Article body

Introduction

Devenir policier n’est pas le fruit du hasard. Susceptibles de se trouver devant les situations les plus problématiques de la société, les policiers nord-américains sont aussi des professionnels réputés, comme l’indiquent les pouvoirs juridiques extraordinaires qui leur sont conférés. Être policier, c’est aussi occuper un emploi de la fonction publique qui offre une multitude d’avantages sociaux. À ceci s’ajoute « l’échelle de prestige du métier qui oscille entre sale boulot et héroïsation […] » (Pruvost et Roharik, 2011, p. 282). La profession policière est complexe, et ceux qui choisissent d’endosser l’uniforme se heurtent à de multiples enjeux opérationnels et professionnels. Pensons notamment aux interventions policières auprès de personnes en crise ou agressives, ou encore, à la critique du public lors d’interventions controversées. Or, qui sont ceux qui choisissent cette profession remplie de défis ? Et quelles sont leurs ambitions professionnelles ?

Le processus pour devenir policier varie considérablement d’un endroit à l’autre. Au Québec, la Loi sur la police exige que les candidats soient détenteurs d’un diplôme d’études collégiales en techniques policières (TP) (formation de 3 ans) ou d’une attestation d’études collégiales en TP (formation de 12 mois) dans certains cas, puis qu’ils terminent avec succès le programme de formation initiale en patrouille et gendarmerie de l’École nationale de police du Québec (ENPQ) (formation pratique de 15 semaines). La formation policière au Québec est donc relativement longue, et son accès est présentement fortement limité. Ainsi, avant de pouvoir soumettre leur candidature aux corps policiers en vue d’occuper une fonction policière, les recrues doivent passer par deux étapes de sélection, celles des études collégiales et de l’ENPQ. Ces premiers processus de sélection doivent, en principe, assurer que les candidats éventuellement embauchés par les corps policiers correspondent aux profils recherchés. Or, le candidat idéal semble de plus en plus difficile à reconnaître (Richard et Pacaud, 2008).

Compte tenu de la rareté des études longitudinales sur les (futurs) policiers, la présente étude s’insère dans un projet de grande envergure visant à suivre l’évolution des futurs policiers du Québec dès leur entrée au collège. Plus précisément, cet article abordera la question de l’évolution des motivations à entreprendre une formation policière entre la première et la deuxième année d’études en TP, et vérifiera l’influence du sexe, de l’âge, de la maturation et de l’origine culturelle sur les motivations à devenir policier ainsi que sur les aspirations professionnelles.

Pourquoi devient-on policier ? État des connaissances

Depuis des années, le travail des policiers québécois a grandement évolué et les exigences à leur égard se sont considérablement intensifiées. Les policiers font, aujourd’hui, beaucoup plus qu’appliquer la loi et agir sur la criminalité. Ils doivent assurer le bon fonctionnement de la société et répondre aux demandes de la population qui sont de plus en plus complexes et étrangères à la lutte contre la criminalité (Richard et Pacaud, 2008). En effet, ils doivent continuellement s’adapter et agir en amont, c’est-à-dire prévenir les actes délictueux plutôt que gérer leurs conséquences. Ils peuvent également être amenés à intervenir dans des situations liées à la détresse humaine ou à des malaises sociaux (pauvreté, toxicomanie, incivilités, etc.) (Richard et Pacaud, 2008). En 2018, un peu plus des deux tiers des déplacements policiers (70 %) étaient en lien avec des problèmes sociaux de santé mentale, d’itinérance, de dépendance, etc. (Ministère de la Sécurité publique du Québec, 2020). En plus de devoir répondre à des demandes particulièrement exigeantes, stressantes et parfois à haut risque d’atteinte à l’intégrité physique (Cavalcante Neto, Calheiros, Calheiros, Neto et Pinto, 2019 ; Padyab, Backteman-Erlanson et Brulin, 2016), les policiers sont soumis à des procédures strictes sur la manière d’intervenir et à des règles administratives relatives à l’application de la loi (Caroly, 2011). Le travail policier est donc effectué dans une variété d’environnements imprévisibles et la crise sanitaire liée à la COVID-19 en est un parfait exemple. Il leur a alors été demandé de contrôler la propagation du virus et de maintenir l’ordre public, lors de manifestations par exemple (Frenkel et al., 2020), tout en poursuivant les différentes interventions d’urgence auxquelles ils avaient l’habitude de faire face (Laufs et Waseem, 2020). Il va sans dire que l’avènement d’Internet et de la mondialisation des échanges apporte de rapides et profondes transformations technologiques et sociales qui modifient aussi le travail policier. Ainsi, avec une population de plus en plus diversifiée, dont la tolérance à l’approche répressive traditionnelle s’effrite, le modèle de police communautaire est devenu le cadre de référence privilégié de l’intervention policière. Devant ces constats, il y a lieu de se questionner à savoir si ce qui motive des candidats à entreprendre une carrière policière aujourd’hui a évolué dans le même sens que les modèles d’intervention, passant de motivations davantage axées sur le contrôle de la criminalité (modèle répressif) à des motivations se rapprochant plus d’un modèle axé sur une approche communautaire.

