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La genèse de la notion de scène en analyse culturelle est issue de la reconnaissance du dynamisme culturel émergeant de villes universitaires (Straw, 1991 ; Kruse, 1993 ; Shank, 1994). La façon dont ce rapport s’articule n’a toutefois pas fait l’objet d’une attention dans les travaux pionniers, les études sur les rôles des universités ayant surtout insisté sur leurs impacts économiques et sur leur fonction dans l’innovation régionale (Anselin, Varga et Acs, 1997 ; Valero et Van Reenen, 2019). Cette contribution met en lumière le rôle des universités urbaines dans la construction et la vitalisation de scènes culturelles à Montréal. En situant l’université comme un dispositif de l’écosystème urbain à travers lequel des expressions culturelles circulent de façon formelle et informelle, des logiques matérielles, symboliques et politiques sont rendues visibles et informent la compréhension de l’inscription culturelle des universités en ville. Au croisement des travaux sur les scènes (Straw, 1991 ; 2004), sur la médialité (Kittler, 1996), cette contribution nous invite à aborder le rôle culturel de l’université en ville à travers les médiations qu’elle engendre et opère. Méthodologiquement, cet article repose à la fois sur une relecture des travaux sur les scènes à travers le prisme de la fonction culturelle des universités sur une démarche d’ethnographie urbaine, menée à Montréal depuis 2010, et visant à dégager les pratiques et les dynamiques qui façonnent le tissu culturel urbain.

En analysant une entité jusqu’ici négligée – l’université – qui active – et parfois, désactive – la circulation d’expressions culturelles en ville, cet article propose d’imaginer une conciliation des deux traditions principales de l’étude des scènes : une première, issue des musiques populaires, qui examine les scènes gravitant autour d’objets culturels spécifiques ; et une deuxième, issue de la sociologie de la culture, qui les traite comme une manifestation étendue et théâtrale de l’urbanité. Au moment où la Ville de Montréal entre en phase d’élaboration de sa nouvelle politique culturelle, cette contribution pourrait donner un nouveau souffle à l’inscription des fonctions artistiques et culturelles dans le développement territorial, un potentiel (et des limites) qui restent encore à formaliser.

Cet article se présente en quatre temps. Premièrement, l’attention est portée sur les deux traditions principales en études des scènes – « restreintes » et « ouvertes » – et sur les façons de les faire converger. Deuxièmement, il est question des diverses empreintes culturelles des universités contemporaines à Montréal à travers le prisme de son urbanisation, l’accent étant mis sur la façon dont elles brouillent la distinction entre les deux façons de concevoir les scènes. Troisièmement, la médialité de l’interface ville-université-scène est démontrée afin de jeter un regard renouvelé sur les façons dont l’université comme scène culturelle travaille les matériaux des expressions culturelles, les encapsule, les rend visibles. Quatrièmement, d’autres exemples puisés à Montréal viennent illustrer la manière dont cette interface se déploie à la lumière de l’intervention publique en culture et de l’aménagement nocturne des villes.

Scènes : conceptions « restreintes » et « ouvertes »

La notion de scène s’est forgée dans le sillon d’un colloque de l’International Association for the Study of Popular Music (IASPM) en 1988. Travaillant sur des territoires géographiques distincts, Barry Shank (sur Austin), Holly Kruse (sur Champaign-Urbana) et Will Straw (sur Montréal) révèlent les logiques à l’oeuvre dans la construction des rapports entre groupes et objets culturels, initialement des genres musicaux, et sur les façons dont ces composantes s’articulent au territoire. Pour Straw (1991, p. 373), la scène : « is that cultural space in which a range of musical practices coexist, interacting with each other within a variety of processes of differentiation, and according to widely varying trajectories of change and cross-fertilization ». Cette tradition, émergeant en plein contexte de « tournant spatial » en analyse culturelle, insiste particulièrement sur le caractère dynamique, hétérogène et territorial de la scène ainsi que sur les manières dont des formes variées d’expression culturelle contribuent à l’effervescence urbaine. Cette conception dite « restreinte » (Straw, 2014) de la scène voyage depuis son origine à travers disciplines, aires géographiques et contextes linguistiques (voir par exemple Tironi, 2012) et est toujours aussi féconde et mobilisée en études des musiques populaires et en journalisme culturel.

Comme le souligne Straw (2001), la flexibilité de la notion a probablement facilité l’institutionnalisation du concept depuis une trentaine d’années, même si elle a engendré son lot de critiques, notamment en raison de son flou conceptuel (Hesmondhalgh, 2005). D’autres critiques ont noté que les conceptualisations « restreintes » de la scène négligent sa dimension temporelle (Lussier, 2014), telle que son cycle de vie et les façons dont la scène se vit et se déploie à travers les heures de la journée ou des saisons. Enfin, les travaux s’inscrivant dans cette première tradition ont eu tendance à insister, peut-être de façon disproportionnée, sur le symbolique, l’identité et le sens, ce qui a eu tendance à occulter sa matérialité, notamment l’infrastructure et les équipements nécessaires à son plein déploiement.

