Abstracts
Résumé
Un dilemme persiste lorsque vient le temps d’étudier la réparation d’injustices historiques au sein des démocraties libérales, plus spécifiquement lorsqu’il s’agit de reconnaître les violences commises envers des membres de groupes historiquement marginalisés, soit : la difficulté à concilier la dimension narrative et intime des événements et la dimension politique et historique de ce passé difficile, voire litigieux. À partir de réflexions tirées de mes travaux de recherche en sociologie de la mémoire, je propose d’étudier les dynamiques interprétatives qui engagent les sujets dans le « faire mémoire ». L’objectif est de saisir l’incessante circulation du sens dans l’activité mémorielle afin de contribuer à produire des analyses situées et historicisées des tensions perceptibles entre les interprétations convergentes et divergentes de ce passé et des formes de réparation.
Mots-clés :
- mémoire,
- injustices historiques,
- témoignage,
- conflit des interprétations,
- réparation
Abstract
A dilemma persists when it comes to studying the reparation of historical injustices in liberal democracies, more specifically when it comes to acknowledging the violence committed against members of historically marginalized groups : the difficulty of reconciling the narrative and intimate dimension of events with the political and historical dimension of this difficult, even contentious, past. Based on reflections drawn from my research in the sociology of memory, I propose to study the interpretive dynamics that engage subjects in “making memory”. The aim is to grasp the ceaseless circulation of meaning in the activity of remembering, in order to help produce situated and historicized analyses of the tensions perceptible between convergent and divergent interpretations of this past and forms of redress.
Keywords:
- memory,
- historical injustices,
- testimony,
- conflict of interpretations,
- redress
Resumen
Un dilema persiste al momento de estudiar la reparación de las injusticias históricas en el seno de las democracias liberales, concretamente, cuando se trata de reconocer la violencia cometida contra miembros de grupos históricamente marginalizados, a saber : la dificultad de conciliar la dimensión narrativa e íntima de los acontecimientos y la dimensión política e histórica de este pasado difícil e incluso polémico. A partir de las reflexiones extraídas de mis investigaciones sobre la sociología de la memoria, propongo estudiar las dinámicas interpretativas que involucran a los sujetos que “hacen memoria”. El objetivo es el de comprender la incesante circulación del sentido existente en la actividad memorial con el fin de contribuir a producir un análisis situado e histórico sobre las tensiones perceptibles que existen entre las interpretaciones convergentes y divergentes de este pasado y sus formas de reparación.
Palabras clave:
- memoria,
- injusticias históricas,
- testimonios,
- conflicto de interpretaciones,
- reparación
Article body
Pour que notre mémoire s’aide de celle des autres, il ne suffit pas que ceux-ci nous apportent leurs témoignages ... Il ne suffit pas de reconstituer pièce à pièce l’image d’un événement passé pour obtenir un souvenir. Il faut que cette reconstruction s’opère à partir de données ou de notions communes qui se trouvent dans notre esprit aussi bien que dans ceux des autres, parce qu’elles passent sans cesse de ceux-ci à celui-là et réciproquement, ce qui n’est possible que s’ils ont fait partie et continuent à faire partie d’une même société. Ainsi seulement, on peut comprendre qu’un souvenir puisse être à la fois reconnu et reconstruit.
Halbwachs, 1997[1950], p. 63
Depuis plus d’une quinzaine d’années, les études prenant pour objet la mémoire sont en expansion[1] dans les sciences sociales (Gensburger, 2011). Or, il n’est pas ici question d’un champ unifié de recherche ni plus que de courants de pensée, démarches épistémologiques ou méthodologiques bien délimitées. Malgré l’interdisciplinarité du champ des études de la mémoire, plusieurs sociologues[2] y ont laissé leur marque, à commencer par le pionnier Maurice Halbwachs qui, dans la citation d’ouverture, convie à la reconstruction des souvenirs par les individus à partir de cadres sociaux de la mémoire collective. Toujours d’actualité, ce travail mémoriel est au coeur de cet article. Plutôt que de discuter de débats théoriques qui animent la sociologie de la mémoire – à commencer par ce qu’est (ou n’est pas) l’objet-mémoire[3] – j’ai choisi de retracer mon cheminement scientifique eu égard à une préoccupation constante : les représentations du passé d’injustices historiques[4]. À mon avis, l’un des défis conceptuels à surmonter est de concilier la dimension narrative et intime des événements ainsi que la dimension politique et historique de ce passé litigieux en évitant de réifier des divisions entre mémoire et histoire ; deux modes de représentations du passé qui sont incommensurables[5], comme l’a soutenu Paul Ricoeur (2000).