Dans une étude de Raganella et White (2004 ; voir aussi White et al., 2010) portant sur les profils motivationnels de nouvelles recrues de l’Académie de Police de la ville de New York, le désir d’aider l’autre constituait le facteur favorisant le plus la volonté d’exercer le métier de policier. Ce constat a aussi été observé dans l’étude québécoise de Richard et Pacaud (2008) qui conclut que le désir de venir en aide à la communauté figure parmi les motivations les plus marquantes chez des étudiants admis en TP. La fascination pour la profession et le rêve de devenir policier semblent toutefois avoir plus d’importance pour les aspirants policiers québécois comparativement aux recrues américaines (Raganella et White, 2004 ; Richard et Pacaud, 2008). En ce qui a trait aux facteurs motivationnels les moins influents se trouvent les incitatifs associés au pouvoir et à l’autorité, la structure militariste du milieu policier et le manque d’autres possibilités de carrière (Foley, Guarneri et Kelly, 2008 ; Pruvost et Roharik, 2011 ; Raganella et White, 2004 ; White et al., 2010). Ainsi, globalement, il semble que le (futur) policier choisisse sa carrière principalement pour des raisons altruistes (Foley et al., 2008 ; Raganella et White, 2004 ; Richard et Pacaud, 2008 ; Pruvost et Roharik, 2011 ; White et al., 2010).

Le rôle des caractéristiques personnelles sur les motivations

La féminisation de la police est le résultat d’une histoire mouvementée (Pruvost, 2007). En 2015, un peu plus du quart (26,4 %) de l’effectif policier québécois était composé de femmes (Ministère de la Sécurité publique, 2017). Néanmoins, cette profession attire de plus en plus ces dernières (Brière et al., 2019) et nous jetterons donc un regard attentif aux motivations à entrer dans un milieu majoritairement masculin. À ce sujet, Raganella et White (2004) font ressortir que, comme pour les recrues masculines, les femmes ont tendance à entrer dans la police pour ces raisons : l’altruisme, suivi de près par la sécurité d’emploi, les avantages sociaux et l’avancement professionnel. Puis les hommes et les femmes ont classé les motivations les moins influentes sensiblement de la même manière (Raganella et White, 2004 ; White et al., 2010) : le manque d’autres possibilités de carrière, le salaire et la structure militariste de l’emploi influent très peu sur leur décision d’entrer dans la police. Or, même si, indépendamment du sexe, les facteurs motivationnels sont classés de manière similaire, l’importance qui leur est accordée peut différer. Ainsi, bien que les recrues masculines et féminines aient déterminé l’occasion d’aider les gens comme ce qui influe le plus sur leur motivation (Raganella et White, 2004), il semblerait que ce soit davantage le cas pour les femmes.

La discrimination raciale existe dans toutes les sociétés et on la retrouve aussi au sein des institutions sociales comme les organisations policières (Maynard, 2019). De fait, il s’avère intéressant de voir si l’origine ethnique des (futurs) policiers joue un rôle dans leur décision d’entrer dans le métier. Or, selon White et ses collaborateurs (2004, 2010), les incitatifs ayant le plus d’influence sur leur motivation ont été approximativement classés de la même manière par les recrues et les policiers caucasiens, hispaniques et noirs. L’occasion d’aider les gens occupe la première position ; quant aux motivations ayant la moindre importance, elles se trouvent dans le même ordre pour tous. On observe cependant que la retraite anticipée et l’excitation du travail sont considérées, davantage par les recrues caucasiennes que par les recrues noires et hispaniques, comme les motivant particulièrement. Hormis cette légère différence, le manque d’autres possibilités de carrière et la structure militariste se sont avérés être des facteurs peu influents pour les trois groupes ethniques.

Aspirations professionnelles

Selon l’état actuel des connaissances, la possibilité d’avancement professionnel figure parmi les incitatifs motivationnels prédominants dans la volonté d’entrer dans la police, indépendamment du statut (recrues, étudiants en TP ou policiers), du sexe ou de l’origine ethnique (Foley et al., 2008 ; White et al., 2004, 2010). D’ailleurs, des études portant sur l’effet générationnel au travail stipulent que pour la génération Z, la possibilité d’avancement professionnel est le critère le plus influent du choix de carrière, peu importe la profession (Dalmas, 2019 ; Solomon, 2020). Toutefois, l’importance accordée à la possibilité d’avancement professionnel varie considérablement d’un policier à l’autre. Par exemple, alors que Archibald et al. (2010) ont constaté que les femmes sur la patrouille étaient moins portées que leurs homologues masculins à exprimer un désir de promotion, Foley et al. (2008) ont plutôt découvert que les femmes étaient plus susceptibles que les hommes de considérer les possibilités d’avancement professionnel dans leur décision de poursuivre une carrière policière.

