Article body

État des lieux

La fameuse allocution de Bill Gates intitulée Information at your fingertips in 2005, qu’il a prononcé dès 1994, a été un événement marquant de l’histoire des technologies de l’information et de la communication et devrait également être considérée comme tel dans l’histoire des bibliothèques. À ce moment précis, il y a 23 ans, la mission jusqu’alors complètement dominante des bibliothèques publiques, qui consistait à « donner accès à l’information », a été remise en question. C’est toujours le cas — voire de plus en plus — à notre époque où l’appareil portatif personnel prend le rôle de « collection de référence » pour presque tout le monde. En fait, il n’aura pas fallu dix ans pour en arriver à ce point, comme prévu, mais seulement quatre, si on prend le lancement de Google en 1998 comme moment décisif de cette transition.

D’innombrables articles, livres, conférences et réunions ont depuis débattu du thème de « l’avenir de la bibliothèque ». Il a été repris plus particulièrement par les bibliothèques publiques, alors que la percée des revues électroniques, peu après le millénaire, a permis l’établissement d’une nouvelle norme numérique dans les bibliothèques universitaires et académiques.

Pendant quelques années, la recherche d’un nouveau paradigme pour les bibliothèques publiques a semblé prendre des directions différentes, mais graduellement — du moins dans des pays comme les pays scandinaves, les Pays-Bas, le Canada, les États-Unis, l’Australie — une tendance se dessine : la bibliothèque publique se transforme en un nouveau type d’institution ; en un centre d’apprentissage et de rencontre, axé sur la communauté. Il n’y a évidemment pas de nouveau paradigme, à moins que l’on juge comme « paradigmatique » le changement structurel intervenu dans le passage des institutions bureaucratiques traditionnelles à des institutions beaucoup plus ouvertes et flexibles. Dans les faits, les bibliothèques développent désormais de nouveaux services d’échange et de coopération avec leurs partenaires, usagers et citoyens. Cela étant, il n’y a toujours pas de réponse précise et détaillée à la question de savoir ce que représente la nouvelle bibliothèque publique, car cela diffère d’une bibliothèque à l’autre en fonction des conditions, des besoins, des partenariats et des ressources locales et que cela dépend fortement des compétences que l’on y retrouve.

Toutefois, un indicateur clair de cette transformation est le fait que certains pays ont adopté une législation relative aux bibliothèques. C’est par exemple le cas en Finlande, aux Pays-Bas et en Norvège où une nouvelle législation redéfinit ou élargit le rôle de la bibliothèque pour en faire un lieu de rencontre ouvert et un espace de discussion démocratique.

Cette transformation a été principalement motivée par la reconnaissance d’un nouveau besoin public massif d’apprendre à gérer les nouvelles technologies et les nouveaux médias. L’un des nouveaux services les plus réussis a été la mise en place de différents types d’offres d’apprentissage : de l’introduction à Internet, aux médias sociaux et aux médias électroniques, au soutien offert sur de nombreux sujets portant sur les technologies de l’information et de la communication. Et cela ne représente probablement que le début d’une nouvelle ère ; une ère où la bibliothèque favorisera de nouvelles méthodes d’apprentissage informel et d’autonomisation des citoyens dans des domaines encore plus vastes.

Bien que je croie qu’une tendance vers un tel nouveau concept se dessine effectivement, il est clair que le tableau que je viens de brosser n’est probablement pas celui que l’on constate actuellement dans la plupart des bibliothèques. Nombre de bibliothèques que j’ai visitées semblent encore extrêmement centrées sur le livre. Le développement des services bibliothécaires et la transformation de la bibliothèque sont avant tout de la responsabilité des leaders et dirigeants, et de toute évidence, la tâche a été trop rude pour beaucoup. Le présent article se veut une discussion sur les façons de gérer le contexte en évolution rapide des bibliothèques occidentales et de proposer le développement de concepts de bibliothèques que j’estime nécessaires pour assurer leur survie. Suit une brève présentation du programme modèle danois pour les bibliothèques publiques, qui sert depuis cinq ans de source d’inspiration pour la mise en place de nouveaux concepts.