Ces réflexions m’ont menée à penser la relation complexe entre le récit de l’expérience vécue[6], la réception dans l’espace public de la parole (crédibilité) des témoins, ainsi que le travail de signification (interprétation) eu égard à la rencontre entre ces mémoires plurielles et l’histoire officielle. Au-delà des luttes mémorielles[7], les mécanismes[8] actuels qui visent la réparation des torts passés au sein des démocraties libérales font face à des risques de dépolitisation[9], à commencer par la déqualification des savoirs des témoins et la tendance à réduire ces violences à un « chapitre sombre » de l’histoire nationale. Ces deux problèmes m’ont incitée à bonifier les outils conceptuels et méthodologiques en sociologie afin d’expliquer et de comprendre, même de manière imparfaite, « un passé qui ne passe pas[10] ». Comme je l’ai proposé dans le cadre de ma recherche doctorale, portant sur le parcours de reconnaissance des survivantes des buanderies Madeleine en République d’Irlande, c’est à partir de l’approche herméneutique ricoeurienne du « conflit des interprétations[11] » qu’il m’a été possible de saisir la continuité et la discontinuité du sens des violences, tout autant que le renouvellement des appels à la justice. À cet égard, en considérant que la prise de parole est un lieu de luttes pour la production de savoirs légitimes, dont l’analyse des tensions discursives rend visibles les contentieux entre les groupes sociaux, ma contribution à la sociologie compréhensive de la mémoire permet de ne pas avoir à choisir entre la prise en compte des réalités expérientielles (subjectives et intimes) des violences et leurs aspects sociopolitiques et historiques. Dans l’article qui suit, je reviens brièvement sur deux apports théoriques : la capacité épistémique du sujet « parlant et agissant » et le rôle de ces témoins dans le « travail de remémoration ».
Une approche de la mémoire qui valorise les savoirs situés des témoins témoignant
Oeuvrant à comprendre l’expérience passée des populations historiquement marginalisées, parmi lesquelles les personnes autochtones[12] et les femmes, je me suis dirigée vers l’étude de la narration, voire de la mise en récit de soi, dans le témoignage public. S’est alors rapidement imposée la question du « qui » de la justice ou des « sujets de justice » (comme les nomme Nancy Fraser) et des manières de concevoir la lutte pour la reconnaissance de ces violences[13]. Dans le but de dépasser les lectures antagonistes (polarité victime/coupable) qui réduisent fréquemment la complexité des interactions dans les luttes pour la reconnaissance et la réparation d’injustices historiques, j’ai tenté de saisir des positions mitoyennes, rivales et plurielles de ces identités qui exigent des formes de réparation[14]. Ce faisant, je me suis interrogée sur le rôle de ces témoins dans la production, la circulation et la transformation des représentations mémorielles du passé de violence.
L’émergence de la figure du témoin et enjeux épistémiques de la représentation
Après avoir exploré plusieurs approches majeures, dont celles du traumatisme, de la guérison, de la survivance, j’en suis venue à penser la désignation du sujet de la narration sans lui apposer une épithète a priori (à moins qu’une identité n’ait été proposée ou revendiquée par les témoins affectés par les événements passés). La figure du témoin (sujet de la narration) et son acte (témoigner) se cristallisent dans le résultat de la prise de parole, soit le témoignage (entendu ici, comme une forme délimitée de contenu textuel[15]). Je propose d’aborder certains enjeux épistémiques de la représentation des témoins lorsque leur crédibilité est mise en doute, puis d’exposer deux perspectives porteuses quant à l’expression mémorielle par les témoins prenant le risque de la narration publique.
