Abstracts
Résumé
Les données épidémiologiques citées dans le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (American Psychiatric Association [APA], 2013) estiment la prévalence de la syllogomanie dans une fourchette de 2 % à 6 % des populations générales des pays occidentaux, la proportion étant plus importante chez les personnes âgées de 55 ans et plus. La réponse aux besoins des personnes âgées aux prises avec cette problématique repose généralement sur le soutien des familles et des proches, qui doivent composer avec les difficultés de la personne âgée concernée à se départir de ses biens et à son refus de recevoir du soutien. Notre étude vise à mieux comprendre comment les personnes proches aidantes (PPA) se coordonnent avec les personnes accumulatrices et avec les autres acteurs impliqués, et comment cela affecte leurs interactions. Nous avons réalisé des entretiens semi-dirigés avec onze PPA et huit intervenantes sociales de la région de Québec; le matériel recueilli a été soumis à une analyse thématique des contenus. Nos résultats suggèrent que la problématique d’accumulation fait l’objet de négociations au sein de la dyade aidant(e)-aidé(e), ainsi que dans les interactions avec les autres intervenant(e)s impliqués. On y constate aussi que les professionnel(le)s en travail social ont parfois à jouer le rôle de médiateurs ou de médiatrices et à assurer le respect des droits des différents acteurs en permettant des ajustements dans les interactions.
Mots-clés :
- proche aidance,
- syllogomanie,
- accumulation,
- personnes âgées,
- interactions,
- intervention
Abstract
Epidemiological data cited in the Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (APA, 2013) estimate the prevalence of syllogomania (hoarding) to be between 2% and 6% of the general population in Western countries, with the proportion being higher among people aged 55 and over. Generally, the responsibility of responding to the needs of older adults who have hoarding behaviours, and to help them through their difficulty disposing of their possessions and refusal to receive formal supportive help, lies with family members and loved ones. Our study aimed to better understand how family caregivers coordinate with their loved ones who have hoarding behaviours and with the other actors involved, and how this is reflected in their interactions. We conducted semi-structured interviews with eleven caregivers and eight social workers in the Quebec City region; the material collected was subjected to a thematic content analysis. Our results suggest that the hoarding problem is an object of negotiation within the dyad composed of the family caregiver and the care receiver, as well as in interactions with other formal caregivers. It is also noted that social workers sometimes have to play the role of mediators and advocates for the rights of the different actors involved, in order to allow for adjustments in the various interactions.
Keywords:
- family caregiver,
- syllogomania,
- hoarding,
- older adults,
- interactions,
- intervention
Article body
Auparavant considérée comme un symptôme du trouble obsessionnel compulsif ou d’une personnalité obsessionnelle compulsive (American Psychiatric Association [APA], 2000), la syllogomanie est désormais identifiée comme un trouble mental distinct depuis la dernière parution du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders en 2013 (DSM-5). La syllogomanie, connue sous le nom de hoarding dans la langue anglaise, consiste en une difficulté à se départir d’objets, indépendamment de leur valeur, entraînant un encombrement du domicile et une altération du fonctionnement social. Les personnes composant avec cette problématique ressentent un important besoin de conserver leurs biens et l’idée ou le fait de s’en départir leur cause une souffrance importante (American Psychiatric Association, 2013). L’intégration et la définition de la syllogomanie dans le DSM-5 ont fait émerger plusieurs questionnements. Par exemple, certains auteurs et autrices des sciences sociales s’inquiètent du manque de spécificité des critères diagnostiques qui y sont présentés, la tendance à conserver des choses pouvant varier énormément d’un individu à un autre (Wakefield, 2013). Par ailleurs, on a pu voir certains clinicien(ne)s et chercheurs ou chercheuses utiliser les termes « syllogomanie », « trouble d’accumulation compulsive », « syndrome de Diogène » ou « autonégligence » de façon interchangeable (Neesham-Grenon, 2012). De plus, le terme de « syllogomanie », peu connu du grand public (et de plusieurs professionnels et professionnelles), n’est que peu utilisé lorsqu’il s’agit d’explorer les réalités du point de vue des personnes âgées ou des personnes proches aidantes (PPA). Ces considérations nous ont conduites à utiliser les termes de « problème d’accumulation » ou de « problématique d’accumulation » dans notre recherche, ces appellations étant davantage compréhensibles pour les personnes interpellées et étant conçues comme des synonymes dans le cadre de notre étude.
Les données épidémiologiques estiment que la syllogomanie affecte entre 2 % et 6 % des populations occidentales, la proportion étant plus importante chez les personnes âgées de 55 ans et plus, soit d’environ 6 % (APA, 2013). Soutenir une personne âgée composant avec un problème d’accumulation (ci-après désignée par l’expression « personne accumulatrice[1] ») s’actualise donc dans un contexte où vieillissement et trouble mental interagissent — une combinaison de facteurs qui exige souvent de la part des PPA à ce qu’elles[2] répondent à une demande double (Cummings et Kropf, 2015). Par exemple, accompagner une personne accumulatrice afin de sécuriser son domicile et favoriser son maintien à domicile demande non seulement de considérer sa détresse liée au fait de se départir de ses biens, mais également ses capacités physiques, qui peuvent être en train de décliner ou représenter un obstacle au désencombrement (Pittman et coll., 2020). L’une des particularités rencontrées par les PPA en contact avec les personnes accumulatrices concerne les fréquentes réticences ou le refus de ces dernières de recevoir du soutien ou des services pour leur problématique d’accumulation (Bratiotis et coll., 2016). De plus, comme plusieurs autres personnes âgées vivant avec des troubles mentaux, les personnes accumulatrices sont aussi à risque d’être exclues des services qui leur sont en principe offerts en raison de l’état de leur domicile. L’encombrement du domicile agit ici comme une sorte de stigmate du trouble mental et peut être perçu comme dérangeant, voire dangereux pour les professionnel(le)s appelés à venir sur les lieux (MacCourt et coll., 2011). On sait aussi qu’au Québec, le rôle des PPA s’inscrit dans un contexte sociopolitique néolibéral, dans lequel les ressources et services ne sont pas en mesure de répondre pleinement aux multiples besoins des personnes âgées vivant avec des troubles mentaux. Les PPA jouent donc un rôle central dans le soutien aux personnes âgées, en particulier à celles touchées par un ou plusieurs troubles mentaux (Gilmour, 2018; Lavoie, 2012), en comblant plus de 80 % de leurs besoins (Kempeneers et coll., 2015). La réponse aux besoins des personnes malades, vulnérables ou en perte d’autonomie repose donc sur le soutien des familles et des proches, et en particulier des femmes (Benoit et coll., 2021; Kempeneers et coll., 2015; Moreau et Dallaire, 2020). Enfin, bien qu’une politique et un plan d’action gouvernemental pour les PPA aient vu le jour en 2021 au Québec, il est encore trop tôt pour connaître leurs véritables retombées (Gouvernement du Québec, 2021; Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2021).
