Canadian Social Work Review
Revue canadienne de service social
Volume 36, Number 2, 2019
Table of contents (10 articles)
In celebration of the 45th anniversary / En l’honneur du 45e anniversaire
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Introduction : en célébration du 45e anniversaire / In honour of the 45th anniversary
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LE NÉOLIBÉRALISME ET LA RÉGLEMENTATION DU TRAVAIL SOCIAL : implications en vue d’une résistance épistémique
Barbara A. Heron
pp. 9–27
AbstractFR:
L’engagement des théoriciens et des chercheurs en travail social, à travers leur pratique, dans une « désobéissance épistémique » face à « l’épistémicide » des savoirs des Autres est une question essentielle qui se pose dans le contexte néolibéral actuel. Toutefois, les possibilités d’opposer une telle résistance sont de plus en plus limitées par les exigences d’obtention de permis pour les professionnels du travail social. Le présent article examine les effets de la réglementation professionnelle du domaine du travail social au moyen de l’établissement de normes de compétence pour l’octroi de permis qui consistent à consolider les modes de connaissance occidentaux tout en transformant la profession, de concert avec le néolibéralisme, de manière à la soustraire à la désobéissance épistémique. Les normes de compétence élaborées par le Conseil canadien des organismes de réglementation en travail social serviront de point de départ d’une analyse des effets croisés du néolibéralisme sur la pratique du travail social et de la place essentielle que tient la réglementation de la profession dans cet écheveau d’effets. Les répercussions pour l’enseignement du travail social et l’impératif d’une résistance épistémique seront abordés en conclusion.
EN:
The question of how through social work practice, theory and research social workers engage in “epistemic disobedience” in respect to the “epistemicide” of Others’ knowledges is crucial in the current neoliberal context. However, the possibilities of such resistance are becoming increasingly constrained by the encroachment of licensing requirements for social work professionals. This paper considers how the turn to professional regulation in social work via licensing competency standards further entrenches Western ways of knowing, while at the same time working in concert with neoliberalism to transform the social work profession in ways that stand to remove it from the reach of epistemic disobedience. The Canadian Council of Social Work Regulators’ competency standards are taken as the starting point for an analysis, which seeks to articulate the intersecting impacts of neoliberalism in social work practice, and the crucial place of social work regulation within this web of effects. In conclusion, the implications for social work education are raised and the urgency of epistemic resistance is considered.
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TOWARDS A RECOGNITION OF THE PLURALITY OF KNOWLEDGE IN SOCIAL WORK: The Indigenous Research Paradigm
Lisa Ellington
pp. 29–48
AbstractEN:
Social work as a profession has undergone significant change in recent decades, modulated by the various social, political, and organizational transformations of the society in which it evolves. Today, there is increasingly diversified research encompassing a number of coexisting visions of social work. These multiple visions come hand in hand with values, principles, as well as ideologies, some of which are dominant, and others that are marginal. Indigenous Peoples are among the most marginalized groups in society and so are Indigenous worldviews within the profession. Currently, there seems to be a willingness to recognize the plurality of knowledge in the area of social work. In line with this objective, the purpose of this article is to present the Indigenous research paradigm. This is a theoretical contemplation centered around the historical context that led to the paradigm’s creation, a description of what it consists of, as well as a presentation of a few examples of its use by social work researchers. Finally, the paper brings up certain persistent issues related to the recognition of the Indigenous paradigm within the profession.
FR:
Le travail social est une profession qui s’est grandement transformée au cours des dernières décennies, modulée par les diverses transformations sociales, politiques et organisationnelles de la société dans laquelle elle évolue. Or, on retrouve aujourd’hui des recherches de plus en plus diversifiées, où plusieurs visions du travail social coexistent. Ces visions multiples s’accompagnent de valeurs et de principes, mais également d’idéologies tantôt dominantes, tantôt marginales. Les peuples autochtones sont l’un des groupes les plus marginalisés et leurs visions du monde le sont tout autant au sein de la profession. Aujourd’hui, il semble y avoir une volonté de reconnaître la pluralité des savoirs en travail social. Le présent article poursuit cet objectif en présentant le paradigme autochtone en recherche. Il s’agit d’une réflexion théorique qui s’articule autour du contexte historique menant à la création du paradigme, une description de ce qui le compose de même qu’une présentation de quelques exemples de son utilisation par des chercheurs en travail social. Enfin, l’article met en lumière certains enjeux persistants quant à la reconnaissance du paradigme autochtone au sein de la profession.
