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INTRODUCTION

La diversité sous l’angle des processus d’apprentissage

Depuis les dernières années, un mouvement en faveur de l'éducation inclusive se développe, cherchant à garantir à chaque élève le droit de fréquenter une école ordinaire tout en éliminant l'exclusion sociale (Conseil supérieur de l’éducation [CSE], 2017). Cette approche prône une vision éducative qui considère à la fois la diversité des élèves et celle de leur environnement scolaire pour offrir une éducation de qualité à tous et à toutes (Fortier et al., 2018). Dans cette perspective, les milieux éducatifs font la démonstration d’une plus grande ouverture et d’une reconnaissance de la diversité (Beaudoin, 2023). Cette dernière peut s’exprimer à différents niveaux (p. ex. cadre familial, interactions avec les pairs, origine socioculturelle). Parmi les divergences observées, Leroux et Paré (2016) montrent des distinctions possibles sur le plan des apprentissages et cette forme de diversité est fortement présente en contexte éducatif. Les autrices dressent d’ailleurs le portrait des divergences entre les élèves sur le plan des processus d’apprentissage, comme la motivation, les champs d’intérêt, le rythme d’apprentissage, les stades de développement, les modes de communication et d’expression, le besoin d’accompagnement, les stratégies d’apprentissage, etc. Ces caractéristiques sur le plan des processus d’apprentissage interagissent avec d’autres facteurs individuels, familiaux et sociaux (Leroux et Paré, 2016), ainsi qu’avec les divers objets d’apprentissage scolaires (lecture, écriture, mathématiques, etc.). Les combinaisons de ces caractéristiques sont infinies et il devient donc essentiel de prendre acte de cette diversité pour agir de manière proactive et aider chaque élève à développer son plein potentiel (CSE, 2017). Pour en arriver à répondre à la diversité des besoins des élèves au sein des milieux scolaires, des aspects opérationnels nécessitent d’être examinés, notamment la question de l’organisation des services (Rousseau et al., 2017). En ce sens, l’organisation des services orchestrée par l’orthopédagogue, qui est un professionnel en sciences de l’éducation spécialisé dans l’évaluation-intervention auprès des élèves présentant des difficultés d’apprentissage (Association des orthopédagogues du Québec [ADOQ], 2018; Brodeur et al., 2015), mérite d’être étudiée plus en profondeur.

Des enjeux en matière de mise en oeuvre des services en orthopédagogie

Bien que l'orthopédagogue apparaisse comme un acteur ou une actrice pouvant jouer un rôle déterminant dans la réussite de tous les élèves, plusieurs enjeux existent en lien avec l’organisation de ses services. En contexte québécois, cette organisation des services est balisée par la loi sur l’instruction publique (Gouvernement du Québec, 2021) qui stipule que les centres de services scolaires doivent prévoir les modalités d’évaluation des élèves à risque et en difficulté, les modalités d’intégration de ces élèves, les modalités de regroupement, ainsi que les modalités d’élaboration des plans d’intervention. La question de l’organisation des services est d’ailleurs non seulement étudiée au Québec (Desrochers, 2021; Dubé et al., 2015; Trépanier, 2019), mais également ailleurs dans le monde (Bonvin, 2011; Cullen et al., 2009; Giangreco et al., 2013). Un premier enjeu est en lien avec l’actualisation du rôle et des fonctions[1] de l’orthopédagogue. L’orthopédagogue joue le rôle d’un « agent pivot, de médiateur entre l’apprenant, les objets de savoir, les divers contextes d’enseignement-apprentissage et les différents intervenants scolaires ou extrascolaires gravitant autour de cet apprenant » (Brodeur et al., 2015, p. 13). Pour lui permettre d'actualiser ses multiples fonctions que sont l'évaluation-intervention spécialisées, le soutien-collaboration, l'éthique, le développement professionnel et la gestion-communication, l’orthopédagogue s’appuie sur différents modèles de service (ADOQ, 2018; Brodeur et al., 2015). Or, une étude de Boily et al. (2023a) révèle que certaines tensions de rôle entravent le travail de l’orthopédagogue dans la mise en oeuvre d’une organisation des services plus inclusive. Un manque de clarté est notamment relevé par rapport au rôle et aux fonctions de l’orthopédagogue, et la présence de déséquilibres empêche l’orthopédagogue de jouer pleinement son rôle et ses fonctions, ce qui a sans contredit une influence sur le déploiement de ses services (Boily et al., 2023a). En effet, en contexte d'orthopédagogie, l'organisation du service à l'élève relève de chaque milieu et est tributaire des connaissances qu'en ont les acteurs et les actrices, notamment les directions d'établissement, ce qui ramène l’importance de clarifier son rôle et ses fonctions.