Les études réalisées à ce jour traitant des problématiques d’accumulation chez les personnes âgées ont bien documenté les comportements d’accommodation adoptés par plusieurs PPA. Ces comportements réfèrent au processus par lequel les membres de la famille modifient leurs habitudes personnelles et leur routine familiale afin de ne pas causer de perturbations aux habitudes des personnes accumulatrices, mais, ce faisant, contribuent aussi à maintenir les symptômes du trouble mental (Vorstenbosch et coll., 2015), ainsi que leur fardeau. En général, on constate que plus le problème d’accumulation est sérieux, plus les PPA adoptent des comportements d’accommodation, ce qui peut devenir une importante source de tensions dans la dyade personnes aidantes et personnes aidées. Par exemple, les personnes accumulatrices peuvent retenir de l’adoption de ces comportements adaptatifs par leurs proches qu’elles sont incapables de faire l’entretien de leur domicile par elles-mêmes, ce qui peut diminuer leur sentiment d’auto-efficacité (Vorstenbosch, 2013; Vorstenbosch et coll., 2015). Inciter la personne accumulatrice à se départir de ses biens ou à diminuer l’encombrement dans son domicile, malgré les bonnes intentions qui animent généralement ce type de démarche, constituent deux sources potentielles de conflits et peuvent exiger de la part des PPA des efforts émotionnels importants (Sampson, 2013a; Wilbram et coll., 2008). Le rôle des PPA se caractérise aussi par un éventail d’activités connexes auprès des personnes accumulatrices, comme la gestion des finances personnelles, un encouragement soutenu à se départir de biens et la mise en place de services (Wilbram et coll., 2008), ce qui rejoint autant les réalités des PPA des personnes âgées que celles des PPA des personnes composant avec un trouble mental. Bien que ces données fournies par les études citées plus haut soient éclairantes, elles sont majoritairement issues d’études quantitatives et n’abordent que très peu les interactions quotidiennes entre PPA et personnes accumulatrices. En comparaison, les interactions entre personnes aidantes et personnes aidées qui vivent avec la maladie d’Alzheimer ont été davantage documentées et témoignent de rapports relationnels contradictoires engendrés par la situation de dépendance. Par exemple, la maladie peut amener une transformation des rôles dans la dyade et les PPA peuvent avoir la perception de devoir jouer un rôle parental (plutôt que conjugal), en lien avec le soutien apporté (surveillance, aide à l’habillement, etc.) (Éthier et coll., 2013).
L’encombrement du domicile peut être une source importante de honte chez les personnes accumulatrices et faire en sorte qu’elles passent des années sans recevoir de visiteurs et de visiteuses ou sans recourir à des services d’entretien ou de réparation lors de bris, ce qui peut contribuer à une détérioration aggravée de leur domicile (Tompkins, 2015). Vu l’encombrement du domicile, ses impacts et les risques qui y sont associés, plusieurs acteurs peuvent être appelés à y remédier, qu’il s’agisse d’intervenantes et d’intervenants issus d’organisations sociosanitaires, d’organismes communautaires ou de services municipaux (Bratioti et coll., 2018). D’autres acteurs peuvent agir de façon plus coercitive, comme par exemple les services municipaux, qui ont le pouvoir d’imposer des amendes ou des mesures de désencombrement lorsqu’il y a présence d’éléments de dangerosité. Les PPA peuvent aussi être appelées à s’impliquer dans des opérations plus contraignantes, comme des séances de désencombrement imposées; elles s’exposent alors à déclencher des conflits avec la personne accumulatrice, qui peut les culpabiliser d’avoir contribué à la perte de ses biens. Bien sûr, ceci met en lumière l’importance de soutenir adéquatement les PPA dans leur rôle (Tompkins, 2015). Enfin, on sait que les proches peuvent elles-mêmes se culpabiliser à l’égard des problèmes de la personne accumulatrice; à l’image des PPA en général, elles ont donc besoin d’une meilleure compréhension et reconnaissance de la part des différentes instances professionnelles (Deshaies, 2020; Kempeneers et coll., 2015; MacCourt, 2013; Wilbram et coll., 2008). Cependant, les interactions des PPA avec celles-ci demeurent peu documentées.
Cet état des lieux soulève des enjeux qui interpellent le travail social, non seulement sur les plans de l’exclusion sociale (p. ex. : stigmatisation) et des déterminants sociaux de la santé (p. ex. : inaccessibilité aux services), mais aussi sur l’aspect relationnel des problématiques et des interventions visant à y apporter des solutions (Roc et Hébert, 2013). Ces considérations appellent donc à explorer plus particulièrement les dimensions des interactions et de l’alliance collaborative, à savoir : comment les PPA interagissent et se coordonnent-elles avec les personnes accumulatrices et les autres acteurs impliqués dans la situation d’accumulation (intervenantes du réseau sociosanitaire, organismes communautaires, services municipaux, etc.), et comment cela se traduit-il dans leurs interactions?
Cadre d’analyse
Cette recherche a fait appel à certains des travaux du sociologue et linguiste Erving Goffman (1963, 1968, 1973), qui nous ont permis d’étudier les réalités des PPA et des professionnels de la relation d’aide, à partir des interactions du quotidien. Bien que la perspective goffmanienne ait déjà contribué à des études traitant de la proche aidance en travail social (Silverman, 2017), aucune étude à ce jour n’a utilisé ce cadre d’analyse pour comprendre la situation particulière vécue par les PPA des personnes accumulatrices. Les études existantes ont pour l’instant adopté des cadres théoriques et méthodologiques issus du domaine de la psychologie et ont abordé le fardeau des PPA, leurs comportements d’accommodation, leur vécu et les services leur étant destinés[3]. La perspective goffmanienne apporte un éclairage complémentaire parce qu’elle s’intéresse spécifiquement à la dimension interactionnelle dans la dyade PPA-personne aidée et en dehors de celle-ci (p. ex. avec les travailleuses sociales, les professionnel(le)s des services municipaux, etc.), laquelle est au coeur de la proche aidance et de l’intervention sociale.
Les concepts phares de notre cadre d’analyse sont ceux d’« interaction », de « stigmate » et d’« équipe ». L’interaction est ici comprise comme les actes de différentes personnes mutuellement présentes. Durant leurs interactions, les personnes tendent à agir selon une ligne de conduite, qui découle de cadres et d’attentes normatives liés aux circonstances et leur permettant de produire une définition particulière de la situation[4], d’elles-mêmes et des autres. Ainsi se met en oeuvre un ordre interactionnel, qui relève à la fois des niveaux macrosociaux et microsociaux. D’une part, la société conduit ses membres à s’autoréguler durant leurs interactions quotidiennes au moyen de règles morales et relatives aux interactions (par exemple, le recours à la courtoisie, au tact) d’autre part, les individus ne sont pas passifs et peuvent aussi agir selon leurs motivations intrinsèques (Goffman, 1973, 1974).
Quant au stigmate, il constitue la disqualification d’une personne sur le plan de l’acceptation sociale. Le terme peut qualifier un attribut discréditant, mais également le langage des relations. Goffman identifie trois types de stigmates, soit : les déformations corporelles; les « tares » caractérielles, comme les troubles mentaux et la délinquance; et les stigmates « tribaux », qui réfèrent à la nationalité (ou l’ethnicité) et la religion. Les stigmates sont dits « attribués », en ce sens qu’ils n’existent pas de manière objective mais plutôt subjectivement, à travers le regard d’autrui. Un attribut qui stigmatise une personne peut confirmer, durant ses interactions, le caractère inhabituel de la personne en regard de la norme, le fait qu’elle puisse être discréditable et perdre la face[5] (Goffman, 1963). Dans ce contexte, le stigmate constitue donc un point de tension entre l’attribut qui discrédite l’individu et les attentes stéréotypées de la société.