Essentiellement, nous pouvons distinguer trois vagues de changement qui ont été et qui doivent encore être prises en compte dans la bibliothèque : (1) la transformation numérique du paysage médiatique, (2) le changement rapide dans l’utilisation de nouveaux services de la bibliothèque par les citoyens et (3) la nécessité de réorganiser en profondeur le travail des bibliothèques pour faire face aux deux premières vagues.

Transformation du paysage médiatique

La première vague est la transformation du paysage médiatique. Si on examine les statistiques, cette transformation peut sembler moins dramatique qu’elle ne l’est réellement. Par exemple, au Danemark, le marché du livre électronique représente environ 20 % du marché total du livre, ce qui indique que les livres imprimés y sont toujours prédominants. Mais de tenter de savoir comment les citoyens consacrent leur temps peut être trompeur. L’augmentation du temps consacré en moyenne tous les jours à l’utilisation privée d’appareils personnels, de médias sociaux et de médias électroniques a été phénoménale. Le temps passé au quotidien sur les médias sociaux diffère, bien sûr, d’un pays à l’autre et d’un groupe d’âge à l’autre, mais partout, cette durée est beaucoup plus élevée que celle consacrée à la « lecture linéaire » traditionnelle. Un exemple scandinave : les jeunes hommes de 16 à 30 ans consacrent en moyenne 11 minutes par jour à la lecture, alors qu’ils consacrent de deux à trois heures à l’utilisation de leurs appareils numériques. La tendance est très claire : la lecture, en particulier celle de romans, subit de fortes pressions d’autres activités.

Initialement, le défi pour la bibliothèque consistait à « devenir numérisée », à donner accès à du matériel numérique, aux médias numériques et à réorganiser l’infrastructure de manière à permettre l’accès à distance à ses services. Le problème principal demeure que la législation sur le droit d’auteur n’est pas favorable au libre accès public. Et les documents intéressants et très pertinents pour la bibliothèque sont justement protégés par le droit d’auteur. L’un des défis consiste donc à trouver des modèles d’affaires efficaces avec les éditeurs. Si cela ne peut être fait à l’échelle internationale, ce devrait l’être à l’échelle nationale. Une tâche « nationale » pourrait consister à négocier des licences collectives et à soutenir le libre accès, par exemple, à toutes les revues de recherche et à tous les rapports publiés qui ont reçu l’appui du public. Il pourrait aussi être possible de négocier des « zones d’accès libre » dans les bibliothèques pour pouvoir consulter plus que les seules revues électroniques que l’on trouve dans la plupart des bibliothèques universitaires.

Cela étant, travailler à concrétiser ces options n’est pas l’affaire de la seule bibliothèque. L’un de ses défis plus manifestes est de trouver de nouvelles façons de communiquer et de rendre plus tangible l’offre de médias électroniques. En effet, il y a d’énormes quantités de contenu gratuit sur le Web ; un contenu que la plupart des gens ne connaissent pas, mais qui pourrait leur être d’une grande aide. La plupart des bibliothèques que j’ai visitées dans le monde ne donnent pas la priorité à la promotion du matériel numérique, même si les citoyens en font la demande. Cela pourrait-il être dû à l’insuffisance des compétences numériques du personnel ? Ou à une priorité trop faible accordée au développement de nouveaux modes de présentation ?

L’évolution du paysage médiatique est suivie d’un changement de culture plus profond, comme le décrivent des chercheurs comme Giddens, Bauman, Lyotard et Castells. Bauman analyse par exemple la « modernité liquide[1] », l’évolution constante des relations et des valeurs dans les institutions, les familles et chez les gens en général, qui conduit à la perte d’identité, à de nouvelles lacunes et à la fragmentation de la société.

