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Introduction

L’analyse des migrations et des sédentarités résidentielles de la population belge met en évidence des processus et des situations très hétérogènes. Ancrage territorial, groupe d’âge, cycle de vie, statut par rapport au logement, situation familiale, etc. sont autant de facteurs déterminants (Poulain et Van Goethem, 1982 ; Cribier et Kych, 1992 ; Charlier et collab. 2017). Pour le groupe d’âge des personnes proches de la retraite par exemple, Nowik et Thalineau (2010) mettent en évidence trois logiques non exclusives régissant les choix résidentiels : cadre de vie (loisirs), rapprochement familial et « sécurisation de soi » (habitat plus adapté). Ces différents éléments montrent l’importance d’approfondir la portée spatiale des déplacements résidentiels pour ce groupe d’âge.

Dans cet article, c’est le groupe d’âge des jeunes retraités (55-64 ans en 2011) de Wallonie (une des trois régions de Belgique) (voir cartographie en annexe) qui fait l’objet de notre attention. Cette classe d’âge est intéressante à étudier au niveau de la mobilité ou de l’immobilité résidentielle. En effet, le choix de sédentarité ou de migration est, pour certains d’entre eux, libéré des contraintes des déplacements domicile-travail et aura des conséquences sur leur bien-vieillir, ce qui n’est pas sans répercussion sur les politiques de maintien à domicile (Bourguignon et collab. 2016 ; Moulaert et Houioux, 2016). Des facteurs explicatifs des comportements résidentiels à ces âges ont déjà été étudiés pour l’ensemble de la Belgique au niveau individuel (Sanderson, 2013 ; Sanderson et collab. 2013), mais pas en y incluant les migrations intra-communales.

En disposant pour la première fois depuis vingt ans en Belgique de données individuelles du Registre national (RN) sur les personnes et leur niveau de sédentarité, à l’échelle du logement, nous pouvons aujourd’hui dresser un portrait très détaillé des phénomènes de sédentarité ou de migrations de cette classe d’âge, loin de l’image stéréotypée selon laquelle les jeunes retraités s’installent à la côte belge ou dans des régions touristiques ardennaises. On peut, pour la première fois en Belgique, vérifier et quantifier l’ampleur exacte du phénomène et distinguer les émigrants en fonction de leur destination résidentielle, soit les personnes ayant changé de domicile pour un lieu de proximité très local (dans le même quartier), local (dans la même commune) ou encore les émigrants hors de la commune qui s’installent ailleurs en Wallonie, en Flandre, à Bruxelles ou à l’étranger.

La Belgique est divisée en trois régions administratives : Flandre (300 communes), Wallonie (262 communes) et Région de Bruxelles-Capitale (19 communes). La région du nord du pays (Flandre) est néerlandophone, tandis que la région du sud (Wallonie) est francophone, à l’exception de 9 communes de la communauté germanophone situées à l’est (voir annexe). Au centre du pays, la région de Bruxelles-Capitale est officiellement bilingue. Il est important de noter que l’urbanisme, l’aménagement du territoire et l’action sociale sont des compétences régionalisées. Même si les données du RN concernent l’ensemble de la Belgique, par souci d’homogénéité linguistique et de compétences régionales des politiques en lien avec l’étude développée, l’analyse porte ici uniquement sur la Wallonie, avec un accent sur les quatre villes les plus peuplées de cette région : Liège, Charleroi, Namur et Mons (voir annexe).

Le recours à l’analyse spatiale nous permet de mieux connaître la logique migratoire et surtout de sédentarité, pris au sens étroit ou plus large de cette population réputée mobile, alors qu’elle est la plus sédentaire parmi toute la population wallonne. Dès lors, l’objectif de cet article est de mesurer, à l’échelle locale, la propension à migrer des populations autour de l’âge de la retraite, avec plusieurs graduations de proximité géographique, et d’analyser les distributions spatiales de chacun des indicateurs développés.

Dans leur article sur la France intitulé « Déménager après 55 ans », Nowik et Bringé se posent la question suivante : « Dans quelle mesure les retraités mobiles intègrent-ils réellement la problématique du maintien à domicile ? Les mobilités d’ajustement constituent-elles, dans tous les cas, les bonnes réponses pour continuer à vivre chez soi ? » (2016 : 53). Dans ce prolongement, nous nous poserons la question de savoir si la sédentarité choisie ou subie au début de la retraite est un élément favorable au maintien à domicile dans une phase ultérieure de la retraite (Irwin et collab. 2004).

Données

Les données exploitées aux fins de la présente étude sont celles du Registre national (RN). Ce dernier est un outil légal en Belgique depuis 1983. C’est une source originale de données sur les personnes physiques. Elle est labellisée comme une source authentique de données. Celle-ci se définit comme une base de données rassemblant des informations validées et mises à jour par une administration spécifique, dans ce cas-ci, Statbel (l’Office belge de statistique), enregistrant les informations fixées par la loi d’informations légales permettant l’identification des personnes physiques qui y sont inscrites. Le RN centralise informatiquement les registres de population instaurés dans chaque commune belge dès 1846 et concerne l’ensemble des citoyens ayant un lien avec la Belgique dans différents registres de population :

  • le registre de population (les Belges et les étrangers domiciliés (autorisés à s’établir) en Belgique) noté ici registre A ;

  • le registre d’attente (les demandeurs d’asile), noté ici registre B ;

  • et les registres diplomatiques et consulaires ainsi que celui des fonctionnaires européens et les membres des autres institutions internationales (OTAN) et leur famille, noté ici registre C.