La notion d’équipe réfère quant à elle à l’ensemble des personnes collaborant étroitement au maintien de la définition d’une situation au moyen des impressions qu’elles produiront sur les autres. Cette tâche exige des coéquipiers et coéquipières de faire preuve de loyauté et de solidarité afin de respecter une ligne de conduite et de ne pas modifier les impressions premières, malgré qu’il puisse y avoir des désaccords entre les membres qui peuvent s’exprimer lorsqu’ils ou elles se trouvent dans l’intimité de leurs « coulisses » (pour reprendre le lexique goffmanien). Au sein d’une équipe, chaque personne adhère donc au rôle qui lui a été attribué dans le but de maintenir la définition de la situation et l’équilibre de l’interaction (Goffman, 1973). Enfin, pour maintenir la définition de la situation, les membres de l’équipe doivent, dans les coulisses, partager des informations et être en mesure de garder des secrets, ce qui devient une obligation morale au sein de l’équipe (Goffman, 1973).
Dans le cas des personnes accumulatrices, la présence d’attributs comme les symptômes du vieillissement et de la présence d’un problème d’accumulation constituent les stigmates et peuvent ainsi disqualifier socialement les personnes accumulatrices. Dans notre étude, les PPA, du fait de leur relation avec la personne accumulatrice, peuvent être contraintes à partager le fardeau qui accompagne le stigmate, d’où une stigmatisation par association (Goffman, 1963). L’interaction est ici centrale : elle est bien sûr au coeur de la proche aidance, mais constitue aussi la manifestation du lien (passé et présent) entre la personne accumulatrice et la PPA, ainsi qu’un gage du maintien de ce lien. Les équipes, constituées par les personnes aidantes et aidées, les intervenantes sociales ou encore par d’autres protagonistes, peuvent partager des objectifs communs afin de maintenir une définition appropriée de la situation. Par exemple, du côté d’une équipe formée des personnes aidantes et des personnes aidées, les objectifs peuvent être centrés sur la dissimulation du stigmate afin de préserver l’intégrité (la face) de la personne aidée et de ses proches.
Méthodologie
Le but de cette recherche était de mieux connaître les enjeux personnels et sociaux rencontrés par les PPA des personnes âgées composant avec un problème d’accumulation. Le présent article traite toutefois d’un sous-objectif, qui était de mieux comprendre comment les PPA se coordonnent avec les personnes accumulatrices et les autres acteurs impliqués, et comment cela se traduit dans leurs interactions. Le fait que cette problématique soit peu documentée justifiait l’utilisation d’un devis qualitatif, qui favorise une exploration approfondie du problème selon les perspectives des acteurs (Creswell, 2007). Les processus de recrutement, de consentement et de collecte de données que nous décrirons ont été approuvés par le Comité d’éthique de la recherche de l’Université Laval.
Cette recherche s’est déroulée au Québec dans les régions de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches, lesquelles regroupent des milieux urbains et ruraux. Deux populations ont été ciblées : (a) les PPA d’une personne accumulatrice vivant à Québec et ses environs; et (b) les intervenantes sociales oeuvrant, dans les mêmes secteurs, auprès de personnes accumulatrices et de leurs PPA. Les critères d’inclusion établis pour les PPA étaient : (1) être âgée de 18 ans ou plus; (2) résider dans la région de la ville de Québec; et (3) être une PPA d’une personne âgée de 55 ans et plus qui vivait avec un problème d’accumulation au moment de l’entrevue, ou qui a vécu avec ce problème au cours des deux dernières années. Les critères d’inclusion ciblés pour les intervenantes sociales étaient : (1) être un intervenant ou une intervenante détenant une formation en travail social, en éducation spécialisée ou en psychoéducation; et (2) pratiquer ou avoir pratiqué, durant les deux dernières années, auprès de personnes âgées de 55 ans et plus composant avec un problème d’accumulation et auprès de leurs proches (dans le réseau public, communautaire ou privé) de la région de Québec.
Le recrutement a été réalisé d’octobre 2019 à juillet 2020, via des organismes destinés aux PPA, des journaux locaux, les réseaux sociaux, des courriels diffusés par l’Université Laval et par l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ). Après avoir pris connaissance de l’annonce de recrutement, les participantes ont contacté directement la chercheuse principale. Au total, 19 participantes ont été rencontrées, soit 11 PPA et huit intervenantes sociales.
La méthode de l’entretien semi-dirigé individuel a été privilégiée auprès des deux groupes de participantes. Les guides d’entrevue abordaient les thèmes de la proche aidance, des perceptions des problématiques d’accumulation, des interactions sociales et des services. Les guides ont été prétestés auprès de deux PPA et de deux intervenantes. Puisque les ajustements apportés ont été mineurs, leurs contenus ont été conservés pour les analyses. Tous les entretiens ont été enregistrés avec le consentement des participantes et leurs transcriptions ont été soumises à une analyse thématique de contenu, gérée à l’aide du logiciel NVivo 12. Une grille de codification a été construite durant l’analyse continue des données. Après avoir thématisé un nombre d’entretiens suffisant, la grille a été soumise à un test d’accord interjuges afin de s’assurer que les thèmes respectaient les critères d’homogénéité, de pertinence, d’exclusivité mutuelle, de fidélité et de productivité (Bardin, 2007).
Résultats
Cette section présente les résultats selon le thème des interactions entre les PPA, les personnes accumulatrices, les intervenantes sociales et les autres acteurs.
Les interactions au sein de l’équipe aidante-aidé(e)
Des 11 PPA, un peu plus de la moitié ont exprimé que les interactions globales avec la personne accumulatrice étaient bonnes, celles-ci étant marquées par l’authenticité (capacité à rire ensemble et avoir de l’humour, à être à l’aise d’exprimer ses émotions, etc.) et par un soutien mutuel. Pour la majorité des PPA ayant des interactions plus difficiles avec la personne accumulatrice, les interactions se faisaient « en surface », c’est-à-dire que les discussions étaient peu approfondies et que les protagonistes semblaient ne pas savoir quoi se dire : « Mon père n’est pas capable d’avoir un souper assis à table avec nous : il ne sait pas quoi dire. Quoique, il connaît tellement de choses! » (PPA).
Selon 13 participantes, les objectifs des PPA et des personnes accumulatrices pouvaient être différents, voire contradictoires, lorsqu’il est question de disposer des biens accumulés, de la mise en place de services ou du besoin de relocalisation de la personne accumulatrice. Par exemple, alors que les PPA disent souvent souhaiter que les personnes accumulatrices se départissent de certaines des choses qu’elles possèdent, les personnes accumulatrices veulent plutôt les trier d’abord ou les conserver. Selon une intervenante, cet antagonisme explique que certaines personnes accumulatrices préfèrent ne pas être accompagnées par leurs proches pendant un processus de désencombrement. Pour ce qui est de la mise en place de services ou la relocalisation de la personne accumulatrice, certaines PPA sont favorables à une prise en charge par les services sociosanitaires, dont l’intervention diminuerait, à leur avis, leurs inquiétudes liées à la sécurité de la personne accumulatrice; quant aux personnes accumulatrices, elles sont plutôt en désaccord avec la mise en place de services. Cette différence de points de vue peut être source de conflits.
