Article body

Comment démotiver un bibliothécaire passionné ? Quelle question étrange ! Et pourtant… Combien de professionnels chevronnés et performants pourraient encore lever la main si on leur demandait, au cours d’une journée d’étude par exemple, s’ils sont aussi motivés, dans leur fonction, que lors de leur engagement initial ?

Par ailleurs, une constante culturelle et une des lois de la créativité font qu’il est beaucoup plus facile d’être créatif dans la critique que dans la louange, et pour débusquer les critères de la démotivation, rien de tel que de poser cette question : comment démotiver un bibliothécaire passionné ?

Curieusement, malgré la passion que l’on reconnaît chez beaucoup de professionnels en bibliothèques, il est assez facile de les démotiver. Il suffit d’appuyer sur les bons leviers, et cet article a pour objectif d’en cerner quelques-uns. Deux raisons à cela : permettre aux nombreux bibliothécaires dans ce cas de se sentir enfin reconnus et de ne plus se sentir isolés dans leur détresse, et aux responsables d’équipes de veiller à cultiver la motivation initiale de leurs agents.

Nous allons donc étudier la question en quatre points :

  1. Repérer un bibliothécaire passionné ;

  2. Appliquer quelques méthodes éprouvées pour le démotiver ;

  3. Évaluer les progrès de la démotivation : les talents en défaut ;

  4. Réfléchir à la raison, à l’intention derrière la nécessité ou l’opportunité de le démotiver.

Repérer un bibliothécaire passionné

Voici quelques critères pour repérer facilement un bibliothécaire passionné.

Un bibliothécaire ? Quelqu’un de passionné à la base

Certains l’ont observé avec étonnement, un bibliothécaire est d’emblée plus passionné que n’importe quel agent de la fonction publique. À qualification égale, un fonctionnaire de catégorie B par exemple (cadre intermédiaire) n’en fera jamais autant qu’un bibliothécaire. Pour quelles raisons ? Parce qu’un bibliothécaire travaille sur la culture et sur ce qui donne de l’humanité à l’être humain. Il n’est pas frustré dans son travail, même quotidien ou routinier, car celui-ci contribue à l’épanouir, il se sent utile pour les publics qu’il dessert et qui le relient à son humanité. Culture et lien avec l’humain sont des valeurs professionnelles très fortes qui touchent profondément la conception qu’il se fait du métier et qui contribuent à alimenter les conflits de positionnement de la profession : développement des collections ou accueil inconditionnel de tous les publics ? Les deux positions sont légitimes, car elles réfèrent à des valeurs légitimes. Les collections donnent accès à la source même du savoir et permettent d’approfondir une question selon le format idéal du livre consacré à un même sujet, ce que les articles que l’on trouve sur Internet ne peuvent proposer. L’accueil des publics répond à la notion même de service public, et permet à chacun de pouvoir se sentir accepté de manière inconditionnelle dans un espace public et de nourrir des besoins de sécurité, d’appartenance et de stimulation intellectuelle et affective[1].

Un bibliothécaire passionné ?

Un militant. Un bibliothécaire passionné est engagé et met en oeuvre des valeurs professionnelles très fortes. Un bibliothécaire pour la jeunesse, par exemple, admire et valorise les albums pour enfants, qui sont souvent de véritables oeuvres d’art, accessibles pour un prix modique à tous, et cherche à inoculer le virus de la lecture dès le plus jeune âge, comme rempart efficace contre les adversités de la vie.

Cette passion transcende les clivages statutaires, entre conservateur et bibliothécaire par exemple, dans la communion d’une passion partagée. La frontière entre vie professionnelle et vie personnelle s’efface, car elles se confondent dans une même aspiration. Le bibliothécaire passionné ne mesure pas son temps. Il déborde d’une énergie inépuisable : il est toujours occupé, car il a mille projets en tête. Même s’il n’a pas assez de temps pour tout faire, il le fait quand même, car, pour lui, la journée a plus de 24 h.