Nouveau profil de service dans les bibliothèques

La deuxième vague de changement est, bien sûr, liée au changement numérique et est une conséquence de celui-ci, soit le développement rapide de nouveaux services dans les bibliothèques, entre autres les nouveaux médias. Mais les médias électroniques ne représentent qu’une infime partie de cette vague. Une tendance claire que l’on remarque dans la plupart des pays développés est la diminution des prêts de bibliothèque. Bien que les téléchargements de médias électroniques aient augmenté, ils sont rarement suffisants pour compenser la diminution des prêts de matériel analogique. Lorsqu’on trouve des exceptions à cette tendance, c’est généralement en raison de l’arrivée d’une nouvelle bibliothèque, d’un nouveau directeur ou d’un membre du personnel qui propose de nouvelles idées (ce qui est, bien sûr, encourageant).

La majorité des nouveaux services proposés sont liés à l’apprentissage, aux activités culturelles, aux rencontres, aux débats. Ces activités se retrouvent déjà dans les bibliothèques publiques depuis des décennies, mais dans une moindre mesure. Au Danemark, la tendance était déjà claire il y a plus de vingt ans. La diminution constante du nombre de prêts était déjà une réalité, mais lorsque la Bibliothèque de Silkeborg a été la première à donner au public un accès à des ordinateurs et à Internet, en 1995, le succès fut immédiat. À cette époque, il n’y avait pas d’accès public au catalogue en ligne. Silkeborg est une ville d’environ 40 000 habitants et ce nouveau service a conduit à une augmentation du nombre de visiteurs de 25 000 personnes la première année. La bibliothèque faisait également face au besoin criant de présenter Internet et ses possibilités. Elle a donc développé la même année, la première page d’accueil d’une institution publique danoise et a incité les citoyens qui demandaient de nouveaux services de penser en termes de services à distance et de programmes d’apprentissage, qui évoluaient tout le temps. Le succès de cette bibliothèque a convaincu plus de centaines de directeurs de bibliothèques danoises de réfléchir à de nouveaux modes de services. Une nouvelle vague a pris ainsi forme. L’une des idées qui en est ressorti — qui nous semble évidente aujourd’hui, mais qui était controversée à l’époque — a été d’élargir la portée des statistiques officielles des bibliothèques de manière à y inclure non seulement le nombre de prêts, mais aussi le nombre de visiteurs. Nous y sommes parvenus et depuis, le nombre de prêts continue de diminuer… alors que le nombre de visiteurs ne cesse d’augmenter. Aujourd’hui, chaque citoyen danois visite en moyenne la bibliothèque sept fois par an. Le développement de programmes d’apprentissage, de nouveaux types d’apprentissages comme les fab labs, les maker spaces et les ateliers créatifs, les cours d’écriture, etc. ont donc été convaincants.

L’établissement de nouveaux profils a été possible grâce à l’établissement de nouvelles relations, tant par l’entremise de partenariats avec d’autres organisations qu’avec les citoyens, notamment les bénévoles.

Troisième vague : changement organisationnel

De manière générale, un des principaux changements qui sont intervenus dans le passage d’une société industrielle à une société de l’information ou de la connaissance a été le changement d’orientation des produits vers les utilisateurs. La société industrielle se concentrait sur la production de produits et la bibliothèque d’alors se concentrait sur sa collection et son développement. Prenons comme exemples le programme UAP (Universal Availability of Publications) de l’IFLA qui, à l’ère des nouvelles technologies numériques, a été poussé à la quasi-perfection, et aussi la gestion de la collection comme élément au coeur de la profession de bibliothécaire. De même, des domaines tels que l’élaboration de normes d’utilisation interbibliothèques ont été priorisés et le travail politique en faveur des droits internationaux d’accès à toute l’information et de son échange était essentiel.

