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Clip au Centre provincial de détention et de réhabilitation de Cebu aux Philippines projetant une scène fascinante : 1 500 détenus philippins en costumes orange avec l’inscription institutionnelle « CPDRC Inmate », tous parfaitement alignés en exécutant avec minutie des gestes saccadés en miroir, tels des zombies, une chorégraphie sur la musique de Thriller de Michael Jackson dans une immense cour de prison. Chorégraphie et gestuelle typiquement jacksoniennes[1]. Depuis sa création en 2007, ce clip a été visionné près de 25 millions de fois sur le net.

YouTube, 17 juillet 2007

Ils récidivent à nouveau pour rendre hommage à leur icône disparu, Michael Jackson, avec This is it !

YouTube, 27 juin 2009

Introduction

La danse en prison ? Deux termes en opposition ? La démarche évoquée et discutée dans cet article est née d’une rencontre entre deux mondes, deux univers, deux disciplines et deux personnes : Claire Jenny, danseuse et chorégraphe de la compagnie Point Virgule à Paris, et Sylvie Frigon, professeure titulaire au Département de criminologie à l’Université d’Ottawa.

Quand la danse rencontre l’univers carcéral

Le milieu carcéral est par définition et fonction le lieu de privation de la liberté des mouvements. Mettre à l’ombre, ne plus circuler à loisir, telle est l’une des « missions » de la peine. La danse contemporaine favorise, elle, l’expression singulière d’un corps libre de se mouvoir, de se faire la belle, de s’évader ! Comment cette rencontre paradoxale est-elle donc possible ?

Jenny, Schulmann et Stehr, 2003 : 52

De la France au Québec, la compagnie Point Virgule, qui est constituée de danseurs, comédiens, collaborateurs artistiques, crée avec et pour les prisonniers un moment unique de reconquête de soi, de son corps par la danse – moment qui laissera sa marque, sa trace, comme nous le verrons, sur toutes les facettes de vie de la personne. Les femmes en prison ont souvent des corps en souffrance (Frigon, 2001), des corps trahis, des corps qui ne savent plus se poser. La danse est une façon de déverrouiller ce corps anesthésié, engourdi. À travers cet art charnel, les détenues se réapproprient un espace-temps nié, retrouvent un équilibre : poser des pieds incertains, souvent sans ancrage, se tenir debout, d’aplomb, projeter le regard, s’élancer dans l’espace, ouvrir les resserrements du corps et laisser des blessures (aussi bien physiques que psychiques) se panser, respirer, être en accord avec soi et accueillir timidement l’autre, par des relations de contact, de poids, allant jusqu’aux portés, par exemple :

Lorsque le détenu plonge à corps perdu, mais sous l’égide de la chorégraphe, dans la trame de ses échecs et de ses blessures d’enfance, un travail de remise au monde, de purification intérieure s’opère. L’engagement dans la danse vient dénouer des fractures de vie, induire à la patience et à des moyens de les résoudre. Il reconstruit un goût de vivre qui tendait à diminuer au fil de l’incarcération.

LeBreton, 2009 : 10

Une démarche exploratoire : méthodologie et inspiration théorique

Afin de documenter l’expérience de la pratique de la danse dans l’univers carcéral, diverses sources ont été sollicitées : d’abord une recherche documentaire pour répertorier des expériences de danse en prison, puis une enquête de terrain réunissant des entretiens avec deux groupes cibles : 1) des femmes détenues au pénitencier de Joliette au Québec et des ex-détenues de la maison d’arrêt de Fresnes en France, qui ont participé à des ateliers de danse offerts par la compagnie Point Virgule ; 2) des artistes, des étudiants en danse et un intervenant qui ont contribué à créer, organiser et mener des ateliers de danse. Dix-huit entrevues ont été réalisées, en France et au Québec : une ex-détenue, cinq détenues, un créateur vidéo, un créateur en univers sonore, une directrice/chorégraphe, trois danseuses-interprètes, deux comédiens, une analyste du corps dans le mouvement dansé, deux étudiants préprofessionnels, un intervenant en milieu carcéral. Les questions abordées visaient à explorer leur expérience de la danse en prison, leur image du corps, les fonctions de la danse dans un milieu de détention.