En parallèle, et souvent en dialogue avec la première tradition, se déploie un deuxième programme de recherche, dit scène « ouverte » (Straw, 2014), qui abandonne la référence à un objet culturel particulier pour prendre comme point focal l’ambiance que génèrent les scènes, particulièrement à travers les paramètres de la théâtralité (Blum, 2001) et des aménités urbaines (Silver et Clark, 2014). Pour Alan Blum, la scène est le spectacle observable de la sociabilité publique, un spectacle marqué par le temps. Il insuffle ainsi à la scène une dimension temporelle plutôt absente de la première tradition en insistant sur la « mortalité des scènes », objet de fascination, puisque lié aux modes et à l’engouement pour la nouveauté (Blum, 2001). Dans le même esprit, Daniel Silver et Terry Nichols Clark (2014) formalisent une approche sociologique des scènes comme grappes composées d’aménités urbaines. En insistant en filigrane sur la dimension matérielle des scènes (commerces, équipements culturels, paysages), les auteurs révèlent les multiples dimensions, dont la légitimité, la théâtralité et l’authenticité qui les structurent, les vitalisent, les rendent publiques. Leurs travaux s’éloignent eux aussi de la production culturelle localisée pour s’intéresser aux manières dont les aménités produisent des images « spectaculaires » de la ville, images concourant potentiellement aux stratégies de développement économique et de requalification urbaine. Cette conception de la scène insiste particulièrement sur sa dimension visuelle (voir Zahar et Roberge, 2014 ; Tosoni et Ridell, 2019). Situant lui aussi la visibilité au coeur de l’analyse scénique, Straw (2015, p. 8) semble déjà vouloir tisser un lien entre les deux traditions (Straw, 2015, p. 8) :

Scenes make cultural activity visible and decipherable by rendering it public, taking it from acts of private production and consumption into public contexts of sociability, conviviality and interaction. In these public contexts, cultural activity is subject to the look which seeks to understand. Just as clearly, though, scenes make cultural activity invisible and indecipherable by « hiding » cultural productivity behind seemingly meaningless (or indistinguishable) forms of social life.

Ainsi, tout en reconnaissant les apports riches et distincts de ces deux traditions principales en étude des scènes, on peut se demander si certaines de leurs composantes conjuguées aux enjeux contemporains du développement culturel urbain n’appelleraient pas plutôt leur convergence. L’ajout à l’interface classique ville-scènes qu’est l’université contemporaine, pourtant une institution intrinsèquement liée à l’origine du concept de scène quoique plutôt invisible dans les traitements classiques, est une invitation à revisiter l’épistémologie du concept et la porosité entre les deux traditions exposées, à mettre en lumière ses spécificités opératoires à travers sa médialité et à inscrire l’interface comme protagoniste de certaines des transformations en cours dans le monde contemporain, notamment dans le domaine de l’intervention publique en culture et de l’aménagement des territoires.

Scènes « restreintes » et « ouvertes » : trois points de convergence

Le premier point de convergence est dialectique et renvoie aux deux modèles de la scène – formes culturelles spécifiques ou ambiance générée – qui ne sont possiblement que les deux côtés d’une même médaille : Est-il possible d’imaginer une « overproductive signifying community » (Shank, 1994, p. 122) qui travaille le matériau d’un objet culturel spécifique sans tenir compte du « supplément de sociabilité » (Straw, 2014, p. 19), l’ambiance audible et visible que cette activité génère ? En d’autres mots, peut-on focaliser sur la façon dont la ville produit une ambiance sans saisir les plus petites unités d’activités culturelles qui concourent à la scénarisation de cette ambiance, dans un frottement entre différentes échelles, du quartier au métropolitain, de l’underground à l’upperground ? Le langage de l’esthétique relationnelle et sa prolongation dans la transversalité des lieux culturels contemporains offrent une illustration de cette première conciliation potentielle.

Alors que les oeuvres en art contemporain sont de plus en plus imaginées en termes de sociabilité qu’elles construisent, les traits caractéristiques de la scène sont maintenant logés dans les principes esthétiques qui modèlent de telles oeuvres, plutôt qu’en se formant autour d’elles en tant qu’excès. De la même manière, alors que les cinémas, librairies, bibliothèques, musées et autres institutions culturelles acquièrent, comme appendices, des lieux pour manger, boire et sociabiliser publiquement, l’activité focalisée qui entoure la forme culturelle individuelle est de plus en plus absorbée au sein du théâtre de l’intimité publique visible

Straw, 2014, p. 14-15

Dans cette convergence réside peut-être une version de la scène qui engloberait simultanément sa dimension publique, théâtrale (Blum, 2001), le travail d’alliance entre acteurs – individus, communautés, organisations – nécessaire à l’exploration et à la circulation (Lussier, 2014) et la circulation de formes culturelles qu’elle permet (Boutros et Straw, 2010). Comme le souligne Straw, les énergies vitales propres aux scènes restreintes contribuent à un « éthos collectif général qui transcende un seul espace scénique » (2014, p. 21).