Ainsi, lorsque les premiers pionniers se sont rendu compte que la vision de Bill Gates de l’information « au bout des doigts » devenait réalité et en ont imaginé les conséquences sur le travail des bibliothèques, des slogans comme « changer ou mourir » et « de collection à connexion » sont apparus. Le défi était clair, mais les solutions ne l’étaient pas nécessairement. L’un des moyens les plus utilisés pour promouvoir l’innovation a été d’organiser de nouvelles initiatives sous la forme de « projets », qui devaient être exécutés sur une période déterminée et à certains coûts. L’expérience dans les bibliothèques danoises a souvent vu ces projets échouer parce qu’ils étaient considérés comme des « tâches supplémentaires », qui s’ajoutaient aux opérations quotidiennes. La plupart des bibliothèques étaient et sont encore organisées de manière hiérarchique en services qui peuvent fonctionner dans un contexte stable axé sur les produits, mais qui deviennent instables lorsqu’il s’agit de gérer des projets ou de nouvelles initiatives en général. Et comme l’augmentation des ressources est rarement une option, les changements organisationnels sont devenus une condition pour le développement de nouveaux services.

Au fil des ans, certaines tendances se sont dessinées, toutefois : les utilisateurs ont demandé davantage d’espaces conviviaux où se prélasser, travailler et se réunir. Ils ont voulu participer à des séances d’apprentissage. Il est devenu possible dans de nombreuses bibliothèques d’organiser de nombreux événements, débats, réunions. Les ateliers se sont avérés être un moyen d’apprentissage populaire et les utilisateurs ont commencé à s’organiser. Pour gérer ce nombre croissant de nouveaux services dans les limites du budget habituel — ou encore à moindre coût, car de nombreuses bibliothèques ont souffert de coupes —, de nouvelles façons d’organiser le travail des bibliothèques ont vu le jour. Des priorités difficiles ont dû également être établies. Le présent article ne cherche pas à discuter de modèles organisationnels, mais au Danemark, la tendance est claire : les bibliothèques s’organisent pour répondre à de nouveaux types de besoins, pour donner de l’espace aux nouvelles initiatives des partenaires, pour impliquer activement les citoyens, pour donner de l’espace à des activités guidées par les utilisateurs et des services de bibliothèque libre-service. En effet, un nouveau type d’institution évolue en fonction des habitudes et du comportement culturels de la société du savoir.

Les trois vagues de changement sont ici considérées comme une aide à la gestion de structures et de problèmes extrêmement complexes soulevés par la transformation de la bibliothèque classique.

Le modèle danois à quatre espaces et le programme modèle pour les bibliothèques publiques

Le rapport du gouvernement danois Public Libraries in the Knowledge Society (2010) est basé sur la littérature internationale et l’expérience nationale dans le développement de nouveaux concepts. Il recommande la création de bibliothèques plus ouvertes offrant de nouveaux services, la création d’une bibliothèque publique numérique nationale et la mise en place d’activités futures fondées sur des partenariats avec d’autres organismes et avec les citoyens. En particulier, le rapport introduit un nouveau concept pour les bibliothèques publiques qui vise à soutenir l’autonomisation, l’innovation, l’expérience et l’engagement des citoyens. Comme outil conceptuel, un nouveau modèle à quatre espaces a été présenté. Celui-ci a immédiatement été adopté par un certain nombre de bibliothèques. Cette réponse positive a mené à l’idée d’élaborer un programme modèle pour les bibliothèques publiques, lancé en 2013, avec le modèle des quatre espaces comme fondement[2].

Dans le cadre du processus de développement, la recherche documentaire et les voyages d’études ont confirmé que le modèle des quatre espaces était le meilleur outil structurel pour décrire le rôle du nouveau concept de bibliothèque publique. Le modèle a été élaboré par trois chercheurs de l’École royale des sciences bibliothécaires et de l’information[3] en concertation avec le Comité (présidé par l’auteur) sur les bibliothèques publiques dans la société du savoir qui a publié son rapport, y compris le modèle, en 2010.

Le programme modèle décrit et propose ainsi des principes de conception pour les quatre espaces.