La perspective des femmes est l’ancrage méthodologique et épistémologique de cette recherche (« feminist standpoint » ou féminisme de l’expérience) (Harding, 1986, 1987, 1991 ; Smith, 1987). L’approche qualitative de type biographique (récits de vie) a été favorisée car l’enquêtée est au coeur de l’analyse (Paillé, 1994). De plus, nous avons choisi l’entretien semi-directif car il nous offre une plus grande ouverture, flexibilité et permet l’exploration de sujets complexes. Cette technique part du postulat que l’enquêtée est la mieux placée pour parler du sujet car elle le vit, et l’enquêteur a un rôle de facilitateur. À l’aide d’une consigne large et d’une grille thématique complémentaire, nous avons exploré un certain nombre de thèmes et sous-thèmes gravitant autour de l’expérience de la danse en prison. La collecte de données avec les détenues s’est effectuée à l’aide de professionnels dans les milieux de détention. Avec l’accord des détenues, nous avons réalisé les entretiens dans une salle du parloir et la durée des entretiens variait de 45 minutes à 1 h 30. Les détenues étaient particulièrement enthousiastes car elles désiraient partager leurs expériences positives de la danse. Nous avons rencontré une ex-détenue dans une salle de recherche à Paris. Les artistes (danseurs et danseuses) ont également été interviewés dans cette même salle à Paris et ils étaient heureux de participer à une recherche en criminologie. À la suite de la transcription verbatim des entretiens, nous avons procédé à une analyse horizontale et verticale (Michelat, 1975) pour ainsi en extraire des thèmes.

Cette analyse thématique est construite autour d’une réflexion théorique centrée sur le concept-pivot « corps », nourrie par la perspective des femmes, dans le but de réfléchir sur les effets de l’incarcération dans le quotidien par le truchement de leur corps et sur la signification de la danse en prison, autant pour les détenues que pour les artistes.

Comme Foucault (1975) et bien d’autres auteurs d’inspiration foucaldienne par la suite, nous croyons que tout un ensemble de procédures dans l’enfermement participe à l’opération d’assujettir les corps pour les rendre à la fois « dociles et utiles ». La sociologie du corps (LeBreton, 1992) est un domaine en plein essor et les études théoriques et empiriques sur le corps constituent un domaine de plus en plus important dans la recherche féministe (Frigon et Kérisit, 2000). La question du corps a tenu et tient toujours une place importante dans les savoirs et pratiques criminologiques sans être, par ailleurs, réellement explorée. Les liens entre le corps et le crime, le corps comme lieu d’explication de la déviance, marginalité et criminalité ont fait leur apparition bien avant le xixe siècle. En effet, d’hier à aujourd’hui, les savoirs criminologiques et les pratiques pénales qui s’y rapportent s’appuient, en partie, sur une lecture, une connaissance des corps. Comme d’autres recherches l’ont montré (Frigon, 2001, 2009), les récits des femmes nous montrent comment le corps est le site central de la manifestation du pouvoir. Ainsi, par l’entremise du marquage, de la transformation et de la gestion des corps, le pouvoir de punir s’installe et se perpétue (Frigon, 2007).

Nous proposons donc une réflexion nourrie par ces récits sur les effets de l’incarcération dans le quotidien par le truchement des ressentis et des potentialités des corps, de leur intimité et de leur identité, de la place et des effets de la danse dans leur vie. Notre objectif est également de redonner la parole aux femmes détenues en tant que sujets et aussi de mieux saisir l’« effet prison » sur les artistes.

La personne qui traverse des épreuves menant à des vécus d’enfermement s’est construite en « incorporant » des tensions extrêmes. À travers les récits de personnes enfermées, on constate comment le corps est marqué, disloqué et comment il devient transparent. Le processus de mortification associé au passage au pénal provoque un égarement de l’identité. Si l’on considère plus spécifiquement les états de corps rencontrés au sein de différents centres de détention de femmes, il est possible d’appréhender le corps à la fois comme site de contrôle et comme site de résistance (Frigon, 1996 ; 2001). La pratique de la danse en milieu carcéral permet, parfois, de résister, par le corps, à l’oppression de la prison et elle se décline de maintes façons et s’exerce dans différents pays (Frigon et Jenny, 2009).

La danse en prison en un clin d’oeil : ici et ailleurs[2]

La danse en prison vise surtout à favoriser la réhabilitation et la réinsertion dans la communauté. En revanche, plusieurs sous-objectifs sont visés : procurer un divertissement sain, une activité positive, proposer un exercice physique et une remise en forme, développer des compétences, offrir une intervention dite « thérapeutique », élaborer une stratégie pour contrer la violence, stimuler la spiritualité, permettre une reprise de contact avec le corps, offrir un exutoire pour les émotions, favoriser la santé mentale. Différentes esthétiques sont également sollicitées, comme la danse contemporaine, le hip-hop, la danse africaine, le modern jazz, les danses anciennes et sacrées. Nous avons déjà relevé l’expérience très médiatisée aux Philippines au début de notre texte. Au Québec, notons une initiative récente de la Société Elizabeth Fry du Québec qui s’adresse aux femmes incarcérées, mise en place à l’été 2008 et intitulée « Agir par l’imaginaire », qui comprend différents volets et divers médias artistiques : photographie, vidéo, autoportrait, danse, musique-chant, performance, slam-écriture. Ce projet novateur a été créé et réalisé en étroite collaboration avec de nombreux artistes (artistes visuels, de théâtre, de danse, par exemple).