Malgré les visions des PPA et des personnes accumulatrices, qui peuvent être contradictoires, la majorité des PPA ont dit partager des objectifs communs avec la personne accumulatrice, c’est-à-dire que leurs évaluations des priorités et des orientations à privilégier allaient dans la même direction : que l’encombrement du domicile ne s’amplifie pas; que la qualité de leur relation se maintienne; enfin, que la personne accumulatrice préserve un bon niveau d’autonomie et reste à son domicile.
Sept participantes ont fait état de situations où les PPA évitaient de créer un « malaise » avec la personne accumulatrice. Dans ces circonstances, par exemple, les PPA ont accepté des dons d’objets (même si elles les considéraient comme inutiles et planifiaient s’en départir par la suite), ou se sont abstenues de parler de l’entretien ménager ou de l’encombrement du domicile avec la personne accumulatrice. Une participante raconte : « J’avais envie de lui dire : “Tu as du ménage à faire, tu sais.” Mais c’est des choses que je ne dirai pas, […] parce que j’essaie de ne pas trop avoir de frictions » (PPA). Ces PPA ont dit s’efforcer d’éviter ces malaises dans un souci de maintenir de bonnes relations avec la personne accumulatrice, ne pas créer de conflits avec elle, respecter ses choix, ou bien en raison d’un déclin cognitif constaté chez la personne. D’ailleurs, 13 participantes ont rapporté que lorsqu’elles n’acceptaient pas les dons de la personne accumulatrice (ou que cette dernière apprenait qu’elles s’en étaient départi), cela créait un malaise dans l’interaction aidante-aidé(e). De même, lorsque les PPA abordaient le problème d’accumulation ou confrontaient la personne accumulatrice aux impacts de sa perte d’autonomie, cela créait aussi un malaise. Dans ces situations, l’embarras créait des sentiments de tristesse, de colère, parfois des cris ou même une rupture temporaire des contacts initiée par la personne accumulatrice : « Je la vois qu’elle monte, […] qu’elle change de ton […]. Quand elle est fâchée, elle manque de filtre, puis elle peut me dire : “Bien, c’est ça, sacre ton camp.” » (PPA).
Certaines des PPA rapportent avoir tenté d’aborder progressivement le sujet du problème d’accumulation auprès de la personne accumulatrice, « en douceur », en lui posant des questions sur l’utilité de certains biens ou sur la pertinence de posséder plusieurs exemplaires des mêmes objets: « Je lui ai amené tranquillement le point : “Il me semble que c’est beaucoup d’exemplaires de la même chose. Il me semble que ce n’est pas utile.” » (PPA). Malgré leurs efforts, la majorité des PPA disent avoir été confrontées à une attitude de fermeture de la part de la personne accumulatrice, qui refusait souvent de parler de son problème ou évitait de répondre aux questions posées, ce qui engendrait à la fois des conflits entre PPA et personnes accumulatrices et un sentiment de culpabilité chez les PPA. Quand les stratégies de communication utilisant la douceur (p. ex. tenter d’initier une discussion sur la problématique calmement, sans confronter ou juger) ne permettaient pas d’aborder la problématique d’accumulation avec la personne accumulatrice, certaines PPA ont considéré que le sujet devait être abordé plus directement avec la personne accumulatrice, quitte à employer des termes crus et sans nuance : « Dans mon cas, ç’a toujours été dans la douceur. [Mais] je suis rendue à l’étape où la douceur ne fonctionne pas. […] Un jour, je devrai lui “nommer” : “By the way, quand tu vas mourir, nous on jette tout.” » (PPA). Une intervenante a d’ailleurs souligné que les PPA étaient parfois moins portées à « mettre des gants blancs » avec la personne accumulatrice et qu’elle considérait cela approprié dans certaines situations. Cependant, une PPA a constaté que le fait d’aborder le sujet directement avec la personne accumulatrice et de maintenir la conversation sur le sujet de l’entretien ménager durant l’interaction était inutile, car cela engendrait une pression sur la personne accumulatrice à apporter des changements dans son domicile, ce qui, au final, n’avait aucun effet sur le problème d’accumulation.
Concernant le soutien apporté par les PPA au désencombrement du domicile, des participantes ont expliqué que le temps requis pour discuter avec les personnes accumulatrices afin qu’elles prennent une décision quant à leurs biens, ainsi que les émotions que les PPA éprouvent dans ces circonstances, peuvent amener les PPA à manquer de patience ou à exercer une pression sur les personnes accumulatrices durant l’opération de désencombrement : « Ça nous fait de la peine de voir ma mère de même, [ça] fait que ça devient difficile de lui accorder tout le temps [nécessaire]. […] On était comme : “Fais le ménage, […] ça y va!” […] Dans ça, on lui mettait une pression qui n’était vraiment pas nécessaire. » Des participantes ont mentionné que les personnes accumulatrices tendent dans ces situations à acquiescer aux demandes de leurs PPA et à les laisser désencombrer ou jeter des biens, malgré que la cadence du processus soit trop rapide pour elles. D’ailleurs, certaines PPA ont dit avoir perçu un « message à double sens » entre ce que la personne accumulatrice leur disait verbalement et son langage non verbal. Par exemple, bien que la personne accumulatrice ait pu rester silencieuse durant le désencombrement, son visage a pu exprimer de la colère, de la surprise ou un désaccord.
Les interactions dans le contexte de l’intervention sociale : lorsque l’équipe s’agrandit
Six PPA ont rapporté que la personne accumulatrice avait bénéficié de services de santé ou de soutien à domicile. Trois de ces participantes ont mentionné que les interactions liées au problème d’accumulation entre les professionnelles et la personne accumulatrice étaient tendues, marquées, par exemple, par un refus de la personne accumulatrice d’apporter des modifications à son domicile, ou une imposition de la professionnelle qui voulait interpeller des services pour remédier à l’accumulation bien que la personne accumulatrice s’y oppose. Malgré ces tensions entre personnes accumulatrices et intervenantes, les PPA, de leur côté, rapportent qu’elles maintiennent des communications ouvertes et des interactions agréables avec les professionnelles.
Un peu plus de la moitié des participantes ont mentionné qu’une vision et des objectifs communs étaient partagés entre les PPA et les intervenantes, c’est-à-dire que leurs évaluations des priorités et des orientations à privilégier pour la personne accumulatrice allaient dans la même direction. Des participantes ont précisé partager une vision ou des objectifs communs spécifiquement pour le problème d’accumulation. Les autres objectifs communs identifiés par les participantes concernaient le maintien à domicile de la personne accumulatrice et la poursuite ou l’instauration des services et des soins de santé pour celle-ci; on notera que le désencombrement du domicile s’inscrit dans ces visées de maintien à domicile et des services, car il en devient la condition.