Un deuxième enjeu est celui du choix des modèles de service à privilégier dans un contexte de diversité. Actuellement, la majorité des interventions orthopédagogiques s’effectuent à l’extérieur de la classe (Beaulieu, 2019; Tremblay, 2017). Ce modèle de service permet d’individualiser et d’intensifier les interventions et il répond donc aux besoins d’une bonne partie des élèves ayant des difficultés persistantes (Barton, 2016; Tremblay, 2017; Zigmond, 2003). Par contre, ce modèle de service aurait plusieurs limites, notamment la perte de temps d’enseignement en classe, le faible transfert des apprentissages, ainsi que la stigmatisation des élèves ayant des difficultés d’apprentissage (Hannes et al., 2012; Péladeau et al., 2005; Trépanier, 2019). De plus, certaines équipes-écoles auraient tendance à offrir ce modèle de service de façon trop hâtive, et ce, sans appliquer le principe d’intensification des services (Beaulieu, 2019). En ce sens, des modèles de service moins stigmatisants, comme le coenseignement, peuvent être mis en place (Côté, 2015; Dubé et al., 2020; Rousseau et Thibodeau, 2011). Cependant, le soutien offert en classe peut amener un inconfort chez le personnel enseignant (Rousseau et Thibodeau, 2011; Rousseau et al., 2014). Il occasionne également des défis sur le plan de la logistique pour trouver du temps commun de planification et d'actualisation des interventions (Côté, 2015; Dubé et al., 2020). De plus, le coenseignement permet d’accorder moins de temps d’intervention individuelle aux élèves en difficulté d’apprentissage, ce qui fait en sorte que l’aide est moins intensive et elle peut donc s’avérer insuffisante pour certains (Trépanier, 2019). Ce choix difficile parmi les modèles de service place souvent l’orthopédagogue dans une position de dilemme et de compromis. Selon Fernandez et Hynes (2016), il ne s’agit donc pas nécessairement de déterminer quel modèle de service fonctionne le mieux, mais bien d’identifier comment les utiliser pour enseigner en fonction de la diversité des besoins identifiés.

Un troisième enjeu est lié à l’accessibilité à un service de haute qualité en orthopédagogie. Dans un contexte où les centres de services scolaires et les établissements d’enseignement sont responsables de l’organisation des services, cela entraine une grande variabilité dans les services offerts (Dubé et al., 2015; Gouvernement du Québec, 2021). Une certaine variabilité est nécessaire compte tenu des besoins multiples, diversifiés et évolutifs dans les milieux concernés. Il est toutefois possible d’émettre l’hypothèse que cette variabilité dans les services peut occasionner des iniquités ou des difficultés d'accès pour des élèves pour qui ces services sont essentiels. De plus, la médicalisation des difficultés scolaires, encore largement répandue dans les milieux, mène à se centrer sur les déficits de l’élève, ce qui peut réduire l'accès à des interventions de qualité en détournant l'attention des facteurs sociaux et environnementaux qui sous-tendent ces problèmes (Brault et al., 2022; Lavoie et al., 2013). Autrement dit, cette approche limite les efforts d'adaptation de l'environnement scolaire et favorise une individualisation excessive des mesures d'aide plutôt que de chercher l’accessibilité pour tous et toutes (CSE, 2017; Tremblay, 2023). Enfin, les travaux de Brodeur et al. (2008) indiquent également que la qualité des interventions orthopédagogiques peut aussi être insuffisante pour répondre aux besoins des élèves, notamment parce que les services orthopédagogiques (1) visent souvent la récupération de contenus de classe et (2) s'adressent à un nombre souvent pléthorique d'élèves (Brodeur et al., 2008).

Un dernier enjeu est lié à l’accès aux connaissances issues de la recherche concernant l’organisation des services en orthopédagogie. Selon Dion et al. (2008), la question de l’organisation des services a été négligée par la communauté scientifique. Des modèles de service en orthopédagogie sont proposés dans divers écrits scientifiques (Trépanier, 2019; Trépanier et Paré, 2010), mais il existe peu d’écrits empiriques et théoriques sur l’actualisation de ceux-ci (Beaulieu, 2019; Duquette, 2020; Tremblay et Granger, 2018) et encore moins sur les modèles de service privilégiés dans les milieux scolaires au secondaire. En fait, peu de recherches permettent de comprendre et de soutenir le processus d'organisation des services (Ippolito et al., 2021). Cette situation complexifie la tâche des orthopédagogues qui doivent organiser leur travail en l’absence de balises solides et clairement définies.

CADRE CONCEPTUEL

L’organisation des services en orthopédagogie repose essentiellement sur deux concepts : 1) les modèles de service; 2) l’intensification des services. Ces deux éléments seront explicités dans la présente section.

Les modèles de service

L’orthopédagogue peut s’appuyer sur différents modèles de service de sorte que la diversité des besoins des élèves soit réfléchie de prime abord. Trépanier (2019) définit un modèle de service en orthopédagogie comme « un ensemble de lignes directrices qui permettent de circonscrire les actions professionnelles de l’orthopédagogue en vue de favoriser la réussite des élèves en situation de handicap pédagogique dans un contexte spécifique […] » (Trépanier, 2019, p. 37). Elle regroupe ces modèles de service en quatre grandes catégories (voir figure 1).

Figure 1

Typologie des modèles de service d'orthopédagogie (Trépanier, 2019)

Typologie des modèles de service d'orthopédagogie (Trépanier, 2019)