À notre connaissance, la France est le seul pays ayant « institutionnalisé » les projets artistiques en détention. Cela s’est amorcé au xixe siècle avec la création des premières bibliothèques et a été appuyé par l’entrée en scène de la culture physique dans les années 1930 (Pagès, 2004). Ensuite, se sont développées des initiatives d’interventions extérieures au sein des prisons françaises avec des professionnels de plusieurs disciplines artistiques et culturelles. Ces interventions s’appuient sur le partenariat entre le ministère de la Justice et le ministère de la Culture et de la Communication. Les principes de l’action culturelle en milieu pénitentiaire ont été définis par plusieurs protocoles successifs entre ces deux ministères au cours des dernières années.

Avant d’aborder le travail de création de la compagnie de danse contemporaine Point Virgule et de faire état de certains résultats de recherche, nous allons définir, bien que très brièvement, les fondamentaux de la danse contemporaine.

Qu’est-ce que la danse contemporaine ?

Le xxe siècle voit naître un courant « moderniste », qui met l’accent sur la liberté, l’individu et le progrès. C’est dans ce contexte que dès la fin du xixe siècle, des chorégraphes et des danseurs explorent des manières inhabituelles de concevoir le mouvement du corps. Ces pionniers de ce que l’on nomme aujourd’hui la danse contemporaine s’éloignent alors des règles qui régissent le ballet classique. Par exemple, Isadora Duncan (1877-1927) se libère du corset et des pointes de la ballerine. Elle improvise en s’inspirant des élans de la nature (mouvements de la mer, du vent…).

L’ouverture de l’Occident sur d’autres cultures a aussi impulsé un renouvellement des démarches artistiques au cours du xxe siècle. Le développement industriel des années 1900 et les importantes découvertes technologiques qui ont marqué l’ensemble du xxe siècle ont aussi un impact évident sur les démarches artistiques d’un grand nombre de danseurs et de chorégraphes[3]. Dans un contexte général de transformation où les contours de l’identité se brouillent, des penseurs et des artistes s’interrogent bien évidemment sur la place et le devenir de l’individu. La danse contemporaine développe diverses manières de concevoir le corps en mouvement, et ces projets sont souvent directement liés aux différentes mutations de l’histoire récente. Certains abordent des sujets éminemment politiques et cruciaux de leur époque : le chorégraphe allemand Kurt Jooss (1901-1979), par exemple, crée en 1933 La table verte, pièce annonciatrice de l’absurdité et de l’horreur de la Deuxième Guerre mondiale. Plus récemment, la chorégraphe sud-africaine Robin Orlyn (née en 1955) a élaboré un travail dénonciateur de l’apartheid ; dans Daddy, I’ve seen this piece six times before and I still don’t know why they’re hurting each other (1999), une danseuse noire, vêtue d’un tutu en tulle blanc, interprète une version très singulière d’un extrait du Lac des cygnes (1877), une des pièces les plus célèbres du répertoire du ballet classique. De son côté, le chorégraphe québécois Pierre-Paul Savoie crée en 1992 la pièce Bagne. Ce duo, interprété au coeur d’une importante structure métallique, fait référence à la prison : deux détenus se cherchent, s’épient, se toisent.

À l’inverse du ballet classique qui modèle le corps dans une perpétuelle quête de la verticalité et de l’élévation maximale, la danse contemporaine joue avec les multiples phénomènes de la gravité. Le déséquilibre, la chute, les suspensions sont des éléments courants de la gestuelle de la danse moderne et contemporaine. Le sol est considéré comme un « partenaire » qui accueille ou qui, au contraire, propulse. Enfin, un des aspects caractéristiques de la danse contemporaine est la mise en jeu et en scène des corps « ordinaires ». Selon Rousset (2006), «… c’est une démarche éminemment politique ». Comme lui, beaucoup de chorégraphes choisissent de réunir des interprètes différents : gros, maigres, petits, grands, jeunes, âgés, danseurs aux corps hétéroclites ou simples amateurs, d’origines et de vécus très divers. La chorégraphe allemande Pina Bausch (1940-2009), par exemple, a repris en 2002 sa pièce Kontakthof (créée en 1978) avec des danseurs amateurs âgés de 58 à 77 ans. L’espace et le temps en danse contemporaine comme en prison vont également jouer un rôle important comme nous le verrons plus tard dans notre analyse des entrevues. Ainsi :

L’oeuvre chorégraphique est une lecture du monde en soi, comme une structure d’information délibérée, un instrument d’éclaircissement sur la conscience contemporaine […]. On peut ainsi penser la danse comme objet mais aussi comme outil sur le contexte politique et social dans lequel intervient le corps dansant.

Louppe, 1997 : 27

Comme nous l’avons déjà mentionné, les projets de création en danse contemporaine vont parfois à la rencontre des exclus, des populations marginalisées, incarcérées. Comment cet art vit-il et est-il vécu en milieu carcéral, plus particulièrement ?