Paoline et al. (2013, 2020) expliquent que le climat de travail est un aspect non négligeable en ce qui a trait au désir d’avancement professionnel. D’ailleurs, ils expliquent que le stress, la satisfaction et les opinions à l’égard de la direction peuvent influencer la mesure dans laquelle les policiers s’attendent à être promus ; le facteur prédictif le plus significatif étant la satisfaction au travail (Paoline et al., 2013). Or, ceux qui perçoivent une plus grande ambiguïté des rôles de la haute direction sont moins susceptibles d’aspirer à une promotion alors que ceux qui ont une opinion positive à l’égard des cadres supérieurs aspirent davantage à atteindre les rangs supérieurs de leur organisation (Paoline et al., 2013).

Enfin, le niveau d’éducation peut également exercer une influence sur les aspirations professionnelles (Paoline et al., 2013). D’une part, la détention d’un diplôme universitaire peut renforcer le désir d’accéder aux rangs supérieurs puisque les policiers ayant reçu la formation menant à ce diplôme ont une plus grande confiance en leur capacité de bien effectuer leur travail (Buckley et Petrunik, 1995). Puis, un diplôme universitaire est souvent une condition préalable ou un atout permettant de gravir les échelons professionnels plus aisément (Scarborough et al., 1999). D’autre part, Paoline et al. (2013) expliquent que l’éducation peut réduire le désir d’avancement professionnel, car les policiers les plus instruits risquent de perdre leurs illusions après s’être rendu compte que leurs ambitions professionnelles ne correspondent pas aux réalités du travail policier.

Socialisation professionnelle et adhésion à la culture policière

La socialisation professionnelle peut être définie comme « les attitudes, les valeurs et les normes qui sont transmises et partagées par les groupes d’individus dans un effort collectif pour faire face aux problèmes et aux conditions communes que les membres connaissent [traduction libre] » (Paoline et Terrill, 2014, p. 5). Ainsi, la socialisation professionnelle des policiers serait vue comme le véhicule de transmission de la culture policière (Paoline et Terrill, 2014), laquelle correspond à l’ensemble des façons de faire et de penser communes aux policiers, leur permettant de gérer les difficultés induites par la nature même de leurs rôles (Paoline et Terrill, 2005 ; Van Maanen, 1973). En ce sens, Chan (1996) propose que la culture policière soit considérée comme essentielle à la survie des policiers dans un métier considéré comme dangereux et imprévisible. Pourtant, alors que la professionnalisation de la police est vue comme un processus par lequel les policiers finissent par partager un ensemble d’opinions, d’attitudes et de valeurs, Monjardet (1994) révèle qu’il y a un très grand pluralisme des traits individuels au sein des organisations policières. Paoline et Gau (2017) précisent d’ailleurs que la culture policière ne doit pas être considérée comme monolithique et statique. Il y a un débat considérable à savoir dans quelle mesure les policiers ont modifié leurs attitudes et leurs perceptions après avoir adhéré à la culture policière (White et al., 2010). Quoi qu’il en soit, la formation professionnelle des policiers est un moment crucial de leur socialisation professionnelle (Alain et Pruvost, 2011). Alors que plusieurs recherches indiquent que les (futurs) policiers changent considérablement au cours de leur formation (Alain et Pruvost, 2011 ; Boivin et al., 2020 ; Faubert, 2019), il importe maintenant de se questionner quant à l’impact de la formation policière sur le processus de socialisation professionnelle de ces derniers.

Il ne faut pas oublier non plus que les futurs policiers sont, pour la plupart, au stade de la « vie d’adulte émergente », que les chercheurs définissent comme la période de 18 à 29 ans (Arnett, 2000). Le développement humain est aujourd’hui compris comme ayant plusieurs facettes (Jensen, 2015). Ainsi, les chercheurs distinguent entre autres l’évolution en fonction du développement cognitif et de la maturité sociale : un individu peut avoir 20 ans d’âge biologique mais être à un stade différent d’évolution sociale et morale (Padilla-Walker, 2014). La conséquence est que la recherche ne peut plus considérer uniquement l’âge biologique afin de capter le développement humain, en particulier lorsqu’il est question du passage d’apprenant à celui de travailleur (Marshall et Butler, 2014). Autrement dit, l’âge biologique est une facette parmi d’autres du développement humain et de la maturité.

