Abstracts
Résumé
Cette étude évalue, à l’aide d’un devis quasi expérimental de type pré-test – post-test avec groupe contrôle, les effets d’une thérapie de groupe pour adolescents auteurs d’agressions sexuelles. Les 22 sujets du groupe contrôle ont reçu des services traditionnels d’un centre jeunesse (CJ) alors que les 29 sujets du groupe expérimental ont participé à une thérapie de groupe spécialisée pour adolescents auteurs d’agressions sexuelles, en plus de recevoir les services traditionnels d’un CJ. Les participants ont été rencontrés pour une entrevue semi-structurée et ont rempli huit questionnaires de type auto-rapporté portant sur les variables liées aux cibles de traitement. Une première série d’analyses montre qu’au début de la thérapie les deux groupes ne diffèrent que sur 4 des 33 variables dépendantes. Des test-t pairés (pré/post intervention) démontrent que le groupe contrôle s’améliore sur 3 variables comparativement à 20 variables pour le groupe expérimental. Cependant, des anovas ont démontré que le groupe expérimental ne s’améliore pas plus que le groupe contrôle sur la grande majorité des variables testées. Diverses hypothèses sont discutées pour expliquer le peu d’effets associés à la thérapie.
Mots-clés :
- Adolescents agresseurs sexuels,
- agression sexuelle,
- thérapie de groupe,
- implantation,
- évaluation d’effets,
- évaluation de programme,
- milieu communautaire
Abstract
This study evaluates the effectiveness of a group therapy for juvenile sex offenders. A quasi experimental pre-test/post-test research design including a comparison group has been conducted. The subjects of the control group (n = 22) received traditional services from a Quebec Youth Center. The subjects of the experimental group (n = 29) participated in a 22 weeks group specialized treatment and also received services from the Youth Centers. All of the participants completed a semi-structured interview and 8 questionnaires of the self-assessment type whose items were directly related to the treatment objectives. A first series of analyses aiming to explore the differences between the two groups has been conducted. It shows that the two groups are similar on all but 4 of the 33 dependent variables. A series of paired t-tests shows that the control group obtain significant ameliorations on 3 variables and the experimental group does so on 20 variables between the two measures. However, repeated measures analyses of variances have showed than the experimental group did no better than the control group on the majority of the tested variables. Hypothesis concerning the therapy itself, the subjects and the design of the study are discussed in regard of the results of the evaluation.
Keywords:
- Juvenile sex offenders,
- sexual aggression,
- group therapy,
- implementation,
- effectiveness evaluation,
- program evaluation,
- community-based program
Resumen
Con ayuda de un método quasi experimental del tipo pre-prueba, post-prueba, con grupo de control, el presente estudio evalúa los efectos de una terapia de grupo para adolescentes autores de agresiones sexuales. Los 22 sujetos del grupo de control recibieron los servicios tradicionales de un centro de atención, mientras que los 29 del grupo experimental participaron en una terapia de grupo especializada para adolescentes autores de agresiones sexuales, además de recibir los mismos servicios tradicionales. Se aplicó a los participantes una entrevista semi-estructurada y se les pidió que llevaran ocho cuestionarios de autoevaluación sobre las variables vinculadas con los objetivos del tratamiento. Una primera serie de análisis mostró que al inicio de la terapia los dos grupos no diferían más que en 4 de las 33 variables dependientes. Las pruebas t pareadas (previas y posteriores a la intervención) demuestran que el grupo de control mejora en 3 variables, mientras que el grupo experimental lo hace en 20. Sin embargo, los análisis de varianza muestran que el grupo experimental no mejora mucho más que el grupo de control respecto de la gran mayoría de las variables probadas. El estudio analiza diversas hipótesis que pueden explicar los efectos pobres asociados con la terapia.
Palabras clave:
- Agresores sexuales adolescentes,
- agresión sexual,
- terapia de grupo,
- implementación,
- evaluación de efectos,
- evaluación de programa,
- medio comunitario
Article body
Introduction[1]
Les adolescents auteurs d’agressions sexuelles (AAAS) constituent un sujet de recherche plutôt récent qui résulte du développement de l’étude des adultes agresseurs sexuels. En effet, des recherches ont démontré que plus de la moitié des agresseurs sexuels adultes reconnaissent avoir développé une fantasmatique sexuelle déviante dès l’adolescence (Fanniff et Becker, 2006) et que de 50 à 80 % de ceux-ci auraient commis leurs premiers actes sexuels abusifs à l’adolescence (Reitzel et Carbonnell, 2006). De plus, une étude pancanadienne ayant recueilli des données auprès d’un échantillon représentatif des corps policiers démontre que sur cinq agressions sexuelles déclarées, une est commise par un adolescent, bien que ce groupe d’âge ne représente que 10 % de la population canadienne (Statistique Canada, 2003). Dans la plus récente enquête longitudinale auprès d’un échantillon représentatif d’adolescents canadiens, près de 4 % des garçons de 12 à 15 ans affirment avoir commis des actes d’agression sexuelle. Ainsi, 3,3 % d’entre eux ont « fait des attouchements sexuels à quelqu’un contre son gré » et 1,3 % reconnaissent avoir « forcé quelqu’un à avoir des relations sexuelles ». Ce taux représente quelque 26 800 garçons ayant commis une infraction sexuelle (Statistique Canada, 2003).