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La première catégorie concerne les modèles de service direct à l’élève à l’extérieur de la classe. Ces modèles s’opérationnalisent lorsque l’orthopédagogue intervient directement auprès des élèves dans un lieu distinct de la classe ordinaire en individuel ou en sous-groupe, comme la classe spéciale, la classe-ressource, le dénombrement flottant, etc. La seconde catégorie touche aux modèles de service direct à l’élève à l’intérieur de la classe, qui peuvent se mettre en oeuvre sous la forme de coenseignement ou encore de décloisonnement. La troisième catégorie cible les modèles de service axé sur la consultation. Dans ces modèles, les interventions de l’orthopédagogue sont effectuées indirectement auprès des élèves. Ces interventions servent notamment à outiller les personnes enseignantes pour leur permettre d’instaurer les conditions favorables à la réussite de qualité des élèves. Enfin, la quatrième catégorie constitue les modèles de service jumelé et ceux-ci combinent au moins deux modèles de service. Selon Trépanier (2019), il n’existe pas de bons ou de mauvais modèles de service, puisque ceux-ci devraient être choisis à la lumière des besoins des élèves. Les limites de ces modèles sont plutôt inhérentes à l’absence ou l’incomplétude de modalités générales d’application (Trépanier, 2019). Autrement dit, les balises permettant d’opérationnaliser ces différents modèles de service ne sont pas toujours claires. De plus, tous ces modèles de service sont influencés par plusieurs facteurs reliés à l’environnement scolaire (soutien de la direction d’école, attitude générale de l’équipe-école au regard de l’inclusion scolaire, concertation, communication, etc.) (Trépanier, 2019).

L’intensification des services

Le deuxième principe est lié à l’intensification des services. Le concept d’intensification est souvent associé à l’approche de réponse à l’intervention (RàI) qui s’articule autour d’un système de prévention à paliers multiples dont la composante centrale est la prise de décision basée sur des données (National Center on Response to Intervention [NCRTI], 2010). Ce système de prévention est souvent composé de trois paliers (Desrochers et al., 2016) : « Chaque palier s’inscrit donc sur un continuum d’intensification (palier I → palier II → palier III) afin de répondre adéquatement aux besoins de tous les élèves et d’éviter qu’ils accumulent des retards insurmontables dans leurs apprentissages. » (Desrochers et al., 2016, p. 294)

Laplante et Turgeon (2021a) expliquent que l’opérationnalisation de l’intensification du palier 1 vers les paliers 2 et 3 représente un enjeu important dans le déploiement des services. Certains paramètres peuvent toutefois guider les orthopédagogues et ceux-ci sont regroupés sous trois catégories principales : les paramètres évaluatifs, les paramètres organisationnels et les paramètres pédagogiques et didactiques (Laplante et Turgeon, 2021a, 2021b).

Les paramètres évaluatifs incluent deux formes de mesure, soit le dépistage universel et le pistage de progrès. Le dépistage universel est mené auprès de tous les élèves de la classe (NCRTI, 2010; Vaughn et al., 2007). Des mesures sont prises au cours de l’année scolaire et permettent d’évaluer globalement la qualité de l’enseignement et de déterminer les élèves pour qui cet enseignement n’est pas suffisant pour assurer un progrès des apprentissages (Desrochers et al., 2016; Vaughn et al., 2007). Les mesures de pistage des progrès permettent de quantifier l’amélioration de la RàI (NCTRI, 2010). Elles sont importantes pour tous les élèves, mais surtout pour ceux qui présentent des difficultés d’apprentissage et c’est pourquoi leur fréquence augmente dans les paliers II et III (Laplante et Turgeon, 2021a). Les données issues de ces mesures orientent les décisions pour la mise en oeuvre du service en orthopédagogie.

Les paramètres organisationnels concernent notamment l’accroissement du temps accordé à l’enseignement et à l’apprentissage. Les orthopédagogues peuvent ajuster la fréquence des interventions, la durée des séances ainsi que la période durant laquelle s’échelonne l’intervention (Desrochers et Guay, 2020). Un autre paramètre concerne le ratio intervenant-apprenant, qui peut diminuer dans les paliers supérieurs, pour permettre d’offrir une attention particulière à chaque élève en multipliant les opportunités de pratique et de rétroaction individualisée (Laplante et Turgeon, 2021a). Le dernier paramètre organisationnel est en lien avec l’expertise de la personne intervenante. Desrochers et al. (2016) précisent que les interventions de palier II et de palier III sont généralement confiées à l’orthopédagogue, puisqu’un niveau minimal de spécialisation est requis pour mettre en oeuvre ces interventions spécifiques.

L’intensification se déploie également sous l’angle de paramètres pédagogiques et didactiques (Desrochers et al., 2016; Laplante et Turgeon, 2021b). Le premier élément à considérer est la priorisation des cibles d’apprentissage essentielles et le choix de pratiques d’enseignement reconnues qui soutiennent le processus d’apprentissage et qui se traduisent par un haut niveau de modélisation, de nombreuses opportunités de pratique, ainsi que de la rétroaction immédiate et informative (Desrochers et al., 2016; Laplante et Turgeon, 2021b). Le niveau d’alignement entre la cible d’apprentissage et les besoins des élèves est également un autre paramètre à considérer (Fuchs et al., 2017; Laplante et Turgeon, 2021b).

OBJECTIFS DE L’ÉTUDE

En résumé, l’organisation des services en orthopédagogie doit être étudiée plus en profondeur de manière à pouvoir répondre à la diversité des besoins des élèves. Cette organisation des services se déploie par l’intermédiaire de différents modèles de service (Trépanier, 2019) qui peuvent s’intensifier en fonction de divers paramètres (Laplante et Turgeon, 2021). De manière plus spécifique, cette étude vise à atteindre deux objectifs : 1) Établir un portrait actuel de l’organisation des services en orthopédagogie et 2) Identifier des constats communs permettant de dégager les enjeux liés à cette organisation des services.