Le deuxième point de convergence renvoie à un glissement de ce que les scènes sont vers ce qu’elles font. Les modes opératoires des deux types de scènes convergent en ce qu’elles entreposent toutes deux différentes formes d’expressions culturelles et les donnent à voir (quoique parfois de façon résiduelle ou pour ceux et celles qui ont la capacité de la déchiffrer), et agissent comme noeud de réseau pour la traduction et la circulation de ces expressions. L’accent sur le faire de la scène est une invitation à focaliser sur la façon dont elle autorise ou inhibe la circulation des formes culturelles, dans l’accélération ou le ralentissement, l’archivage ou le renouvellement[1]. En somme, elle nous invite à aborder la scène culturelle dans sa médialité, dans la façon dont elle « record, process and transmit information » (Kittler, 1996, p. 722), cette médialité pouvant « désigner tout autant des objets et des machines que des formations discursives ou des formes de sociabilité » (Straw et Gwiazdzinski, 2015, p. 10). Cette perspective éclaire les logiques de la scène qui échappent parfois aux traitements classiques gravitant autour de l’authenticité, de l’identité et de la représentation, qui ont peut-être trop insisté sur la singularité des scènes et des sujets à l’étude[2], au détriment de l’examen de leur dénominateur commun et de leurs modes opératoires.

Un troisième et dernier point de convergence ne se situe peut-être pas dans les scènes elles-mêmes, mais dans « les transformations en cours dans les secteurs culturels en ville (qui) forcent la convergence de ces deux façons de les concevoir » (Straw, 2014, p. 31). Ces mutations concernent tout autant des registres sociaux qu’économiques, politiques, spatiaux et temporels. Même si les villes sont réputées être les « breeding grounds of scenes » (Blum, 2001, p. 8) et que les traitements pionniers sont typiquement « urbains », on n’y retrouve les villes qu’en filigrane, comme une variable indépendante, comme le bloc statique et permanent sur lequel apparaissent, déclinent ou subsistent les scènes.

La genèse de la notion de scène en analyse culturelle étant issue de la reconnaissance du dynamisme culturel émergeant de villes universitaires, il est paradoxal de ne pas retrouver davantage de travaux examinant leurs relations, même si certains esquissent les contours de l’atmosphère qui marque les villes universitaires (Chatterton, 2000 ; Stahl, 2001 ; Straw, 2004). Le cas des universités à Montréal constitue un point d’entrée fructueux pour illustrer certaines de ces relations, en ce que la ville compte plus de 170 000 étudiant.e.s réparti.e.s dans quatre grandes universités publiques à vocation générale (deux institutions francophones et deux institutions anglophones), deux écoles de gestion et d’administration publique, trois établissements de génie et de recherche scientifique ainsi que dans six autres universités du Québec ayant des campus à Montréal. Une ville à forte proportion d’étudiant.e.s comme Montréal apporte une mixité sociale en attirant un nombre constant d’étudiant.e.s qui soutiennent des activités et services connexes comme les cafés, les restaurants et les magasins de vêtements, générant et régénérant ainsi la scène culturelle. Traversant et reliant les trois points de convergence exposés ci-haut, l’examen de l’université contemporaine comme scène culturelle sert de canevas pour imaginer une négociation entre les deux traditions.

Formes urbanistiques

L’université contemporaine comme scène culturelle : de dans la ville à pour la ville

Les premiers travaux sur la notion de scène ont été brodés autour de villes américaines aux campus universitaires verts, dont Athens, Urbana-Champaign et Chapel-Hill (Straw, 1991 ; Kruse, 1993 ; Shank, 1994). Dans ces college towns, que Blake Grumprecht définit comme « any city where a college or university and the cultures it creates exert a dominant influence over the character of the town » (2008, p. 1), une infrastructure et des équipements culturels peuvent soutenir un ensemble de pratiques liées à un objet culturel particulier, comme un genre musical, tout en participant à la vitalité culturelle sur le territoire : « In recent decades, music scenes have emerged in college towns where music talent is located, students have free time to form and play in musical acts, and there is considerable demand for live music performance » (Florida, Mellander et Stolarick, 2010, p. 790). Si l’université fournit un point de passage pour la circulation des talents et des expressions culturelles vers la ville, il nous faut à tout le moins, pour en saisir l’empreinte dans un système culturel, économique et géographique complexe et étendu, présenter les deux principales formes d’inscription des campus dans les territoires : l’université traditionnelle et l’université urbaine, que l’on peut saisir à travers la terminologie de « murs » et « portes » proposée par Max Barlow (1998).