L’intervention précoce, dès l’adolescence, est ainsi devenue une préoccupation importante des praticiens du domaine des agressions sexuelles. Ce changement d’attitude de la part des professionnels – qui considéraient traditionnellement ces actes comme une exploration normale de la sexualité émergente, ou encore comme des problèmes de comportements liés à la crise d’adolescence – a amené l’élaboration et la mise sur pied de divers programmes d’intervention auprès des adolescents ayant commis une agression sexuelle, tant au Québec (Lafortune et al., 2007) qu’ailleurs dans le monde occidental (Moore et al., 2004).
En 1999, il existait au Canada plus de 60 milieux d’intervention offrant des traitements spécialisés aux AAAS (Lagueux et Tourigny, 1999). Au Québec, les AAAS sont admis dans le système des centres jeunesse sous la Loi de la protection de la jeunesse (LPJ) ou la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents (LSJPA). Des services psychosociaux et de réadaptation leur sont généralement offerts, sur une base individuelle. Selon Lafortune et al. (2007), il existerait au Québec neuf centres de thérapie qui offrent des interventions de groupe et individuelles à cette population. Trois sont à vocation pédopsychiatrique ; les six autres opèrent dans des organismes communautaires ou des centres jeunesse et offrent de l’intervention de groupe basée sur un modèle psychoéducatif ou sexologique.
Les interventions de groupe pour cette clientèle sont préconisées par la plupart des cliniciens du domaine (McGarvey et Lenaghan, 1996 ; Efta-Breitbach et Freeman, 2004). En effet, par rapport à la thérapie individuelle, ce type de thérapie présente certains avantages pour la clientèle adolescente. Ainsi, les adolescents seraient plus sensibles à la pression des pairs et plus ouverts à une remise en question en compagnie de gens dans la même situation qu’eux. Enfin, ce type de thérapie réduirait l’isolement social et serait favorable à l’amélioration de la communication et des habiletés sociales déficientes chez cette population (McGarvey et Lenaghan, 1996 ; Newbauer et Blanks, 2001).
La plupart des thérapies destinées aux AAAS sont offertes en milieu communautaire ; un seul milieu propose un traitement de type résidentiel à des adolescents hébergés au centre de réadaptation (Lafortune et al., 2007). D’un point de vue sociétal, les thérapies en milieu externe offrent un avantage économique indéniable, puisqu’elles coûtent moins du dixième du prix d’une thérapie résidentielle (Kahn et Chambers, 1991). Les thérapies résidentielles, plus rares, sont réservées à une clientèle dont les difficultés sont jugées plus sévères. Dans le cadre de cet article, l’expression « en milieu communautaire » sera utilisée afin de désigner une thérapie offerte en dehors d’un milieu résidentiel.
Efficacité des thérapies de groupe en milieu communautaire
Malgré la prolifération des programmes thérapeutiques destinés aux AAAS depuis les années 1980, il existe encore peu d’études qui évaluent les thérapies en regard de leur efficacité (Reitzel et Carbonnell, 2006). Trois recensions et une méta-analyse qui portent sur les thérapies destinées aux AAAS ont été dénombrées : Fanniff et Becker (2006) ont recensé 15 études ; Lagueux (2006) a recensé 16 études ; Walker et al. (2004) ont recensé 10 études ; Worling et Curwen (2000) ont recensé 10 études pour leur méta-analyse. Ces recensions n’ont toutefois pas fait de distinctions entre les thérapies individuelles et de groupe, ni entre les différents milieux qui offrent les thérapies (résidentiel comparativement à milieu communautaire). Toutes ces recensions présentent des résultats prometteurs pour les thérapies qui s’adressent aux AAAS, puisque la grande majorité d’entre elles démontrent une amélioration à la suite de la thérapie. Notamment, les études qui s’intéressent aux taux de récidive démontrent une efficacité dans la réduction de la récidive sexuelle et les thérapies qui obtiennent les résultats les plus probants sont d’approche cognitivo-comportementale et multisystémique (Walker et al., 2004 ; Fanniff et Becker, 2006). Toutefois, tel que souligné par Lagueux (2006), la plupart des études réalisées jusqu’à présent se sont peu intéressées à d’autres effets que la réduction de la récidive sexuelle.
Afin de déterminer l’efficacité spécifique des thérapies de groupe pour AAAS en milieu communautaire, nous avons effectué une recension de 16 études ayant évalué les effets de ce type de thérapie. Le tableau 1 (page 248) présente les principaux résultats de cette recension.
Le tableau 1 souligne certaines limites méthodologiques qui menacent la validité interne et externe des études, ne permettant pas de tirer des conclusions définitives sur leur efficacité. Ces limites concernent d’abord la faiblesse des devis, car seulement le tiers des études ont recours à un groupe contrôle, puis le petit nombre de sujets, ce qui diminue notamment la puissance statistique des analyses. L’examen de ces études permet de constater d’autres limites : des périodes de suivi très courtes pour déterminer la récidive, un manque d’uniformité dans la mesure de la récidive, un manque d’informations sur les taux de participation et d’abandon de l’étude. Un manque d’informations sur l’implantation de la thérapie est aussi mis en évidence, par exemple le taux de participation et la durée réelle des thérapies sont rarement mentionnés. Ces données permettent de déterminer la concordance entre la thérapie prévue et celle réellement dispensée. Enfin, les études s’intéressent principalement à la récidive et peu d’entre elles s’intéressent aux effets immédiats de la thérapie, c’est-à-dire à l’atteinte des objectifs thérapeutiques.