Certaines des intervenantes ont toutefois relevé qu’elles pouvaient avoir des visions divergentes de celles des PPA lorsqu’il était question de la relocalisation de la personne accumulatrice et du désencombrement de son domicile. Étant donné les enjeux de sécurité, comme les risques d’incendie ou encore l’impossibilité d’offrir des services à domicile à la personne accumulatrice en raison de l’encombrement de son domicile, les intervenantes ont mentionné considérer la possibilité d’une relocalisation de la personne accumulatrice avant que cette possibilité ne soit envisagée par les PPA. En effet, ces intervenantes ont expliqué que certaines PPA ne sont pas prêtes à considérer la relocalisation et sont plus « tolérantes » et enclines à favoriser le maintien à domicile de la personne accumulatrice. Une travailleuse sociale nous dit : « Je trouve que les proches ont une grande tolérance. Je pense que là où on accroche, c’est quand moi j’ai des éléments de sécurité que je vois [et à propos desquels] je me dis : “Ça s’en va dans le mur, cette situation-là.” »
Concernant la question du désencombrement du domicile, les attentes des PPA s’avèrent être plus élevées que celles des intervenantes (par exemple : l’espoir de « vider » le domicile plutôt que de le désencombrer). Des intervenantes ont dit avoir eu à rappeler aux PPA les objectifs du désencombrement (soit assurer la sécurité dans le domicile plutôt que de le « vider ») et l’importance du respect du rythme de la personne accumulatrice (qui peut être plus lent que ce que souhaiteraient les PPA), vu les risques de désorganisation psychologique de la personne accumulatrice si une cadence trop rapide est utilisée. Une autre intervenante a expliqué qu’elle s’efforçait de préparer les familles aux enjeux entourant le désencombrement et s’assurait que ses membres partageaient une vision commune avec la personne accumulatrice avant d’entamer le processus, par exemple en déterminant les endroits prioritaires à désencombrer.
Des intervenantes ont insisté sur l’importance d’impliquer les PPA dans le suivi de la personne accumulatrice. Elles leur offraient un soutien direct en validant leur vécu, en discutant de leurs capacités à soutenir la personne aidée aux prises avec un problème d’accumulation et en faisant de l’éducation sur ce trouble mental. Une intervenante a expliqué qu’elle proposait par la suite aux PPA de les accompagner afin d’aborder le problème d’accumulation avec la personne accumulatrice. Certains PPA acceptaient cette stratégie, mais d’autres la refusaient, considérant le problème d’accumulation comme un sujet tabou.
Les données recueillies indiquent que les intervenantes et les PPA s’interpellent parfois mutuellement à l’insu des personnes accumulatrices, que ce soit pour faciliter le contact et l’adhésion de ces dernières aux services, ou afin que les PPA participent à l’intervention en assurant elles-mêmes des services (de transport, de désencombrement, etc.). À ce sujet, une PPA considérait que l’équipe de soins et elle-même étaient des partenaires, puisque les intervenantes discutaient avec la personne accumulatrice de l’utilité des objets et de la nécessité d’en disposer, alors que, de son côté, elle veillait à l’entretien ménager et au désencombrement. Des intervenantes ont également mentionné que les PPA partageaient parfois avec elles des inquiétudes liées à l’état du domicile ou aux comportements de la personne accumulatrice, inquiétudes qu’elles n’abordaient pourtant pas directement avec cette dernière. De plus, des participantes ont indiqué que des PPA avaient explicitement demandé ou permis qu’une intervenante fasse une action en lien avec le problème d’accumulation, comme, par exemple, aborder le problème d’accumulation auprès de la personne accumulatrice, lui annoncer qu’elle devait être relocalisée ou interpeller les services municipaux.
Lors d’interventions qui impliquaient simultanément la personne accumulatrice et ses proches, une psychoéducatrice a rapporté qu’une PPA avait tenté de créer une complicité avec elle en présence de la personne accumulatrice, une initiative qui semblait liée à l’inconfort de la PPA face au problème d’accumulation : « J’avais deux membres de la famille qui étaient présents en même temps que moi. Je ne sais pas si le membre de la famille avait un certain malaise par rapport à l’accumulation, mais c’est comme si elle voulait me rendre complice avec elle. Elle me disait : “Hein, ça n’a pas de bon sens comme elle accumule, puis ce n’est pas normal, ça.” […] Je trouvais que les propos de la famille pouvaient être durs. » Cela avait créé un malaise durant l’interaction, malaise que l’intervenante avait atténué en rappelant l’importance de faire preuve de non-jugement dans les échanges avec la personne accumulatrice.
Les autres acteurs interpellés : en dehors de l’équipe, mais… en interaction malgré tout
Quatre intervenantes ont mentionné avoir eu des contacts avec les propriétaires, les services municipaux ou les services de protection des animaux à l’occasion de leurs interventions. Ces différentes instances pouvaient interpeller les intervenantes lorsqu’elles constataient un encombrement et, réciproquement, les intervenantes pouvaient les solliciter pour bénéficier de leur expertise. Certaines des intervenantes ont joué un rôle d’intermédiaire entre ces différentes instances et les PPA, par exemple en demandant de prolonger les premiers délais alloués pour le désencombrement et donc de diminuer la pression ressentie par les PPA. Une psychoéducatrice affirme : « De notre côté, les intervenants, on arrivait à négocier du temps avec les propriétaires, puis on venait faire une certaine médiation là, qui fait que la famille pouvait un petit peu souffler. »
Une PPA de notre échantillon avait eu des contacts avec les services municipaux à la suite d’un signalement fait par une intervenante quant aux risques présents dans le domicile de la personne accumulatrice en raison de l’encombrement. Étant informée du signalement, la PPA avait la perception désagréable de « faire des manigances » à l’insu de la personne accumulatrice, laquelle avait été informée que la visite de l’inspecteur découlait d’une plainte dont elle ignorait l’origine. L’inspecteur municipal avait ensuite confronté la personne accumulatrice aux enjeux de sécurité et à la possibilité d’une mise à l’amende si aucun changement n’était apporté. La PPA avait eu des contacts avec l’inspecteur, à l’insu de la personne accumulatrice; elle s’était excusée de l’attitude de cette dernière et avait demandé à l’inspecteur d’être bienveillant à son égard : « Je disais : “Soyez un peu plus doux avec elle; elle est vraiment sous le choc.” Parfois, je m’excusais : “Je suis désolée si ma mère a été agressive envers vous.” » (PPA). Bien que dans ce cas l’intervention des services municipaux ait permis de sécuriser les lieux et que l’inspecteur se soit montré respectueux, la PPA a déclaré ne pas avoir l’intention de resolliciter leurs services en raison du stress que la situation avait causé à la personne accumulatrice et au retour de l’encombrement après (et malgré) cette intervention.
Discussion
Cette recherche visait à mieux comprendre comment les PPA se coordonnent avec les personnes accumulatrices et les autres acteurs impliqués dans la situation d’accumulation et comment cela se traduit dans leurs interactions. Soulignons d’abord que certains traits observés dans le cadre de notre étude — (a) que la majorité des PPA rencontrées étaient des femmes, (b) que ces personnes avaient toutes un lien de filiation avec la personne accumulatrice (la majorité étant leurs enfants), et (c) que certaines assumaient le rôle d’aidante malgré une relation « superficielle » avec la personne aidée — mettent selon nous en lumière le fait que l’aidance peut constituer une responsabilité morale (Éthier et coll., 2013). L’implication des femmes et des familles correspond, encore de nos jours, à la réponse attendue de leur part en vertu d’une « règle morale », selon laquelle familles et proches se doivent d’adopter le rôle de PPA et de prendre soin des membres de leurs familles qui sont dans le besoin. Cette règle est inhérente au cadre normatif implicite de notre organisation sociale, qui se caractérise par un consensus sur l’institutionnalisation du rôle des PPA en fonction d’attentes stéréotypées à leur égard, lesquelles impliquent une division genrée des tâches liées au care (Goffman, 1973). Ces constats viennent donc appuyer plusieurs données déjà existantes qui indiquent que la proche aidance est encore de nos jours un devoir majoritairement attribué aux femmes (Conseil du statut de la femme, 2018; Deshaies, 2020; Kempeneers et coll., 2015).