La compagnie Point Virgule : une expérience singulière en détention

Pendant une décennie, la compagnie Point Virgule, fondée par Claire Jenny et Paule Groleau en 1989, poursuit une démarche créative avec les prisonnières[4]. En proposant des ateliers de danse d’une durée de 50 à 75 heures, l’équipe offre un moment unique de reprise en main par la danse. Forte de son expérience de danse à Fresnes notamment en 2000, Claire Jenny, accompagnée de son équipe de collaborateurs artistiques français, mène un projet au sein de la Maison Tanguay (prison provinciale pour femmes de Montréal)[5]. Le 18 octobre 2004, une représentation dans l’établissement de détention même est présentée à d’autres détenues et des invités extérieurs. Une autre expérience de danse au Québec est réalisée au pénitencier de Joliette en 2006, dirigée par la compagnie Point Virgule et Les Productions C (avec des étudiants en danse de l’Université du Québec à Montréal).

Dans les pages qui suivent, nous rendons compte des propos des détenues et des artistes sur les quatre thèmes suivants[6] : 1) les questionnements des artistes en amont et en aval du projet ; 2) la relation au corps, au temps, à l’espace et au son ; 3) le processus de création et les phénomènes relationnels ; et 4) trouver un équilibre et reprendre contact avec soi.

Les artistes : questionnements en amont et en aval du projet

Lors des projets d’ateliers de création en danse contemporaine, les artistes découvrent le contexte singulier de la détention. Ils s’en imprègnent. Leurs postures individuelles et leurs propositions artistiques s’adoptent en lien avec leurs ressentis. Les artistes sont préoccupés, notamment, par le décalage qui existe entre leurs conceptions quotidiennes et professionnelles du rapport à l’autre, au temps, à l’espace, au sonore et au charnel et celles effectivement éprouvées par les détenues au sein des prisons.

Les artistes ont été émus de rencontrer ces femmes. Avant de pouvoir nommer les ressentis, les artistes expriment cependant leurs inquiétudes : « Suis-je capable d’exister dans ce contexte singulier ? Comment vais-je cheminer émotionnellement ? Quand je me suis retrouvée là-bas pour la première visite et qu’en plus on m’a fait visiter tout de suite des cellules, je ne m’y attendais pas, je me suis dit : je vais jamais être capable. Comment je vais tenir mes émotions ? » (Paule Groleau, danseuse).

À la suite de ces questionnements de départ, ils relatent les états de tension et de fatigue éprouvés après une première journée passée en détention. Anita, créatrice sonore, et Jean-Pierre, comédien, témoignent de l’impact physique et moral de la première rencontre à Fresnes :

J’ai rien fait ce jour-là, j’ai rien fait, mais j’ai jamais été de ma vie aussi fatiguée après cette journée. C’était très impressionnant. Ça m’a vraiment impressionnée. Le poids, comme un plomb, comme une […] tension […]. Et je ne sais pas, quelque chose de palpable, de très lourd, de [soupir] de terrible, alors qu’en fait il se passait rien […] il y a pas eu d’événement. C’est une journée qui s’est passée tout à fait normalement, j’imagine, pour ces femmes-là, pour Claire et pour son équipe. Ça m’a beaucoup marquée, physiquement j’étais courbaturée.

Anita Praz, créatrice sonore

Pour Jean-Pierre Poisson, comédien :

On a passé la première journée, je me souviens, on a fait l’atelier où je trouvais que les gens avaient l’air très coopérants, que ça se passait justement beaucoup plus, entre guillemets, facilement que ce que j’aurais pu imaginer. Vraiment, la première journée, ça a été étonnamment facile apparemment. Je me souviens que quand je suis sorti, j’ai dit à Claire : « Ça s’est bien passé et tout » et je suis rentré chez moi. J’ai dormi durant deux heures. J’étais épuisé en fait. Je m’en suis pas rendu compte sur le moment […] l’énergie que ça m’a pris, complètement à mon insu.

Les rencontres avec les détenues ont amené certains artistes à réfléchir sur leur propre chemin comme personnes et comme artistes. La proximité de la souffrance des détenues devient le miroir de leur propre enfermement, déclencheur ou révélateur de leur propre vulnérabilité. En étant comédienne et non danseuse, Agnès témoigne de cette expérience :

Moi, ça m’a vraiment éveillée à mon propre enfermement. Et bon, une réflexion qui suit ça. C’est pas parce qu’on est en prison qu’on est plus enfermé que quelqu’un qui a eu un parcours de vie difficile. À la limite, moi j’étais peut-être, dans la qualité de mouvements, plus proche des façons d’être coincée de certaines personnes qu’on a rencontrées en prison. Mais cette différence ce n’est pas une construction, cette différence est un état de fait. Et pour un interprète, c’est dur d’accepter cet état de fait.

