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Michel Serres« Tout projet substitue un but au hasard »
Projet d’accompagnement individualisé; projet de soin individuel; projet personnalisé d’accompagnement, projet de vie, projet éducatif individualisé, projet de réhabilitation personnalisé, thérapeutique individualisée… Autant d’appellations données à un document qui, depuis une bonne décennie s’inscrit dans un recentrage des prestations pour répondre aux besoins particuliers de chaque bénéficiaire/usagers/patients/ résidents/… des établissements et services médico-sociaux (ESMS) ainsi que les services de réhabilitation en psychiatrie (CMP, Hôpital de jour, EPSM).
Le passage délicat du « prêt à porter (la personne s’adapte au fonctionnement de l’établissement ou du service) au sur-mesure, voir à la dentelle » est une réalité qui s’inscrit de plus en plus dans la démarche qualité. Les différents textes législatifs à travers notamment la loi 2002-2, la loi de 2004 et celle de 2005 ont centré certains articles sur la personnalisation de l’accompagnement et la recherche de participation du bénéficiaire selon un « consentement éclairé ». Les schémas régionaux d’organisation médico-sociaux (SROMS)[1] mettent de plus en plus l’accent sur la personnalisation de la prise en charge/accompagnement. Les projets régionaux de santé (PRS) identifient également des priorités pour la santé mentale[2].
Le bénéficiaire des services peut parfois faire l’objet de la rédaction de deux, voire trois projets individualisés s’il est pris en charge par deux ou plusieurs services. Ces projets ont rarement une trame rédactionnelle commune, des critères communs, des objectifs communs; ce qui entraîne pour la personne accompagnée, si elle est en possession de ces documents, une confusion dans ce qu’elle a à faire et pourquoi elle le fait. La coordination des actions fait souvent défaut.
L’appropriation d’un outil multidimensionnel (PROJEU) utilisant un langage commun accessible à tous pour effectuer son bilan, définir ses objectifs et identifier des moyens est développé dans cet article.
La participation active à son processus de rétablissement (autodétermination, empowerment, l’utilisation de critères « gévacompatibles » (domaines de vie comme unités d’interactions personne-environnement) compréhensibles par tous, la construction de la temporalité dans son parcours de vie, représentent les piliers méthodologiques de la conception de Projeu. Un domaine de vie représente une unité d’interaction « personne-environnement » qui représente l’aspect dynamique d’entrée en relation avec le monde[3]. Les domaines de vie utilisées dans PROJEU représentent un compromis entre les domaines de la Classification internationale du fonctionnement, de la santé et du handicap (CIF)[4] et le Processus de production du handicap (PPH, canada)[5]
Le guide d’appui pour l’élaboration de réponses aux besoins des personnes vivant avec des troubles psychiques[6] confirme la nécessité de réaliser l’évaluation fonctionnelle en précisant les difficultés, mais surtout les capacités de chaque personne dans les différents domaines évalués. L’objectif est de garantir aux personnes vivant avec des troubles mentaux invalidants, ou connaissant des limitations des fonctions et des habiletés sociales en raison de leur pathologie, un accès à ces soins dans une trajectoire de rétablissement, par une meilleure prise en compte de leurs capacités, de leurs compétences et de leurs choix[7].
Objectifs du jeu :
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Faire le point sur sa situation dans douze domaines de vie (mobilité, vie relationnelle, soins de santé, soins personnels, loisirs, apprentissages et application des connaissances,…)
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Définir des objectifs de réhabilitation psychosociale
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Identifier un programme d’accompagnement personnalisé (remédiation cognitive, entrainement aux habiletés sociales, inscription dans des ateliers ou groupes – ETP.)
Le jeu est composé de 72 cartes. Des cartes domaines (12) sont illustrées par des dessins et pour chaque domaine cinq cartes items sont à placer sur un des quatre angles du support de jeu : c’est une force; j’ai besoin d’aide; c’est un objectif; c’est un joker (ne me concerne pas ou je n’ai pas envie de traiter cela). Utilisé avec le professionnel, Projeu permet de conforter ou confronter la personne sur la représentation qu’elle a de la réalité de son fonctionnement dans chaque domaine de vie. Un dé à douze faces permet une entrée dans chaque domaine numéroté de 1 à 12. Si la personne refait le même tirage elle va explorer d’autres items dans la dimension (utilisation d’un référentiel d’items).
