacité des pratiques d’enseignement (Strangman et al., 2006; Basham et al., 2010) et répondre à la diversité des besoins des apprenants (Buchheister et al., 2014). En ce sens, comme les finalités visées par la RAI et la pédagogie universelle sont alignées (Basham, et al., 2010; Strangman et al., 2006), il convient de réfléchir à mieux les intégrer pour assurer une cohérence des deux processus et faciliter leur mise en oeuvre respective.

CADRE DE RÉFÉRENCE ET OBJECTIFS

La RAI

La réponse à l’intervention (RAI) est un modèle d’organisation de services et d’interventions qui réunit des procédés d’évaluation et d’intervention dans un système axé sur la prévention pour maximiser la réussite des élèves (Desrochers et al., 2016). Dans ce système préventif, le premier palier est associé à un enseignement démontré efficace et offert à tous les élèves de la classe (Fuchs et al., 2012; Laplante et al., 2010). Le second palier correspond à des interventions supplémentaires qui se font en petits groupes d’élèves ayant des besoins similaires sur le plan des apprentissages (Desrochers et al., 2012; Laplante et al., 2010). Le troisième palier concerne les interventions plus intensives et adaptées aux besoins individuels (Fuchs et al., 2012; Laplante et al., 2010).

La pédagogie universelle

La pédagogie universelle se définit comme « une structure qui sert de guide à des pratiques éducatives flexibles et accessibles dans la façon dont l’information est présentée, dans la façon dont l’élève démontre ses apprentissages, et dans la façon dont l’élève s’y engage » (Desmarais et al., 2018). Cette approche basée sur la flexibilité offre un cadre de référence pour faciliter la création de moyens éducatifs qui fonctionnent pour tous les individus (Bergeron, Rousseau et Leclerc., 2011; Rose et Meyer, 2002). Ce cadre de référence s’articule autour de trois principes de flexibilité proposés par Meyer, Rose et Gordon (2014). Ces trois principes sont en constante interaction et occupent la même importance (Desmarais, 2019). Ils sont décrits dans le Tableau 1.

Tableau 1

Lignes directrices de la pédagogie universelle du CAST (2018) (Traduction de Desmarais, 2019)

Lignes directrices de la pédagogie universelle du CAST (2018) (Traduction de Desmarais, 2019)

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La RAI et la pédagogie universelle

Selon certains auteurs, la RAI et la pédagogie universelle possèdent des fondements et des finalités communes (Basham et al., 2010; Strangman et al., 2006). Tout d’abord, les deux approches visent à améliorer la réussite éducative en établissant un système efficient pour l’enseignement et l’intervention (Basham et al., 2010). Pour ce faire, ces deux approches encouragent l’utilisation d’un enseignement basé sur les connaissances issues de la recherche (Basham et al., 2010; Strangman et al., 2006). Selon Strangman et al. (2006), la pédagogie universelle et la RAI reconnaissent que l’échec scolaire n’est pas nécessairement le reflet de difficultés, mais peut être le reflet d’un enseignement inadéquat. Ces auteurs ajoutent que ces deux approches s’appuient sur le fait qu’un enseignement peut fonctionner pour un élève, mais peut ne pas fonctionner pour un autre. Enfin, les deux approches se fondent sur le fait que les données issues des évaluations formatives et sommatives doivent orienter les décisions liées à l’enseignement et aux interventions (Basham et al., 2010; Strangman et al., 2006). Bien que ces deux approches présentent des caractéristiques communes, elles présentent une complémentarité dans ce qu’elles proposent. La RAI propose une approche plus intensive et individualisée pour maximiser la réussite des élèves à risque et ayant des besoins particuliers, alors que la pédagogie universelle propose une variété d’options pour accommoder les besoins d’une diversité d’apprenants (Strangman et al., 2006).

