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Voici le deuxième numéro de Drogues, santé et société pour l’année 2010. Il s’agit d’un numéro non thématique composé exclusivement d’articles soumis à la rédaction de la revue, sans sollicitation. Nous poursuivons ainsi l’alternance entre numéros thématiques et non thématiques.
Les trois premiers articles de ce numéro sont consacrés à l’alcool. Deux d’entre eux portent sur la consommation d’alcool aux deux extrémités de la vie : pendant la grossesse et chez les personnes âgées.
Nicole April et ses collaboratrices s’intéressent aux représentations sociales concernant la consommation d’alcool pendant la grossesse. Partant du constat que la consommation d’alcool chez les femmes enceintes augmente au Canada, et encore davantage au Québec, elles ont mené une étude qualitative auprès de 31 femmes québécoises enceintes dans le but d’explorer leurs représentations au regard de la consommation d’alcool pendant la grossesse, et plus spécifiquement en tenant compte des différents contextes socioéconomiques des répondantes. Elles ont trouvé que les représentations de la consommation d’alcool pendant la grossesse diffèrent selon le contexte socioéconomique, hormis le fait que toutes les répondantes considèrent que prendre beaucoup d’alcool pendant la grossesse n’est pas acceptable. Les auteures concluent en suggérant des pistes susceptibles d’améliorer nos interventions préventives auprès des femmes enceintes en regard de la consommation d’alcool.
Pierluigi Graziani, pour sa part, nous propose une perspective française sur la consommation excessive d’alcool chez la personne âgée. Il attire notre attention sur le fait que les effets de l’alcool sur les personnes âgées sont mal connus. La vieillesse devient un facteur de fragilisation face à la consommation d’alcool surtout si la personne âgée présente des problèmes de santé. Les alcoolisations sont souvent une réponse à la solitude, à l’isolement ou à la perte de soutien social, à l’anxiété, à la dépression et au stress, et leurs effets sont souvent confondus avec ceux du vieillissement. Même si la consommation problématique d’alcool dans cette population demeure sous-identifiée et sous-traitée et que les outils de dépistage y sont encore peu adaptés, l’auteur nous rappelle que des interventions efficaces existent dans les cas d’abus d’alcool chez les adultes âgés. C’est le cas de l’approche clinique cognitive sur les addictions, qui met l’accent sur l’importance des croyances concernant le produit d’alcoolisation.
Dans un troisième article, justement, Louis-Georges Cournoyer et ses collaborateurs nous présentent les résultats d’une évaluation d’implantation du programme Alcochoix+. Il s’agit d’un programme de gestion de la consommation d’alcool développé au Québec, lequel est destiné plus particulièrement aux consommateurs à risque de développer une dépendance. À la suite de la décision du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec d’implanter ce programme dans l’ensemble des centres de santé et de services sociaux (CSSS) du Québec, une évaluation de ce processus a été réalisée afin de mieux cerner les éléments qui peuvent faciliter ou entraver sa mise en place. Les auteurs nous livrent les résultats de cette étude, abordant à la fois la fidélité de l’implantation du programme et les aspects organisationnels qui y sont reliés. Ils permettent de jeter un regard positif sur la fidélité des intervenants envers le programme et sur la capacité de ce dernier à rejoindre réellement la clientèle ciblée. Les auteurs mettent également en lumière plusieurs facteurs organisationnels favorables à son implantation ainsi que ceux qui y font obstacle.
Les trois derniers articles portent sur le phénomène des drogues et s’intéressent plus particulièrement à ses effets chez les jeunes. Le premier, écrit par Camille Paquette et ses collaborateurs, traite de la consommation de crack et des comportements à risque chez les jeunes de la rue. Leur étude vise à estimer la prévalence d’usage de crack chez cette population et à évaluer l’association entre l’usage de crack et certaines conduites à risque d’infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS). Les deux tiers des jeunes qui ont participé à l’étude avaient consommé du crack au cours de leur vie. Cette consommation est associée à diverses conduites à risque de nature sexuelle, ainsi qu’à l’injection de drogues et la consommation d’alcool. Les auteurs recommandent de s’intéresser aux facteurs de risque du premier usage de cette substance afin d’identifier des pistes de prévention appropriées.
Serge Brochu et ses collaborateurs, pour leur part, s’intéressent aux liens entre l’usage de substances psychoactives (alcool et drogues illégales) et la violence chez les jeunes qui se retrouvent en centre de réadaptation pour jeunes contrevenants au Québec et en Ontario. Plus spécifiquement, ils ont étudié le rôle : a) des intoxications ; b) du besoin d’argent pour se procurer des drogues ; et c) du système de distribution illicite des drogues dans la manifestation de comportements violents chez les jeunes contrevenants canadiens. Parmi les trois types de relation étudiés, c’est l’intoxication qui se révèle le facteur le plus important menant à la violence. Les auteurs notent qu’une bonne partie des crimes associés aux substances psychoactives le sont à plus d’un titre et suggèrent des pistes d’interprétation en regard de leurs résultats.
Enfin, dans un tout autre registre, Marc Alain, dans le dernier article de ce numéro, étudie les impacts sociaux de la culture illicite de cannabis dans une région rurale du Québec. Son article dresse un portrait empirique des impacts sociaux vécus par les résidents de deux municipalités régionales de comté (MRC) du Québec aux prises avec le problème de la culture illicite de cannabis dans les champs environnants. Le premier volet de son enquête terrain vise à établir les impacts de la présence de cette activité auprès d’un échantillon de la population locale alors. Quant au second volet, il s’intéresse à évaluer les comportements délinquants des jeunes de 3e, 4e et 5e années du secondaire de la région, en lien avec les activités entourant la culture du cannabis. L’étude révèle, d’une part, que la présence de cette culture illégale entraîne dans la population un niveau de crainte de représailles élevé de même qu’une nette dégradation du tissu social. D’autre part, une minorité d’adolescents présentant un profil de délinquance marqué et de formes multiples sont bel et bien impliqués dans cette activité.
Drogues, santé et société poursuit sa mission de publier sur le Web, en accès libre, des écrits scientifiques à propos de l’usage et de l’abus des drogues et des phénomènes qui leur sont associés. Nous profitons de l’occasion pour renouveler notre invitation aux auteurs qui oeuvrent dans ce champ à nous soumettre leurs textes, qu’il s’agisse de résultats de recherche, d’articles de fond ou de transfert des connaissances.