Articles
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POUR REVOIR L’ACTION DES TRAVAILLEUSES SOCIALES ET DES TRAVAILLEURS SOCIAUX DANS LE DOMAINE DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE
André-Anne Parent and Hugo Martorell
pp. 49–70
AbstractFR:
Malgré la richesse relative du Canada, de nombreux citoyens vivent dans des conditions précaires et souffrent des conséquences de la pauvreté. Cela est d’autant plus vrai lorsque le revenu ne permet pas de se procurer de façon socialement acceptable l’apport nutritionnel nécessaire pour bien vivre et se développer. Il est aussi préoccupant que le nombre de personnes qui vivent une forme ou une autre d’insécurité alimentaire ne cesse d’augmenter au Canada. Afin de contribuer à l’amélioration de la situation, cet article présente les résultats d’une recension des écrits sur le sujet et propose diverses pistes d’action issues d’un modèle conceptuel et d’un cadre opérationnel développés par les auteurs. Les auteurs présentent de façon détaillée les pratiques des travailleuses sociales et des travailleurs sociaux dans le champ de la sécurité alimentaire et discutent des propositions pour les améliorer.
EN:
Despite Canada’s relative wealth, many citizens live in precarious conditions and suffer the consequences of poverty. This is especially true when income does not provide the socially acceptable nutritional intake necessary for good quality of life and development. Also of concern is the fact that the number of Canadians who are experiencing some form of food insecurity is increasing. To help improve the situation, this article presents the results of a literature review and proposes various courses of action based on a conceptual model and operational framework developed by the authors. The authors present in detail the practices of social workers in the field of food security and discuss proposals for improving them.
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TEACHING POSTMODERN AND NARRATIVE SOCIAL WORK PRACTICE THROUGH THE USE OF FILM-BASED CLIENTS
Catrina Brown
pp. 71–89
AbstractEN:
This paper elaborates on the use of film-based clients in teaching narrative therapy in social work. In this paper, I provide my rationale for the use of film-based clients and then highlight the life story of Lars, taken from the film Lars and the Real Girl (2007), as an example of how film clients can be a helpful way of learning how to practice narrative therapy. The theory and epistemology of narrative therapy—and specifically a postmodern approach to the central organizing concepts of story, experience, self, knowledge, and power—are discussed. I then illustrate key elements of narrative practice with Lars as a film-based client. The attention to creating counternarratives challenges dominant social discourses in Lars’ story about mental health and coping with difficult life events, and the internalization of these ideas as part of the story of his identity. A positioned approach against the medicalization and pathologization of Lars’ struggles reflects the social justice commitment of narrative practice.
FR:
Cet article traite de l’utilisation de personnages issus de films en guise de clients fictifs pour enseigner la thérapie narrative en travail social. Dans cet article, je justifie l’utilisation de personnages de films et présente ensuite l’histoire de vie de Lars, tirée du film Lars and the Real Girl (2007), comme exemple de la façon dont les personnages issus de films peuvent être un moyen utile d’apprendre comment intervenir en utilisant la thérapie narrative. La théorie et l’épistémologie de la thérapie narrative et plus particulièrement d’une approche postmoderne des concepts centraux d’organisation du récit, de l’expérience, du moi, du savoir et du pouvoir, sont présentées. Les éléments clés de la pratique narrative sont illustrés par Lars en tant que client fictif. L’attention portée à la création de contre-récits remet en question les discours sociaux dominants dans l’histoire de Lars sur la santé mentale et la gestion des événements difficiles de la vie et l’intériorisation de ces idées dans le cadre de son récit identitaire. Une approche positionnée contre la médicalisation et la pathologisation des luttes de Lars reflète l’engagement de justice sociale de la pratique narrative.