Pour mieux cerner de quelles façons ces deux approches peuvent s’articuler, certains auteurs ont conceptualisé une vision du système de prévention à paliers multiples en y intégrant la pédagogie universelle (Basham et al., 2010; Buchheister et al., 2014; Davis, 2015; Katz, 2012; Robinson et Hutchison, 2014). Deux perspectives sont présentées dans ces conceptualisations. La première perspective intègre la pédagogie universelle dans le premier palier d’intervention, souvent au point d’être considérée comme équivalente, tel que cela est démontré dans la Figure 1 (Katz, 2012; Bucheister et al., 2014; Robinson et Hutchison, 2014).

Figure 1

La pyramide de la RAI intégrant la pédagogie universelle au premier palier d’intervention

La pyramide de la RAI intégrant la pédagogie universelle au premier palier d’intervention
Source : Adapté de Katz, 2012 ; Robinson et Hutchison, 2014a

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Buchheister et al. (21014) affirment que la RAI et la pédagogie universelle peuvent co-exister au sein du premier palier d’intervention dans le but de répondre aux besoins diversifiés des apprenants. Selon ces auteurs, certains éléments clés de la pédagogie universelle pourraient bonifier la mise en oeuvre de ce premier palier d’intervention, tels que l’identification des obstacles potentiels à l’apprentissage, ainsi que l’utilisation des évaluations formatives et sommatives pour documenter les forces, les intérêts et les besoins des apprenants. Le choix de stratégies pédagogiques alignées avec ces besoins éducatifs représente également un élément clé à intégrer dans ce premier palier d’intervention.

Dans la seconde perspective, la pédagogie universelle s’intègre au sein des trois paliers d’intervention (Basham et al., 2010), comme montré à la Figure 2.

Figure 2

La pyramide de la RAI intégrant la pédagogie universelle à tous les paliers d’intervention

La pyramide de la RAI intégrant la pédagogie universelle à tous les paliers d’intervention
Source : Traduction libre de Basham et al., 2010

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Basham et ses collaborateurs (2010) ont développé une représentation de la RAI de façon écologique en intégrant la pédagogie universelle et les technologies d’aide dans les différents paliers d’intervention. Même si les interventions deviennent plus spécifiques et individualisées, les principes de pédagogie universelle demeurent applicables selon ces auteurs, et intègrent des ressources plus complexes, telles que les technologies d’aide.

Objectifs

Cet article s’appuie sur des données issues d’une recherche doctorale menée sur les rôles d’enseignantes et d’orthopédagogues en contexte d’implantation de la RAI. L’objectif de cet article est de présenter les résultats d’une analyse secondaire de ces données à travers le prisme de la pédagogie universelle pour étudier les mises en relation possibles avec la RAI, ce qui permettra un positionnement entre les différentes perspectives présentées.

MÉTHODOLOGIE

Les participantes

L’étude de cas multiples a été ciblée comme méthode de recherche pour mener cette étude. Les cas ont été sélectionnés à partir d’une procédure d’échantillonnage intentionnel. Chacun des cas est constitué d’une dyade, formée d’une enseignante et d’une orthopédagogue travaillant au premier cycle du primaire dans une école implantant la RAI en lecture. La première dyade (D1) travaille dans la même école depuis dix ans. Leur école se situe en milieu urbain et pluriethnique avec un indice socioéconomique de 4. La deuxième dyade (D2) travaille ensemble à la même école depuis deux ans. Leur école accueille 270 élèves, se situe dans un milieu urbain et pluriethnique avec un indice socioéconomique de 3. La troisième dyade (D3) travaille ensemble, à la même école, depuis huit ans. Leur école, qui accueille 155 élèves, se situe en milieu rural avec un indice socioéconomique de 9. Bien que l’échantillon soit issu de milieux scolaires implantant la RAI spécifiquement en lecture, les données sont étudiées dans une perspective plus globale dans le cadre de cette analyse secondaire.

Instrumentation et collecte de données

La chercheuse s’est rendue dans chaque milieu à trois moments au cours d’une année scolaire pour effectuer la collecte de données, comme montré à la Figure 3.