Bref, il est raisonnable de s’attendre à ce que le profil motivationnel et les aspirations professionnelles des (futurs) policiers changent au fil du temps, ce qui implique la conduite d’études longitudinales auprès de cette population. Or, de telles études sont assez rares. Une des premières à avoir été conduites est celle dirigée par le sociologue Dominique Monjardet dès les années 1990 (Monjardet et Gorgeon, 1992 ; voir aussi les nombreuses publications utilisant ces données). Ces chercheurs ont suivi 1166 gardiens de la paix lors de leur entrée en école ou en centre de formation en janvier 1992 jusqu’à juillet 2002, soit après 10 années de service. Ainsi, centrée sur la socialisation professionnelle, cette étude a démontré, entre autres, qu’on devient policier au fil du temps, plutôt que d’être simplement le résultat d’une formation destinée à perfectionner leur approche par une poignée d’individus. De même, Marc Alain a mené une étude suivant 723 aspirants admis à l’École nationale de police du Québec en 2000. Il s’est inspiré de l’étude de Monjardet et Gorgeon, avec un intérêt plus prononcé pour l’éthique de travail (Alain et Grégoire, 2008). L’étude a notamment montré les conséquences du « choc des réalités » subi par les policiers en début de carrière. Autant l’étude menée par Monjardet que celle par Alain ont souffert d’une attrition très forte, ce qui peut indiquer une évolution des centres d’intérêt au cours de la carrière policière. Aussi, il existe un certain nombre d’études sur la santé mentale des premiers répondants, dont les policiers, visant à comprendre l’impact d’événements traumatisants sur la santé psychologique ; elles ont, par exemple, été menées auprès de policiers néo-zélandais (Huddleston et al., 2007) ou néerlandais (Van der Velden et al., 2012, 2014). Dans tous les cas, il s’agit d’études cruciales portant sur des problématiques bien précises : celle de Monjardet s’intéressait principalement à la socialisation professionnelle des policiers actifs, celle d’Alain, à l’évolution des valeurs éthiques lors du passage de la formation vers le monde du travail, celles de Huddleston et collègues ainsi que Van der Velden et collègues, au vécu post-traumatique de policiers devant faire face à des situations particulières. De plus, les études précédemment citées arrivaient lorsque la formation initiale était passée, c’est-à-dire lorsque les policiers avaient entamé leur carrière, à un moment où les motivations et aspirations initiales pouvaient déjà avoir changé.

La présente étude

Malgré l’existence de quelques études effectuées au début du xxie siècle (Foley et al., 2008 ; Pruvost et Roharik, 2011 ; Richard et Pacaud, 2008 ; Raganella et White, 2004 ; White et al., 2010), peu de chercheurs se sont penchés sur l’étude des motivations à entrer dans la police. Dans le contexte où le métier de policier a grandement évolué au cours des dernières années, et considérant le processus de socialisation professionnelle, il devient d’autant plus intéressant de proposer un portrait contemporain des motivations à entrer dans la police et d’étudier l’évolution de ces choix motivationnels. Concrètement, cette recherche nous permettra de vérifier les associations entre les caractéristiques individuelles des participants et leurs motivations à exercer la profession policière pour ensuite analyser l’évolution entre la première année de l’étude et la seconde quant aux choix motivationnels des étudiants inscrits au programme de formation policière du Québec. Ainsi, il est souhaité que les critères d’admission (et donc, le profil des futurs policiers) correspondent au mieux aux besoins de la société et des organisations policières.

Méthodologie

Source de données

La présente étude fait partie d’un vaste projet de suivi longitudinal d’une cohorte de futurs policiers ayant commencé le programme de TP en 2019. Ce projet intitulé « Les trajectoires professionnelles des policiers du Québec » implique la passation annuelle d’un questionnaire portant sur les motivations, les aspirations professionnelles, l’éthique au travail, le faible contrôle de soi, l’adhésion à la culture policière et la consommation d’alcool. Afin d’assurer le suivi longitudinal des participants à l’étude, les participants devaient indiquer leur nom complet sur le formulaire de consentement, tandis que le questionnaire lui-même était anonyme ; les deux documents étaient identifiés à l’aide d’un numéro de série permettant de lier les réponses au répondant. Seul le chercheur principal du projet a eu accès au nom des participants, le reste de l’équipe de recherche travaillait à partir de données anonymisées. La première collecte a été menée en personne dans l’objectif de joindre le plus grand nombre de participants. À cause de la crise sanitaire liée à la COVID-19, une collecte électronique a été faite pour la seconde vague ; le même questionnaire a été envoyé par voie électronique à l’ensemble des étudiants en TP à l’automne 2020.

Description de l’échantillon

Comme tous les nouveaux admis au programme de TP en 2019 au Québec ont été sollicités, c’est 780 candidats sur un total de 822 qui ont participé à la première vague de collecte de données. De ce nombre, 634 étudiants ont participé à la deuxième collecte de données. Pour la présente étude, seuls les étudiants ayant participé aux deux collectes de données (n = 544) seront considérés. Ainsi, 60,5 % de l’échantillon est composé d’hommes et 62,5 % des participants ont 18 ans et moins (voir tableau 1). Enfin, 88,8 % des participants ont déclaré être d’origine canadienne/québécoise, 1,7 % d’origine anglaise ou française, 6,1 % de diverses nationalités et 3,5 % d’une origine ethnique ne figurant pas parmi les choix précédemment énoncés. Les participants, pour lesquels le sexe, l’âge ou l’origine ethnique n’étaient pas indiqués, ont été éliminés de l’échantillon. L’échantillon final aux fins d’analyse se compose donc de 437 participants.