MÉTHODOLOGIE

La méthodologie privilégiée s’inspire de la démarche de recension intégrative telle que proposée par Whittemore et Knalf (2005). L’objectif inhérent à cette démarche consiste à synthétiser et à intégrer les connaissances provenant de différentes sources et perspectives sur un sujet donné. Cette démarche permet donc de poser un regard différent sur l’objet d’étude à partir de cette synthèse de connaissances (Jackson, 1980; Villeneveuve-Lapointe et Moreau, 2019). Ce regard neuf permet de proposer une conceptualisation originale et intégrative du sujet à l’étude, ce qui contribue à l’avancement des connaissances (Benshila, 2014). Dans le cas présent, l’objet d’étude ciblé est la question de l’organisation des services en orthopédagogie.

La démarche proposée par Whittemore et Knalf (2005) se décline en cinq étapes. La première étape vise à identifier le problème à l’étude. En l'occurrence, le problème qui nous intéresse concerne : a) l'organisation actuelle des services orthopédagogiques; b) les facteurs reliés à l’environnement scolaire qui influence la mise en oeuvre de ce service.

La deuxième étape consiste à relever les écrits en lien avec le problème étudié en s'appuyant sur des critères ayant été préalablement déterminés (Benshila, 2014). Plus précisément, les études retenues devaient : 1) avoir porté sur l’organisation des services en orthopédagogie durant les cinq dernières années afin de peindre le portrait le plus actuel de la situation; 2) avoir été réalisées au Québec pour tenir compte du contexte spécifique dans lequel s’exerce la profession d’orthopédagogue et; 3) avoir été menées dans des contextes organisationnels différents.

La troisième étape correspond à évaluer les écrits recensés en fonction des trois critères évoqués (voir tableau 1). Ces études ont été menées dans des contextes variés à partir de devis méthodologiques diversifiés, ce qui permet de porter un regard riche et complémentaire sur l’objet d’étude. Toutefois, il convient de mentionner que cette hétérogénéité sur le plan méthodologique limite la comparabilité des études entre elles. Néanmoins, comme il s’agit d’une étude ayant une visée descriptive et intégrative plutôt que comparative, cette limite n’altère pas la qualité des connaissances produites.

Tableau 1

Liste des écrits recensés

Liste des écrits recensés

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La quatrième étape vise à analyser des données issues des écrits. Ici, une analyse qualitative a été privilégiée, car elle permet de comparer différentes sources de manière itérative (Witthermore et Knafl, 2005). La codification et l’analyse du corpus de textes ont été effectuées à l’aide du logiciel QSR NVivo 1.7.1. Une analyse de contenu (Bardin, 2013) basée sur une codification mixte a été effectuée (Gendron et Brunelle, 2010). D’une part, les concepts pertinents à l’étude, soit les modèles de service de Trépanier (2019), ainsi que l’intensification des services (Laplante et Turgeon, 2021a, 2021b), ont été pris en compte pour structurer l’arbre thématique (voir tableau 2). Ceux-ci ont été utilisés pour établir le portrait actuel de l’organisation des services (objectif 1). D’autre part, il a été possible d’introduire des concepts émergents en fonction de l’analyse des données pour permettre de dégager les constats communs liés aux enjeux en matière d’organisation des services (objectif 2). Ces codes ont été identifiés en collaboration avec les différentes contributrices de l’article pour assurer une compréhension commune avant le processus de traitement des données.

Tableau 2

Arbre thématique

Arbre thématique

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Plus précisément, une analyse verticale a d’abord été menée en prenant en compte l’intégralité de chaque texte composant le corpus. Ensuite, une analyse horizontale a été effectuée pour dégager une cohérence thématique entre les différents textes (Blanchet et al., 2005). L’ensemble des contributrices a pu vérifier si les items codés correspondaient bel et bien à la teneur des résultats évoqués dans leurs publications respectives afin de renforcer la fiabilité du codage. La diffusion des nouvelles connaissances issues de la recension intégrative des écrits correspond à la cinquième étape proposée par Whittemore et Knalf (2005).

RÉSULTATS

La présentation des résultats se scinde en trois parties. Les deux premières reprendront les cadres de référence apportés dans le cadre conceptuel et dresseront un état de l'organisation actuelle des services orthopédagogiques. La troisième partie portera sur les facteurs reliés à l’environnement scolaire et celle-ci s’appuie sur des données ayant émergé de l’analyse.

Quels sont les modèles de service utilisés par les orthopédagogues actuellement pour répondre à la diversité des besoins des élèves?

Comme mentionné précédemment, les services de l’orthopédagogue s’appuient sur une variété de modèles de service afin de répondre à la diversité des besoins des élèves. À ce sujet, l’analyse des résultats de la présente étude révèle que les services à l’extérieur de la classe demeurent le modèle de service le plus souvent mis en place au primaire (Boily et al., 2023b), ainsi qu’au secondaire (Ruberto et al., accepté). Plus souvent, ces services sont mis en oeuvre auprès de sous-groupes d’élèves plutôt qu’avec un seul élève (Boily et al., 2023b; Ruberto et al., accepté). L’étude de Ruberto et al. (accepté) révèle toutefois que les interventions individuelles sont plus fréquentes dans le secteur privé que dans le secteur public. Les interventions en sous-groupes permettent d’offrir des services en regroupant des élèves présentant les mêmes types de difficulté au primaire (Boily, 2020) et au secondaire (Ruberto et al., 2022). Ces services sont offerts quand les interventions de palier I et II ne suffisent pas ou lorsque les difficultés de l’élève sont récurrentes et qu’on ne peut répondre à ses besoins en classe (Boily, 2020; Ruberto et al., 2022). Au secondaire, les services offerts à l’extérieur de la classe auprès d’un élève peuvent être ponctuels durant l’année (p. ex. période d’examens ou début d’année) ou encore, les suivis peuvent s’échelonner sur l’année scolaire avec des élèves qui ont de plus grands besoins (Ruberto et al., accepté).