Figure 3

Calendrier des prises de données dans les milieux

Calendrier des prises de données dans les milieux

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Les données ont été recueillies à partir d’une variété de sources (entretiens semi-structurés, analyse documentaire, observation directe et journal de bord). Le recours à des sources d’information multiples et variées pour collecter les données représente d’ailleurs l’un des principaux critères de qualité d’une étude de cas (Albarello, 2011; Gagnon, 2012). Dans le cadre de cette analyse secondaire, ce sont exclusivement les données issues des séances d’observation directe qui sont utilisées puisqu’elles offrent un cadre plus riche pour explorer les relations entre la RAI et la pédagogie universelle. L’outil d’observation utilisé est adapté de l’instrument Role observation instrument, élaboré par Mitchell et al. (2012), qui vise à documenter de façon approfondie les rôles des enseignantes et des orthopédagogues en lien avec l’implantation du modèle RAI. Les enseignantes et les orthopédagogues ont été observées séparément à chacune des prises de données. Pour l’observation, elles devaient cibler une période de 30 à 45 minutes où elles effectuaient des tâches liées à l’enseignement/intervention ou à l’évaluation dans un contexte de RAI en lecture.

L’analyse de données

Un corpus réunissant les données issues de toutes les sources (verbatims, grilles d’observation, grilles de consignation, journal de bord) a été constitué au moyen du logiciel NVivo pour faciliter la codification et l’analyse (Roy, 2009). Une codification mixte a été privilégiée pour se baser sur les concepts inhérents à l’étude, tout en laissant de la place à des codes émergents (Gendron et Brunelle, 2010). Une analyse en profondeur de chaque cas a été effectuée, suivie d’une analyse intercas permettant de dégager les tendances, les similitudes et les différences (Albarello, 2011; Merriam, 1998). Pour cette analyse secondaire, une analyse intercas portant spécifiquement sur les données issues des périodes d’observation a été réalisée. Pour ce faire, les codes en lien avec l’enseignement et l’intervention au premier et au deuxième palier d’intervention ont été examinés. Les stratégies et les choix pédagogiques relevés lors de ces périodes d’observation ont été étudiés au regard des trois principes de la pédagogie universelle pour les deux premiers paliers d’intervention. Les données obtenues pour le troisième palier n’étaient pas suffisantes pour accomplir cette analyse.

RÉSULTATS

La pédagogie universelle au premier palier d’intervention (enseignantes)

Dans cette prochaine section, les données sont analysées plus finement au regard des trois principes de la pédagogie universelle en contexte d’observation de périodes d’enseignement au premier palier d’intervention. Le Tableau 2 indique l’application de ces principes en fonction des dyades aux différents moments de la collecte de données.

Tableau 2

Matrice d’analyse intercas en lien avec l’application des principes de la pédagogie universelle au premier palier d’intervention

Matrice d’analyse intercas en lien avec l’application des principes de la pédagogie universelle au premier palier d’intervention

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À la lumière des résultats présentés dans le Tableau 2, il est possible de constater que les deux enseignantes observées dans un contexte d’enseignement au premier palier d’intervention mobilisent les trois principes de pédagogie universelle, et ce, à chacune des périodes d’observation.

Quelques exemples d’application pour chacun des principes viennent en appui. Ces deux enseignantes offrent plusieurs moyens d’engagement à leurs élèves. En guise d’exemple, elles attribuent des responsabilités ou des tâches plus complexes aux élèves qui terminent plus rapidement (soutien à la correction, un élève devient expert, etc.) pour rendre les défis plus stimulants. Elles offrent également des options variées pour s’assoir pendant l’exécution de la tâche, ce qui permet d’optimiser les choix individuels. En ce qui concerne l’offre de plusieurs moyens de représentation, elles utilisent des supports visuels pour accompagner les informations auditives (présentation PowerPoint, extrait du cahier d’activité sur le tableau blanc interactif, livres numériques, etc.). Elles prennent soin d’activer les connaissances antérieures en utilisant le questionnement pour favoriser une meilleure compréhension de la matière. Enfin, elles offrent plusieurs moyens d’action et d’expression en apportant un étayage aux élèves en cours d’apprentissage. Elles guident et soutiennent les élèves en rappelant les outils disponibles, en clarifiant les consignes, en donnant des encouragements et en fournissant de la rétroaction. Une enseignante utilise également les tablettes (jeu-questionnaire, atelier autonome à partir d’une application), ce qui permet de varier les supports et les méthodes d’interaction. Pour illustrer la mise en oeuvre de ces principes de façon contextualisée, une période d’observation de la D3 est détaillée.