Ce jeu est utilisé dans le cadre d’un pôle de réhabilitation et/ou au sein d’une unité de long séjour, un foyer d’accueil médicalisé, un hôpital de jour, un SAMSAH; un foyer d’hébergement, un FAM… Il peut être utilisé seul, en groupe (atelier projet personnalisé) ou avec l’aide d’un professionnel.
PROJEU s’utilise au cours du mois qui suit l’accueil de la personne dans la structure ou l’établissement. La personne est actrice de son projet de rétablissement dès son arrivée dans le service.
Une trame de projet personnalisé permet, au fur et à mesure de l’utilisation des cartes, de noter les observations, les objectifs pressentis (par la personne et/ou le référent de parcours -coordinateur-). Cette trame peut être utilisée par d’autres professionnels afin de compléter le bilan de la personne avant la réunion de projet.
Une fiche de cueillette de données reprenant les domaines explorés par le jeu de cartes est adressée aux différents acteurs du processus d’accompagnement (famille, tuteurs, professionnels) afin de recueillir des informations sur les domaines que chacun traite. Les objectifs pressentis sont notés par chacun. Cette fiche est transmise au référent de parcours qui reporte les observations dans la trame du projet personnalisé.
Lorsque le projet personnalisé a fait l’objet du bilan du fonctionnement de la personne dans chaque domaine de vie et que les objectifs pressentis sont identifiés, le référent de parcours impulse une réunion de projet pendant laquelle sont traités trois objectifs :
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Compléter le bilan de la personne;
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S’accorder sur les objectifs prioritaires pour la période qui va suivre;
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Identifier les actions à mettre en oeuvre.
Participent à cette réunion de projet la personne en situation de handicap, le référent de parcours, un membre de la famille (si l’adulte est OK) le tuteur, un professionnel disponible.
Une réunion dite « clinique » peut être organisée lors de la période d’observation afin de se concerter sur la problématique de la personne en situation de handicap. Les professionnels, le cadre de santé, le chef de service participent à ce temps de rencontre.
La procédure d’accompagnement se décline en huit étapes :
Projeu s’inscrit dans un continuum qui, de l’accueil de la personne à son inclusion socio-professionnelle, structure la temporalité du parcours de vie. Dès le début de l’accompagnement, le projet N°1 est corédigé avec la personne, puis en fonction de l’échéancier des programmes d’actions un bilan est réalisé pour réviser le projet (N°2); ainsi de suite jusqu’à la sortie du dispositif ou le changement de structure (projet personnalisé N° X). L’utilisation d’une trame commune de projet permet une lecture longitudinale du parcours de la personne. L’image ci-dessous illustre le parcours de vie.
Appendices
Notes
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[1]
Construire un parcours individualisé et un accompagnement coordonné; Améliorer la coordination des interventions entre le secteur médico-social et la psychiatrie : deux des objectifs du SROMS PACA 2012-2016.
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[2]
Santé mentale et addictions : mieux soigner, mieux accompagner : une priorité dans le PRS PACA.
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[3]
D. Mautuit, de la personne prise en charge à la personne prise en considération, chronique sociale, Lyon 2009.
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[4]
Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé, Organisation mondiale de la santé, Genève 2001.
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[5]
Réseau international sur le Processus de production du handicap (RIPPH), 1998, https://ripph.qc.ca/modele-mdh-pph/le-modele/.
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[6]
Troubles psychiques, guide d’appui pour l’élaboration de réponses aux besoins des personnes vivant avec des troubles psychiques, CNSA, avril 2017.
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[7]
L’instruction DGOS N° DGOS/R4/2019/10 du 16 janvier 2019 relative au développement des soins de réhabilitation psychosociale sur les territoires vise à accompagner les ARS dans l’organisation et la structuration du développement des soins de réhabilitation psychosociale.