En ce qui concerne les services à l’intérieur de la classe, l’analyse des données issues de cette recension révèle que ce modèle de service est peu exploité par les orthopédagogues ayant participé aux études, et ce, autant au primaire (Boily, 2020) qu’au secondaire (Ruberto et al., accepté). Dans l’étude multicas de Boily (2020), deux dyades enseignant/orthopédagogue sur trois n’utilisent pas du tout le coenseignement dans le déploiement des services en orthopédagogie. L’étude descriptive de Ruberto et al. (accepté) révèle que le coenseignement est mis en place « quelques fois par année » ou « jamais » par la majorité des personnes répondantes. Lorsque le coenseignement est utilisé au secondaire, celui-ci permet principalement aux orthopédagogues de répondre à des questions et de soutenir les élèves ayant des difficultés d’apprentissage. Il vise rarement à ce que l’orthopédagogue enseigne une leçon devant la classe (Ruberto et al., accepté).

Pour ce qui est des services de consultation, l’étude de Boily (2020) met en lumière que peu ou pas de périodes sont allouées à l'exercice du rôle-conseil. Une incongruence est observée puisque les cadres d’organisation proposés par les centres de services scolaires intègrent ce modèle, mais la manière dont il s’opérationnalise demeure floue et peu formalisée. Au secondaire, l’étude de Ruberto et al. (accepté) dénote que la majorité des orthopédagogues mettent en oeuvre ce rôle de consultation chaque jour ou chaque semaine, auprès de la direction, des personnes professionnelles et du personnel enseignant. En guise d’exemple, les orthopédagogues peuvent aider au classement des élèves, à la formation des groupes-classes, à orienter les services pour l’ensemble des élèves, à soutenir le suivi des élèves et à conseiller le personnel enseignant quant à la différenciation pédagogique (Ruberto et al., 2021). Dans l’étude de Boily (2020), bien que ce rôle soit moins formalisé, les orthopédagogues exercent un rôle de consultation de manière ponctuelle et, lorsqu’elles le font, elles offrent des conseils, prêtent du matériel, répondent à des questions à propos de la différenciation pédagogique et font également la promotion des pratiques appuyées par des connaissances issues de la recherche.

Comment les services en orthopédagogie s'intensifient-ils?

Pour en arriver à intensifier leurs services, les orthopédagogues peuvent ajuster différents paramètres. Sur le plan des paramètres évaluatifs, les résultats de cette recension démontrent que les orthopédagogues développent des macroplanifications annuelles et celles-ci sont ponctuées de moments de régulation (Boily et al, 2023b; Fontaine et al., soumis). Ces moments de régulation permettent de dresser un portrait de la situation pour l’ensemble des élèves à partir de diverses modalités évaluatives (Boily et al., 2023b; Fontaine et al., soumis). Les données issues de ces évaluations orientent l’identification des élèves à risque et en difficulté (Fontaine et al., soumis; Ruberto et al., accepté), ainsi que le choix des modèles de service à privilégier (Ruberto et al., accepté). Elles permettent également de guider l’orthopédagogue dans le déploiement du soutien à l’enseignement-apprentissage (Fontaine et al., soumis). Selon Boily et al. (2023b), ces moments de régulation peuvent s’effectuer en équipe collaborative et différentes personnes intervenantes peuvent donc s’impliquer dans ce processus de prise de décision. Des périodes de libération sont d’ailleurs prévues pour permettre aux personnes enseignantes d’y participer. Entre les moments de régulation, les orthopédagogues évaluent dans une perspective de pistage de progrès afin d’ajuster leurs interventions (Boily et al., 2023b; Fontaine et al., soumis). Dans l’étude de Boily (2020), ces mesures de pistage s’effectuent auprès des élèves à risque et ayant des difficultés d’apprentissage. Pour une dyade, le pistage de progrès se réalise toutes les deux semaines et pour une autre dyade, le pistage de progrès se réalise à la moitié du bloc d’intervention.