L’Université Oxford et l’Université Cambridge, le modèle « Oxbridge », incarnent cette première forme, dupliquée dans plusieurs zones rurales et dans les petites villes. Les campus verts traditionnels, même lorsque situés dans des villes à plus forte densité, sont régulièrement entourés de murs qui les transforment en havres urbains : ils présentent ainsi de nombreuses similitudes avec le modèle de pastoralisme universitaire à la « Oxbridge » en ce qu’ils aspirent à créer des communautés académiques isolées de la ville, dans un cadre où « l’excellence » est souvent un principe directeur. Cette forme d’inscription urbanistique repose sur un réseau étendu de résidences étudiantes et d’installations culturelles, sportives et de loisirs, qui favorisent le lien social et le bien-être et alimentent le sentiment d’appartenance. À Montréal, les campus de l’Université McGill, inspiré de l’Université de la Virginie fondée par Thomas Jefferson en 1819, et de l’Université de Montréal adoptèrent ce modèle de « citadelle de l’éducation » (Russo et Tatjer, 2007).

Traditionnellement tournées davantage vers le monde et la signification universelle que vers leur ville d’accueil (Bender, 1988 ; Chatterton, 2000) – dans la ville, mais pas pour la ville –, il n’en demeure pas moins que les universités traditionnelles produisent une empreinte culturelle qui dépasse largement le campus, notamment lorsque les universités mettent à la disposition des collectivités leur infrastructure culturelle pour la diffusion. Par exemple, le Café campus, institution de la vie nocturne montréalaise fondée en 1967, était originellement situé au sein de l’Université de Montréal à l’angle des rues Decelles et de Queen-Mary. Plusieurs artistes de la francophonie québécoise et internationale, dont Beau Dommage, Pauline Julien, Félix Leclerc, Octobre, Diane Dufresne, Plume Latraverse et Robert Charlebois, s’y sont produits.

Ces lieux jouent un double rôle : d’une part, ils constituent des espaces où l’expérimentation est testée, voire valorisée, et où les formes savantes ou progressistes d’expression culturelle qui y sont diffusées peuvent potentiellement percoler dans le secteur culturel de la ville (Frith et Horne, 1989) ; d’autre part, l’accès à ces lieux est particulièrement crucial pour les collectivités, puisque ces infrastructures sont parfois les seules à proximité. En ce sens, l’université agit comme un lieu qui peut à la fois produire l’innovation dans la scène culturelle de façon restreinte et la rendre disponible, visible intelligible en ville. Ce processus « scénique » de circulation de l’expression culturelle des universités vers la ville se retrouve dans plusieurs contextes.

Much of Manchester’s recent cultural character stems from the fact that the city is home to one of the largest student populations of any city in Europe. Throughout the 1980s and 1990s, Manchester was one of the most important Western cities in the field of popular music, the birthplace of highly influential cross-fertilizations of post-punk rock and forms of dance music [...] It was not simply that university life produced, as one of its economic spin-offs, levels of consumption and spending which allowed the institutions of local musical activity (bars, nightclubs, music stores, etc.) to flourish. We might ask, for example, how the forms and meanings of Manchester’s music took shape within clashes of social class and educational difference which the city’s dual status as student capital and declining industrial centre helped to nourish

Straw, 2004, p. 414

Quant à elles, les universités urbaines – dans et pour la ville – sont réputées être plus accessibles et inclusives que les universités traditionnelles. À Montréal, l’Université Concordia et l’Université du Québec à Montréal (UQAM) reposent sur des campus dont les frontières sont imprécises, qui s’enchevêtrent davantage au tissu urbain et social extra-universitaire que les universités traditionnelles. Toutes deux comptent d’ailleurs un mécanisme visant à encourager les échanges, la mobilisation et les transferts de connaissances avec les collectivités de la ville, l’Office of Community Engagement pour Concordia et le Service aux collectivités pour l’UQAM. La Loi sur l’Université du Québec a d’ailleurs inscrit dès 1968 les services aux collectivités comme fonction potentielle de l’université, en plus de la formation des maîtres. Concordia a posé l’interface ville-campus comme pilier de son nouveau Plan directeur pour les campus (l’université héberge deux galeries d’art, quatre cinémas et deux salles de spectacle, en plus de faire la médiation culturelle de l’art public sur son campus), la révélant ainsi comme véritable agente de développement socio-économique au centre-ville.