Comme je l’ai écrit dans l’introduction, le risque de déqualification de la parole des témoins exige de se rappeler, comme le dit Lefranc (2002, p. 347), que ce récit particulier est produit à l’intérieur de relations de pouvoir. L’histoire du témoin est aussi l’expression d’enjeux politiques et économiques puisqu’il a la possibilité de traiter les questions de la responsabilité passée, présente et pour l’avenir[16]. Dans le cadre de mes recherches, c’est par le biais de travaux en épistémologie sociale et en études féministes, notamment les théories du « point de vue » (Harding, 2004), que j’ai abordé l’enjeu de la crédibilité de la parole du témoin. Pour les besoins de cet article, je reprendrai succinctement le concept d’« injustice épistémique » (Fricker, 2007), bien que d’autres contributions auraient été pertinentes pour discuter des stéréotypes de genre[17], ainsi que des rapports de domination qui interfèrent dans la représentation du « qui » de la justice et la légitimation des formes de rétablissement proposées. J’insiste sur le fait que bien que la narration apparaisse comme une fenêtre ouverte afin de produire des relectures situées des contentieux entre les groupes sociaux, il existe une distance irréductible entre l’événement vécu, remémoré et narré, tout autant que l’horizon de promesse dans lequel s’inscrivent ces luttes mémorielles.
La force explicative du concept d’« injustice épistémique » (Fricker, 2007) est de penser les inégalités au fondement de la prise en compte des sujets de connaissance et de leurs savoirs, à travers deux formes d’injustices : « testimoniale » et « herméneutique ». La première advient lorsqu’un jugement est préjudiciable envers un témoin, par exemple, il ne sera pas considéré comme un « bon informant » a priori en raison de ses origines sociales, de son occupation professionnelle, de son état de santé, etc. La seconde advient en amont, si je puis dire. Elle provient d’un désavantage de la part du témoin dans sa capacité de faire sens de son expérience (par exemple, une personne qui vit une situation de discrimination fondée sur une réalité qui n’a pas encore de nom, comme la grossophobie ou le viol conjugal, aura de la difficulté à formuler son expérience d’injustice et à la faire reconnaître auprès d’autrui). Ces limitations doivent être analysées en tant que frein à la reconnaissance de la compétence et de la légitimité des témoins impliqués dans la transmission de leurs interprétations du passé ; d’où le travail de Fricker, discuté ailleurs (Rousseau, 2017, p. 335-339), concernant l’« économie de la crédibilité » comme occasion de réfléchir à l’autorité épistémique des témoins, leur capacité de dire et de faire (leur contribution à l’écriture de l’histoire) tout autant qu’aux silences comme lieu de luttes pour le sens.
J’aimerais maintenant évoquer deux perspectives porteuses afin de reconnaître l’agentivité des témoins à travers l’acte de narration : la première est liée à la transmission de l’expérience de violence entre générations (Rousseau, 2021b), la seconde explore les supports artistiques afin de visibiliser des voix longtemps absentes de l’espace social de réparation (Rousseau, 2016b). Ces avenues permettent, à mon avis, d’entrevoir l’onde de choc qui s’exprime au-delà de l’expérience directe d’un témoin, et ce, par le biais des modes de reproduction des récits, mais aussi des identités, des personnes et groupes qui ont souffert ou souffrent de l’« expérience du mépris[18] » (Honneth, 2002). La première perspective, celle de la transmission de l’héritage intergénérationnel de ces mémoires, a entre autres été théorisée par Hirsch (2012), sous le concept de « postmémoire », qui, en contexte familial, explique ce que les survivant.e.s de la Shoah ont transmis à leurs descendants (devenus témoins secondaires[19]). De manière intéressante, d’autres auteurs ont bricolé de nouveaux concepts relatifs à la transmission des mémoires difficiles, je pense entre autres à celui de « ghostly matters » (Gordon, 2008) qui, par son pouvoir d’évocation, tente de représenter la matérialité de l’absence, voire l’ubiquité de la perte, ou encore, le concept d’« entrepreneurs[euses] de mémoire » (Pollak, 1990) qui reconnaît le rôle et la contribution d’allié.e.s des luttes pour la reconnaissance des injustices historiques (parmi lesquelles des associations, mais aussi, des expert.e.s, des artistes, etc.).