Les résultats de cette recension révèlent également que les paramètres organisationnels, ainsi que les paramètres pédagogiques et didactiques, guident les orthopédagogues dans la structuration de leurs services. Pour faciliter la présentation des résultats, ces deux types de paramètres seront présentés de manière intégrée. Les données obtenues mettent en lumière que le début de l’année scolaire représente un moment crucial pour l’organisation des services, et les orthopédagogues profitent de cette période pour construire une macroplanification annuelle, qui deviendra un repère structurant pour l’intensification de leurs services sur les plans organisationnel, pédagogique et didactique (Boily et al., 2023b; Fontaine et al., soumis). Les orthopédagogues y planifient les blocs d’intervention qui s’échelonnent tout au long de l’année scolaire et qui prennent appui sur le continuum d’intensification à trois paliers (Boily et al., 2023b, Fontaine et al., soumis). Au palier I, les pratiques déployées par les personnes enseignantes s’appuient sur les connaissances issues de la recherche, comme le recours à des programmes (p. ex. « Lire à deux »), à des dispositifs (p. ex. lecture interactive enrichie) ou à des approches (p. ex. différenciation pédagogique) appuyées par la recherche (Boily, 2020). Selon l’autrice, les services déployés par l’orthopédagogue demeurent flous à ce premier palier d’intervention et peu de balises sont établies. Le palier II se caractérise généralement par le déploiement de blocs d’intervention de 8 à 10 semaines auprès de sous-groupes composés de 3 à 5 élèves (Boily et al., 2023b; Ruberto et al., accepté). L’intervention est axée sur des cibles d’intervention spécifiques et se réalise à raison de deux à trois séances de 30 à 60 minutes par semaine (Boily et al., 2023b). Les orthopédagogues interviennent davantage en lecture et en écriture, et ce, même au secondaire (Fontaine et al., soumis; Ruberto et al., 2023a). Les mathématiques représentent aussi une cible d’intervention travaillée en orthopédagogie, ainsi que l’appui au développement des stratégies d’autorégulation, des compétences d’ordre méthodologique et l’appropriation des aides technologiques (Fontaine et al., soumis; Ruberto et al., accepté). Dans l’étude de Boily et al. (2023b), les personnes enseignantes jouent également un rôle primordial dans le déploiement de ce deuxième palier d’intervention. Celles-ci mettent en oeuvre des interventions auprès de sous-groupes d’élèves à risque en classe, alors que les orthopédagogues interviennent plutôt auprès des élèves en grande difficulté, le plus souvent, à l’extérieur de la classe (Boily et al., 2023b). Au palier III, très peu de données émergent de la recension. Dans l’étude de Boily (2020), les trois orthopédagogues rencontrées affirment qu’elles se rendent rarement aux interventions de troisième palier. L’étude de Ruberto et al. (2023a) démontre qu’une bonne proportion des orthopédagogues oeuvrant dans le secteur privé interviennent selon des paramètres organisationnels s’apparentant aux interventions de troisième palier. En effet, 50 % de ces orthopédagogues interviennent quotidiennement auprès d’un seul élève.

Quels sont les facteurs liés à l’environnement scolaire qui influencent cette organisation des services?

L’étude de Granger et al. (2021) a permis de relever que l’organisation des services crée de l’insatisfaction chez 75 % des orthopédagogues consultés. Cette insatisfaction peut être explicable par le fait que la mise en oeuvre du service en orthopédagogie est fortement influencée par divers facteurs reliés à l’environnement scolaire ne relevant pas spécifiquement de l’orthopédagogue. Les données issues de cette recension permettent de relever quatre principaux facteurs.

Le premier facteur relevé dans les différentes études consultées est relatif à la gestion du temps et à l’organisation du travail de l’orthopédagogue. Comme présenté dans les sections précédentes, pour organiser leurs services, les orthopédagogues doivent se lancer dans un exercice complexe de collecte de données, de planification et de régulation, et ce, en étroite collaboration avec les différentes personnes impliquées. Pour ce faire, ils et elles ont besoin d’un temps suffisant, ainsi que de moments de concertation prévus à l’horaire et reconnus dans leur tâche (Boily, 2020; Granger et al., 2021; Fontaine et al., soumis). Un autre élément en lien avec la gestion du temps et de l’organisation du travail est dû au fait que les orthopédagogues font souvent face à un nombre important de demandes, ce qui peut nuire à l’intensification de leurs services (Fontaine et al., soumis; Ruberto et al., 2023b). En guise d’exemple, le trop grand nombre d’élèves ciblés influence le ratio orthopédagogue-élève (Granger et al., 2021), ce qui peut avoir comme répercussion d’affecter la qualité de la RàI. Le trop grand nombre de demandes exige aussi un exercice ardu de priorisation des élèves et des cibles d’intervention sur lesquelles intervenir (Fontaine et al., soumis). Au secondaire, le nombre de demandes engendre également des tâches administratives en lien avec la gestion des aides technologiques et des plans d’intervention (Ruberto et al., accepté). D’ailleurs, certaines personnes orthopédagogues ne sont responsables d’aucun plan d’intervention, alors que certaines en ont 160 (Ruberto et al., accepté). Cela a sans contredit un impact considérable sur le temps accordé aux interventions. D’ailleurs, l’étude de Ruberto et al. (accepté) révèle que plus d’interventions sont effectuées en proportion par les orthopédagogues du secteur privé que par celles du secteur public. Il convient donc de se questionner à savoir si ces enjeux liés à la priorisation et à la gestion du temps sont vécus de la même façon dans les différents secteurs de travail.

Le deuxième facteur est lié à la collaboration avec l’ensemble des personnes intervenantes concernées par les services en orthopédagogie. Une bonne compréhension du rôle et des fonctions de l’orthopédagogue semble être un élément déterminant dans la mise en place de cette collaboration (Fontaine et al., soumis). Lorsque la vision du rôle est appuyée par le leadership de la direction et comprise par l’équipe-école, le service en orthopédagogie se met en place plus aisément (Fontaine et al., soumis; Granger et al., 2021). Inversement, lorsque le rôle et les fonctions sont moins bien compris, cela peut dévier le travail de l’orthopédagogue vers des services qui ont un niveau d’impact moins élevé. En guise d’exemple, au secondaire, les orthopédagogues peuvent être appelés à régler des problèmes techniques en lien avec l’utilisation des ordinateurs portables, plutôt que de miser sur l’appropriation des fonctions d’aide auprès des élèves (Ruberto et al., accepté). Pour favoriser l’organisation des services en orthopédagogie, il semble également que la collaboration avec l’équipe-école soit particulièrement nécessaire et bénéfique dans les moments de collecte de données, qui permettent de planifier et de réguler le service (Boily et al., 2023b; Fontaine et al., soumis). Actuellement, les données de cette recension révèlent plutôt que les conditions de collaboration sont souvent plus ou moins déterminées, et qu’elles se vivent plutôt dans un contexte informel (Boily, 2020; Ruberto et al., accepté). Or, il est bien démontré que l’alliance de toutes les personnes intervenantes impliquées est souhaitée pour enrichir la planification et la régulation du service, ce qui doit donc être soutenu par le leadership de la direction (Fontaine et al., soumis).