Si la pierre de l’université traditionnelle et l’acier, le béton et le verre de l’université urbaine incarnent différentes histoires, missions et formes d’inscription dans la ville, la porosité entre les deux modèles semble de plus en plus prégnante, tant l’université traditionnelle, auparavant introvertie, devient de plus en plus extrovertie envers la ville. Si les universités, comme institutions légitimées et légitimantes, renforçaient auparavant dans le domaine culturel la distinction entre culture canonisée et commerciale, entre savant et populaire, entre « gens de goût » et masses (DiMaggio, 2019), on assiste à une implication de plus en plus formelle dans les stratégies de développement urbain.

Comme le souligne Jean-Paul Addie (2019, p. 1618) :

The elite, detached « ivory tower » has been re-conceptualized in numerous public policy discourses as both instrumental economic driver for regional growth and « vital anchor institution » capable of stabilizing and revitalizing urban communities.

Cette mutation passe parfois par l’implantation d’un campus urbain à l’extérieur des limites de l’université, comme en témoigne le Campus MIL, situé sur le site de l’ancienne gare de triage d’Outremont. En 2019, l’Université avait d’ailleurs recruté un coordonnateur chargé de mettre sur pied une programmation culturelle, destinée à être proposée aux futur.e.s étudiant.e.s et aux collectivités du nouveau campus, afin de minimiser les impacts anticipés de la studentification (c’est-à-dire, l’université et sa population étudiante comme vecteur de gentrification) sur le quartier adjacent de Parc-Extension. Un rapport, « MIL façons de se faire évincer », montrait toutefois que malgré les efforts de certains organismes communautaires souhaitant limiter les effets associés au nouveau campus, l’Université n’a pas agi ou reconnu sa responsabilité pour atténuer son impact à Parc-Extension (CAPE, CBAR, CRACH, 2020). On est face ici à un exemple où la culture peut être instrumentalisée pour promouvoir l’université, où une « scène universitaire » interagit de façon plus large avec la fabrique du territoire, non sans susciter des tensions.

À l’Université McGill, c’est surtout à travers des centres de recherches et laboratoires affiliés que l’université déploie, avec plus ou moins de succès, son « bras culturel » en ville. Par exemple, l’Institut pour la vie publique des arts et des idées (IPLAI), désormais aboli, visait à relier l’université au monde extérieur des arts, du gouvernement, de la politique et de la culture. Son Laboratoire de culture urbaine, physiquement situé au Salon 1861 dans le quartier de la Petite-Bourgogne, a établi des partenariats avec certaines organisations de la société civile pour développer des programmes artistiques, notamment un programme de musique dans un studio entièrement équipé, et de médiation culturelle fondés sur le principe de justice sociale et sur la promotion de communautés et villes durables.

Les mécanismes de telles collaborations sont exigeants sur le plan du temps et des ressources pour les collectivités et les bénéfices des rapports entre universités et quartiers ne viennent pas automatiquement parce qu’on concentre spatialement des acteurs. Tel que mentionné dans un article antérieur (Rouleau, 2021, p. 22) : « les chances de succès sont augmentées si des dispositifs relationnels durables, équitables et modulables (un mécanisme autorisant des transactions culturelles) sont installés entre la ville et l’institution, les acteurs culturels locaux et la population étudiante ».

De la même manière, le Conservatoire de musique de l’Université McGill, un programme communautaire de l’École de musique Schulich fondée en 1904, a offert jusqu’en 2022 une formation musicale par le biais de cours de musique privés à des élèves de tous âges, mais surtout aux jeunes. Après le Conservatoire, les jeunes élèves les plus motivé.e.s intègrent les programmes de musique des cégeps, puis des universités, suivant ainsi le circuit traditionnel de l’apprentissage et de la transmission de compétences propres aux institutions de savoir. Le programme soutenait également, indirectement, les institutions culturelles gravitant autour de la musique savante, en soutenant un développement de public, à travers la formation des étudiant.e.s, pour leurs représentations. Auparavant, McGill fournissait des espaces au Conservatoire pour ses activités, mais en raison de l’expansion de l’offre de programmes, l’université a pris la décision de fermer le Conservatoire, jugé moins performant.

Dans les deux cas, la convergence entre les types de scènes ne se fait pas sans frictions et les transactions culturelles entre la collectivité et l’université (town vs gown[3]) ne contribuent pas toujours à amenuiser les préjugés sur la mission réelle de l’université élitiste. Reconnaître les modes opératoires de l’université contemporaine comme scène culturelle, c’est admettre que l’empreinte de l’université ne peut se résumer à son emprise urbanistique et symbolique dans la fabrique du territoire ; elle est au coeur d’une constellation marquée par la médialité des expressions culturelles.