Ce jeu de miroir peut aussi amener un changement de vision et de perspective sur la construction de l’autre, comme le suggère Juliette Vezat, danseuse :

J’ai plus le même regard sur les gens différents. Et puis ce dont je me rends compte aussi c’est que je pourrais très bien aller en prison. Je me sens un peu borderline aussi, pas loin d’un précipice. La frontière est fine entre être dedans et dehors.

La relation au corps, au temps, à l’espace et au son

Étant donné le lieu et la relation des femmes avec leur corps, le mode premier de relation avec les personnes détenues s’est élaboré à partir du contexte dans lequel elles vivent et où leur corps se meut :

Le corps c’est ce qui transcrit les problèmes, les tensions… On le voit tout de suite au corps. […] C’est écrit sur le corps, sur le visage, l’expression, les tensions, le dos, la marche, le regard […]. Donc si déjà le corps devient plus harmonieux, on peut se dire qu’à l’intérieur l’harmonie se fait aussi […]. C’est ça qui est bien après dans la danse, c’est que les choses se passent avec le corps, avec le regard, avec des sensations […] et il y a plus de mots. Et en fait, ça se passe. Il y a quelque chose qui se passe.

Fanny Tirel, danseuse

Dès les premières séances de travail, les artistes constatent que les corps des femmes dans le mouvement révèlent leurs souffrances. Ils portent les stigmates de trajets de vie bousculés et d’un vécu carcéral entravant les besoins physiques vitaux et essentiels au bien-être des personnes, à leur devenir :

Les corps malades dans le mouvement. Elles sont creuses parce que le sternum est un peu relâché, le dos est voûté, la vision est vers le bas […]. Leur enveloppe corporelle, leur motricité changent puisqu’elles sont contraintes aux mêmes trajets, aux mêmes horaires et puis il y a pas de projection, donc forcément ça a une incidence sur la posture corporelle.

Paule Groleau, danseuse

Je me souviens que c’était très difficile, qu’elles étaient très mal dans leur corps. C’était très rigide, pour d’autres, mutilé. Il y en avait certaines qui avaient aussi du mal à récupérer une bonne image corporelle, c’est-à-dire qu’elles avaient grossi ou elles étaient pas bien dans leur corps. Marcher avec un regard à l’horizontale, c’était impossible. Elles regardaient par terre ou elles se cassaient la figure. Aucun équilibre. Se toucher, très difficile aussi. Se laisser toucher. Danser pieds nus. Oui, c’était très étrange.

Juliette Vezat, danseuse

Bien que le corps soit central dans l’analyse de la danse, en détention et plus particulièrement dans les maisons d’arrêt (détention préventive), le temps, l’espace et le sonore occupent également une place importante dans la gestion du quotidien. Le temps défile de façon étrange. Il n’y a plus d’espace pour se poser, pour souffler, même un peu. Entre l’attente obsessionnelle d’un lendemain inconnu et la cadence immuable de l’organisation extrême du quotidien, l’instabilité et l’insécurité s’installent :

Ce qui m’a aussi frappé, c’est le rapport au temps. Dans une détention, je ne savais pas du tout que c’est aussi rigide, qu’on pouvait travailler de telle heure à telle heure. Il fallait qu’elles partent. Elles revenaient. Donc, le moindre déplacement […]. Les rythmes sont très écrasants.

Pierre Cottreau, créateur vidéo

Cette singularité du rapport au temps, l’incertitude, l’incapacité de pouvoir s’ancrer quelque part, même dans des actes les plus quotidiens, participent pleinement à la lourde tension ressentie au sein des lieux de détention. Des recherches ont effectivement montré la centralité du temps et de son rapport aux individus enfermés (Mercenier, 1999).

Dans l’espace carcéral français plus particulièrement, il y a à la fois des espaces vides, des espaces immenses, et la promiscuité des espaces exigus. Cela donne l’étrange sensation de vertige et de tourner en rond. Pierre Cottreau, créateur vidéo, traduit avec acuité cette sensation :

La prison de Fresnes est une très vieille prison, très ancienne. C’est très impressionnant de voir aussi les contrôles, les portes, le sas. Et finalement le peu d’espace qui est réservé à chaque détenue. Et ça c’est très impressionnant. Il y a un immense hall central qui est vide constamment. Et il y a des cellules qui sont minuscules, qui sont très vétustes. Enfin des conditions quand même assez terribles. […] Le spectacle a eu lieu dans la coursive, ce qu’on appelle la coursive, une espèce d’immense espace au milieu, comme un vaisseau, comme ça, il y a un immense espace au milieu où il y a jamais personne.

Lié à l’espace, il y a l’univers sonore qui est créateur et médiateur de l’extrême tension des prisons. Anita Praz, conceptrice sonore de Résilience, note l’impact, la réverbération et le silence toujours dérangé de cet univers sonore.