Le tableau 1 montre également que les taux de récidive sexuelle ou non sexuelle constituent les mesures d’efficacité utilisées dans la majorité des études (11 études) et les taux proviennent pour la plupart de sources officielles (9 études). Les taux de récidive sexuelle varient de 0 à 15 % chez les jeunes ayant participé à une thérapie de groupe, pour des périodes de suivi allant d’immédiatement après la thérapie (0 mois) jusqu’à 24 ans après la fin de la thérapie. Le taux de récidive criminelle non sexuelle des jeunes ayant participé à une thérapie varie pour sa part de 8 à 51 % dans les sept études qui l’ont mesurée.
Trois des quatre études qui comparent le groupe expérimental à un groupe contrôle en regard de la récidive sexuelle et non sexuelle démontrent que la thérapie diminue de façon statistiquement significative le taux de récidive sexuelle et non sexuelle chez le groupe expérimental comparativement au groupe qui n’a pas reçu de thérapie (Borduin et al., 1990 ; Worling et Curwen, 2000 ; Seabloom et al., 2003).
Les études qui s’intéressent à d’autres effets que les taux de récidive sont au nombre de quatre. En 1992, Graves et ses collaborateurs ont effectué une étude qui comporte un devis expérimental auprès de 30 AAAS. Les 18 participants du groupe expérimental recevaient, en plus du traitement individuel traditionnel dont bénéficiaient les participants du groupe contrôle, un programme de groupe d’entraînement aux habiletés sociales. Les chercheurs concluent à des améliorations plus importantes sur les plans des habiletés sociales, de la communication parent-enfant, des problèmes comportementaux et du concept de soi chez les participants à la thérapie de groupe comparativement aux participants du groupe contrôle.
L’étude quasi expérimentale de Lagueux (2006) a permis d’évaluer auprès de 54 adolescents les effets d’une thérapie de groupe spécialisée à cibles multiples qui s’ajoutait aux services traditionnellement offerts par les centres jeunesse aux AAAS. Les cibles d’intervention de la thérapie ont été mesurées avant et après la thérapie à l’aide de 13 instruments. L’étude conclut que la thérapie de groupe n’apporte pas d’avantages additionnels aux participants, puisque le groupe expérimental ne se distingue du groupe contrôle que sur deux sous-échelles du Questionnaire de compréhension des gestes (Perron et al., 1999). De plus, les sujets du groupe contrôle s’améliorent davantage que ceux du groupe expérimental en ce qui concerne l’attitude de l’adolescent dans sa perception de sa relation avec son père.
Dans une étude qui utilise un devis pré-expérimental (pré et post-traitement) auprès de six AAAS, Laforest et Paradis (1990) ont pour leur part évalué trois composantes d’un traitement spécialisé de groupe, soit les connaissances sexuelles, l’éducation (attitudes relativement à la sexualité et aux relations interpersonnelles) et la croissance personnelle. À l’aide de questionnaires non standardisés et d’entrevues avec les intervenants qui ont animé la thérapie de groupe, les chercheurs ont conclu à des améliorations sur les trois composantes étudiées.
Enfin, l’équipe de Becker, Kaplan et Kavoussi (1988) s’est intéressée à l’étude des intérêts sexuels déviants chez 24 AAAS. Dans cette étude comportant un devis pré-expérimental, une évaluation pléthysmographique a été effectuée avant et après la thérapie éclectique, dont une des composantes était une thérapie de groupe. L’étude démontre une diminution statistiquement significative des intérêts sexuels déviants entre les deux temps de mesure, mais seulement auprès des AAAS ayant commis des agressions sexuelles à l’encontre de victimes masculines.
Objectifs de l’étude
L’objectif principal de cette étude est d’évaluer les effets d’une thérapie de groupe pour des adolescents ayant commis des agressions sexuelles. En fonction des limites méthodologiques inventoriées lors de notre recension, cette étude propose d’inclure un groupe contrôle, d’utiliser des instruments standardisés qui mesurent les objectifs spécifiques de la thérapie, de documenter le niveau de participation à la thérapie et de mesurer les effets proximaux de la thérapie plutôt que la récidive.
Deux objectifs secondaires s’ajoutent à l’évaluation des effets de la thérapie. Il s’agit tout d’abord de dresser le portrait des participants à l’étude, des actes commis et de leurs victimes, puis de documenter l’implantation de la thérapie de groupe.
Méthodologie
Devis de recherche
Un devis quasi expérimental comportant un plan de type pré-test – post-test avec un groupe traitement et un groupe contrôle a été utilisé. Les sujets des deux groupes ont été répartis selon leur région d’origine, mais ils ont tous bénéficié d’un suivi psychosocial traditionnel en centre jeunesse relativement aux agressions sexuelles commises. Seul le groupe expérimental participe à une thérapie de groupe spécialisée pour AAAS offerte dans sa région.