Le second aspect qui a nourri ma réflexion pendant plusieurs années est la manière dont les arts peuvent contribuer au travail de représentation du passé de violence. Cette forme de médiation entre la mémoire et l’histoire peut s’avérer utile lorsqu’on fait face à des lacunes documentaires, ou encore que les témoins de l’histoire se sont tus. Lors de ma recherche sur les buanderies Madeleine et les Foyers pour mères et enfants en Irlande, c’est l’existence d’archives scellées qui m’a encouragée à investiguer d’autres voies afin de transmettre ces expériences, parmi les formes de narration investiguées j’inclus : les histoires orales (compilées par d’autres chercheuses), les mémoires (oeuvres littéraires présentant un récit intime d’événements historiques) et la réalisation d’un film documentaire[20] qui valorisait l’engagement des personnes alliées en soutien des luttes menées par les femmes et les enfants irlandais enfermés et astreints au travail dans des établissements religieux. Je reconnais que l’inclusion de certaines de ces sources peut représenter des défis au niveau de la constitution d’un corpus de recherche – entre autres en raison de la diversité des matériaux, des locuteur.trice.s, des temporalités, etc. – néanmoins, j’estime que les enquêtes sociologiques visant à prendre en compte la pluralité des sujets impliqués dans le « travail des mémoires[21] » gagneraient à renouveler leurs outils théoriques et méthodologiques ; ce dont je discute incessamment.
Les témoins témoignant et le travail de remémoration
Parmi les dilemmes qui persistent dans la littérature sur les « technologies de la conciliation[22] » : comment prendre en compte la pluralité des acteur.trice.s ayant une connaissance des événements passés, à commencer par les témoins, mais aussi les personnes « expertes » (histoire, sociologie, politique, etc.), en évitant de hiérarchiser ces savoirs ? Comment affirmer qu’un témoin ayant témoigné a tout dit ? Quels sont les risques de mésinterprétation ou de surinterprétation dans le travail d’enquête sociologique ? Eu égard à ces questions difficiles, il demeure essentiel d’appréhender les inégalités qui persistent dans la production, la circulation et la contestation des représentations du passé d’injustices historiques. Dans la section qui suit, je suggère d’aborder le rôle des témoins dans le travail de signification (interprétation) ainsi que la rencontre de ces mémoires plurielles et l’histoire officielle.
Par sa condition historique d’« être-affecté-par-le-passé[23] », l’être humain s’emploie à apprendre et à transformer des répertoires de sens partagé, d’où le mouvement incessant par lequel nous interprétons ; l’arc herméneutique[24]. C’est pourquoi j’ai porté une attention particulière aux « faiseurs[euses] d’intrigue » (Ricoeur, 2013, p. 87), plus précisément aux conditions dans lesquelles les « sujets pensants et agissants » offrent des relectures d’événements passés en fonction de leurs capacités, des traditions, des intérêts, etc. Pour Ricoeur, les sujets sont constamment en train d’interpréter (expliquer et comprendre), toutefois l’individu ne peut accéder à une compréhension immédiate (de soi par soi). La narration est alors une médiation qui force le sujet à se distancier et à s’actualiser entre ce qui est souvenu (mémoire) et ce qui est raconté (récit). Par l’activité interprétative sans cesse renouvelée, le « texte » (oral ou écrit) prend la forme d’un parcours de vie où les sujets et les groupes ne cessent de négocier leur place dans la sphère de la parole. En m’inspirant d’une différence entre témoin et témoignage[25], discutée par Dominick LaCapra (2009) – à savoir que l’on peut être témoin sans témoigner, mais pas l’inverse – que j’ai cru bon de forger l’expression « témoins témoignant » (Rousseau, 2017, p. 20). Celle-ci me permettait de reconnaître la capacité des personnes affectées à produire de l’altérité face aux types de récits formulés antérieurement et de s’engager dans le champ politique en revendiquant des stratégies d’action afin de répondre à des torts passés.