Un expert. Toujours prêt à rassembler de l’information et à la diffuser, il devient expert dans son domaine, il aime apprendre des autres et transmettre aux autres. Il entretient un réseau relationnel performant et consacre du temps à une veille stratégique dans son domaine de prédilection. Enthousiaste, il est une force de proposition, une ressource et, à lui seul, un vivier de projets.

Un professionnel ouvert et souriant. Le bibliothécaire passionné est agréable à fréquenter, car il possède la joie de se réaliser dans son métier. Il est heureux de partager son savoir avec d’autres, et de coconstruire le savoir avec eux. Il éprouve le bonheur de travailler en bonne intelligence, avec la certitude de se savoir apprécié et recherché. Il sait qu’il peut s’appuyer sur une structure solide et fiable qui lui fait confiance, puisqu’il a le loisir de cultiver sa passion dans le cadre de son travail et pour son travail.

Le bibliothécaire passionné est donc facile à repérer, car il est heureux. On le reconnaît à son sourire lumineux.

Appliquer quelques méthodes éprouvées pour démotiver le bibliothécaire passionné

Compte tenu du haut niveau d’énergie qui caractérise le bibliothécaire passionné, on pourrait penser que la tâche de le démotiver est ardue. Il n’en est rien. En appuyant sur les points essentiels, comme en acupuncture ou en shiatsu, on a tôt fait d’arriver au résultat souhaité.

Inverser l’équilibre entre motivation interne et contraintes externes

Ce haut niveau d’énergie permet au bibliothécaire de résister à de fortes contraintes, avec l’aisance d’un sportif de haut niveau. Mais en augmentant les contraintes de manière drastique, il est possible de lui faire toucher terre. Il suffit d’inverser l’équilibre entre les facteurs de motivation interne et la lourdeur des contraintes externes.

Trois cerveaux, trois soifs

À la suite d’Henri Laborit, des chercheurs en neurosciences ont associé chacun des trois cerveaux (cortex, limbique, reptilien) à chacune des trois soifs psychologiques de base : la soif de structure, la soif de reconnaissance et la soif de stimulation, d’action et de créativité. Si chaque être humain est mobilisé par ces trois soifs, la manière d’y répondre est spécifique à chacun.

La soif de structure. Elle peut se manifester de manière différente selon les structures de personnalités. Certains vont avoir besoin d’assurer leur sentiment de sécurité en prenant des repères temporels, comme un planning prévisionnel, des dates butoirs, un échelonnement dans le temps, ou des repères spatiaux. D’autres ont besoin de connaître l’origine des choses, d’une décision, d’une loi, etc. D’autres encore ont besoin, pour pouvoir s’organiser, de savoir qui fait quoi et quelles sont les règles de fonctionnement…

La soif de reconnaissance. Là aussi, elle peut se manifester de différentes façons : certains ont besoin de voir leur travail apprécié, tandis que d’autres préfèrent vivre et travailler dans un cadre agréable et être appréciés en tant que personnes. D’autres ont besoin d’être reconnus dans leur investissement, ou dans leurs valeurs et leurs opinions, ou dans leurs idées, ou dans leur créativité, etc., et d’autres ont besoin de sentir qu’ils appartiennent à un groupe…

La soif de stimulation. Elle se manifeste de façon diversifiée, elle aussi. Certains ont besoin de contrôler une tâche de A à Z, d’avoir une vue d’ensemble. D’autres ont besoin d’innover, de créer, d’inventer ou de faire du neuf avec du vieux, de réparer. D’autres ont besoin d’apprendre, de découvrir, de tester des choses nouvelles et d’autres encore, ou les mêmes, à des degrés variables, ont besoin de s’amuser et de jouer. Agir, créer…

Chacun d’entre nous possède ces trois soifs à des degrés variables et selon une combinaison originale. Ce sont les coeurs de la motivation personnelle. Si ces soifs reçoivent des réponses appropriées, la personne a accès à ses talents, tandis que si les réponses individuelles à ces soifs sont partielles, ou inexistantes, la personne ressent un stress plus ou moins intense et bascule dans ses défauts, qui ne sont que l’excès, l’envers de ses talents[2].