Échantillon
Pour être admissibles à l’étude, les adolescents devaient répondre aux trois critères suivants : a) être de sexe masculin et être âgé de 11 à 18 ans ; b) ne pas présenter de déficience intellectuelle moyenne ou sévère ; et c) être pris en charge par la protection de la jeunesse ou soumis à la Loi des jeunes contrevenants à la suite d’une agression sexuelle qui a été jugée fondée. En plus de ces critères, les adolescents du groupe contrôle ne devaient pas recevoir de services de thérapie de groupe. La participation à la recherche était volontaire, et tous les adolescents étaient informés dans le formulaire de consentement de leur possibilité de participer ou non, sans préjudice quant aux services futurs à recevoir. Les participants recevaient un chèque-cadeau de 10 dollars d’un magasin de musique pour leur participation à l’étude.
Le groupe expérimental comptait un total de 42 sujets au départ (pré-test), répartis dans cinq cohortes de traitement. Le taux d’abandon de l’étude pour le groupe expérimental est de 31 %, 13 des 42 sujets ayant commencé l’étude ont abandonné ou n’ont pu être recontactés lors du post-test. Le groupe expérimental compte donc un nombre final de 29 sujets ayant complété le pré et le post-test.
Le groupe contrôle comptait pour sa part 34 sujets ayant été évalués lors du pré-test. Par la suite, 12 d’entre eux ont abandonné avant le deuxième temps de mesure. Le taux d’abandon à l’étude est donc de 35 % (12/34) pour le groupe contrôle.
Procédure
Tous les participants ont été rencontrés pour une entrevue semi-structurée, et ils ont rempli huit questionnaires de type auto-rapporté dans les deux semaines précédant le début de la thérapie. L’intervieweur a déterminé, selon les capacités de l’adolescent, s’il lui permettait de répondre seul aux questions ou s’il devait lire les questionnaires avec lui. En tout temps, l’intervieweur était présent avec le participant et disponible pour lui expliquer les consignes et répondre à ses questions. Une deuxième collecte de données, constituée seulement des huit mêmes questionnaires, a été réalisée dans un délai maximal de deux semaines suivant la fin de la thérapie. Ce temps de suivi a été choisi pour standardiser les moments de passation entre les deux groupes. À la suite de l’entrevue initiale, un rapport complet d’évaluation réalisé par l’équipe de recherche a été remis aux intervenants responsables du suivi psychosocial de l’adolescent, donnant ainsi un portrait détaillé de la problématique du jeune et pouvant servir à identifier des cibles spécifiques d’intervention.
Variables liées à l’implantation
Les données qui visent à évaluer le niveau d’implantation ont été consignées par écrit par les intervenants, et ce, à la fin de chaque rencontre de groupe. Ces données sont notamment constituées de la proportion de jeunes qui ont abandonné en cours de thérapie (taux d’abandon), le nombre moyen de rencontres de thérapie auxquelles les jeunes ont participé (taux de participation), le pourcentage moyen de rencontres de thérapie auxquelles les jeunes ont participé (taux de présences) et la qualité de la participation des AAAS.
Variables dépendantes – effets de la thérapie
Les instruments retenus dans le cadre de cette étude sont une entrevue semi-structurée et huit questionnaires destinés aux adolescents, qui mesurent des dimensions étroitement liées aux cibles d’intervention et dont les qualités psychométriques sont adéquates. Tous les instruments, sauf l’entrevue semi-structurée, ont été administrés aux deux temps de mesure et sont de type auto-rapporté, les sujets devant répondre à l’aide d’échelles de type Likert variant de 4 à 7 points.
L’entrevue semi-structurée (Madrigrano et al., 1997) comporte 101 questions et vise à recueillir des informations sur plusieurs dimensions de la vie de l’adolescent : données sociodémographiques, informations sur la situation juridique, histoire personnelle et familiale, histoire de victimisation psychologique, physique et sexuelle, histoire de délinquance, histoire sexuelle (déviante et non déviante), consommation d’alcool, de drogues et de pornographie, cheminement scolaire, habiletés sociales et délit sexuel.
Le Coping Inventory for StressfulSituations (CISS ; Endler et Parker, 1990) mesure les stratégies d’adaptation mises en oeuvre lors de situations de stress chez les jeunes de 13 à 18 ans. L’instrument de base possède trois échelles qui permettent de classifier les réponses aux différentes situations, soit : a) celles orientées vers la tâche (16 items) ; b) celles orientées vers l’émotion (16 items) ; et c) celles orientées vers l’évitement (16 items). Cette version adaptée par Lagueux (2006) contient deux échelles additionnelles, qui évaluent le recours à des réponses agressives (4 items) et sexuelles (4 items). Le score brut par sous-échelle varie de 16 à 80, et un score plus élevé indique une utilisation plus fréquente de ce type de réponse. Le coefficient alpha de Cronbach varie de 0,83 à 0,92 selon les échelles (Lagueux, 2006[2]).
Le Dating Questionnaire permet d’évaluer le confort dans diverses situations liées à la sexualité. Il s’agit d’une sous-échelle de 18 items de la section Behaviour de l’instrument Mathtech Questions on Comfort (MQC ; Kirby, 1990). Le répondant doit indiquer son degré de confort dans une situation sociale liée à la sexualité. Le score varie de 18 à 72, et plus le score est élevé, plus l’inconfort est grand. Le coefficient alpha de Cronbach de l’instrument est de 0,89 (Pagé, 2004[3]).