Formes médiales

L’université contemporaine comme scène culturelle : à travers la ville

Quelles médiations les universités en ville canalisent-elles ? Quelles formes d’expressions font-elles circuler et donnent-elles à voir ? Comment le « contour des formes » des universités (Gaonkar et Povinelli, 2003, p. 391) assure-t-il sa médialité, c’est-à-dire une opérationnalité au stockage, au traitement et à la transmission de l’expression culturelle[4] ? La scène culturelle joue un rôle d’archivage et de transmission des canons culturels, dans la mesure où elle forme des créateurs et spécialistes de la culture savante, et inculque à la population étudiante un respect et une compréhension de ces canons, les transformant ainsi en public potentiel (voir Cummins-Russell et Rantisi, 2012). Comme nous l’avons vu, l’université et son vivier de ressources humaines et techniques peuvent produire et transformer différentes formes d’expression culturelle, qu’elles soient traditionnelles, savantes ou progressistes, et qui peuvent percoler dans le réseau culturel étendu de la ville (Frith et Horne, 1987). En ce sens, la fonction « médiale » de l’université est au coeur du rôle qu’elle joue comme scène.

Il est impossible de dissocier la construction et l’animation des scènes des formes médiales qui archivent et transmettent les expressions culturelles. Par exemple, dans les années 1920 se forment autour de l’Université McGill le Montreal Group (parfois nommé le McGill Group), un cercle de poètes initiateurs de « petits magazines », dont le McGill Daily Literary Supplement, le McGill Fortnightly Review et The McGilliad, dans lesquels les auteurs publient de la prose et des critiques de livres (Trehearne, 1999). Comme l’illustre une entrée de l’Encyclopedia of Literature in Canada (New, 2002) : « The McGill group changed the standard for writing poetry in Canada, and its sense of the function of the poet and the demands of poetic craft continued to influence the writing of poetry in Canada until the end of the 20th century. » Si cet exemple semble renvoyer davantage à la définition d’une scène restreinte, en ce qu’une forme médiale vient archiver et faire circuler une expression culturelle particulière, elle emprunte également aux caractéristiques de la scène ouverte en ce que sa médialité propulse cette scène dans le théâtre de l’urbanité, en lui permettant d’être vécue, éprouvée par un public plus large et, potentiellement, de l’inscrire en interconnexion avec d’autres scènes.

Du point de vue culturel, la Galerie de l’UQAM fait à la fois office d’expérience préparatoire à la vie artistique en diffusant les travaux de recherche et de création des étudiant.e.s inscrit.e.s aux programmes d’arts visuels, d’histoire de l’art et de muséologie, tout en participant à la vitalité culturelle du Quartier latin en accueillant le grand public qui circule dans le centre-ville. La galerie a par ailleurs toujours eu un mandat de conservation de la collection institutionnelle, l’UQAM ayant hérité, lors de sa création en 1969, de la collection de l’École des beaux-arts de Montréal.

À l’Université de Montréal, la radio du campus CISM 89,3FM porte une riche tradition de promotion des talents québécois émergents. Dans les années 1970, un groupe d’étudiants a commencé à explorer l’idée de créer une radio communautaire sur le campus, qui est entrée en ondes en 1980. Diffusée en FM pour la première fois en 1991, elle est aujourd’hui la plus grande radio universitaire francophone du monde. Si les radios universitaires ont peut-être perdu de leur importance dans la vitalisation des scènes musicales (Kruse, 1993), CISM demeure néanmoins un vecteur de la circulation des itérations progressives de la musique vers un public étendu, extra-universitaire. Elle peut ainsi contribuer à valoriser des formes d’expression culturelle qui, abandonnées aux lois du marché, auraient peu de chance de trouver un public étendu. En offrant un espace pour développer leurs compétences et expérimenter, les radios, tout comme les journaux universitaires, servent de point d’entrée aux aspirants travailleurs culturels vers les mondes professionnels, s’inscrivant dans des logiques d’accumulation de capital, de structuration de la carrière culturelle, de perfectionnement. Le journal Quartier Libre, fondé en 1993, a produit de nombreux reporters culturels, comme Jean-François Nadeau, qui a dirigé la section culture du journal Le Devoir de 2003 à 2013.

Il arrive parfois que les médias ne soient pas universitaires, mais qu’ils couvrent des événements de nature universitaire. En 1912, le Département d’éducation physique de McGill entame l’offre des cours de danse moderne interprétative, la plupart enseignés par Ethel Mary Cartwright, directrice et fondatrice du département. Vingt ans plus tard, les récitals de danse annuels de McGill sont couverts par les principaux journaux anglophones et ces récitals jouent un rôle crucial dans la création d’une scène de danse moderne américaine à Montréal (Frost, 1984).

Insister sur la médialité de l’université comme scène culturelle permet de souligner les façons dont elle traite et remanie l’information culturelle. La dualité linguistique des universités sera un point de départ productif pour analyser comment la médialité, comme dispositif qui à la fois sépare et mélange, modèle les scènes à travers les paramètres de la langue (voir Stahl 2001).