Le troisième facteur est en lien avec le degré d’implication des personnes enseignantes dans la mise en place des modèles de service. Les services à l’intérieur de la classe exigent particulièrement un niveau d’implication et d’ouverture de leur part. Dans l’étude Ruberto et al. (2021), il apparait que les orthopédagogues intervenant au secondaire désirent coenseigner. Toutefois, les orthopédagogues perçoivent peu d'ouverture des personnes enseignantes qui préfèrent qu'ils ou elles fassent des interventions directes à l’extérieur de la classe ou offrent un service de consultation (Ruberto et al., 2022). Lorsque le coenseignement est mis en place, les personnes orthopédagogues consultées affirment se retrouver plutôt dans une position d'assistanat au cours duquel leur rôle n'a pas été planifié (Ruberto et al., 2022). Granger et al. (2021) relèvent également le manque d’ouverture des personnes enseignantes et le refus d’intervenir conjointement en classe parmi les obstacles liés à l’organisation des services. Dans l’étude de Boily et al. (2023b), il est possible d’observer plutôt la valeur ajoutée d’un degré d’implication élevé chez les personnes enseignantes dans la mise en oeuvre des interventions de palier II, qui bonifie considérablement l’offre de services tout en limitant la stigmatisation.

Le quatrième facteur concerne l’accès à des ressources et à de la formation-accompagnement pour soutenir les orthopédagogues dans le développement de leur expertise en matière d’organisation des services. Les données de la recherche de Fontaine et al. (soumis) révèlent qu’il y a peu d’outils de formation-accompagnement destinés à soutenir les orthopédagogues dans leur organisation des services. Il existerait également peu de savoirs expérientiels ou issus de la recherche pour les orienter et, en ce sens, l’accès à la formation continue et aux collaborations recherche-pratique constitue un enjeu important (Fontaine et al., soumis). La disponibilité de certaines ressources organisationnelles soutient le travail des orthopédagogues, mais des ressources favorisant la collaboration interprofessionnelle demeurent à développer (Fontaine et al., soumis). L’étude de Boily (2020) montre que les orthopédagogues ont particulièrement besoin d’appui en ce qui concerne la mise en oeuvre du pistage de progrès et des interventions de troisième palier.

DISCUSSION CONCLUSIVE

L'organisation des services orthopédagogiques constitue un angle mort en contexte scolaire au Québec. En effet, peu de recherches ont été effectuées dans ce domaine spécifique en contexte québécois, et le fait de réunir les travaux récents sur cette question de manière intégrative permet d’apporter une contribution originale à l’avancement des connaissances. Les résultats de la présente recension permettent de relever deux principaux constats qui réaffirment l’importance de : a) combiner et intensifier les services pour une meilleure prise en compte de la diversité; b) prendre en compte l’incidence de facteurs reliés à l’environnement scolaire.

Combiner et intensifier les services pour une meilleure prise en compte de la diversité

La prise en compte de la diversité devrait se retrouver au centre des décisions en matière d’organisation des services orthopédagogiques. Parmi les points d’acuité, reconnaitre l’hétérogénéité des processus d’apprentissage de chaque élève constitue la base d’une intervention adaptée (CSE, 2017; Leroux et Paré, 2016). C’est d’ailleurs pour permettre la continuité éducative qu’une variété de modèles de service, s’inscrivant dans un continuum d’intensification, trouvent leur place au sein du contexte scolaire. La combinaison de ces différents modèles de service, croisée à un ajustement des différents paramètres d’intensification, offre une quantité importante de possibilités pour soutenir les élèves. Cela corrobore les propos de Zigmond (2003), qui relève que : « l’utilisation de différents modèles de service offre différentes opportunités pour l’enseignement et l’apprentissage » (Zigmond, 2003, p. 197). La présente étude réaffirme donc l’importance de miser sur l’utilisation et la combinaison de différents modèles de service pour proposer des modalités variées en adéquation avec différents besoins, plutôt que de chercher un modèle du type one size fits all qui risque de ne pas répondre à la singularité des apprenants et des apprenantes (Fernandez et Hynes, 2016; Zigmond, 2003).