Le Matson Evaluation of Social Skills in Youngsters (MESSY ; Matson, 1983) permet de mesurer les habiletés sociales chez des jeunes de moins de 18 ans. L’instrument comporte 62 items répartis en cinq sous-échelles, soit : a) les habiletés sociales appropriées ; b) l’affirmation de soi inappropriée ; c) les traits impulsifs et récalcitrants ; d) la confiance en soi excessive ; et e) la jalousie. Le score global peut varier de 62 à 310, et plus le score est élevé, plus les habiletés sociales sont appropriées. Le coefficient alpha de Cronbach de la version française du questionnaire est de 0,82 (Pagé, 2004).
Le Questionnaire de compréhension des gestes (QCG ; Perron et al., 1999) est un questionnaire de 60 items conçu pour mesurer la compréhension du processus de l’agression sexuelle chez les AAAS. Le questionnaire présente 12 sous-échelles regroupées en quatre sections. Plus le score est élevé aux différentes sous-échelles, plus la compréhension des gestes commis est grande. Lagueux (2006) rapporte des coefficients alpha de Cronbach de 0,63 à 0,95 selon les sous-échelles.
Le SexKnowledge and Attitude Test for Adolescent (SKAT-A ; Lief et al., 1990) s’adresse aux adolescents et aux jeunes adultes, et est composé de trois sections distinctes qui portent sur les connaissances, les attitudes et les comportements liés à la sexualité. Seule la section « attitude », composée de 43 items, est utilisée pour cette étude. Le sujet doit indiquer son accord avec chacune des affirmations. Le score varie de 43 à 215, un score élevé indiquant une attitude plus libérale face à la sexualité. Le coefficient alpha de Cronbach de l’instrument est de 0,68 (Pagé, 2004).
Le Survey of Heterosexual Interactions (SHI ; Twentyman et McFall, 1975) permet d’évaluer les habiletés sociales hétérosexuelles chez les adolescents en 22 items. L’instrument présente un score global qui peut varier de 20 à 140, un score élevé signifiant des habiletés élevées. La version française présente un coefficient alpha de Cronbach de 0,94 (Pagé, 2004).
Le Trauma Symptom Checklist for Children (TSC-C ; Brière, 1996) mesure l’anxiété, la dépression, le stress post-traumatique, les préoccupations sexuelles, la dissociation et la colère chez les jeunes de 8 à 17 ans. Un score clinique a été déterminé pour chacune de ces six échelles, et plus le score est élevé, plus le symptôme est présent. L’instrument mesure aussi la tendance au déni ainsi que la tendance à exagérer les symptômes. L’instrument présente 54 comportements, et le répondant doit indiquer la fréquence de chacun d’eux. Lagueux (2006) rapporte des coefficients alpha de Cronbach variant de 0,70 à 0,84 selon les échelles.
L’UCLA Loneliness Scale, version 3 (UCLA-3 ; Russell, 1996) mesure le sentiment de solitude chez les adolescents et les adultes à l’aide de 20 items. Le sujet doit inscrire la fréquence d’apparition du comportement. Le score varie de 20 à 80, et un score élevé indique un grand sentiment de solitude. Le coefficient alpha de Cronbach de l’instrument est de 0,81 (Pagé, 2004).
Variable indépendante – la thérapie de groupe
La thérapie de groupe est une intervention auprès des AAAS offerte dans un organisme communautaire du Québec qui propose un ensemble de services à toute personne touchée par l’agression sexuelle à l’endroit d’enfants âgés de 0 à 17 ans. Cette thérapie est répartie en 22 rencontres hebdomadaires, d’une durée moyenne de deux heures. Les thèmes de chacune des rencontres sont regroupés sous trois volets principaux : l’éducation sexuelle, les habiletés sociales et la prévention de la récidive. Chaque cohorte de thérapie est composée de 5 à 10 participants. Une fois la thérapie démarrée, le groupe n’admet pas de nouveaux participants. Quant à l’équipe d’animation, elle est formée de deux hommes, un travailleur social et un psychoéducateur.
La thérapie de groupe auprès des AAAS vise huit objectifs distincts. Ces objectifs sont les suivants : a) comprendre et corriger les erreurs de pensée au sujet du cycle de l’agression sexuelle ; b) contrôler la sexualité déviante ; c) améliorer le contrôle du stress et de la colère ; d) augmenter les habiletés sociales ; e) augmenter l’empathie ; f) améliorer la qualité des relations avec les parents et les pairs ; g) augmenter les connaissances en matière de sexualité ; et h) prévenir la récidive.
Les AAAS adressés en thérapie proviennent des centres jeunesse et reçoivent des services en vertu de la LPJ ou de la LSJPA. Une entrevue d’évaluation clinique est effectuée au préalable par un des intervenants, afin de déterminer les besoins individuels de chaque adolescent et de vérifier s’il correspond aux critères d’admission, soit : a) avoir un minimum de motivation à participer ; b) reconnaître au moins partiellement les agressions sexuelles qui lui sont reprochées ; c) reconnaître que la victime a subi un préjudice quelconque ; d) accepter de participer à la totalité de la thérapie et signer un engagement à cet effet ; e) ne pas présenter de trouble psychiatrique sévère (psychose, schizophrénie ou autres désordres de la personnalité) ; et f) ne pas avoir commis d’agressions sexuelles graves impliquant des voies de fait avec lésions corporelles, un meurtre ou du sadisme.