Un déficit important dans l’économie personnelle des trois soifs

Pour démotiver un bibliothécaire passionné, il suffit donc de répondre de manière inappropriée à ses soifs, ou même de les ignorer. Voici quelques recettes déjà testées dans l’univers des bibliothèques, qui ont fait leurs preuves…

Ignorer la soif de structure. L’idée est de déstabiliser la personne en brouillant ses repères et en la plaçant ainsi en insécurité. On prendra soin de ne lui donner ni cadre ni objectifs et de lui affecter des tâches ou des activités dénuées de sens, en veillant à rester flou, confus, opaque et versatile. On peut bouleverser l’organigramme et faire disparaître ou apparaître certaines missions ou certains postes, recruter les mauvaises personnes sur les mauvais postes et pour de mauvaises raisons, privilégier, promouvoir et récompenser de manière arbitraire. On peut improviser des déménagements incessants de bureaux ou de services, en profitant de l’absence des agents concernés… On peut aussi instituer comme principe de ne pas honorer ses engagements (« les promesses n’engagent que ceux qui y croient »), mentir et édulcorer la réalité.

Une recette infaillible consiste à donner la même tâche ou mission à deux personnes différentes sans le leur dire. Au moment où elles le découvrent, vous êtes assuré qu’elles passeront beaucoup de temps à se faire la guerre, au propre et au figuré, dans un jeu psychologique très connu et très fréquent, analysé par Éric Berne, intitulé : « Battez-vous ».

Ignorer la soif de reconnaissance. Il est facile et assez courant d’ignorer une personne, de l’isoler, de la dénigrer dans ses activités, son rôle ou sa personne, et éventuellement de la rétrograder, sous couvert de réorganisation. Certaines personnes omettent les signes basiques de la civilité comme les salutations ou pensent à dire bonjour à leurs collègues de façon aléatoire.

On peut aussi considérer la personne comme n’étant pas un élément important dans l’organisation et le succès de la bibliothèque, éviter de la convoquer à des réunions où l’on traite de son secteur, de ses projets ou de son avenir professionnel. On peut tenir pour acquis que, quoi qu’elle fasse, elle ne fait que son travail, qu’elle est payée pour ça, et donc, qu’aucune reconnaissance ou attention particulière n’est requise. Dans la même logique, on peut ne jamais remercier la personne pour son investissement ni reconnaître la qualité de son travail, pour l’utiliser à son profit, sans mention.

Quelques recettes infaillibles : on peut faire travailler la personne plus que les autres, puisqu’elle est considérée comme un expert, et la pousser au burn-out. On peut, tout au contraire, l’ignorer et ne pas se soucier d’elle, et la pousser au bore-out. On peut encore l’humilier, la confronter, ou se moquer d’elle en public.

Ignorer la soif de stimulation. Un bibliothécaire passionné a besoin d’être en contact avec l’objet de son investissement. Il est donc facile de ne pas lui laisser vivre sa passion et de lui attribuer des tâches sans intérêt, sans objectif ni utilité à ses yeux. Il suffit de le cantonner à des tâches répétitives et de l’obliger à suivre strictement les procédures. Dans la même optique, on peut décourager toutes ses initiatives, dévaloriser ses propositions, refuser ses demandes de formation ou pinailler sur les horaires de travail et le remboursement des frais de mission.

Une recette infaillible consiste à refuser toute proposition de changement : « Pourquoi changer ? C’est très bien comme ça ! Cette manie que vous avez de tout vouloir changer… ! »

Une déficience dans la circulation de l’énergie psychique

Chacun d’entre nous possède des valeurs, un lien particulier à son environnement et des clés de motivation personnelle. La cohérence entre ces trois éléments est source d’énergie importante. Pour démotiver un bibliothécaire passionné, il est aussi possible d’agir sur ces trois clés.