Variables à l’étude

La stratégie de collecte de données était de nature autorapportée, c’est-à-dire que les caractéristiques sociodémographiques des participants n’ont pas été observées par les chercheurs mais bien notées par les répondants eux-mêmes. Ainsi, leurs âge biologique, sexe et origine culturelle analysés ici sont ceux qu’ils ont indiqués. Les questions sur leur ethnicité ont été adaptées de celles posées dans le recensement canadien et sont au nombre de trois : « Quelles sont vos origines ethniques ou culturelles ? », « Êtes-vous un Autochtone, c’est-à-dire membre d’une Première Nation (Indiens de l’Amérique du Nord), Métis ou Inuk (Inuit) ? » et « Faites-vous partie d’une minorité visible ? ». Le tableau 1 indique que la grande majorité des répondants rapportait une origine canadienne ou québécoise seulement. En raison de la distribution des réponses, celles-ci ont été réparties en deux catégories, soit « Canadienne ou québécoise seulement » et « Autre ». L’âge biologique (18 ans et moins ou plus de 18 ans) et le sexe des répondants (homme ou femme) sont aussi des variables dichotomiques.

Motivations : Les énoncés présentés dans cette section ont été tirés d’une étude de Raganella et White (2004) et sont du nombre de dix-huit. Les répondants devaient indiquer le niveau d’influence de ces facteurs dans leur décision d’entrer dans le métier (1 = Aucune influence, 2 = Une certaine influence et 3 = Une grande influence). La distribution de ces réponses sera présentée plus loin.

Aspirations professionnelles : Les répondants devaient aussi indiquer à quel point ils aimeraient occuper une série de fonctions, après avoir fait 10 ans de carrière à titre de policier patrouilleur. Ils devaient choisir, pour chaque fonction, leur niveau d’approbation (1 = Tout à fait en désaccord ; 2 = Plutôt en désaccord ; 3 = Plutôt en accord ; et 4 = Très en accord). La distribution de ces réponses sera présentée plus loin.

Stratégie d’analyse

Des analyses de type univarié ont été menées afin de décrire notre population, de mesurer certaines tendances centrales et d’examiner l’évolution des choix motivationnels entre le T1 et le T2. Des tests t, l’ANOVA et le test a posteriori de Tukey ont permis de dessiner le portrait des motivations à entreprendre une carrière policière selon certaines caractéristiques individuelles. Afin de combiner les informations, le partitionnement de données (cluster analysis Twostep) a été utilisé pour répartir les participants en sous-groupes en fonction de leurs caractéristiques communes (Gallegos et Ritter, 2005).

La deuxième étape de l’analyse consistait à prédire l’appartenance à ces profils au moyen de modèles de régression logistique binaire. La première variable d’intérêt est le profil du participant, qui qu’il soit, basé sur ses réponses au questionnaire sur les motivations. Ainsi, l’échantillon compte 874 cas, soit le double du nombre de participants, vu que chacun a rempli le même questionnaire à un an d’intervalle. La seconde variable d’intérêt est l’évolution des profils analysés précédemment et se fonde donc sur les individus et non les questionnaires auxquels ils ont répondu. Les aspirations professionnelles ont ensuite été mises en lien avec les profils motivationnels à l’aide de modèles de régression logistique binaire.

Résultats

Motivations à devenir policier : analyses descriptives et bivariées

Le tableau 1 montre les moyennes attribuées à chacune de ces motivations. À la première année de l’étude tout comme à la seconde, la possibilité d’aider les gens se classe au premier rang avec des scores respectifs de μ = 2,91 et μ = 2,94 sur une possibilité de 3. Des tests t de Student nous ont permis de constater que la lutte contre la criminalité est considérablement plus influente à la deuxième année de l’étude tout comme la possibilité d’avancement professionnel. Notons aussi que le prestige lié à la profession, le pouvoir et l’autorité associés au travail, et la structure militariste de la police sont les éléments motivationnels les plus significatifs à la première année de l’étude et ils perdent ensuite de l’importance.

Pris un à un, les choix motivationnels diffèrent relativement peu en fonction des caractéristiques sociodémographiques. Un total de 7 différences statistiques significatives a été trouvé, sur une possibilité de 54. Les hommes ont rapporté que l’excitation et le prestige liés au travail avaient eu un poids certain dans leur choix de carrière policière tandis que pour les femmes en général, c’était la possibilité d’aider les gens dans leur communauté et d’appliquer les lois de la société. De même, les candidats de plus de 18 ans ont octroyé une plus grande influence à la possibilité d’avancement professionnel et à la sécurité d’emploi. Enfin, les répondants ayant indiqué des origines culturelles autres que canadienne ou québécoise ont accordé un score plus élevé à l’idée qu’ils n’avaient pas d’autres options de carrière ; dans ce dernier cas, soulignons que les valeurs moyennes restent faibles (1,11 et 1,16 respectivement), ce qui indique que cette motivation influe peu sur le choix de carrière.

Profils motivationnels des étudiants en Techniques policières

L’analyse de regroupement de type « cluster analysis » menée à partir des réponses obtenues aux 18 items présentés plus haut a permis de déterminer deux groupes de répondants (voir tableau 2). Étant donné la similarité des profils trouvés avec ceux de Pruvost et Roharik (2011), ils ont été nommés : judicieux[3] et missionnaire. Le profil missionnaire concerne 58,7 % des participants et regroupe essentiellement les incitatifs motivationnels directement liés au métier. Le profil judicieux concerne 41,3 % d’entre eux et rassemble les motivations dites réalistes et rigoristes.