Les participants s’engagent par écrit à respecter les règles de la thérapie, c’est-à-dire : a) participer activement, tant dans les discussions de groupe que sur le plan des exercices durant la thérapie ou à l’extérieur ; b) justifier toute absence le jour même de la rencontre et reprendre le contenu manqué lors d’une rencontre individuelle ; c) se présenter sans avoir consommé ni drogue ni alcool ; et d) chaque semaine, compléter le journal de bord et les devoirs qui leur ont été assignés.
Stratégies d’analyse
En ce qui concerne l’objectif principal d’évaluer les effets de la thérapie, une première série d’analyses bivariées vise à s’assurer de l’équivalence des groupes au pré-test sur l’ensemble des variables dépendantes. Des test-t pour échantillons pairés ont ensuite été réalisés pour mesurer les changements survenus dans chacun des groupes entre les deux temps de mesure. Enfin, des analyses de variances à mesures répétées ont été effectuées afin de distinguer l’évolution des deux groupes entre les deux temps de mesure. Les variables dépendantes qui présentaient des différences entre les groupes au pré-test ont été testées à l’aide d’analyses de variances à mesures répétées en utilisant la fonction GLM (General Linear Model) de SPSS dans le but de contrôler le score au pré-test. Les résultats au pré-test sont alors introduits dans l’équation en tant que variables contrôles (Huynh et Mandeville, 1979).
Pour ce qui est du premier objectif secondaire de cette recherche, des analyses descriptives ont été menées sur les variables sociodémographiques recueillies lors de l’entrevue semi-structurée.
Afin de répondre au deuxième objectif secondaire de cette étude, une description des données d’implantation recueillies auprès des intervenants a été effectuée.
Résultats
Premier objectif secondaire : description des participants à l’étude, des actes commis et des victimes
Le tableau 2 démontre que les deux groupes ne diffèrent pas quant aux variables sociodémographiques testées. Il s’agit d’adolescents masculins, de race blanche, ayant en moyenne 12,3 ans lors du premier délit. Très peu de ces jeunes habitent avec leurs deux parents (13 %).
Le tableau 3 présente l’historique de victimisation des AAAS. On constate qu’un tiers des jeunes affirment avoir été victimes d’agression sexuelle, un quart d’agression psychologique et un cinquième d’agression physique. La moitié des jeunes n’ont subi aucune forme de violence.
Le tableau 4 résume les principales caractéristiques des 62 victimes d’agression sexuelle des adolescents de notre échantillon total, telles que décrites par les AAAS. Le tiers des AAAS ont fait plus d’une victime, connue dans tous les cas. Les trois quarts des victimes sont de sexe féminin, et il s’agit d’enfants dans 90 % des cas. La plupart des actes commis étaient des attouchements, et peu d’agressions sexuelles impliquaient de la contrainte physique ou verbale.
Lorsqu’on compare les deux groupes au pré-test sur l’ensemble des variables dépendantes, à l’aide d’analyses bivariées, on constate peu de différences. Les deux groupes se distinguent sur seulement quatre sous-échelles du QCG. Le groupe expérimental possède une moins grande compréhension des concepts de base liés à l’agression sexuelle que le groupe contrôle. Par contre, les participants du groupe expérimental reconnaissent davantage leur responsabilité globale quant à l’agression sexuelle, leur responsabilité quant aux actes commis et leur responsabilité quant aux risques de récidive.
Deuxième objectif secondaire : description des données d’implantation
L’échantillon de départ comptait 42 participants dans le groupe expérimental, répartis en cinq cohortes. De ce nombre, six ont abandonné avant même de commencer la thérapie. Parmi les 36 ayant amorcé la thérapie, 7 ont abandonné en cours de traitement. Le taux d’abandon à la thérapie est donc de 20 %.
Bien que la thérapie durait en théorie 22 rencontres, celles-ci ont plutôt varié de 21 à 24 selon la cohorte. Le nombre moyen de rencontres par adolescent, toutes cohortes confondues, est de 21 rencontres.
Les adolescents qui ont complété la thérapie ont assuré une bonne présence, puisque la plupart d’entre eux se sont peu ou pas absentés (35 % aucune absence, 26 % une absence, 17 % deux absences et 22 % trois ou quatre absences). Au total, les adolescents ont participé à 94 % des rencontres prévues. Enfin, notons que les adolescents ont aussi été évalués en fonction de leur engagement dans le groupe. Les intervenants ont jugé que les adolescents participaient spontanément dans le groupe 98 % du temps.
Changements entre les deux temps de mesure
Les modifications survenues entre les deux temps ont été mesurées pour chacun des groupes séparément. Les tableaux 5 à 8 (p. 260-263) démontrent que le groupe contrôle s’est amélioré de façon statistiquement significative sur 3 variables, alors que le groupe expérimental s’est amélioré sur 20 variables dépendantes. Les participants à la thérapie ont amélioré leurs attitudes face à la sexualité (SKAT-A). De plus, ils ont montré une amélioration significative sur les 12 échelles du Questionnaire de compréhension des gestes, alors qu’en parallèle, le groupe contrôle n’a démontré aucune amélioration significative sur cet instrument. La participation à la thérapie de groupe a aussi permis de diminuer les symptômes de traumatismes, abaissant les niveaux de dépression, de colère et de préoccupations sexuelles tels que mesurés par le TSC-C. Les symptômes dissociatifs ont quant à eux diminué pour les deux groupes. Les habiletés sociales et les interactions hétérosexuelles se sont aussi améliorées chez les participants des deux groupes, comme l’indiquent les résultats obtenus au MESSY et au SHI.
