Introduction. La réinsertion sociale : construction d’un objet de recherche[Record]

  • Elsa Euvrard

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La réinsertion sociale a depuis longtemps été au coeur des préoccupations publiques. Quels que soient les indicateurs, la forme ou le vocabulaire utilisé, l’idée de ne pas retourner en prison à la suite d’une condamnation et de sortir du circuit pénal est souvent l’une des priorités avancées par les gouvernements. En 1969, la Loi sur la probation et le système correctionnel du Québec estime que la réinsertion sociale est l’un des moyens à prioriser pour assurer la sécurité du public (Gouvernement du Québec, 1969). Les recherches en criminologie et en justice pénale font généralement référence à la notion de réinsertion sociale comme mesure de « réussite » ou « d’échec » des interventions pénales, mais cette notion n’est que rarement définie de façon unanime. Si la littérature criminologique traditionnelle évoque l’absence de récidive dans un certain délai (Maruna, 2001 ; Sampson et Laub, 2003), on constate de plus en plus une diversité d’entrées pour définir et étudier ce phénomène. En parallèle, on assiste depuis quelques années à des transformations dans les systèmes pénaux et correctionnels. Sur le plan de la prise en charge se développent de nouveaux modes de gestion des populations contrevenantes. Le paysage pénal est de plus en plus éclaté avec le développement d’instances particulières pour le traitement de la délinquance, de tribunaux ou de procédures spécialisées (p. ex : Dumais-Michaud, 2017 ; Fassin et al., 2013 ; Jaimes et al., 2009). Pour ce qui est de l’intervention, on observe le développement de formules d’intervention ou d’outils qui ciblent des problématiques ou des besoins de plus en plus précis, la multiplication du nombre d’intervenants qui se retrouvent dans un dossier et un morcellement extrême des tâches à réaliser (Quirion, 2012). On note également une plus grande hétérogénéité au sein des populations prises en charge et l’apparition de groupes plus vulnérables, soit parce qu’ils sont plus fragilisés par leur passage dans le système pénal, soit parce que les interventions actuelles ne sont pas nécessairement pensées par rapport à leurs besoins particuliers (femmes, Autochtones, aînés, etc.) (Poupart, 2004). Au-delà de la sphère pénale au sens strict, d’autres recherches en justice sociale ont élargi la définition de la réinsertion, y incluant une réflexion sur la place des populations vulnérables dans la société et remettant en question le rôle et la responsabilité des États à leur égard (Dumais-Michaud, 2017 ; Fassin et al., 2013 ; Poupart, 2004). En conséquence, on constate depuis quelques années des discussions quant à la terminologie utilisée et à ce qu’englobe ou non le concept. Dans cette lignée, des travaux plus inclusifs ont vu le jour, et cherchent à élargir la notion de réinsertion sociale au-delà du simple taux de récidive ou de la sortie de la peine. Griffiths, Dandurand et Murdoch (2007) proposent une définition plus large dans laquelle la réinsertion débute à partir de l’arrestation de la personne et comprend l’ensemble des sanctions dans la collectivité et non seulement la prison. Cela permet de prendre en considération les mesures de justice alternative qui visent à éviter d’entrer ou de retourner dans le circuit pénal. Au Québec, l’Association des services de réinsertion sociale (ASRSQ) distingue la réinsertion sociale, qui fait référence à une action plus individuelle, centrée sur un individu, de la (ré)intégration sociocommunautaire, qui englobe une plus grande interaction entre l’individu et la communauté. L’association définit la réintégration sociocommunautaire comme « un processus d’adaptation individualisé, multidimensionnel et à long terme qui n’est achevé que lorsque celle-ci participe à l’ensemble de la vie de la société et de la communauté où elle évolue et qu’elle a développé un sentiment d’appartenance à leur égard » …

Appendices