EN:
Despite a series of changes in productive forces and in relations with capitalist society, the Cree of northern Quebec have maintained a domestic mode of production. Until quite recently, reciprocity was seriously entertained as the idiom of relations even with the white man. This paper examines, for Wemindji Cree hunters, the effect of increased consumer affluence on subsistence production, sharing, and potential stratification between subsistence-oriented and wage-earning sectors of the local economy. The case of Wemindji Cree suggests that “antisurplus” forces in a domestic mode of production are reduced when domestic producers enter into reciprocal exchange with wage-earners, who have superior access to consumer goods. Surplus bush product is generated by domestic producers in exchange for help from wage-earning relatives in purchasing labor-saving technology and other consumer items. Hence, inequalities of access to both bush products and consumer goods are reduced or eliminated. However, for ecological and technological reasons, possible increases in domestic productivity are often more restricted than potential increases in wage income. Egalitarian exchange is threatened if wage-earners’ margin of superior access to consumer goods becomes disproportionate to domestic producers’ ability to produce a parallel surplus of bush products. In that case, the ideology of reciprocity would require that the value of domestic products become too marked, wage-earners might not exchange enough of their goods for equality to obtain, and permanent stratification might develop. A second scenario consists in the establishment of independent access to more consumer goods for domestic producers (in addition to legal guarantees of a subsistence base). In the James Bay and Northern Quebec Agreement (1975), this condition was established in the form of a guaranteed annual income for hunters.
FR:
En dépit de modifications des forces de production et des relations avec la société capitaliste, les Cris du Nord québécois ont conservé le mode de production domestique qui leur est propre. Jusqu’à une date récente, le principe d’échange et de réciprocité s’appliquait aussi bien aux sociétés amérindiennes qu’à celle des Blancs. Dans ce texte, nous analysons, à partir de l’exemple des Cris de Wemindji, les conséquences de l’augmentation des biens de consommation sur la production locale, le partage des biens et l’émergence possible d’une stratification entre deux catégories, celle des producteurs domestiques et celle des travailleurs salariés. Le cas des Cris de Wemindji laisse supposer qu’à partir du moment où les producteurs domestiques entretiennent des rapports d’échange réciproques avec les salariés (lesquels ont un accès privilégié aux biens de consommation), une réaction se manifeste et va à contre-courant du contrôle des surplus de produits domestiques. On assiste alors à une production excédentaire de biens domestiques destinés aux travailleurs salariés en échange de biens manufacturés et de consommation courante. De cette façon, le droit à l’accès de produits domestiques et manufacturés est rendu possible pour les deux catégories. Cependant, pour des raisons technologiques et écologiques, l’augmentation des produits domestiques ne peut suivre en toute logique celle des produits manufacturés. Ainsi le principe de l’échange réciproque se trouve-t-il menacé si les salariés sont en position d’accéder plus facilement aux biens de consommation que les producteurs domestiques, ceux-ci étant dans l’impossibilité de créer un réseau parallèle de biens de production. Dans ce cas, le principe de réciprocité exigerait une augmentation régulière des produits domestiques allant de pair avec celle des produits de consommation. Ce principe étant irréalisable dans les faits, on assisterait alors à l’émergence d’une stratification entre le groupe des salariés et celui des producteurs domestiques. Une proposition alternative consisterait à promouvoir la création de réseaux d’accès indépendants de biens de consommation pour les producteurs domestiques. Ces réseaux viendraient s’ajouter à ceux que la loi garantit à titre de subsistance de base : en effet, lors de la signature de la Convention de la Baie James et du Nord québécois en 1975, on a inscrit le droit à un revenu annuel pour les chasseurs.