Comparaison entre les deux groupes
Les analyses de variance à mesures répétées ont démontré que les deux groupes se distinguent significativement pour quatre des variables. Les participants du groupe expérimental se sont améliorés davantage que ceux du groupe contrôle quant à leur compréhension du processus de l’agression sexuelle, dans la reconnaissance de la planification de leurs gestes et dans la reconnaissance de leur intérêt sexuel inapproprié. Le groupe expérimental a aussi connu une amélioration plus marquée de ses attitudes par rapport à la sexualité comparativement au groupe contrôle. Toutefois, aucune différence statistique n’est constatée entre les deux groupes pour les autres variables, ce qui suggère que les deux groupes ont évolué dans le temps de façon semblable.
Les analyses à mesures répétées de type GLM (General LinearModel) effectuées sur les quatre variables qui présentaient des différences au pré-test ont démontré une amélioration plus importante du groupe expérimental sur le plan de la reconnaissance par l’adolescent de sa responsabilité globale, de sa responsabilité quant aux gestes commis et de sa responsabilité en ce qui concerne les risques de récidive.
Discussion
Efficacité de la thérapie
Il appert que la thérapie spécialisée de groupe pour AAAS est légèrement plus efficace que le traitement traditionnel, puisqu’une amélioration significative est notée sur 7 des 33 variables testées. Toutefois, le groupe expérimental ne s’améliore pas plus que le groupe contrôle sur la grande majorité des variables testées. Ces résultats rejoignent ceux de Lagueux (2006), qui concluait, lors d’une étude similaire, que la thérapie de groupe apporte peu de bénéfices supplémentaires au traitement traditionnel des centres jeunesse. Diverses hypothèses pourraient expliquer le peu d’effets décelés lors de la présente étude.
Une première hypothèse est que les AAAS de notre étude ne présenteraient pas le profil type décrit dans les écrits scientifiques. Dans une récente recension sur le sujet, les AAAS sont décrits comme des adolescents qui manquent d’habiletés sociales, sont isolés de leurs pairs, souffrent de symptômes dépressifs, et proviennent d’une cellule familiale dysfonctionnelle et d’un milieu socioéconomique problématique (Nelson, 2007). Au pré-test, les sujets des deux groupes ne présentaient pas de graves problèmes sur ces différentes dimensions de leur fonctionnement. Le faible niveau de difficulté rend difficile l’obtention de grandes améliorations à la suite des interventions. Leurs scores se situent dans les moyennes normales pour tous les instruments testés. Les AAAS de notre échantillon présentent peu de difficultés fonctionnelles, sont aux études ou au travail à temps plein et consomment peu de psychotropes. Les seules caractéristiques qui les distinguent sont la grande prévalence des mauvais traitements subis et le fait qu’ils proviennent davantage de milieux familiaux éclatés. Ces résultats, ajoutés aux caractéristiques des agressions commises, semblent appuyer la thèse de l’accident de parcours pour notre échantillon. L’agression typique de notre étude implique des attouchements sans contrainte sur une seule victime, intrafamiliale. Cette constatation rejoint les résultats d’une étude québécoise qui comparait des AAAS et des adolescents normaux (Pagé, 2004), qui conclut que les AAAS présenteraient très peu de différences avec les adolescents normaux.
Une deuxième hypothèse pourrait être liée à un biais de sélection des participants au groupe contrôle. En effet, comme le recrutement des AAAS du groupe contrôle s’est effectué auprès des intervenants sociaux des jeunes, il est possible que les intervenants plus intéressés à la problématique se soient manifestés. Ces intervenants seraient donc plus motivés et, par le fait même, plus compétents dans le domaine, rehaussant du coup la qualité de l’intervention dite traditionnelle. De plus, un rapport d’évaluation qui dressait un portrait détaillé de la problématique de l’adolescent a été remis aux intervenants à la suite du pré-test. Ce rapport a pu influencer les interventions subséquentes. Les AAAS des deux groupes auraient ainsi reçu un traitement plus similaire que ce qui avait été planifié, et le fait de documenter le suivi individuel reçu par les participants des deux groupes aurait permis d’étudier davantage cette hypothèse.
La troisième de ces hypothèses, que nous ne pouvons écarter, est que les objectifs de la thérapie seraient mal adaptés aux besoins des participants. Les thérapies pour AAAS sont inspirées de modèles de traitements pour adultes et sont basées sur un portrait incomplet des AAAS (Becker, 1990). Lab, Shields et Schondel (1993) soulignent d’ailleurs le manque de connaissances sur l’étiologie des AAAS pour offrir des thérapies efficaces et adaptées à cette population. Les traitements à cibles multiples, ou éclectiques, seraient la preuve de l’insuffisance des connaissances. De plus, les participants de la présente étude ne correspondaient pas au portrait typique des AAAS dans la littérature et sur lequel les interventions sont habituellement basées.