En termes de valeurs et d’éthique. Il est possible de placer une personne devant des cas de conscience difficiles et de la heurter dans ses valeurs. On peut l’obliger à se positionner face à des comportements et à des procédures non éthiques ni conformes à ses valeurs, comme l’exigence de procédures qualité qui ont pour objectif caché d’intensifier le contrôle et d’instaurer des jeux de pouvoir. On peut placer la personne dans l’incapacité de faire du bon travail, selon le terme employé par le sociologue Yves Clot : « la qualité empêchée ».

En termes d’intégration dans son environnement. Pour faire du bon travail, utile et efficace, il est important de garder un contact éclairé avec son environnement, de pouvoir recevoir et traiter les informations issues de cet environnement, qui alimentent la veille stratégique. Privé d’informations internes et externes, l’agent manque d’éléments et d’outils pour comprendre et analyser son environnement, pour y apporter la réponse appropriée. Peu à peu, décalé, il sera amené à commettre des erreurs, et à avoir peur d’en commettre.

En termes de motivation. La motivation, comme son nom l’indique, est le moteur de la personnalité et des actions. Si ce moteur vient à se gripper, par manque de structure, de reconnaissance ou de stimulation, ou par manque des trois à la fois, la personne n’éprouve plus de plaisir, ne s’amuse pas, n’apprend pas, ne découvre plus rien, n’est pas en lien avec les autres. Elle s’isole. Et dépérit peu à peu.

Évaluer les progrès de la démotivation : les talents en défaut

Dans ces conditions, il est facile de repérer les signes de démotivation chez le bibliothécaire jadis passionné.

Une modification dans la structuration du temps

Jadis actif et opérationnel, le bibliothécaire va devenir un fonctionnaire lambda, selon les caricatures en vogue : il adopte des horaires dits « de fonctionnaire » en ce sens qu’il calcule et mesure son temps et son énergie avec parcimonie. En proie à l’ennui, une donnée nouvelle qu’il ne connaissait pas jusqu’à présent, il se met à faire des erreurs, ce qui est un symptôme de manque de reconnaissance. L’équilibre entre l’activité et les jeux psychologiques s’inverse, il va donc passer beaucoup de temps à la machine à café et dans les couloirs, à cancaner comme les autres, sur les autres. Il est passé sur le versant sombre de sa personnalité.

Une modification dans son comportement

Le bibliothécaire moins passionné se révélera « moins » dans tout ce qui faisait sa spécificité. Il se montre moins souriant, moins enthousiaste, moins vif, moins réactif, moins curieux, moins polyvalent, moins organisé, moins drôle, moins attentif, moins créatif, et enfin, moins diplomate, car il a accumulé beaucoup de colère en lui, une colère qu’il n’a peut-être pas la possibilité d’exprimer de manière adéquate, ou peut-être n’a-t-il pas même l’espace pour le faire.

Privé de structure, de reconnaissance et de stimulation, il repart de manière négative dans le sens inverse des étapes de la croissance professionnelle décrites par Paul Hersey et Kenneth Blanchard. Il se désintéresse des activités de la bibliothèque, se referme sur ses objectifs personnels, se met à réclamer des privilèges, etc., pour finir par pinailler lui aussi sur des détails sans importance.

Le résultat est probant. Le bibliothécaire jadis passionné est rentré dans le rang et n’est plus que l’ombre de lui-même. Il « fait ses heures », est devenu inodore, insipide et transparent. On l’oublie peu à peu, alors qu’il y a encore quelques mois, il était brillant et rayonnait. Il grossit, ou maigrit, et sujet à des maux divers, peut tomber véritablement dans la maladie ou la dépression.

Réfléchir à la raison, à l’intention derrière la nécessité ou l’opportunité de démotiver le bibliothécaire passionné

Il est rare que les responsables d’équipe aient la conscience et la perversité d’acculer sciemment des membres de leur équipe à cette extrémité. Cependant, il est assez fréquent que, soumis eux-mêmes à la pression politique ou administrative, ils en arrivent à répercuter sur l’échelon inférieur le stress et les contraintes qui leur sont imposés. Bien souvent, il leur est demandé de « se débarrasser » de la personne désignée comme bouc émissaire pour de multiples raisons qui les dépassent et sur lesquelles ils n’ont pas la main. L’organisation se durcit et les relations personnelles, humaines, passent à l’arrière-plan. Il s’agit bien souvent d’enjeux financiers, de considérations politiques ou de jeux de pouvoir. Et pourtant, toute organisation ne vit et ne prospère que grâce à la qualité et à l’investissement des personnes qui s’y impliquent.