En dépit d’une identité sociale partagée (par exemple, être une femme autochtone), la force épistémique du « témoin témoignant » implique de penser les conditions matérielles et symboliques (où se produisent des formes d’injustice épistémiques en amont et en aval de l’expression du sujet), mais aussi le contexte sociopolitique et historique entourant la réception de son récit entendu par un tiers. Ce tiers[26] intervient de manière plus ou moins active, en produisant à son tour des interprétations différenciées, c’est là – dans l’espace du dialogue social sur le passé – que se construit une mémoire interdiscursive. Dans le cadre de mes recherches, j’ai dû développer une réflexion sur la posture de l’écoutante[27], puisque je me sentais responsable d’interpréter honnêtement le contenu de ces matériaux biographiques qui soutenaient la libération de « mémoires souterraines » (Pollak, 1993, p. 18), c’est-à-dire de parole de personnes longtemps laissées-pour-compte par la mémoire officielle. En guise de résumé, je soulignerais l’importance d’entretenir une interrogation constante, au fil de notre propre procédé d’écriture, sur les raisonnements et justifications qui animent nos jugements évaluatifs, tout comme les affects qui peuvent nous rendre plus ou moins réceptifs à certains éléments des récits, et ainsi, tenter de rendre compte du « conflit des interprétations » qui s’opère tout d’abord dans l’arène politique (puisque le « faire mémoire » était mon objet d’investigation), mais aussi en dedans de la chercheuse qui tissait une relation particulière à ces mémoires.
Sur le plan méthodologique, je devais trouver un moyen de lier la transmission des souvenirs des « témoins témoignant » aux autres membres de la société appelés à recevoir ces visions du monde et à s’engager face à leurs propres représentations des événements passés. Pour traduire l’usage de ces mémoires (personnelles et collectives, comme l’évoquait Halbwachs en début d’article), j’ai proposé l’expression « travail de remémoration » qui, à mon avis, reflète l’aspect dynamique de la réminiscence (association entre traces et significations). Je l’ai mentionné, le travail de remémoration variera grandement en fonction des conditions sociales particulières, d’où l’importance de documenter et d’analyser ce-qui-a-été-dit et ce-qui-est-tu[28], puis de penser et d’agir en fonction de ce qui a été compris. Dans cet ordre d’idées, j’ai proposé d’identifier les divergences et les similitudes (écarts et rapprochements) entre les interprétations des témoins témoignant, mais aussi d’autres types de locuteurs.trices engagé.e.s dans le « faire mémoire ». À mon avis, cela permettait de concilier la dimension narrative et intime des événements et la dimension politique et historique de ce passé difficile, voire litigieux.
Ma thèse doctorale a contribué à formaliser la première application d’une méthodologie qualitative expérimentale, la greffe de l’herméneutique ricoeurienne sur des procédés d’analyse du discours partiellement assistée par ordinateur[29]. L’espace étant limité ici pour décrire en détail ce cadre théorico-méthodologique, je dirai simplement que ce dernier n’est pas linéaire ni balisé, il est fait de détours, de bonds, de limites ; tout en étant une occasion d’analyser ce qui surgit entre les sujets pensants et agissants au sein d’une société donnée à un moment de son histoire. Cette sociologie compréhensive de la mémoire valorise l’expérience sensible et les savoirs des témoins (matériaux d’histoire orale), tout en leur permettant d’aller à la rencontre d’autres discours de reconnaissance (matériaux médiatiques et parlementaires). L’objectif est de continuer à questionner les espaces de rencontre inégalitaires et interrompus entre les marges et les centres de l’histoire, et ce, bien que la méthode présente aussi des limitations quant à la prise en compte de la subjectivité des témoins (par exemple, je n’ai pas eu l’occasion de valider mes observations avec les personnes directement affectées en raison d’usage de données secondaires d’histoire orale). En partageant certaines de mes réflexions, j’espère que d’autres sociologues souhaiteront poursuivre l’échange dans le but d’améliorer nos outils théoriques et méthodologiques afin d’expliquer et de comprendre les motifs, les justifications et les conséquences des préjudices causés aux individus et collectivités ainsi que les modalités de réparation qui honorent les promesses de rétablissement au présent.