En somme, les universités ont un rôle à jouer dans le développement culturel de la communauté et de la région : elles sont des pépinières de nouveaux talents, elles sont l’un des rares endroits où l’expérimentation et l’intégrité artistiques sont viables, leur personnel et leurs étudiants jouent un rôle crucial dans le maintien de la viabilité des équipements culturels universitaires et urbains. Après avoir traité de l’université comme génératrice d’expressions culturelles et d’ambiance urbaine et des modalités du faire de la scène, le troisième et dernier point de convergence à l’examen renvoie à la dimension politique de l’université comme scène culturelle, inséparable des mutations à l’oeuvre dans la ville contemporaine.

Formes politiques

L’université contemporaine comme scène culturelle : avec la ville

La compétition avec d’autres formes d’autorité culturelle (Chatterton, 2000), l’érosion du discours culturel universaliste et moderne (Smith et Webster, 1997), le déclin du rôle de l’université dans la promotion de l’État-nation (Readings, 1996) et la néolibéralisation des économies (Slaughter et Rhoades, 2000) ont transformé les rapports que les universités entretiennent avec les villes et régions qui les hébergent. Depuis les années 1980, les instigateurs de politiques et les gouvernements responsables de l’éducation en Occident insistent davantage sur la mission civique et culturelle des universités – leur « troisième rôle » –, elle qui vient s’ajouter aux volets « éducation » et « recherche » (Berger et Duguet, 1982). Dès 1989, la Ville de Montréal reconnaît, dans sa publication Montréal, ville universitaire, la contribution des universités à l’essor économique, culturel et intellectuel de la ville. Depuis, la création du Carrefour de recherche urbaine de Montréal est venue formaliser ce statut en faisant émerger des projets issus de la collaboration entre les établissements d’enseignement supérieur, le milieu de la recherche et la Ville de Montréal. Par ailleurs, de nombreuses chaires de recherche et plusieurs universitaires sont impliqués dans l’élaboration de politiques publiques : transport et mobilité, environnement et aménagement territorial, pour ne nommer que ces thématiques. Le troisième rôle de l’université à Montréal est également explicite dans les travaux entourant le développement de la vie nocturne en ville.

Depuis une dizaine d’années se cristallise un champ de recherche interdisciplinaire autour de la nuit urbaine : sécurité, politiques publiques, monumentalisation et tourisme culturel ne constituant que quelques-uns des sujets pris en examen et concourant à la mise en forme d’une « pensée nuitale » (Rouleau, 2016 ; Gwiazdzinski, Maggioli et Straw, 2020). Plusieurs de ces travaux ont analysé le caractère nocturne des scènes, tant ce caractère semble indissociable de leur statut. Ainsi, pour Alan Blum : « Scenes tend to be identified in guidebooks with clubs and discos, “live venues” and cafes and bars. Most specifically, the scene is identified with nightlife » (2001, p. 9). Blum minimise toutefois l’importance de la dimension nocturne des scènes dans leur ontologie, en ce qu’elles présupposent invariablement des modalités d’accès qui ont moins à voir avec la nuit qu’avec des formes d’alliances ou de connaissances spécialisées agissant comme barrières à l’entrée et à la participation[5].

Même si les universités sont des institutions fondamentalement diurnes, à l’exception des bibliothèques, parfois ouvertes jour et nuit, comme les bibliothèques Vanier et Webster de l’Université Concordia, le paysage généré par les universités produit et soutient une forme de nocturnalisation des services, de l’activité culturelle et de consommation dans les quartiers qui les bordent, ce qui insuffle aux scènes une dimension nocturne. Par exemple, les associations étudiantes sont devenues des fournisseurs de services culturels qui animent les commerces locaux, notamment les boîtes de nuit et les salles de concert, lorsque ce ne sont pas directement les universités qui sont impliquées dans la structuration des activités nocturnes. Ainsi, l’UQAM contribue à la revitalisation et au dynamisme du Quartier latin[6] avec d’autres partenaires au sein du pôle Quartier latin du Quartier des Spectacles (QDS). Déployer davantage la vie et les activités nocturnes est l’un des objectifs du Plan stratégique 2022-2026 du Quartier des spectacles (QDS), tout comme le fait de valoriser la cohabitation et la participation culturelle des résidents, des étudiants et des travailleurs du quartier. La Grande rentrée du Quartier latin, un événement déployant une programmation culturelle, incluant « La nocturne du Quartier latin », a permis à une quinzaine de bars du Quartier latin de rester ouverts jusqu’à 6 heures dans la nuit du 9 au 10 septembre 2022. Par ailleurs, le territoire du QDS peut faire office de toile de fond pour la production et la diffusion culturelle étudiante, comme les vidéoprojections sur le territoire du QDS, tout en mobilisant la population étudiante dans son animation. La nuit est le territoire privilégié de la performance scénique, puisque c’est durant cette période qu’elle donne à voir sa théâtralité marquée par la sociabilité urbaine.