Tableau 1

Statistiques descriptives et tests bivariés

Statistiques descriptives et tests bivariés

*p < 0,05 ; **p < 0,01. Les résultats significatifs sont en gras dans le tableau.

-> See the list of tables

Tableau 2

Établissement de profils motivationnels selon 18 incitatifs à la profession policière

Établissement de profils motivationnels selon 18 incitatifs à la profession policière

-> See the list of tables

La question est donc de savoir si l’année de formation en cours et les caractéristiques sociodémographiques sont associées aux profils. Des modèles de régression logistique binaire, présentés au tableau 3, visaient à répondre à ce questionnement. Il ressort trois constats de ces analyses. Premièrement, le pouvoir prédictif des modèles est faible, et le modèle 2 n’atteint même pas la signification statistique. Autrement dit, les quatre variables indépendantes n’arrivent pas à prédire complètement l’appartenance à l’un ou l’autre des profils ni à prédire un changement survenu chez un répondant, noté une année plus tard. D’autres facteurs entrent en ligne de compte. Deuxièmement, l’année de formation en cours est un excellent prédicteur du profil (modèle 1) : les répondants étaient plus susceptibles de fournir des réponses correspondant au profil missionnaire en deuxième année qu’en première. Ce résultat correspond à ce que les analyses descriptives et bivariées suggéraient déjà, puisqu’une plus grande proportion des répondants présentait un profil missionnaire en deuxième année (49,2 % en première année contre 59,7 % en deuxième). Il faut donc comprendre que les profils missionnaire et judicieux cohabitent chez les étudiants en TP, mais que le profil missionnaire semble prendre le dessus en deuxième année. Troisièmement, l’âge biologique des répondants est aussi un prédicteur significatif de leur profil motivationnel : les participants plus âgés étaient plutôt susceptibles d’offrir des réponses s’apparentant au profil judicieux, indépendamment de leur année de formation en cours au moment de remplir le questionnaire.

Tableau 3

Modèles de régression logistique binaire visant à prédire le profil de motivation des étudiants en Techniques policières

Modèles de régression logistique binaire visant à prédire le profil de motivation des étudiants en Techniques policières

*p < 0,05 ; **p < 0,01.

-> See the list of tables

Aspirations professionnelles

Le tableau 4 montre les scores moyens attribués à chacune des fonctions. Les fonctions d’enquêteur et de membre d’une équipe d’intervention (« SWAT ») sont les plus populaires auprès des étudiants en techniques policières (moyennes de 3,21 et 3,13 sur 4). On observe quelques changements entre la première et la deuxième année de formation : par exemple, la fonction au sein du groupe d’intervention devient moins attrayante dès la deuxième année, mais reste tout de même parmi les trois fonctions les plus populaires. Le résultat le plus marquant de ce sondage est probablement le fait que la fonction de patrouilleur soit au quatrième rang, avec un score moyen inférieur à 3 (2,94) – correspondant à « Plutôt en accord » –, qui est peu influencé par les caractéristiques du répondant. Le score reste relativement élevé mais est suffisamment bas pour être préoccupant, dans la mesure où les deux tiers des policiers québécois sont patrouilleurs (66,9 % en 2020). Même si la proportion diminue vraisemblablement au fil du temps, il demeure qu’un bon nombre de ces futurs policiers seront patrouilleurs après 10 années de carrière. Autrement dit, la fonction principale des policiers n’est pas parmi les plus populaires auprès de ceux qui, en toute vraisemblance, occuperont cette fonction pour plusieurs années.

Tableau 4

Statistiques descriptives et tests bivariés, aspirations professionnelles (« Après avoir fait 10 ans de carrière à titre de policier, j’aimerais occuper un poste […] »)

Statistiques descriptives et tests bivariés, aspirations professionnelles (« Après avoir fait 10 ans de carrière à titre de policier, j’aimerais occuper un poste […] »)

*p < 0,05 ; **p < 0,01. Les résultats significatifs sont en gras dans le tableau.

-> See the list of tables

Il faut aussi souligner que les aspirations professionnelles paraissent plus liées, comparativement aux motivations, aux caractéristiques sociodémographiques des répondants puisque 12 des 40 relations bivariées atteignent le seuil de signification statistique. En particulier, l’intérêt pour ces fonctions varie selon qu’il s’agit d’un répondant ou d’une répondante, et ce, relativement à une série de stéréotypes genrés, puisque les femmes semblent plus attirées par les fonctions analytiques et demandant une grande empathie, comme celles des enquêteurs et des agents sociocommunautaires, tandis que les hommes privilégieraient les fonctions physiques, comme celles d’un groupe d’intervention.

