Introduction[Record]

  • Massimiliano Mulone and
  • Samuel Tanner

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Ce numéro thématique de la revue Criminologie aborde la question de la criminalité et de la police transnationales d’un point de vue critique et empirique. La notion de « transnationalité », et ses corollaires criminologiques de crime transnational, de police transnationale et d’organisation criminelle transnationale (OCT), occupent aujourd’hui une place prépondérante dans les discours politiques, médiatiques et didactiques, un succès motivé par une mondialisation galopante à laquelle sont de plus en plus soumises les économies licites et illicites, mais aussi par le besoin d’identifier une nouvelle menace post-guerre froide pour les acteurs de la sécurité internationale. Les OCT, et depuis 2001 tout particulièrement celles qui sont associées à la sphère du terrorisme, sont ainsi fréquemment désignées comme étant la plus importante menace aux démocraties contemporaines, justifiant par la même occasion toute une série de mesures d’exception destinées à contrer ce « danger », que l’on pense aux certificats de sécurité du gouvernement canadien, à la prison de Guantanamo ou encore au programme de reddition extraordinaire piloté par la CIA. Depuis plusieurs années, la notion de criminalité transnationale a été la cible d’une importante critique de la part des chercheurs, notamment du fait de son indéniable, et questionnable, instrumentalisation politique (voir à ce titre la contribution de James Sheptycki dans ce numéro). La construction – et la cristallisation – du concept au sein des relations internationales s’est en effet largement appuyée sur une rhétorique qui sert autant, si ce n’est plus, à légitimer les organisations censées lutter contre ce type de menace qu’à refléter adéquatement une réalité empiriquement observable (et observée). Dans le même temps, il serait inopportun de rejeter en totalité l’existence d’une certaine extension de la transnationalité dans le domaine de la criminalité. Qu’il s’agisse de terrorisme, de criminalité financière, de crime environnemental ou encore de cybercriminalité (pour ne citer que quelques exemples parmi une pléthore d’autres), force est de constater qu’il y a de plus en plus de menaces contre les populations et les États qui font fi des frontières. Celles-ci sont gouvernées par des mécanismes et réseaux complexes d’acteurs, à la fois locaux et internationaux ; ainsi la criminalité se globalise et se transnationalise. La notion de frontière y joue un rôle prépondérant en ce que cette forme de criminalité s’inscrit forcément dans le passage d’une juridiction nationale à une autre, que ce soit dans la constitution de l’infraction et/ou dans ses conséquences. Tant les modes opératoires que les réactions institutionnelles (et plus particulièrement policières) trouvent leur spécificité dans la question de la frontière, elle-même en constante redéfinition et de plus en plus mobile. Ce concept recouvre donc une réalité complexe, diverse et aux contours flous – ce qui rend son instrumentalisation d’autant plus aisée. Selon une logique d’internationalisation de lutte contre le crime, on observe ainsi des transformations majeures, tant dans le contexte domestique qu’international, des dispositifs chargés d’assurer la sécurité des États et des populations. Ces changements nécessitent d’être appréhendés selon leurs dimensions légales, politiques et institutionnelles. La coopération policière, définie comme le strict échange de renseignement ou d’informations entre des services de police de deux ou plusieurs pays et ce, dans le cadre d’ententes légales préalables, ne permet plus de saisir à elle seule l’évolution des morphologies et de l’organisation de la « police hors les frontières ». Nous préférons en conséquence utiliser le concept plus englobant de police/sécurité transnationale qui se définit comme l’ensemble des activités de contrôle du crime impliquant des réseaux d’acteurs nationaux, transnationaux et internationaux, publics ou privés, et dont l’imputabilité s’organise autour d’autorités privées (milieu des affaires), étatiques ou supra étatiques (Union européenne, Nations Unies). Tout en intégrant les …

Appendices