Les enjeux financiers

En période de crise, le premier budget sur lequel on essaie d’opérer des coupes est celui du personnel, car dans une organisation, c’est le poste le plus important, de l’ordre de 70 à 80 % si l’on compte les charges sociales. Il faut réduire les coûts de personnel. À la mairie de Paris, par exemple, qui compte plus de 50 000 personnes, le directeur des ressources humaines récemment nommé est un financier. Puisqu’il s’agit de faire des économies, « dégraissons le mammouth », selon l’expression ô combien élégante d’un ministre de l’Éducation nationale en France. Les professionnels chevronnés, mais en fin de carrière, sont invités à prendre une retraite anticipée, à rejoindre les rangs obscurs des laissés-pour-compte, ou à végéter dans un placard, en attendant la retraite, sans regret. Faisons place nette. Et le plus simple est encore de supprimer des postes, et tant pis s’ils sont occupés.

Ou bien, pour le dire autrement, il vaut mieux, d’un point de vue comptable, recruter un jeune plein d’énergie et peu payé, plutôt que de garder de vieux routards en fin de carrière, occupant de surcroît des postes élevés, qu’il sera bien plus difficile de manoeuvrer.

Les considérations politiques

« La politique a changé. » C’est le discours habituel des dirigeants politiques pour justifier des changements importants dans la vision stratégique des bibliothèques et dans la manière de conduire les projets d’établissement. Et pourtant, on touche là un phénomène paradoxal, puisque les bibliothèques vivent sur un temps long, à apprivoiser de futurs lecteurs, à permettre à leurs publics d’apprendre et de se former ; alors que la classe politique pense et agit, par nécessité électorale, à court terme et à échéance réduite, en fonction des mandats électoraux.

De fait, pour être élu, il faut pouvoir s’appuyer sur un réseau de sympathisants et de militants qui agissent selon les directives qui leur sont assignées. Comment les remercier ? Parfois en leur promettant et en leur attribuant des « sinécures », comme la direction d’une bibliothèque ou d’un musée, établissements réputés, souvent à tort, tranquilles et sans histoires…

Et donc le bibliothécaire déjà en place, par un jeu de chaises musicales, est prié de s’en aller ailleurs, car sa fonction et son poste sont réservés à une autre personne à placer.

Les bibliothèques sont parfois aussi l’enjeu de batailles électorales, ce qui les contraint à faire corps avec les engagements annoncés par l’autorité de tutelle en place, sous peine de se voir refuser promotions et budgets nécessaires à la bonne marche de l’établissement.

Les jeux de pouvoir

Impliqué dans des jeux de pouvoir qu’il ne maîtrise pas, le bibliothécaire peut, sans l’avoir anticipé, se voir écarté de son rôle et de sa fonction. Il a cessé de plaire, tout simplement, selon des critères aléatoires dont il n’a souvent pas connaissance. Peut-être est-il le seul à ne pas être protégé par de puissants politiques… Peut-être a-t-il des ennemis bien placés et influents, qui cherchent à lui nuire… Peut-être ses compétences de bibliothécaire passionné et son influence font-elles de l’ombre à d’autres… Peut-être excite-t-il l’envie et la jalousie… De toute façon, il dérange, quelle qu’en soit la cause, réelle ou non, rationnelle ou non. Il lui faut partir.

Et si, enfin dégoûté, il ne s’en va pas spontanément, il s’expose à subir des pressions d’une violence accrue, qui risquent de mettre sa santé psychique, morale et physiologique en danger.

Dans ce type d’organisation, où les considérations financières, politiques et quantitatives l’emportent sur toutes les autres, les personnes impliquées sont entraînées dans des systèmes de survie où la peur et la compétition prédominent sur toute autre considération humaine ou morale.