La pédagogie universelle au deuxième palier d’intervention (enseignante et orthopédagogues)

Dans cette prochaine section, les données sont analysées plus finement au regard des trois principes de la pédagogie universelle en contexte d’observation de périodes d’interventions de deuxième palier en sous-groupes. Le Tableau 3 indique l’application de ces principes en fonction des dyades aux différents moments de la collecte de données.

Tableau 3

Matrice d’analyse intercas en lien avec l’application des principes de la pédagogie universelle au deuxième palier d’intervention[1]

Matrice d’analyse intercas en lien avec l’application des principes de la pédagogie universelle au deuxième palier d’intervention1

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À la lumière des résultats présentés dans le Tableau 3, il est possible de constater que les orthopédagogues et l’enseignante observées dans un contexte d’interventions de deuxième palier mobilisent les trois principes de pédagogie universelle, et ce, à chacune des périodes d’observation.

Des exemples d’application pour chacun des principes ont été relevés. Pour ce qui est de l’offre de plusieurs moyens d’engagement, il apparait que le fonctionnement en sous-groupes permet aux intervenantes de donner de la rétroaction rapide et individualisée aux élèves, ce qui favorise l’effort et la persévérance de ceux-ci. De plus, une orthopédagogue invite ses élèves à s’autoévaluer à chaque fin de séance. Pour offrir plusieurs moyens de représentation, les intervenantes utilisent une variété de matériel pédagogique permettant de présenter l’information de façon variée (affiches, cartes flash, ajout de repères visuels pour faciliter l’apprentissage, etc.). Certaines utilisent du matériel de manipulation pour illustrer certains principes (ex. : utilisation de lettres magnétiques sur une glissade pour démontrer le principe de fusion phonémique). Elles amènent également les élèves à utiliser leur corps pour intégrer certaines notions (ex. : segmentation syllabique en sautant dans des cerceaux ou en touchant une partie du corps). Pour offrir plusieurs moyens d’action et d’expression, les intervenantes amènent les élèves à développer leurs compétences à l’aide d’une succession de courtes activités visant l’entrainement et l’automatisation. Ces activités sont conçues de manière à rendre les élèves actifs (utilisation d’un tableau effaçable par élève, questionnement très fréquent, activation des connaissances antérieures). Pour illustrer la mise en oeuvre de ces principes de façon contextualisée, une période d’observation de la D1 est détaillée.

DISCUSSION

Cet article a pour but de présenter les résultats d’une analyse secondaire d’une recherche à travers le prisme de la pédagogie universelle pour étudier les mises en relation possibles avec la RAI. Les résultats révèlent que cette mise en relation est pertinente, puisqu’il a été possible de constater que ces enseignantes et ces orthopédagogues intervenant dans un contexte d’implantation de la RAI intègrent les principes de la pédagogie universelle dans leurs pratiques. Ces résultats corroborent les propos de certains auteurs qui considèrent que ces deux approches sont alignées (Basham et al., 2010; Strangman et al., 2006). La complémentarité des deux approches, comme rapporté par Strangman et al. (2006), ressort également de cette analyse secondaire. D’une part, le système de prévention à paliers multiples associé à la RAI offre un cadre d’analyse pour étudier les interventions permettant de maximiser la réussite des élèves à risque et ayant des besoins particuliers. D’autre part, la pédagogie universelle apporte un éclairage plus précis sur les pratiques déployées permettant de répondre aux besoins d’une diversité d’apprenants.