En ce sens, les modèles de service jumelés, qui représentent la combinaison d’au moins deux modèles de service (Trépanier, 2019), apparaissent comme une solution prometteuse dans une perspective de prise en compte de la diversité. À l’heure actuelle, les modèles de service jumelés se trouvent sous différentes formes d’application et ne sont pas toujours ouvertement répertoriés (Trépanier, 2019). Bien que les résultats de la recension démontrent que les orthopédagogues mettent en oeuvre une variété de modèles de service, une forte tendance pour des services offerts à l’extérieur de la classe semble émerger. Ce constat est corroboré par d’autres écrits scientifiques (Beaulieu, 2019; Gaudreau, 2010; Tremblay, 2017). Dans ce contexte, il convient de s’interroger à savoir si les orthopédagogues arrivent à jouer le rôle d’« agent pivot, de médiateur entre l’apprenant, les objets de savoir, les divers contextes d’enseignement-apprentissage et les différents intervenants scolaires ou extrascolaires gravitant autour de cet apprenant » (Brodeur et al., 2015, p. 13) en privilégiant des services à l’extérieur de la classe. Dans un autre ordre d’idées, il est possible de se questionner sur les raisons qui incitent les orthopédagogues à cibler certains modèles de service au détriment d’autres. Comme les services jumelés sont peu documentés et répertoriés, il est concevable d’émettre l’hypothèse que les orthopédagogues manquent d’informations ou de balises sur lesquelles s’appuyer pour en arriver à construire un service jumelé fortement apparié aux besoins des élèves. De futures recherches sont donc nécessaires pour répertorier et identifier les différentes combinaisons possibles et en quoi celles-ci peuvent correspondre à la diversité des besoins des élèves. Un constat similaire a d’ailleurs été rapporté par Dubé et al. (2015) dans une synthèse de connaissances sur les modèles d’organisation des services. Les autrices affirment que plus de recherches sont nécessaires sur les modèles d’organisation basés sur des regroupements flexibles et différenciés pour répondre aux besoins d’élèves ayant des besoins spéciaux en contexte inclusif.

En outre, il est aussi important de réaffirmer la nécessité d’agir de façon intensive auprès des élèves ayant des difficultés d’apprentissage (Desrochers et al., 2016; Laplante et Turgeon, 2021a). Sans une certaine intensité, l’écart entre les élèves ayant des difficultés et leurs pairs risque de s’accentuer et nécessiter davantage de ressources humaines et financières par la suite. Cette avenue n’est pas souhaitable. En ce sens, les données issues de la recension mettent en lumière que l’orthopédagogue fait appel à plusieurs actions spécifiques pour intensifier ses services, soit l’intervention, l’évaluation, la planification, la collaboration et la régulation, qui semblent s’articuler entre elles dans un processus dynamique et itératif. Pour favoriser la réflexion sur cet aspect distinct de la pratique, des opportunités de développement professionnel doivent être offertes aux orthopédagogues. Or, peu de recherches permettent de comprendre et de soutenir le processus d'organisation des services (Ippolito et al., 2021), ce qui réitère l’importance de mener davantage de recherches sur le sujet. Des objets spécifiques en lien avec le processus d’intensification, comme le pistage de progrès et les interventions de palier III, mériteraient d’ailleurs d’être approfondis.

Prendre en compte l’incidence des facteurs reliés à l’environnement scolaire

Le deuxième constat met en lumière la présence de facteurs reliés à l’environnement scolaire qui influencent l’organisation des services de l’orthopédagogue. La figure 2 illustre cette incidence.

Figure 2

Schéma synthèse portant sur l'incidence des facteurs environnementaux sur l'organisation des services en orthopédagogie en contexte de diversité

Schéma synthèse portant sur l'incidence des facteurs environnementaux sur l'organisation des services en orthopédagogie en contexte de diversité

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Ce constat reprend les observations de Trépanier (2019). Cette dernière relève aussi l’importance de ces différents facteurs reliés à l’environnement scolaire qui ont une incidence sur l’organisation des services en orthopédagogie. L’importance de la collaboration et de la concertation avec les personnes intervenantes concernées, l’attitude générale de l’équipe-école au regard de l’inclusion scolaire, l’appui de la direction d’école, ainsi que l’accès aux ressources nécessaires font partie des conditions essentielles à considérer dans la mise en oeuvre d’un service inclusif (Rousseau et Point, 2015; Trépanier, 2019). Dans le même sens, il serait aussi pertinent de s’intéresser davantage aux contextes qui favorisent le mieux l’expression des compétences des diverses personnes professionnelles en contexte scolaire pour mieux soutenir les élèves. Par ailleurs, le nombre croissant de demandes exerçant une pression sur le déploiement des services de l’orthopédagogue a également été soulevé par le CSE (2017) qui évoque que les services d’aide à l’élève ne suffisent plus à la demande. La présente recension relève toutefois une certaine disparité entre la situation vécue dans le secteur public et le secteur privé. Cette situation ramène l’importance cruciale de la mixité sociale en contexte éducatif qui serait d’ailleurs profitable pour l’ensemble des élèves (Conseil national de l’évaluation et du système scolaire et CSE, 2015; Plante et al., 2014).

La recension permet ainsi de constater que les conditions environnementales ne sont pas toujours mises en place pour offrir un service de qualité en orthopédagogie, ce qui est corroboré par différents écrits (Boily et al., 2023a; Brodeur et al., 2008; CSE, 2017; Gaudreau, 2010). Cette étude met donc en avant-plan l’importance de mener des recherches et d’agir collectivement sur les conditions de mise en oeuvre du service orthopédagogique en contexte de diversité, ainsi que sur les opportunités de collaboration interprofessionnelles en contexte scolaire. Cet angle de recherche permettrait de redonner une place de choix à la diversité afin qu’elle ne soit plus perçue comme un obstacle, mais plutôt comme un réel levier d’apprentissage en contexte éducatif.