« Sì, pezzo di merda, tutto a posto » : analyse sociosémiotique d’un petit chahut en classe de français langue seconde

Résumé

Cet article propose une analyse des enjeux sémiotiques d’un événement de parole lors d’un cours de français langue seconde (FLS) au sein de l’unité d’accueil pour élèves allophones arrivants (UPE2A) d’un lycée public français. En appui sur un examen attentif des signes émergents de cet événement, il étudie la manière dont les élèves présents dans cette unité négocient les rapports de pouvoir qui pèsent sur eux. Partant de l’idée que ces derniers, en tant que jeunes migrants, sont soumis à une injonction d’intégration, l’analyse montre qu’ils sont particulièrement assujettis aux normes scolaires. L’approche sémiotique adoptée met en exergue la fluidité des processus de mise à distance ou de rapprochement qu’ils opèrent entre eux pour renégocier ces normes en endossant différents rôles sociaux connus et reconnus. Lorsqu’ils se trouvent dans l’intimité de l’UPE2A – formant un espace scolaire « à part » –, il leur est plus aisé de jouer avec les codes et de perturber l’ordre interactionnel attendu en classe. Par des jeux et des taquineries, ils s’adonnent à des formes de résistance leur permettant de se libérer temporairement de leur assujettissement aux catégories sociales dominantes. Nourri par l’ethnographie que l’autrice a menée au sein du lycée où cet événement de parole a eu lieu et en appui sur le concept de site de travail idéologique, l’examen d’un petit chahut auquel se livrent les élèves fait la lumière sur la manière dont leur activité langagière matérialise un exemple de ces formes de résistance dans l’espace de contrainte que représente la classe.