Nos résultats donnent aussi à voir un ordre interactionnel dans lequel le problème d’accumulation est un objet de négociation et un « tabou » à éviter, à confronter ou à tenter d’aménager, tant sur les plans concrets que symboliques. On a vu que plusieurs PPA évitaient de créer un malaise avec la personne accumulatrice et d’aborder son problème d’accumulation ou sa perte d’autonomie, ce qui mettait au jour un ordre interactionnel coopératif au sein de l’équipe des personnes aidantes et aidées. Les personnes accumulatrices, lorsqu’elles sont incapables de se conformer aux normes et aux standards sociaux en matière de propreté et de maintien à domicile, deviennent porteuses d’un stigmate. Ce stigmate rend nécessaire une coopération entre personnes aidantes et aidées, et donc la création d’une équipe. Nos analyses révèlent qu’au sein de cette équipe, il importe de maintenir de bonnes relations et de ne pas provoquer de conflits — exigences qui incitent souvent les PPA à éviter d’aborder la problématique d’accumulation avec leurs proches qui en souffrent. Ce non-dit permet également de préserver l’image de soi de la personne accumulatrice en évitant de la discréditer et d’exposer son stigmate. D’ailleurs, lorsque les PPA enfreignent l’ordre interactionnel (ici caractérisé par le souci d’éviter de créer un malaise dans l’interaction en parlant du stigmate) et qu’elles abordent directement le problème d’accumulation avec la personne concernée, elles sont confrontées à des stratégies d’évitement verbal et parfois physique de la personne accumulatrice, à une rupture de la communication avec elle et, enfin, à un sentiment de culpabilité causé par le sentiment de lui avoir fait « perdre la face » (Goffman, 1968, 1973). Ces résultats viennent appuyer certaines données antérieures indiquant que le problème d’accumulation engendre des conflits entre acteurs impliqués et que les PPA des personnes accumulatrices s’efforcent de les éviter (Park et coll., 2014; Wilbram et coll., 2008). Mais nos résultats vont plus loin en exposant le souci et les efforts des PPA et des personnes aidées pour maintenir leur relation (laquelle se situe en amont de l’aidance) et de préserver la face de la personne accumulatrice par la gestion du stigmate durant l’interaction (Goffman, 1963, 1974).
Les personnes accumulatrices peuvent également adopter des stratégies d’évitement avec les autres acteurs impliqués comme les intervenantes ou les agents et agentes des services municipaux afin de ne pas aborder ou amplifier la stigmatisation vécue par la personne accumulatrice. Cela peut se traduire par le développement d’interactions tendues entre les personnes accumulatrices et les intervenantes. Dans ces situations, les PPA procèdent en général à une « gestion des impressions », en excusant l’attitude de la personne accumulatrice auprès des autres acteurs impliqués. Cette stratégie adoptée par les PPA semble à la fois favoriser le maintien du cadre définissant l’interaction avec les professionnelles offrant des services — un cadre marqué par le respect et une étiquette visant à prévenir les offenses — et permettre de « sauver la face » de la personne accumulatrice (Goffman, 1963, 1967).
Certaines PPA ont rapporté avoir tenté d’aborder le problème d’accumulation « en douceur » avec la personne accumulatrice. En adoptant cette conduite dans leurs interactions, les PPA confirment à la personne aidée son statut de parent et s’efforcent de répondre aux attentes que les parents ont souvent quant au traitement que leurs enfants devraient avoir à leur égard. Cette délicatesse tente donc de maintenir la dignité de la personne accumulatrice et de préserver une image de soi positive (Goffman, 1973, 1974). Cependant, malgré ces précautions, les PPA expriment avoir à faire face à des stratégies d’évitement de la personne accumulatrice, comme ne pas vouloir parler de la problématique d’accumulation, mettre fin à l’interaction. C’est pourquoi, en réaction, certaines PPA en sont venues à la conclusion que le problème d’accumulation nécessitait d’être abordé directement avec leur proche : ce faisant, elles ont « franchi une ligne » par rapport au stigmate qui est tabou (Goffman, 1968) et ont dérogé à l’ordre interactionnel prévalant au sein de leur équipe (Goffman, 1973). Ces résultats viennent appuyer les études antérieures indiquant que, malgré les différentes stratégies adoptées par les PPA pour aborder le problème d’accumulation avec les personnes accumulatrices, elles peuvent être confrontées malgré tout aux résistances de ces dernières (Park et coll., 2014; Wilbram et coll., 2008). Nos données apportent toutefois un éclairage nouveau en montrant que, malgré le refus de la personne accumulatrice à aborder la problématique d’accumulation, les PPA ne se limitent pas à adopter des comportements d’accommodation ou à se distancier de la personne accumulatrice (Park et coll., 2014; Sampson, 2013a; Wilbram et coll., 2008); elles considèrent également d’autres stratégies dans l’intimité de leur équipe, dont celle de briser l’ordre interactionnel établi et d’aborder directement le stigmate.
Durant le désencombrement du domicile de la personne accumulatrice, une pression était parfois exercée par les PPA afin d’assurer le bon déroulement de l’opération. L’ordre interactionnel étant marqué par le souci de maintenir l’image de soi de la personne accumulatrice et de ne pas créer de malaise avec elle, il arrivait que, paradoxalement, il force la personne accumulatrice à concilier deux postures contradictoires : afin de « sauver la face » (Goffman, 1968), elle devait sacrifier ses propres volontés et confirmer son impuissance en ne disant mot et laissant ses proches désencombrer son domicile. On conçoit aisément qu’une telle contradiction (qu’on pourrait nommer « dissonance symbolique et interactionnelle ») soit source d’inconfort pour la personne accumulatrice. Lors du processus de désencombrement, celle-ci peut se retrouver confrontée à des demandes face auxquelles elle ne sent pas détenir de pouvoir, ce qui l’oblige à sacrifier ses propres volontés afin de préserver son intégrité (Goffman, 1968). Bien que des signes d’embarras chez les personnes accumulatrices soient parfois perceptibles pour les PPA, ces dernières tendent à les ignorer et à diriger leur attention sur les efforts de désencombrement, une réaction qui semble maintenir l’illusion de l’inexistence du risque que la personne accumulatrice soit discréditée. Ainsi, l’ordre interactionnel, dans lequel on s’efforce d’éviter les malaises, est maintenu (Goffman, 1974). Dans ces situations, les personnes accumulatrices pouvaient interpeller les intervenantes afin que le processus de désencombrement soit modifié ou cesse. Les intervenantes pouvaient ensuite favoriser une coopération entre tous les membres (la personne accumulatrice, la PPA, l’intervenante) afin de retrouver un consensus dans l’équipe quant aux suites à donner (Goffman, 1968, 1974). Cela était possible en se centrant sur les objectifs communs à tous les acteurs, soit assurer la sécurité de la personne accumulatrice et la maintenir à domicile. Nos résultats vont dans le même sens que les études qui indiquent que les PPA peuvent parfois entreprendre des opérations de désencombrement à l’encontre des volontés des personnes accumulatrices (voir par exemple Sampson et coll., 2012; Wilbram et coll., 2008). Cependant, ces mêmes résultats éclairent ces études différemment en montrant les efforts pratiques et symboliques mis en oeuvre par les PPA et les personnes aidées afin de préserver leurs bonnes relations et l’image de soi des personnes accumulatrices. En parallèle, les intervenantes, du fait de leur statut professionnel, semblent toutes désignées pour jouer des rôles de médiatrices et assurer la défense des droits de la personne accumulatrice au sein de l’équipe (voir Roc et Hébert, 2013).