Conclusion
Comme le dit Ricoeur, la modalité interprétative permet de lier texte, action et histoire, et ce, en dépassant l’opposition ancienne entre compréhension et explication[30]. Ce bref article a été l’occasion de m’entretenir sur un ton très personnel au sujet d’un travail intellectuel engagé il y a près de quinze ans. En guidant ma recherche à partir de la posture épistémique des témoins témoignant et de la dimension itérative des récits, cela me permettait d’éviter certains écueils, dont la tendance à clôturer l’expérience dans l’espace (fini) du récit, ou encore, à délégitimer leurs savoirs en fonction de stéréotypes de genre, de classe ou colonial. Néanmoins, mes expérimentations visant à reconnaître la pluralité des expériences vécues, tout autant que la prise en compte de temporalités croisées (passé, présent, futur), ont rencontré plusieurs obstacles. D’une part, existait-il des témoins désirant communiquer à autrui, comment traduire les oublis ou les silences, ou encore, de quelle manière analyser des données secondaires (par exemple des récits oraux) sans parler à la place des témoins, voire de les instrumentaliser ? D’autre part, les personnes affectées par les injustices historiques s’inscrivent dans des dynamiques sociales complexes qui nécessitent d’aller à la rencontre de discours élargis par rapport auxdits événements. La sociologue de la mémoire qui documente et contextualise les lectures convergentes et divergentes du passé contribue donc au travail de remémoration, d’où la prise en compte du cadre intersubjectif et autoréflexif en recherche. Entretenir des lectures ouvertes de ce qui est arrivé, cultiver une certaine humilité quant à notre capacité de connaître et rendre compte de ces luttes pour la reconnaissance, c’est en quelque sorte éviter de réduire l’horizon de promesse des sujets de justice.
Appendices
Note biographique
Audrey Rousseau est professeure agrégée de sociologie au Département des sciences sociales de l’Université du Québec en Outaouais. Elle se spécialise dans l’étude des processus mémoriels contemporains, parmi lesquels les politiques de reconnaissance et les mécanismes de réparation d’injustices historiques concernant les violences coloniales et de genre au Canada et en Irlande.
Notes
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[1]
Dans le monde universitaire de langue anglaise, cet engouement est illustré par la création de la revue Memory Studies (2008), la publication d’anthologies thématiques (Olick et al., 2011 ; Radstone et Schwarz, 2010 ; Rossington et Whitehead, 2007), de la Memory Studies Association active depuis 2017, sans oublier des centres de recherche et séminaires dédiés à la mémoire.
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[2]
Parmi d’autres sociologues s’intéressant à la mémoire, voir Bastide, 1970 ; Bloch, 1925 ; Gensburger, 2016 ; Olick et Robbins, 1998 ; Pollack, 1993 ; Topalov, 1999.
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[3]
Discuté antérieurement (Rousseau, 2017, p. 15‑18).
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[4]
J’utilise ce terme générique afin de décrire des événements historiques à configuration variable, tant dans l’espace que leur temporalité, ainsi que leurs conséquences (par exemple, l’expropriation de masse, la violation des droits humains, les massacres de civils, etc.). En me référant au travail du philosophe Duncan Ivison (2006), les injustices historiques interpellent à la fois des actions de reconnaissance (compréhension) des torts passés, mais aussi la volonté politique de réparer leurs conséquences morales et matérielles. Voir aussi Balkan (2000).
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[5]
Je résume : c’est le critère de « fidélité » de la mémoire du témoin qui valide la représentation de ce qui est arrivé, alors que l’histoire, en tant que discipline et méthode, a plutôt le critère de « vérité » des faits. Pour ainsi dire, des mémoires qui n’iraient pas à la rencontre des récits historiques et historiographiques, ou encore, des histoires (ou discours historiques), qui n’entreraient pas en dialogue avec des formes de réminiscence, se priveraient de ressources interprétatives des événements passés et de leur historicité.