Selon celui-ci, l’objectif global de la bibliothèque est de soutenir les quatre objectifs suivants : l’expérience, la participation, l’autonomisation et l’innovation. Alors que les deux premiers objectifs portent en particulier sur la perception, l’expérience et l’implication individuelles dans sa quête de sens et d’identité dans une société complexe, les deux autres objectifs sous-tendent davantage les objectifs sociétaux. L’autonomisation vise le développement de citoyens forts et indépendants capables de résoudre les problèmes du quotidien, tandis que l’innovation a trait à la recherche de nouvelles réponses à des problèmes pratiques ou au développement de nouveaux concepts, méthodes ou expressions artistiques.

Les quatre espaces

Les quatre espaces ne doivent pas être considérés comme des « pièces » concrètes au sens physique du terme, mais plutôt comme des possibilités qui peuvent être exploitées à la fois dans la bibliothèque physique et dans le cyberespace. Néanmoins, les quatre espaces devraient être différents en matière de design (meubles, médias), d’offres, de programmes et d’activités.

L’espace d’apprentissage est l’endroit où l’on peut explorer et découvrir le monde. L’apprentissage se fait par le jeu, par exemple par des activités artistiques, des cours, la lecture et l’utilisation de médias et d’autres activités. On y retrouvera des activités d’apprentissage informelles, de l’apprentissage en ligne, des conférences et des présentations, l’accès, bien sûr, à des ressources de savoir, des services de demande de renseignements, des services bibliothécaires, des « réserver un bibliothécaire », mais aussi à des ateliers, des cours, des consultations dirigés par des bénévoles ou des membres du personnel. Une des priorités pourrait être d’y présenter de nouvelles méthodes d’apprentissage comme les fab labs et les maker spaces. Les compétences médiatiques et la culture citoyenne sont ici des priorités absolues, mais aussi l’aide nécessaire pour gérer des problèmes quotidiens, par exemple le budget familial, la gestion de problèmes familiaux, le soutien à la recherche d’emploi.

fIGURE 1

Les quatre espaces

Les quatre espaces

-> See the list of figures

L’espace d’inspiration est l’endroit où l’on vit des expériences passionnantes. Cela se fait par la médiation d’une multitude d’expressions esthétiques, mais bien sûr « apprendre » peut aussi être une source d’inspiration. Ici, on retrouvera la littérature, le cinéma, la musique, l’art, les performances, les jeux, les pièces de théâtre, les rencontres avec l’artiste, etc. Dans sa conception, on pourra trouver des « scènes » ou des lieux pour des événements et des activités diverses comme des conférences de livres, des lectures publiques et des expositions, mais aussi des films, des concerts, des jeux. Ici, un des défis particuliers est de trouver des façons inspirantes d’afficher les médias numériques et les ressources Web.

L’espace de rencontre est un espace public ouvert, qui vise à faire participer le citoyen aux activités ou aux débats de la communauté locale. C’est un « troisième lieu » dans le sens que lui donne Ray Oldenburg, mais aussi un espace pour des rencontres spontanées informelles et des événements organisés. Une bonne bibliothèque devrait offrir une variété d’espaces de réunion allant de l’espace intime et presque privé au hall et à l’espace pour les débats publics de toutes sortes. Quant à la tendance à la fragmentation croissante des relations sociales dans la société, la bibliothèque pourrait ici jouer un rôle important pour accueillir divers volets de la vie communautaire.

L’espace performatif vise la performance, l’implication, la participation et la créativité de l’utilisateur. Cet espace est étroitement lié à l’idée de soutenir l’innovation dans la bibliothèque. Ici, on trouvera des cadres pour « produire » de différentes manières : ateliers d’écriture, ateliers de cinéma, atelier de photo, activités avec des artistes locaux, ou même des ateliers pratiques, des ateliers d’artisanat, etc. On trouvera aussi de l’espace pour de nouveaux environnements d’apprentissage comme les fab labs et les maker spaces.

Exemples de conception

Les principes de conception de ces quatre espaces mettent l’accent principalement sur trois domaines : l’espace physique, l’aménagement intérieur, le mobilier et autres installations, et les activités et modèles de comportement.