Par contre, les données recueillies révèlent aussi que certaines PPA peuvent parfois tenter de créer une alliance avec les intervenantes en critiquant la personne accumulatrice en sa présence. Une telle stratégie représente une transgression de l’ordre interactionnel dans l’équipe et semble une façon pour ces PPA de se distancer de la personne accumulatrice, et ainsi d’éviter de partager avec elle les discrédits liés à son stigmate (Goffman, 1963). Ces résultats concordent avec les autres études concernant les PPA des personnes accumulatrices, qui mentionnent qu’elles peuvent craindre ou vivre de la stigmatisation (Drury et coll., 2014; Sampson, 2013a). Mais ils les complètent aussi, car ils montrent que les intervenantes sociales, lorsqu’elles font partie de l’équipe, peuvent influencer les interactions en affichant et en affirmant des règles et des valeurs sociales qui promouvront par la suite le respect de la personne stigmatisée.
En parallèle, les PPA et les intervenantes pouvaient s’interpeller à l’insu de la personne accumulatrice, parfois avant même la mise en place de services pour cette dernière. Cette coopération entre les acteurs constituait un « secret stratégique » (Goffman, 1973), c’est-à-dire qu’il était considéré comme temporairement nécessaire et qu’il pourrait ultérieurement être dévoilé. Le secret stratégique favorise la création d’une alliance entre intervenantes et les PPA, et permet à ces dernières d’exprimer des demandes ou des inquiétudes. Ces résultats peuvent sembler aller à l’encontre de certaines études sur la proche aidance en santé mentale, qui évoquent que des enjeux importants sont liés à la collaboration et au partage d’informations entre les PPA et les professionnelles, d’autant plus importants lorsqu’il n’y a pas de services en place (Bonin et coll., 2014; Kempeneers et coll., 2015; Morin et St-Onge, 2016). Cette ouverture aux discussions entre PPA et intervenantes peut s’expliquer par la nature du problème à l’étude, qui engendre des enjeux de sécurité. Enfin, le fait que les personnes accumulatrices soient des personnes âgées et que les conséquences liées au vieillissement (perte d’autonomie, déclin cognitif, etc.) augmentent les risques pour la santé découlant du problème d’accumulation amènent les acteurs à collaborer.
Lorsque les personnes accumulatrices formaient équipe avec les intervenantes et avec leurs PPA, les attentes des PPA devenaient les obligations des intervenantes, et vice versa. Les attentes sont ici comprises comme étant les conceptions que les personnes ont de ce que les autres sont tenus de faire à leur égard, alors que les obligations constituent des pressions morales amenant les personnes à se conduire d’une certaine façon (Goffman, 1973). De manière plus concrète, on peut dire que les PPA attendaient des intervenantes qu’elles abordent avec la personne accumulatrice son problème d’accumulation et les conséquences de sa perte d’autonomie, alors que les intervenantes attendaient des PPA qu’elles participent à l’entretien ménager et aux efforts de désencombrement. Nos résultats mettent en lumière la complémentarité des attentes et des devoirs des acteurs lesquels semblent également refléter l’institutionnalisation de leur rôle respectif en fonction d’attentes normatives présentes dans notre organisation sociale. Ainsi, les PPA sont contraintes d’assumer les tâches liées au maintien à domicile, alors que les intervenantes sont les détentrices de l’expertise leur permettant d’aborder le trouble mental.
Les attentes des PPA et des intervenantes en cours de suivi pouvaient également être contradictoires. Lorsque l’équipe aidante-aidé(e) s’agrandissait avec les intervenantes, les PPA continuaient de prioriser les objectifs et la définition de l’équipe aidante-aidé(e) primaire, soit le maintien de la relation et de l’intégrité de la personne accumulatrice, alors que les intervenantes étaient plutôt concernées par la sécurité de cette dernière. Le fait que les intervenantes soient généralement plus enclines à considérer une relocalisation de la personne accumulatrice pourrait être le reflet de leur contexte de pratique et d’un manque de ressources pour assurer le maintien à domicile des personnes âgées, particulièrement celles qui doivent composer avec un trouble mental (Aubin et Dallaire, 2018; Gilbert et coll., 2018). Retenons toutefois que de tels écarts entre les priorités des acteurs peuvent constituer, en même temps, un espace de négociation permettant de trouver des orientations communes entre personnes accumulatrices, proches et intervenantes, et ainsi de consolider l’équipe (Goffman, 1973).
Certaines intervenantes offraient un soutien spécifique aux PPA, en validant leur vécu et leurs capacités à s’engager dans leur rôle d’aidante en lien avec la problématique d’accumulation. Ces résultats indiquent que les PPA n’étaient donc pas perçues seulement comme des « ressources » offrant des services (Lavoie et Guberman, 2009), mais aussi comme des « clientes » avec des besoins distincts (Fédération des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale [FFAPAMM] et Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques [UNAFAM], 2013; Twigg, 1989). Cela peut sembler aller à l’encontre de plusieurs études sur la proche aidance, qui identifient souvent un manque de ressources offertes aux PPA et de reconnaissance de leurs rôles et de leurs besoins. Par extension, ces contextes sociopolitiques et organisationnels peuvent contraindre les intervenantes à encourager l’implication des proches, ce qui contribue davantage à leur fardeau et les conséquences de la prise en charge de leurs rôles d’aidantes (Benoit et coll., 2021; Deshaies, 2020; Éthier et coll., 2020; Kempeneers et coll., 2015; Lavoie et Guberman, 2009). L’écart entre les résultats de ces études et les nôtres peut s’expliquer par la nature même de notre recherche, qui peut avoir impliqué des intervenantes sensibles aux enjeux liés à la proche aidance, ainsi qu’à une meilleure intégration des PPA dans les pratiques, comme stipulé depuis plusieurs décennies dans les politiques et offres de services des organismes desservant les personnes âgées et celles composant avec un trouble mental (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2003, 2015). Cependant, d’autres études sont nécessaires pour documenter cet aspect et il sera intéressant durant les prochaines années d’observer les retombées du récent plan d’action gouvernemental pour les PPA (Gouvernement du Québec, 2021).