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[6]
Bien sûr, l’expérience persiste au-delà de l’immédiateté des faits, de leur (in)intelligibilité par l’individu et par-delà la narration des témoins. Toutefois, le récit demeure un moyen privilégié afin d’accéder à ces représentations mémorielles.
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[7]
Cadre de référence dans les études de la mémoire (voir Chaumont, 1997 ; Hourcade, 2014 ; Michel, 2010 ; Ostriitchouk, 2016) afin de représenter les rapports de force entre des factions identitaires (groupes sociaux), ou encore, des intérêts politiques divergents dans la reconnaissance (symbolique et politique) du passé d’injustices historiques.
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[8]
Parmi ces mécanismes ou instruments de reconnaissance ou de réparation des torts passés, notons le recours à des commissions de vérité ou des enquêtes nationales, l’érection de monuments, la création de journées commémoratives, de schèmes de compensation financière, etc.
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[9]
Voir Lefranc (2009).
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[10]
Une expression de l’historien Dominik LaCapra (2001, p. xiv) : « the/a past that will not pass away ».
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[11]
Concept ricoeurien que j’ai expliqué antérieurement (Rousseau, 2017, p. 96-99). En guise de résumé pour les propos de cet article, je précise que le « conflit des interprétations » existe dans toute tentative humaine d’explication ou de compréhension, bien que certains contextes exacerbent l’expression du dissensus herméneutique. Ainsi, le « conflit des interprétations » permet de penser la capacité à produire de l’altérité (notamment à travers la narration comme en a traité extensivement Ricoeur avec ses essais d’herméneutique), en outre, « c’est seulement dans un conflit des herméneutiques rivales que nous apercevons quelque chose de l’être interprété » (Ricoeur, 2013 [1969], p. 23). Il est important de préciser que le dissensus (la relation de concordances et de discordances comme moteur de sens) s’opère au sein de l’individu, mais aussi au sein de ses rapports avec les autres membres de son groupe d’appartenance sociale (par exemple, d’autres personnes survivantes d’injustices historiques), tout comme ceux d’autres groupes d’appartenance au sein d’une même société.
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[12]
Dans le passé, j’ai investigué les conditions sociales, politiques et historiques entourant la production et la prise en compte des témoignages publics de survivant.e.s de violences coloniales et de genre, dont l’Enquête nationale sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées (Rousseau et Chartrand, 2023). Depuis 2019, une recherche partenariale avec deux communautés Anicinabek, Femmes autochtones du Québec et le Foyer pour femmes autochtones de Montréal, vise à produire le premier portrait des disparitions et assassinats d’êtres chers autochtones dans la province de Québec (Rousseau, 2019).
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[13]
Dans le cas de mes recherches sur la Commission de vérité et de réconciliation du Canada (Rousseau, 2011, 2016a), il s’agissait d’actions perpétrées par les représentants de l’État (p. ex. élu.e.s, policier.ère.s), les membres des congrégations religieuses ainsi que les familles et autres individus (violence latérale).
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[14]
Un cas très connu, et traité magistralement par la sociologue Elizabeth Jelin (2003), est celui des Mères de la place de mai (Argentine) qui se regroupent afin de commémorer et d’exiger des formes de réparation pour leurs proches disparus et assassinés pendant la dictature.
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[15]
Pour les besoins de mes travaux, je ne distingue pas la forme orale ou écrite des témoignages, je les considère comme textuels.
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[16]
En effet, à la suite de l’admission des torts, par exemple, par des individus, des institutions privées ou encore l’État, il est fréquent, outre la dimension rétributive, de considérer la dimension financière des réparations ou des formes de restitution envers les personnes ayant été lésées (« victimes »).
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[17]
Par exemple, la philosophe et épistémologue Lorraine Code (1991) a travaillé sur les « modèles » (patterns) de déqualification des savoirs des femmes, qui ont pour effet de solder la prise de parole (lorsque celle-ci advient) par un non-lieu ou encore, le mépris de l’autorité du témoin ; perçu comme peu fiable. Voir Rousseau (2017, p. 78). Je précise qu’il est aussi fondamental d’accorder une place aux approches intersectionnelles afin de ne pas passer sous silence l’imbrication des situations sociales liées au classisme, au racisme, au capacitisme, etc.