Les principes de conception du programme modèle sont en constante évolution. Le mode de pensée peut être illustré par un exemple lié à l’espace d’inspiration où il peut être un défi de guider ou de conduire un utilisateur vers une nouvelle expérience, des découvertes inattendues, une nouvelle inspiration. Trois exemples de principes de conception ont été identifiés dans des recherches documentaires ou lors de voyages d’études : à la bibliothèque de Hjørring, dans le nord du Danemark, un ruban rouge en bois traverse la bibliothèque. En le suivant, vous découvrirez les différents paysages et espaces de la bibliothèque et rencontrerez quelques-unes des offres. Le sentier vous conduira de la bibliothèque classique, avec des étagères hautes et des fauteuils Chesterfield, à la salle de lecture classique de la « Bibliothèque royale », en passant par le laboratoire des technologies de l’information et de la communication, la salle de jeux pour les enfants et des ateliers d’activités performatives et bien plus encore.

Un deuxième exemple se trouve à la nouvelle bibliothèque locale de Copenhague-Nord-Ouest où la signalisation dans le sol et sur les murs est combinée avec des principes de conception remarquablement différents dans les différents espaces : couleurs, éclairage et style de meubles, atmosphère, et activités. Ces éléments de design sous-tendent la variété des offres et des possibilités de la bibliothèque, où plusieurs pièces peuvent être modélisées de différentes façons selon les besoins et les souhaits des utilisateurs.

Un troisième exemple se retrouve dans la bibliothèque d’Ørestad à Copenhague — un tout nouveau quartier construit sur un terrain nu — où la diffusion numérique est élargie. Sur toutes les présentations médias de la bibliothèque, on retrouve des extraits de films, on entend une présentation orale et on voit des photos. Dans toutes les étagères, des écrans interactifs affichent le contenu des étagères. Partout, il y a des iPad avec des suggestions pour approfondir la recherche sur le sujet auquel vous faites face. Ici, le principe de design est lié à une philosophie selon laquelle toutes les activités de la bibliothèque doivent être reflétées et présentées sur le Web.

Une tendance générale qui se dessine dans les concepts de nouvelles bibliothèques que l’on retrouve au Danemark est ce que nous appelons les « bibliothèques ouvertes ». Ce concept repose sur un espace ouvert aux usagers en libre-service en dehors des heures d’ouverture normales, ce qui donne accès aux citoyens du matin au soir. L’accès exige normalement un code-barres que possèdent tous les citoyens et un NIP de la bibliothèque. La majorité des bibliothèques publiques danoises offre ce service, qui permet aux usagers d’être complètement autonomes sans aucun problème. Voilà un exemple de construction de nouvelles institutions à l’image d’une société plus civique. On peut observer les effets d’un tel concept dans une bibliothèque du village de Gilleleje, au nord de Copenhague. La bibliothèque fait partie du centre culturel communautaire qui est géré par le personnel de la bibliothèque et 200 bénévoles qui organisent la plupart des activités, clubs, concerts, concerts, films, débats, ateliers, rencontres sociales, événements, etc. Le centre est ouvert à tous. Aucun besoin d’identification. Vous pouvez entrer dans la bibliothèque, vous servir vous-même, partir ou rester tant que le centre est ouvert, c’est-à-dire à partir de 7 h du matin, lorsque le personnel de ménage arrive, jusqu’à la fin du dernier film, de la dernière réunion ou du dernier atelier. La dernière personne qui quitte ferme la porte à 22 h, lorsque le restaurant ferme. Ce centre reçoit 1 000 visiteurs par jour, ce qui signifie qu’en moyenne chaque visiteur du village la visite une fois par semaine. Depuis l’ouverture à la fin de 2016, il n’y a eu aucun problème, aucune violation, aucun manque de respect. Quelle est la formule ? C’est la confiance dans les citoyens, la confiance dans les bénévoles et, bien sûr, une tradition envers un engagement fort dans la communauté locale — et enfin et surtout, un directeur de bibliothèque courageux et visionnaire. Ce cas est aussi la preuve qu’il est possible de créer une grande richesse d’activités même dans les villages.

La bibliothèque appartient aux citoyens, pas aux bibliothécaires.