Le processus de création et les phénomènes relationnels

Il n’est pas sans importance aussi, que la création artistique mêle des artistes et des personnes détenues. À cet égard, le choix de la compagnie a toujours été très clair : « Aller là où c’est pas facile d’aller » (Agnès Fréjabue, comédienne). Ces projets interrogent les processus de création partagés. Et, éventuellement, ils les repositionnent par rapport au contexte et aux désirs des personnes rencontrées. Comme le relate Paule Groleau :

Quand on arrive avec la danse contemporaine et toute cette recherche au niveau de l’impro et tout ce travail physique, ça pose question à la direction d’un lieu, à la justice, aux surveillants et aux détenus. Il faut un sacré laisser-aller et un lâcher-prise et ça, ça ne peut être fait que par des professionnels artistiques et créateurs.

Par exemple, une des notions délicates dans le travail de création en prison réside dans les phénomènes relationnels très souvent passionnels, voire conflictuels. Une création de danse implique un certain nombre de personnes (artistes interprètes et créateurs associés), des équipes. Et il est important que les projets en détention offrent cela. Dans les spectacles à Fresnes et à la Maison Tanguay, un seul artiste masculin fait partie de la compagnie et danse avec une détenue. Cette détenue avait demandé de danser une valse en robe fleurie, comme une princesse. Jean-Pierre se rappelle :

Et la première fois, c’était incroyablement, je sais pas, sensuel mais en même temps pas du tout équivoque. On a eu un plaisir fou. Ça m’a ému énormément parce que justement elle mettait tellement de choses. Complètement.

Pour cette détenue, cette danse avait une signification très chargée, car c’était la première fois qu’un homme s’occupait aussi bien d’elle – le temps d’une valse de trente secondes. La pudeur exprimée par Jean-Pierre était excessive, selon ses propres propos :

Quel rapport je pouvais bien établir avec des femmes qui voient pas d’homme ? Qu’est-ce que ça mettait en jeu ? Qu’est-ce que ça supposait ? Et comment il fallait se comporter, avec quelle attitude ? En fait, c’était pas calculé, c’était avec une pudeur qui faisait un garde. On pouvait tout se permettre, en fait. J’étais pas obligé de me dire : « Attention […] il ne faut pas que je la touche comme ça, il ne faut pas que […]. » Je pouvais lui donner ce qu’elle voulait, ça ne risquait rien.

Se lâcher, trouver un équilibre et reprendre contact avec soi

La danse permet également de réinvestir les sensations de l’équilibre comme l’ancrage. L’un des fondamentaux de la danse contemporaine réside dans les notions de poids du corps et de transfert d’appui. En détention, le poids a du mal à se poser, à se lâcher, le corps n’arrive plus à se reposer, à se déposer, et tout passage d’un pied sur l’autre (tout déplacement), tout équilibre sur une jambe peut être difficile. La recherche de sensation d’équilibre et d’état de calme est expérimentée par le jeu tranquille des appuis du corps au sol. Dans les différentes propositions de mise en jeu du corps élaborées avec la complicité de Nathalie Schulmann, il a toujours été question de chercher à concevoir des exercices permettant de renouer avec le plaisir de la sensation de relâchement, voire d’abandon. Au début de chaque séance de travail, ces temps d’exploration perceptive sont partagés par l’équipe des artistes et le groupe de femmes détenues. Parfois, ces exercices font partie de la composition finale. Ces propositions gestuelles tentent de soulager la précarité, la vulnérabilité des appuis du corps et des pieds au sol.

Avec la danse, je ne sais pas comment dire ça, je sors tout qu’est-ce qu’il y a là-dedans. Et après, quand j’ai fini la danse, c’est tranquille. Je me sens tranquille.

Rosa, Joliette

À ce moment-là, j’étais dans une période où c’était un peu critique, où j’avais toujours des problèmes de ci puis cela, donc forcément ça permet de souffler un petit peu. T’es plus dans ce rapport de force constant qui te bouffe l’intérieur et qui te prend un peu tout le temps, c’est une tension permanente en fait.

Audrey, Fresnes

Dans les phénomènes de l’équilibre, à l’opposé du contact serein des pieds avec le sol sur l’axe vertical du corps, il y a les qualités de regard. Comment investir un espace de projection imaginaire au-delà des murs de la détention quand on sait que souvent, en France, il est interdit de regarder le surveillant dans les yeux ?

Donc, c’était sur […] au départ, le regard. Regarder l’horizon, regarder loin. Mais aussi prendre l’espace. Même dans une petite salle. Comment arriver à prendre l’espace sans qu’on ait 200 mètres carrés ?

Fanny Tirel, danseuse

Pour déclencher et développer l’horizontalité des regards, l’interprétation de moments dansés deux par deux, yeux dans les yeux et la recherche de mouvements et de déplacements déclenchés par des intentions et des directions de regard ont été explorées.