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CE QUI SE CACHE DERRIÈRE LA PRÉCARITÉ DOMICILIAIRE : les processus d’invisibilisation de l’itinérance à Moncton
Charles Gaucher, Hélène Albert, Lise Savoie and Linsay Flowers
pp. 91–106
AbstractFR:
Cet article présente les résultats d’une étude sur l’itinérance menée dans la région de Moncton, au Nouveau-Brunswick. Il aborde deux pratiques qui sont ressorties d’une série d’observations participantes : (1) le regard posé par les intervenants oeuvrant dans des organismes dédiés aux personnes en situation de précarité domiciliaire et (2) l’organisation des ressources communautaires en soutien à cette population. L’analyse présente en quoi ces deux pratiques contribuent à invisibiliser l’itinérance en participant au masquage et au maquillage du phénomène dans un contexte de quasi-ruralité.
EN:
This paper presents the results of a study on homelessness conducted in Moncton, New Brunswick. It addresses two practices that emerged from a series of participant observations: 1) the perspective of workers in organizations dedicated to people in precarious housing situations and 2) the organization of community resources to support this population. The analysis presents how these two practices contribute to the invisibility of homelessness by contributing to the masking and concealment of the phenomenon in a context of quasi-rurality.
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INITIATIVE DE CONCERTATION Locale afin de prévenir les homicides intrafamiliaux
Christine Drouin
pp. 107–124
AbstractFR:
L’évolution des connaissances au sujet des homicides intrafamiliaux a permis au cours dernières années de mieux cibler les situations à risque et ainsi optimiser leur prévention. Pour les divers acteurs oeuvrant auprès des personnes vivant dans une situation où un risque de létalité est présent, il apparaît que la collaboration entre les divers partenaires des milieux concernés est une condition importante pour assurer une meilleure prévention des homicides intrafamiliaux, C’est dans cette optique que les partenaires de la Montérégie-Ouest, une région du Québec, se sont dotés d’un nouveau mécanisme de collaboration : l’Entente P.H.A.R.E. (Prévention des Homicides intrafamiliaux par des Actions Rapides et Engagées). Cet article fait état du fonctionnement de cette entente de collaboration et dresse un bilan de celle-ci à partir du discours d’intervenants-clés au coeur de cette initiative. Les résultats montrent une appréciation positive du fonctionnement, de l’utilisation et des répercussions sur les pratiques de l’Entente P.H.A.R.E, ainsi que sur le partenariat dans cette région du Québec. Faire appel aux partenaires de l’Entente s’avère une aide précieuse lors de la gestion des situations à haut risque d’homicide et lors des situations de danger imminent.
EN:
In recent years, knowledge about intrafamilial homicides has evolved, making it possible to more effectively target at-risk situations and thus optimize their prevention. For the various organizations working with people living in a situation where a risk of death is present, it appears that collaboration between the various community partners involved is an important condition for improving the prevention of intrafamilial homicides. It is in this perspective that the partners in Montérégie-Ouest, a region of Quebec, have adopted a new collaborative mechanism: the P.H.A.R.E. Agreement (Prevention of intrafamilial homicides through quick and committed actions). This article describes how this collaborative arrangement works and provides an overview of this collaboration based on the discourse of key stakeholders at the heart of this initiative. The results show a positive assessment of the operation, the use and the impact on the practices of the P.H.A.R.E. Agreement, as well as on the collaboration in this region of Quebec. Involving Agreement partners proves to be a valuable tool in managing high-risk homicide situations and imminent danger situations.
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TRAJECTOIRES DE SERVICES DES JEUNES SOUS LA DOUBLE AUTORITÉ DE LA PROTECTION DE LA JEUNESSE ET DE LA JUSTICE JUVÉNILE : DIFFÉRENCES ET SPÉCIFICITÉS
Marie-Laure Payet, Isabelle V. Daignault and Denis Lafortune
pp. 125–142
AbstractFR:
Au Québec, les jeunes faisant l’objet d’un double mandat sont ceux suivis en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents (LSJPA) et ayant vécu à un moment de leur vie une prise en charge en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ). Parmi l’ensemble de la clientèle desservie par les Centres Jeunesse (CJ), ces jeunes sont considérés comme les plus vulnérables et sont à risque de récidive. À l’aide d’analyses descriptives et comparatives, cet article brosse un portrait des trajectoires de services, de l’enfance à l’adolescence, de 15 851 jeunes faisant l’objet d’un double mandat. Il détaille la chronologie de leur prise en charge et met en lumière l’enjeu de l’intervention concomittante. Les résultats ont révélé quatre parcours principaux qui se différencient quant à l’historique de victimisation et de délinquance de ces jeunes. Le parcours nommé Entrée LPJ et chevauchement de la LSJPA se distingue comme étant le plus emprunté, et celui marqué par le plus haut taux d’infraction et de récidive. Le parcours nommé Entrée LPJ et inclusion LSJPA se distingue par des taux de victimisation particulièrement élevés et une plus grande instabilité dans les placements; et des taux de judiciarisation moins élevés. Les implications pour l’intervention offerte en CJ, notamment sous l’angle de la coordination des systèmes de protection et de justice juvénile, sont discutées.