Alors que les études sur les scènes ont beaucoup focalisé sur le « son » (le grunge, le indie rock, le Canterbury)[7], le prisme de la nocturnité de la scène, que l’on ne peut séparer de sa visibilité et de son audibilité dans l’espace public, vient déplacer l’accent mis sur la forme sonore vers les politiques entourant cette forme (enjeux liés au bruit, occupation de l’espace public et zonage, droit à la nuit), rendant poreux le rapport entre scène ouverte et scène restreinte, vie nocturne universitaire et excès de sociabilité dans l’espace public, vitalité culturelle dans les quartiers et rayonnement culturel métropolitain. La vie culturelle nocturne des college town est d’ailleurs un élément récurrent en tourisme culturel, les classements des « meilleures villes universitaires » en faisant souvent un indicateur d’attractivité. Or, on ne peut réduire la médiatisation de la nuit à des stratégies de valorisation où les expressions culturelles seraient soumises à des formes d’instrumentalisation au seul service de l’attractivité de la municipalité. On voit émerger, depuis quelques années, des régimes de régulation relevant de l’encadrement, de la gouvernance et de la médiation de cette vie nocturne, au sein desquels les universités sont impliquées. Le défi pour l’intervention publique est de soutenir des expressions culturelles nocturnes diverses tout en limitant les externalités négatives liées à la diffusion de ces expressions.

Les universités sont liées à l’élaboration de politiques culturelles, soit parce que des experts issus du milieu universitaire sont mobilisés dans leur élaboration, ou parce que les universités jouent un rôle dans l’accessibilité à la culture et le développement des publics, l’incubation de talents et la production de recherches avec les milieux culturels. Comme le souligne Straw, témoignant de cette tradition d’intervention des universités dans les politiques publiques : « The co-presence of universities and cultural activity led Manchester to be one of the principal incubators for new urban cultural policies of the 1990s » (2004, p. 415). À Montréal, plusieurs chercheurs du Centre de recherche interdisciplinaire en études montréalaises (CRIEM) ont produit des rapports pour MTL 24/24, un organisme à but non lucratif qui analyse, structure et anime la vie nocturne à Montréal. La Ville de Montréal utilise ces données pour bâtir sa première politique de la vie nocturne, qui devrait voir le jour en 2023. Le Projet de ville pour le Plan d’urbanisme et de mobilité 2050, également nourri par les démarches de chercheurs montréalais, contient lui aussi les traces d’une nocturnalisation, reconnaissant le transport de nuit et les différents rythmes de la ville comme composantes centrales du vivre-ensemble. On pourrait ainsi parler de la nocturnalisation de la politique culturelle au sens où elle tente de déployer un modèle plus ouvert, inclusif et transversal de la nuit, tout en faisant reposer cette intervention sur des données probantes, souvent produites par les universités. L’université vient alors jouer un triple rôle en créant des espaces institutionnels pour approfondir les réflexions entourant la nuit comme culture, en proposant à la Ville de nouvelles manières de l’encadrer, de la protéger de la valoriser et en fournissant des créateurs et des publics susceptibles de soutenir les expressions culturelles nocturnes[8].

En somme, les politiques qui injectent la dimension temporelle à l’aménagement du territoire sont en dialogue avec d’autres dimensions de l’urbanité, comme le zonage, les règlements sur le bruit, la mobilité et l’occupation des bâtiments. La politique Culture Shift de la Ville de Vancouver est un exemple inspirant de cette prise en compte : co-élaborée avec les universités du territoire, elle vise à soutenir les expressions culturelles tout en réduisant les barrières à l’entrée à la vie culturelle nocturne (spectacles pour tout âge, permis d’alcool permissifs et mise à jour du règlement sur le bruit).

Conclusion

Insister de la sorte sur les modes de convergence entre les deux façons de concevoir les scènes, au risque de polir ce qui les distingue, aura permis de mettre en lumière certaines des formes, matérialités et expressions qui structurent la relation entre villes, universités et scènes. Comme en témoigne le troisième chantier de la plus récente politique culturelle de la Ville de Montréal (2017-2022), portant sur un « vivre-ensemble incarné dans les quartiers culturels » (p. 62), cette stratégie de décentralisation culturelle est au coeur d’une démarche s’inscrivant dans la municipalisation de la culture visant à rapprocher les collectivités de l’administration et à développer une culture de proximité au sein de laquelle le citoyen devient un acteur culturel. Même si souvent critiquée pour son élasticité, la notion de scène permet une navigation entre les différentes échelles privilégiées par l’action municipale récente, entre quartier et métropole, personnes et collectivités, université urbaine et traditionnelle. Le chantier sur la vie nocturne à Montréal représente peut-être l’occasion d’activer un rapport université-culture-scènes transversal, tout en permettant la réalisation et l’évaluation d’activités de programmes et politiques.