Il y a aussi comment réapprivoiser l’autre par le toucher (soi et l’autre) et ce corps à corps. En prison, les rares temps de détente et de connexion avec les sensations intimes sont vécus intensément. Chaque séance débute par un travail de massage. Beaucoup de femmes incarcérées n’ont plus que des contacts violents, un grand nombre d’entre elles ont été victimes d’agressions physiques graves au cours de leur vie :

C’est tellement grave le rapport au corps en prison, entre les filles qui se violentent ou les autres qui donnent leur corps. Je pense que la danse propose de relier soi-même, son corps et son esprit, sa sensibilité, de réapprendre les contacts. Apprendre à vivre tout simplement. Plus avoir cette méfiance, se lâcher un peu.

Audrey, Fresnes

Il faut passer de se toucher soi-même (ses bras, son visage…) à toucher l’autre (le visage et le torse de l’autre…), du plus anodin au plus intime. On sent que pour certaines, c’est à la fois extrêmement jouissif de retrouver le contact de la peau, mais à la fois extrêmement perturbant. Il faut tout un trajet pour qu’elles comprennent que ce n’est pas grave, ce n’est pas dangereux, ce n’est pas déviant de se masser et de se faire du bien en se massant. Et quand on arrive à passer ce cap-là, on peut aussi masser l’autre et se faire masser par l’autre. Ces relations de corps à corps développent des savoir-être avec l’autre. Elles doivent se vivre dans l’extrême retenue, avec confiance et respect, car elles suscitent souvent de grands troubles. Et dans ces processus impliquant des relations de poids avec l’autre, l’intention de la projection de soi continue à être déployée. Il ne s’agit pas seulement de « supporter » l’autre, mais, grâce à l’appui de l’autre, des sensations de planer, voire d’envol sont explorées :

Oui, oui, tu peux monter, t’inquiète pas, j’ai l’habitude de porter des gens. Elle me dit : « Mais je suis trop lourde. » Le poids est très important, il était un problème là-bas. Je lui ai dit : « Ben non, non. Moi, je peux te porter, il y a pas de souci. » Le moment où elle s’est retrouvée sur mon dos, j’ai senti qu’il y avait une plénitude, comme si vraiment elle se mettait à voler. Et là elle a commencé à fermer les yeux et à prendre son temps, à chercher.

Fanny Tirel, danseuse

L’intensité de l’éphémère met en relief les enjeux de reprise de contact avec soi. Traverser cette expérience spectaculaire, la réussir pour soi-même, pour les autres impliqués dans le même projet et pour le public particulier réuni pour la restitution publique, c’est un moyen de se considérer autrement. Cela permet de se dévoiler sans trop se mettre à nu, de proposer un autre aspect de soi, d’exister différemment aux yeux des autres. Comme Tessie le suggère, l’expérience va au-delà de la danse et se répercute dans les différentes facettes de leur vie :

J’ai appris que j’étais belle. J’ai compris que ce n’était pas important la grosseur de ton corps, il y a plein de choses que tu peux faire. J’ai également appris que j’aimais être avec d’autres personnes et créer des amitiés et apprendre à les connaître. J’ai également appris à être heureuse en tant que femme. Je me sens belle, je me sens forte.

Tessie, Joliette ; notre traduction

C’est vraiment bon parce que ça nous montre le bon côté des codétenues. Parce qu’ici nous ne sommes pas des amies, nous ne nous connaissons pas, donc tout le monde se juge. Mais après le spectacle, elles nous félicitent – t’as fait du beau travail –, tout du positif, tu sais.

Lany, Joliette ; notre traduction

Ce processus artistique génère d’autres perceptions de soi, une reprise de contact avec ses émotions, son intériorité. Il permet une expression relative de son intimité :

Moi je vivais dans un truc assez négatif, c’était soit la vengeance, soit l’autodestruction. Voilà, des trucs comme ça. Et aujourd’hui, si j’ai réussi à avancer, à faire ce que j’aime, c’est lié à ça. Ça remue des choses, j’avais du mal avec mon corps, je m’exprimais avec des mots et puis ça m’a donné envie d’écrire. Ça m’a rendue à cette petite voix intérieure et à mes émotions […]. La danse, ça te relie aussi beaucoup avec tes émotions d’enfance. Parce que cette liberté de mouvement, tu l’as quand t’as pas justement le jugement sur toi, le jugement social, un corselet. Tu te laisses simplement aller.

Audrey, Fresnes

Même si les ateliers de danse ne sont pas menés dans un objectif thérapeutique, certaines femmes font le lien, comme en témoigne Vanessa :

C’est un projet qui m’a touchée autant que voir la psy. Ça te fait découvrir des choses sur toi. Ça te fait reprendre le contact avec ton moi intérieur ou ton enfant.