Bien que plusieurs auteurs s’entendent sur la pertinence de combiner la RAI et la pédagogie universelle, deux perspectives ressortent dans les écrits consultés. Dans la première, la pédagogie universelle serait intégrée seulement dans le premier palier d’intervention (Katz, 2012; Bucheister et al., 2014; Robinson et Hutchison, 2014). Dans la seconde, elle serait plutôt intégrée dans les trois paliers (Basham et al., 2010). La présente analyse révèle que les trois dyades observées mobilisent les trois principes de pédagogie universelle au premier et au deuxième palier d’intervention. La vision de Basham et al. (2010) correspondrait donc davantage aux résultats obtenus. Pour illustrer davantage les résultats obtenus dans cette analyse, la conceptualisation de Basham et al. (2010) a été adaptée pour mettre davantage en valeur les trois principes liés à la pédagogie universelle (voir Figure 4).

Figure 4

La pyramide de la RAI intégrant la pédagogie universelle aux deux premiers paliers d’intervention

La pyramide de la RAI intégrant la pédagogie universelle aux deux premiers paliers d’intervention
Source : adapté de Basham et al., 2010

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Cette intégration de la pédagogie universelle à travers les différents paliers d’intervention est d’ailleurs présente dans plusieurs représentations de système à paliers multiples dans différents états américains (Davis, 2015; DESE, 2020; Ohio Department of Education, 2022; PaTTAN, 2018). Selon Davis (2015), les principes de la pédagogie universelle peuvent contribuer à accroitre l’efficience des interventions de premier et de deuxième palier. Ceux-ci amenuisent les obstacles à l’apprentissage et permettent que l’enseignement et les interventions soient accessibles, compréhensibles et engageants pour tous les apprenants (Davis, 2015). Comme la réflexion sur l’arrimage entre la RAI et la pédagogie universelle est déjà bien amorcée aux États-Unis, il apparait pertinent que celle-ci se poursuive également en contexte québécois.

CONCLUSION

L’objectif de cet article était de présenter les résultats d’une analyse secondaire d’une étude portant sur les rôles d’enseignantes et d’orthopédagogues en contexte d’implantation de la RAI à travers le prisme de la pédagogie universelle pour étudier les mises en relation possibles. La principale retombée de cet article est de mettre en lumière la pertinence d’une plus grande articulation entre la pédagogie universelle et la RAI. Cette réflexion visant à intégrer ces deux approches pourrait contribuer à leur mise en oeuvre respective. Tardif (2012) explique que le travail du personnel enseignant s’est complexifié et intensifié ces dernières décennies en matière de charge mentale et émotionnelle, ainsi qu’en fonction du spectre beaucoup plus large de compétences, de rôles et de responsabilités professionnels qu’ils doivent assumer. En ce sens, comme la pédagogie universelle et la RAI présentent des finalités communes tout en étant complémentaires, il convient de mieux les arrimer pour assurer une plus grande cohérence et en faciliter l’implantation dans les milieux.

En ce qui concerne les limites, il est important de mentionner que ce projet de recherche s’inscrivait dans le contexte de l’enseignement de la lecture au premier cycle du primaire. Pour avoir une vision plus exhaustive, des recherches s’inscrivant dans des contextes riches et variés sont nécessaires. Il serait intéressant notamment d’étudier cet arrimage entre la pédagogie universelle et la RAI dans différents ordres d’enseignement (primaire, secondaire, etc.), à partir de diverses disciplines (français, mathématiques, etc.), dans des milieux variés (urbain, rural, etc.) et auprès d’un échantillon plus large. Il est également nécessaire de préciser que cet article se base sur une analyse secondaire. Il aurait été intéressant que la pédagogie universelle soit intégrée dès le départ pour enrichir les instruments et l’analyse des données. D’autres études sont donc nécessaires pour mieux cerner comment s’opérationnalise la pédagogie universelle dans une perspective de réponse à l’intervention.