-
[18]
Cette expression chez Honneth décrit l’expérience d’un déni de reconnaissance qui cause une blessure morale aux sujets en atteignant leur dignité, leur valeur et l’amour qu’ils méritent en tant qu’êtres humains.
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[19]
Ici, l’adjectif « secondaire » apposé à témoin réfère à l’idée « d’après » (deuxième degré) et non pas de « moins important », car la charge affective et cognitive transmise peut s’avérer puissante comme moteur d’action politique même des décennies, voire des siècles, après les faits.
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[20]
Audrey Rousseau (2017). In Loving Memories, 38min16sec. En ligne : https://vimeo.com/199690367?fbclid=IwAR1zMwuT2dk6vdgzxxyL8 qjuFB770TjdNtB9Pj8gjHjmO8Ohr6g9nheFkJU La trame du film documentaire consiste en un récit polyphonique où les mémoires affectives et les actions politiques de sept activistes et chercheures interviewées conviennent à reconnaître et à transmettre l’histoire des discriminations subies au sein des buanderies Madeleine et des Foyers pour mères et enfants en Irlande au XXe siècle.
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[21]
L’expression « travail de mémoire » (Ricoeur, 2000, p. 736), plutôt que « devoir de mémoire », vise à inscrire le sujet se remémorant dans une action non prescriptive, dynamique, voire explicitement relationnelle. L’usage du pluriel, « travail des mémoires » sert à marquer clairement la concurrence des représentations du passé (Rousseau, 2017, p. 16).
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[22]
C’est l’expression que j’ai choisie afin de qualifier les mécanismes formels qui mettent en scène le passé de violences au sein des démocraties libérales (Rousseau, 2017, p. 15).
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[23]
Cette idée gadamérienne exprime le dialogue herméneutique comme horizon d’échange. Ainsi, l’être humain est dépendant d’un système langagier, c’est-à-dire de « choses déjà dites, entendues et reçues » (Grondin, 2011 [2006], p. 88), prises entre continuité et innovation, les actions historiques de ces « héritiers[ères] » (Ricoeur, 1991 [1985], p. 321) « sont enracinées dans des répertoires de sens, ancrées dans les cultures, sous forme de traditions » (Michel, 2013, p. 42).
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[24]
L’important ici est de considérer l’interprétation comme le fer de lance de ce double mouvement herméneutique ou arc herméneutique, c’est donc l’explication qui permet de mieux comprendre et inversement, comme le soutient Ricoeur (voir Rousseau, 2017, p. 94).
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[25]
L’acte de témoigner, c’est l’action par laquelle une personne atteste sur sa foi de quelque chose qu’elle a vu ou entendu.
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[26]
Par exemple, un.e destinataire direct.e de la narration (par exemple, un.e journaliste ou un.e juge) ne sera pas interpelé.e de la même manière, qu’une chercheuse qui analyse le contenu des textes (récits) produits par les « témoins témoignant », ou encore, d’un.e sénateur.trice qui, lors d’un discours public, relate un événement tiré d’un témoignage télévisuel où s’était exprimé un sujet de justice. Il s’opère des chaînes de croisement entre l’acte de témoigner publiquement (se souvenir et narrer), le produit de la narration (texte) et la réception (intercompréhension) de la part d’un tiers.
-
[27]
Voir Rousseau (2017, p. 165-167), pour ma réflexion sur ce que j’ai nommé « l’écoute au second degré ».
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[28]
Voir mes propos antérieurs sur l’injustice épistémique, ou encore, consulter Caruth (1996) ; Trouillot (1995) ; Vinitzky-Seroussi et Teeger (2010).
-
[29]
Voir Rousseau (2021a) qui explique les fondements et applications de ladite méthode.
-
[30]
« Par dialectique j’entends la considération selon laquelle expliquer et comprendre ne constitueraient pas les pôles d’un rapport d’exclusion, mais les moments relatifs d’un processus complexe qu’on peut appeler interprétation. » (Ricoeur, 1977, p. 127)
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