Vanessa, Joliette

Cette démarche de création chorégraphique encourage aussi à se projeter de nouveau, différemment, vers une autre façon d’appréhender l’avenir :

J’ai sorti beaucoup de choses que je savais pas que j’avais en dedans. Je me suis exprimée beaucoup. Et je pense que si j’étais capable de faire ça, je peux faire plus de choses maintenant. Avec ce spectacle, j’ai dit : « Je peux faire ça, je peux faire autre chose que je veux. »

Rosa, Joliette

En détention, beaucoup de femmes se bâtissent une carapace, elles se protègent :

Tu anesthésies un peu tes sens en fait. Forcément tu blindes ton esprit. Ton corps, il faut que ce soit une armure aussi. Parce que tout le temps il faut s’imposer.

Audrey, Fresnes

Lorsque les phénomènes de contact sont abordés, ces processus de protection sont ressentis par les artistes tout particulièrement. Cette façon peut-être de se blinder, de créer une carapace, on peut le sentir au toucher. C’est plus évident peut-être au toucher qu’à la vue. Mais en même temps, c’est un système de protection. Je pense que ça protège beaucoup, le temps d’être là.

Agnès Fréjabue, comédienne

Ce questionnement peut être très déstabilisant, car il oppose deux vécus : celui avec les artistes de la compagnie et celui régulièrement subi au sein des détentions :

Le fait que là, il fallait s’exprimer avec son corps alors que d’habitude il faut toujours le réprimer […]. Là c’est le mouvement inverse, donc forcément c’est difficile. Et puis oui, cette chaleur et cette authenticité qu’on peut trouver dans les rapports avec ces équipes […]. Après, le soir, c’est vrai que j’avais un rapport difficile avec les surveillants : on se cherchait tout le temps. On nous claquait des portes sur le nez, des petites mesquineries. Le contraste était encore plus grand. Ça nous renvoyait encore plus à l’inhumanité des surveillants en tout cas.

Audrey, Fresnes

Ainsi, les femmes détenues peuvent être très vulnérables au cours du travail d’exploration perceptive et d’improvisation dansée, car leur sensibilité est à nouveau sollicitée :

Ça réveille les choses, j’ai l’impression, à certains moments. Bon, le fait d’être écoutée, le fait d’être regardée, le fait de travailler sur le corps, ça réveille des choses peut-être enfouies et ça peut parfois être des choses douloureuses.

Pierre Cottreau, créateur vidéo

Bien que ces projets aient une dimension éphémère et puissent être déstabilisants, il est nécessaire d’éviter les débordements trop violents. Des états que la plupart des femmes ne pourraient pas gérer pendant le temps limité de la présence des artistes parmi elles.

En guise de conclusion… pistes d’avenir

Comme en attestent ces expériences en prison, la danse, dans ce contexte, permet aux femmes de se reprendre un peu en main. Les bienfaits des arts et de la danse, particulièrement sur la réinsertion, sont documentés (voir GENEPI, 2008 ; Frigon et Jenny, 2009 ; Descroisselles-Savoie, 2010) et l’expérience québécoise « Agir par l’imaginaire » menée par la Société Elizabeth Fry en est un exemple éloquent. Cette exploration de la danse en prison permettrait, peut-être aussi, aux criminologues d’explorer une nouvelle façon de faire de la « criminologie ». Ainsi, au bout du compte, les propositions chorégraphiques peuvent être traduites en propositions criminologiques, c’est-à-dire qu’à travers les récits des créateurs, danseurs, détenues et ex-détenues, la danse nous éclaire sur les fondamentaux de la prison, ses dimensions spatiales, sonores, temporelles, relationnelles et corporelles (Frigon et Jenny, 2009). Une analyse plus poussée des entrevues et des images, des bruits, du temps, de l’espace et des techniques du corps dans la danse nous permettrait, également peut-être, de penser la criminologie, aussi bien dans sa pratique que dans sa théorie, de manière un peu différente. Par exemple, nous croyons que la pratique des arts en prison peut être perçue comme bénéfique, mais nous pouvons nous poser la question : est-ce que les arts en prison sont récupérés ou réappropriés par le système carcéral en vue de sa légitimation, par exemple ? Cela mérite d’être développé plus en profondeur.

En revanche, une analyse critique plus poussée de la danse en prison permettrait une lecture novatrice, un regard renouvelé sur notre discipline et comment elle (la criminologie) nous « discipline » à analyser les choses d’une manière et pas d’une autre. Même si ces questions restent entières, nous croyons que la danse en prison peut être subversive pour les femmes car elle est, à la fois, un magnifique instrument de reconquête de son corps, de soi et aussi subversive car elle nous offre potentiellement un outil d’analyse de la prison – cette prison caméléon, à la fois humaniste et répressive. La myopie disciplinaire peut être exposée par la danse en prison car elle peut servir de kaléidoscope à travers lequel la prison dans ces multiples couleurs prend différentes formes et divers sens.