Enfin, les résultats pourraient être expliqués par les limites méthodologiques de l’étude. D’abord, sur le plan statistique, la taille des échantillons est assez restreinte, ce qui affecte la puissance statistique et la capacité à détecter des différences statistiques. D’ailleurs, lorsqu’on mesure seulement les modifications respectives survenues entre les deux temps, celles-ci varient considérablement. Les participants du groupe contrôle s’améliorent significativement sur 3 variables, alors que ceux du groupe expérimental démontrent une amélioration sur 20 variables. Les analyses de variance, reprises avec des échantillons plus grands, permettraient d’éviter des erreurs de type II. Ces résultats suggèrent que malgré l’absence d’améliorations marquées en faveur du traitement de groupe, la prise en charge des AAAS par des intervenants serait bénéfique pour eux, et particulièrement la modalité de groupe, comme le suggéraient Walker et ses collaborateurs (2004).
Données d’implantation
La prise en compte de données d’implantation de la thérapie est une avancée importante par rapport aux recherches précédentes, car ces données ont été chroniquement ignorées à ce jour. Ces données fournissent des indications selon lesquelles la thérapie de groupe a été implantée comme prévu (Chen, 2005). En effet, les AAAS qui ont participé à la thérapie de groupe ont démontré un bon niveau de présence, puisqu’ils ont assisté à 94 % des rencontres planifiées. Les intervenants ont aussi jugé la qualité de leur participation comme étant excellente dans plus de 98 % des cas.
Le taux de refus ou d’abandon de la thérapie témoigne aussi du niveau d’adaptation du programme à la clientèle visée. Dans le cas présent, 31 % des AAAS recrutés ont refusé de participer à la thérapie de groupe (11 %) ou ont abandonné en cours de thérapie (20 %). Sheridan et ses collaborateurs (1998) suggèrent qu’une ordonnance du tribunal obligeant l’adolescent à participer à la thérapie pourrait aider à augmenter le taux de participation. Toutefois, une telle obligation à participer ne garantit pas automatiquement que la thérapie sera réellement adaptée aux besoins de la clientèle ni que l’adolescent s’y engagera réellement.
Limites méthodologiques et recommandations
Pour terminer, rappelons les apports et limites de la présente étude. D’abord, comme en témoigne notre recension des écrits, les études évaluatives sur les thérapies pour AAAS qui ont eu recours à des instruments standardisés sont encore peu nombreuses. Cette étude est l’une des rares à s’intéresser à d’autres effets que la récidive comme indice d’efficacité. De plus, certaines données d’implantation ont été prises en compte dans l’évaluation de cette thérapie, contrairement aux études antérieures. Cette étude a aussi comme particularité l’utilisation d’un groupe contrôle pour cerner les effets attribuables à la thérapie.
L’étude présente toutefois certaines limites méthodologiques. Notons d’abord une puissance statistique modeste, le grand nombre de tests statistiques effectués – qui augmentent la probabilité d’une erreur de type I – et l’utilisation d’un devis quasi expérimental – plutôt qu’un devis expérimental qui aurait pu éliminer certaines menaces à la validité interne. Certaines menaces à la validité interne auraient pu être contrôlées si nous avions documenté, par exemple, les services traditionnels reçus au Centre jeunesse ou les autres services reçus à l’extérieur du Centre jeunesse. L’utilisation de mesures auto-rapportées infère une possibilité de biais, car elles présentent seulement la perception du jeune, qui pourrait être influencée par la désirabilité sociale. L’ajout d’autres sources de données, par exemple d’un parent ou d’un intervenant, pourrait donner un meilleur portrait de l’efficacité de la thérapie. Il pourrait être intéressant, lors de recherches futures, d’ajouter une mesure de la récidive sexuelle et non sexuelle pour compléter le portrait de l’efficacité de cette thérapie.
Conclusion
Les résultats de la présente étude nous amènent à nous repositionner sur l’état des connaissances actuelles concernant les AAAS. Il appert que la majorité des adolescents de notre échantillon ne correspondent pas au portrait habituellement tracé des agresseurs sexuels « en devenir ». L’hétérogénéité de cette population suggère qu’il serait bénéfique d’adapter les thérapies à leurs particularités individuelles. De plus amples recherches sur les caractéristiques des AAAS s’annoncent nécessaires pour corroborer les résultats de la présente étude. Un meilleur portrait de cette population permettra la mise sur pied de programmes de thérapie mieux adaptés, plutôt que de programmes éclectiques dérivés des connaissances sur les adultes agresseurs sexuels. Rappelons-nous que l’adolescence est une période de transition où d’importants changements s’opèrent et où transgresser les tabous fait partie de l’apprentissage de la vie en société. Il faudra peut-être considérer certains des AAAS comme des adolescents normaux ayant commis une erreur de parcours et orienter le traitement comme tel, pour éviter qu’elle ne se reproduise.
Appendices
Notes
-
[1]
Cette recherche a bénéficié d’un soutien financier du Conseil québécois de la recherche sociale (CQRS) et du Partenariat de recherche et d’intervention en matière d’abus sexuel à l’endroit des enfants (PRIMASE).
-
[2]
Auprès de 54 AAAS québécois.
-
[3]
Auprès de 100 adolescents québécois non agresseurs.
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Les articles marqués d’un astérisque sont inclus dans la recension.