En plus d’examiner l’influence des caractéristiques sociodémographiques et de l’année de formation en cours des répondants comme prédicteurs importants des aspirations professionnelles, il restait à savoir si les profils motivationnels pouvaient eux-mêmes en être. Des modèles de régression logistique binaire, présentés au tableau 5, visaient à y répondre. Cette fois, quatre constats peuvent être mis de l’avant. Premièrement, le pouvoir prédictif des modèles est de nouveau faible. Autrement dit, les cinq variables indépendantes n’arrivent pas à prédire complètement l’intérêt pour les principales fonctions policières. D’autres facteurs entrent en ligne de compte. C’est le cas, parfois, des profils motivationnels. Notamment, les répondants ayant un profil motivationnel de type judicieux sont moins susceptibles de vouloir être patrouilleurs après 10 années de carrière, ce qui est logique puisque cette fonction est généralement associée à l’échelon professionnel le moins élevé. Troisièmement, l’année de formation en cours, un excellent prédicteur des profils motivationnels, n’est cette fois pas associée aux aspirations professionnelles. Enfin, les caractéristiques sociodémographiques, notamment le sexe des répondants, restent étroitement liées aux aspirations.

Tableau 5

Modèles de régression logistique binaire visant à prédire les aspirations professionnelles (0 = Très ou plutôt en désaccord ; 1 = Très ou plutôt en accord). Seuls les modèles atteignant la signification statistique à p < 0,05 sont montrés

Modèles de régression logistique binaire visant à prédire les aspirations professionnelles (0 = Très ou plutôt en désaccord ; 1 = Très ou plutôt en accord). Seuls les modèles atteignant la signification statistique à p < 0,05 sont montrés

*p < 0,05 ; **p < 0,01 ; ʈ p < 0,10.

-> See the list of tables

Discussion

Cette étude exploratoire visant à porter un regard sur les motivations associées au choix d’entreprendre une formation en Techniques policières puis une carrière policière en arrive à deux grands constats : 1) les motivations des candidats évoluent ; et 2) les caractéristiques personnelles expliquent peu cette évolution. Donc, il est possible de croire que le processus de socialisation professionnelle façonne les idéologies du milieu policier et les motivations à entrer dans la police. Surtout, un tel exercice revient à constater que le recrutement et la formation des policiers au Québec sont soumis à l’influence d’un processus impliquant les individus, le système éducatif et les institutions de sécurité publique. Si la police se transforme avec le temps, modifiant ainsi les pratiques et l’ensemble du continuum de formation, les motivations qu’entretiennent les recrues associées à ce choix de carrière pourraient, au moins partiellement, être aussi soumises à ces changements.

Dans certains cas, la présente étude contredit la littérature existante. D’abord, certains travaux suggèrent que la sécurité d’emploi, les avantages sociaux et la retraite anticipée sont des incitatifs motivationnels très influents, ce qui ne fut pas le cas dans notre étude. Un bon nombre de répondants de la présente étude ont aussi indiqué que le métier de policier représente le rêve de leur vie alors que cette motivation avait moins d’importance dans les études antérieures menées à l’extérieur du Québec. La volonté de se servir du métier de policier comme tremplin pour une meilleure carrière se révèle aussi moins influente pour les étudiants québécois (dix-septième rang) que pour les recrues new-yorkaises (dixième rang). Il semble également qu’au fil du temps, la profession soit devenue plus désirable qu’elle ne l’était, attirant des personnes motivées par le rôle qu’occupent les policiers plutôt qu’en raison de la commodité, de la pression de la famille, ou d’un manque d’autres choix. Ces résultats indiquent que l’occupation policière est de plus en plus considérée comme une profession honorable, respectée et stimulante, exigeant des compétences et des connaissances spéciales. À ce propos, Dupont (2021) estime que l’avènement des technologies est un exemple de changement qui demande aux milieux policiers et à leurs membres d’acquérir des connaissances spécialisées, ce qui peut avoir un effet très motivant pour les recrues. Selon Chillakuri et Mahanandia (2018), les travailleurs issus de la génération Z seraient particulièrement motivés lorsqu’ils apprennent de nouvelles choses. Ainsi, il est juste de constater que la profession est désormais davantage vue comme un métier honorable au Québec, attirant des individus motivés par des raisons de type missionnaire et contribuant à faire du maintien de l’ordre un métier plus recherché.

Ensuite, les recherches antérieures ont toujours considéré le salaire comme étant le facteur motivationnel le moins influent, indépendamment du statut de l’individu, mais les conclusions de notre étude indiquent plutôt que le salaire est un facteur mitoyen, se situant au neuvième rang. Comme le salaire de départ des policiers au Québec est assez faible par rapport aux autres provinces canadiennes (Gouvernement du Canada, 2021), il est possible de croire que ce qui motive réellement les étudiants en TP du Québec n’est pas le salaire d’entrée, mais plutôt le salaire atteignable dû à la possibilité de faire de nombreuses heures supplémentaires ou à la rémunération plus intéressante des postes d’encadrement, par exemple. Cela expliquerait peut-être aussi pourquoi la possibilité d’avancement professionnel compte parmi les incitatifs les plus influents. Les résultats d’études antérieures (Foley et al., 2008 ; Raganella et White, 2004 ; White et al., 2010) l’ont d’ailleurs affirmé. Rappelons toutefois que des études portant sur les générations ont révélé que pour la génération Z, la possibilité d’avancement professionnel est le critère le plus influent dans le choix de sa trajectoire de carrière (Dalmas, 2019 ; Rakotondrabe Solomon, 2020). Les résultats de recherches antérieures viennent donc contredire l’idée selon laquelle l’effet générationnel a un rôle à jouer dans le choix de devenir policier puisque ceux-ci suggèrent que les individus des générations précédentes accordaient autant d’importance à la possibilité d’avancement professionnel (Foley et al., 2008 ; Raganella et White, 2004 ; White et al., 2010).