Enfin, une PPA de notre échantillon avait fait équipe avec les services municipaux, à l’insu de la personne accumulatrice. Rappelons ici que les services municipaux ont un plus grand pouvoir de contrôle social sur le domicile des personnes accumulatrices et que ces dernières peuvent vivre difficilement leurs interventions (Moreau, 2016). Cette PPA s’est trouvée à porter un secret « inavouable » (Goffman, 1973), c’est-à-dire qui contenait des faits qui devaient demeurer cachés à la personne accumulatrice et qui étaient incompatibles avec la définition de la situation au sein de l’équipe aidante-aidé(e). De plus, le fait d’interagir avec les services municipaux à l’insu de la personne accumulatrice allait, selon la PPA, à l’encontre de l’ordre interactionnel et de l’image qu’elle projetait d’elle-même dans ses interactions quotidiennes avec la personne accumulatrice (Goffman, 1973). Cet exemple est concordant avec plusieurs travaux en santé mentale qui indiquent que le recours aux autorités est souvent vécu difficilement par les PPA et peut être une importante source de culpabilité (Bonin et coll., 2014; MacCourt, 2013). Nous pensons que nos résultats mettent en évidence que les PPA, lorsqu’elles font équipe avec les autorités à l’insu des personnes accumulatrices, peuvent être contraintes de garder un secret qui les place dans une position inconfortable. Dans ces circonstances, le malaise qu’elles éprouvent provient d’une part de la crainte de la découverte possible du secret par la personne dont elles prennent soin. D’autre part, elles ressentent le sentiment qu’il y a incohérence entre leurs actions dans le contexte de l’ordre interactionnel qui a été adopté dans l’équipe qu’elles forment avec la personne accumulatrice — une situation que nous qualifions de « dissonance symbolique et interactionnelle ».
Limites de l’étude
Cette recherche comporte des limites qui doivent être identifiées afin de bien considérer les résultats et analyses présentés. Tout d’abord, le fait que des PPA et des intervenantes de seulement deux régions du Québec aient été recrutées fait en sorte que les résultats ne peuvent pas être appliqués à l’ensemble des régions québécoises et canadiennes, étant donné l’hétérogénéité des communautés et de l’organisation de leurs différents services (Pires, 1997). À cela s’ajoute la possibilité d’un biais d’autosélection parmi les participantes, qui peut avoir interpellé des participantes plus sensibles aux enjeux de la proche aidance et influencé les résultats. Toutefois, notons qu’en rassemblant des perspectives de différentes personnes pertinentes au domaine étudié, et par la composition diversifiée des échantillons, nous avons pu recueillir un corpus de données qui permet une compréhension adéquatement contextualisée et enrichie du problème à l’étude (Gohier, 2004; Laperrière, 1997).
Conclusion
Cette recherche visait à mieux comprendre comment les PPA se coordonnent avec les personnes accumulatrices et les autres acteurs impliqués dans la réponse à la problématique d’accumulation et de savoir comment cela se traduit dans leurs interactions. Nos résultats montrent que le problème d’accumulation est « négocié » concrètement et symboliquement à travers un ordre interactionnel entre les personnes accumulatrices, les PPA et les autres acteurs impliqués : le maintien de l’intégrité de la personne accumulatrice est primordial et le stigmate devient tabou dans l’interaction. Cette négociation est caractérisée par l’évitement, par la confrontation ou encore par divers aménagements. À cet égard, l’écart entre les attentes des PPA, des personnes accumulatrices et des intervenantes sociales constitue un espace de négociation privilégié pour trouver une orientation commune et redéfinir la situation au sein de l’équipe que forment PPA, personnes accumulatrices et intervenantes (Goffman, 1968, 1974). Les travailleuses sociales doivent garder en tête qu’en amont de l’aidance, il y a une relation que les protagonistes cherchent à maintenir, et que, dans ce contexte, elles ont parfois à jouer les rôles de médiatrices ou à assurer la défense de droits (des personnes accumulatrices ou des PPA) afin de permettre des ajustements dans les interactions. Ce type d’interventions est seulement possible lorsqu’une pleine reconnaissance du rôle des PPA et de leur savoir expérientiel est faite par nos organisations et concrétisée dans nos pratiques. Pour ce faire, les travailleuses sociales doivent être sensibles à l’influence de facteurs sociopolitiques (manque de ressources, organisation des services) sur leurs pratiques et leurs interactions avec les PPA (Benoit et coll., 2021; Éthier et coll., 2020). Nos résultats soulignent également la responsabilité morale liée à la proche aidance (Éthier et coll., 2013), ce qui concerne aussi les préoccupations en travail social. Le contexte sociopolitique actuel, marqué par une insuffisance de services, contraint les proches de personnes accumulatrices à toujours assumer davantage de responsabilités (Grenier et coll., 2021), ce qui diminue leur capacité de choisir le type et l’intensité du soutien qu’elles apportent. Les travailleuses sociales sont des actrices significatives lorsqu’il s’agit de revendiquer et d’assurer le respect des volontés d’engagement des PPA durant leur parcours d’aidantes. Considérant la diffusion et la possible influence de la première politique nationale pour les PPA au Québec, il serait d’un intérêt certain dans le cadre de recherches futures d’explorer les représentations élaborées par les intervenantes sociales à propos des PPA, et de voir comment elles s’actualisent dans leurs pratiques. Enfin, dans notre échantillon, on a vu que l’interaction du vieillissement et de la problématique d’accumulation favorisait parfois l’intégration des PPA avant la mise en place des services, mais d’autres études sont requises pour approfondir cet aspect.
Appendices
Note biographique
Annik Moreau était doctorante, et Bernadette Dallaire est professeure, à l’École de travail social et de criminologie de l’Université Laval.
Notes
-
[1]
L’utilisation de cette expression ne vise pas à réduire ou « étiqueter » les personnes composant avec cette problématique, mais seulement à alléger le texte.
-
[2]
Le genre féminin est utilisé dans cet article lorsque nous référons aux proches et aux intervenant(e)s social(e)s, étant donné la prédominance des femmes dans la composition de notre échantillon et, de façon plus globale, dans le milieu des soins.
-
[3]
Aux fins de cette recherche, nous avons consulté les 16 études suivantes : Bratiotis et coll., 2016; Chasson et coll., 2014; Drury et coll., 2014; Lin, 2018; Mayes, 2015; Nordsletten et coll., 2014; Park et coll., 2014; Rees et coll., 2018; Sampson, 2013a; Sampson, 2013b; Sampson et coll., 2012; Thompson et coll., 2016; Tolin et coll., 2010; Tolin et coll., 2008; Vorstenbosch et coll., 2015; et Wilbram et coll., 2008.
-
[4]
La « définition de la situation » est constituée par les informations dont disposent les personnes à propos d’autrui, ce qui leur inspire des attentes envers l’autre, leur permet d’inférer les attentes que l’autre peut avoir à leur égard et, ainsi, les oriente quant aux comportements à adopter durant l’interaction. Lorsqu’aucune information à propos d’autrui n’est disponible en amont de l’interaction potentielle ou à venir, les personnes peuvent se fier sur l’apparence de l’autre, sur certains stéréotypes, sur leurs expériences passées ou sur ce que leurs interlocutrices ou interlocuteurs disent d’eux-mêmes (Goffman, 1973).
-
[5]
La « face » est définie par Goffman comme étant la valeur sociale positive que les acteurs réclament en interaction. La face est une image de soi définie selon des attributs sociaux approuvés et amène les acteurs à se présenter de façon favorable aux autres. Le travail interactionnel visant à se « sauver la face » fait en sorte que les acteurs manifestent du respect pour les autres afin qu’en retour leur propre estime soit aussi respectée (Goffman, 1968).
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