EN:
In Quebec, crossover youth refer to those who are monitored under the Youth Criminal Justice Act (YCJA) and have, at some point in their life, been under the care of the Youth Protection Act (YPA). Among the population served by Youth Centres (YCs), these young people are considered most vulnerable and are at risk of re-offending. Using descriptive and comparative analyses, this article presents an overview of the service trajectories of 15,851 crossover youth, from childhood through adolescence. It provides a detailed chronology of their care history and services they received under both Acts and highlights the issue of concurrent intervention. The results reveal four main trajectories that differ in terms of history of victimization and delinquency. The trajectory named child protection entry and YCJA overlap is the most frequent service trajectory; but is also one that is marked by the highest rates of infraction and recidivism. The trajectory called child protection entry and YCJA inclusion is composed of youth with the highest rates of reported maltreatment and the highest rates of placement instability but lower rates of recidivism. The implications for intervention in YCs, particularly in terms of coordinating juvenile justice and protection systems, are discussed.
2018 Student Competition / Concours étudiant 2018
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MEDICAL ASSISTANCE IN DYING (MAID): A Policy Analysis to Provide Greater Clarity for Social Workers in Practice in Ontario
Alona Amurao
pp. 143–164
AbstractEN:
Medical Assistance in Dying (MAID) is a legal federal framework for medical practitioners to assist in the cessation of life upon request from eligible patients who seek assisted death in order to die peacefully and with dignity. MAID’s ‘mentally competent’ eligibility criteria currently create confusion for social workers because they provide little guidance on how to best implement the desired practices intended to support the aims of MAID. Secondly, current criteria pose challenges for vulnerable populations, particularly patients with amyotrophic lateral sclerosis (ALS). ALS patients who are deemed mentally incapable are denied access to MAID, suffering in pain every day until they die. Canada’s MAID policy infringes on their autonomy, and removes their choice to die with dignity. This injustice calls for further reconsideration of the ways MAID can be reformed to serve dying Canadians who are falling through the cracks of MAID. Policy recommendations include inclusion of advanced directives and substitute decision makers. Due to this unequal access in health care services, this concern constitutes a social work issue. Recommendations for social work include increasing competency, and advocacy regarding the provision of MAID.
FR:
L’Aide médicale à mourir est un cadre juridique fédéral qui permet aux professionnels de la santé d’aider les patients admissibles qui en font la demande à mettre fin à leurs jours de façon paisible et dans la dignité. Le critère d’admissibilité entourant la compétence mentale crée actuellement de la confusion chez les travailleurs sociaux parce qu’il fournit peu de directives sur la meilleure façon de mettre en oeuvre les pratiques souhaitées pour appuyer les objectifs de l’aide médicale à mourir. Les critères actuels posent également des obstacles pour les populations vulnérables comme les patients atteints de sclérose latérale amyotrophique (SLA). Les patients atteints de SLA qui ne sont pas jugés « mentalement compétents » se voient refuser l’accès à l’aide médicale à mourir et doivent continuer de vivre dans des douleurs jusqu’à leur mort. La politique canadienne en matière entourant l’aide médicale à mourir donne ainsi un accès inégal aux services de soins de santé pour ces patients, porte atteinte à leur autonomie et à leur droit à l’autodétermination en leur enlevant le choix de mourir dans la dignité. Cette injustice exige que l’on reconsidère les façons de réformer l’aide médicale à mourir afin de servir les Canadiennes et les Canadiens près de la mort qui passent ainsi au travers des mailles du filet de l’aide humanitaire. Le présent article contient des recommandations stratégiques comme l’inclusion de directives préalables et de décideurs substituts, ainsi que des recommandations à l’intention des travailleurs sociaux, y compris l’accroissement des compétences et la sensibilisation aux dispositions entourant l’aide médicale à mourir.