La pertinence d’étudier les profils motivationnels est renforcée par le lien existant avec les aspirations professionnelles des futurs policiers. Non seulement le profil motivationnel varie-t-il d’un répondant à l’autre, mais il est parfois en lien direct avec les ambitions professionnelles avouées. De plus, les analyses révèlent que, bien que les caractéristiques sociodémographiques soient peu ou pas liées au profil motivationnel, le fait est que ces dernières influencent les attentes envers la profession. Notamment, les femmes ne souhaitent pas nécessairement occuper les mêmes fonctions que leurs collègues masculins. Il est donc difficile d’envisager que la police, malgré son ouverture relativement récente aux femmes — par exemple, la première policière au Québec est arrivée en poste au milieu des années 1970 —, devienne un modèle de diversité sexuelle et raciale dans un avenir rapproché, car elle attire encore des recrues ayant des aspirations influencées par leurs caractéristiques sociodémographiques.

Limites de l’étude

Au-delà des limites habituelles liées à la recherche en sciences sociales, il est essentiel de se questionner quant aux répercussions de la pandémie de la COVID-19 sur les choix des répondants. Cette dernière a de toute évidence eu un effet sur le travail policier (Deschênes et al., 2022), mais ses effets à plus long terme restent à déterminer. Puisque des pays, comme l’Australie et les États-Unis, ont des processus de sélection et de formation moins longs, cela laisse déjà supposer que la carrière policière serait moins attrayante qu’avant. Dans le contexte où une évolution importante du métier de policier est observée, il est juste de présager que cette nouvelle réalité jouera sur les motivations des étudiants à faire ce choix de carrière. Une autre limite réside sur le plan même de l’outil de collecte de données. Comme il était demandé de répondre aux différents énoncés selon une échelle de Likert, il s’avère impossible de connaître la préférence des étudiants. Ainsi, afin d’espérer obtenir de chacun d’eux la réponse la plus appropriée, il aurait été préférable de leur demander de choisir un énoncé parmi ceux suggérés plutôt que de se positionner quant à un degré d’influence.

Conclusion

L’une des faiblesses de la recherche dans le domaine du policing est qu’une grande partie du travail date d’avant plusieurs réformes et peut ne pas refléter les opinions, attitudes et motivations plus contemporaines des étudiants du programme de TP du Québec. Notre recherche aura donc comblé un vide dans la littérature en permettant d’établir un portrait plus récent des motivations à choisir la profession. La démonstration en a été faite dès la première section de cet article : les motivations à devenir policier sont (quasi) unanimes. Raganella et White (2004), faisant référence à leur recherche effectuée en 2002, expliquent que : « les résultats obtenus de cet échantillon de recrues […] correspondent aux résultats de recherches menées dans les années 1960, 1970 et 1980 à New York et dans diverses autres juridictions [traduction libre] » (p. 509) et notre étude ne fait pas exception. Tout comme les études précédentes, nos résultats proposent que le désir d’aider les gens reste la motivation ayant suscité l’intérêt de la majorité des individus, indépendamment de leur statut (recrue, étudiant en Techniques policière ou policier), leur sexe, leur âge et leur origine ethnique.

À la lumière de nos résultats, il serait toutefois intéressant d’approfondir certaines pistes de recherche. Il pourrait être pertinent d’examiner si la faible importance attribuée à la structure militaire peut notamment s’expliquer par le fait que la structure policière québécoise est moins caractérisée par son aspect paramilitaire que la police fédérale (la Gendarmerie royale du Canada). Aussi, la continuation de l’étude nous permettra de voir si la formation policière a effectivement un rôle à jouer dans le processus de socialisation professionnelle menant à l’adhésion à la culture policière, et donc sur les motivations des (futurs) policiers. Enfin, alors que des études portant sur l’effet générationnel en milieu de travail ont révélé que l’avancement professionnel est le critère le plus influent pour la génération Z, il aurait pu être attendu que nos résultats révèlent une plus grande importance accordée à l’avancement professionnel par rapport aux études antérieures. Or, aucun changement majeur n’a été observé. Notons que le climat de travail est aussi un aspect non négligeable relativement au désir d’avancement professionnel. Ainsi, des recherches futures sont nécessaires afin de mieux comprendre l’interaction entre la possibilité d’avancement professionnel, la satisfaction et l’effet générationnel en milieu de travail. Il est aussi préoccupant que les aspirations professionnelles correspondent assez peu à la réalité du travail policier, ce qu’Alain et Grégoire (2008) ont nommé le « choc des réalités ». Du point de vue de la recherche, cette situation soutient particulièrement la conduite d’études sur le moment de la vie professionnelle où les candidats passent de la formation à la carrière, un passage assez peu étudié.