Ce sont les communes (et l’Office des étrangers pour le registre d’attente des candidats réfugiés politiques) qui sont chargées de l’enregistrement des données. Pour la présente étude, nous retiendrons l’analyse de la population officielle de la Belgique telle que publiée par Statbel, soit la population des Belges et des étrangers autorisés à résider que ne comptabilise pas le registre d’attente (Poulain et Herm, 2013 ; Eggerickx et collab. 2000). C’est cette base de données individuelles de Statbel que nous avons traitée ici, soit exclusivement les données issues des registres A et C. Nous avons travaillé sur la période allant du 1er janvier 2011 au 1er janvier 2016 (données les plus récentes disponibles au moment de commencer l’analyse), soit une période de 5 ans.

Plus spécifiquement, nous avons extrait du RN les données suivantes :

  • la population observée aux 1er janvier de 2011 et 2016 par âge et par commune (stock) ;

  • les mouvements de la population entre les 1er janvier 2011 et 2016 par commune (flux) : naissances, décès, migrations intérieures, migrations internationales, naturalisations, changements de registre (passage des demandeurs d’asile du registre d’attente aux registres de population, lorsqu’ils sont autorisés à séjourner et acquièrent le statut de réfugiés qui eux sont compris dans la population officielle), les radiés d’office (personnes dont on constate l’absence sur le territoire), les radiés réinscrits (personnes dont on constate à nouveau la résidence sur le territoire après une radiation)[2].

La notion de migrations recouvre ici à la fois les migrations inter-communales et les migrations intra-communales. Il apparaît que ces dernières sont aussi nombreuses que les migrations entre communes (Grimmeau et collab. 2012 : 25). Au niveau du RN, ce n’est que très récemment que les changements de résidence qui s’effectuent au sein de la commune ont pu être pris en compte grâce à un travail méticuleux d’analyse de fiabilité par Statbel. La vérification systématique des adresses a permis de ne pas considérer comme migration les changements administratifs de code rue ou boîte dans l’adresse, en travaillant notamment sur les coordonnées géographiques des adresses et le code ZIP (code postal).

Construction d’indicateurs mesurant la sédentarité et le risque[3] d’émigrer

Sur la base du fichier Statbel, nous avons comparé le logement de résidence de toutes les personnes vivant en Wallonie au 1er janvier 2011 avec celui qu’elles occupaient 5 ans plus tard, au 1er janvier 2016. Ceci nous a permis d’identifier les non-migrants qui résidaient dans le même logement aux deux dates et que nous appellerons par la suite les SÉDENTAIRES. Ceux qui résidaient dans des logements différents que nous dénommerons les ÉMIGRANTS pourront être ventilés entre 4 catégories. Au total, on distingue les catégories suivantes :

  • personnes résidant à la même adresse en 2011 et 2016 : ces personnes sont considérées comme des sédentaires (qu’elles aient accompli plusieurs migrations avant de revenir à leur adresse initiale ou non) ;

  • personnes résidant dans le même quartier[4] en 2011 et 2016 ;

  • personnes résidant dans la même commune en 2011 et 2016 ;

  • personnes résidant dans une autre commune wallonne ;

  • personnes résidant dans une autre région belge.

Quant aux personnes présentes en 2011 et décédées avant le 1er janvier 2016, elles seront distinguées comme suit :

  • personnes décédées entre 2011 et 2016 à la même adresse (en l’absence d’enregistrement de migrations) ;

  • personnes décédées entre 2011 et 2016 dans le même quartier (selon l’adresse de la dernière migration) ;

  • personnes décédées entre 2011 et 2016 à la même commune (selon l’adresse de la dernière migration) ;

  • personnes décédées ailleurs en Wallonie ;

  • personnes décédées dans une autre région belge.

Enfin, un dernier groupe reprendra les personnes présentes en 2011 et résidents à l’étranger en 2016 ou décédées entretemps à l’étranger :

  • personnes localisées en dehors de la Belgique, soit résidents ou décédées à l’étranger.

Les calculs sont réalisés pour l’ensemble des groupes d’âge. Dans la présentation des résultats, l’attention est portée sur le groupe d’âge des 55-64 ans, soit autour de l’âge de la retraite (60-69 ans en 2016).

Les données dont on dispose permettent de distinguer les émigrants qui occupent en 2016 un logement différent de celui de 2011, les sédentaires qui résident en 2016 dans le même logement qu’en 2011 et les personnes décédées pendant la période d’observation. Les personnes ayant effectué une migration aller-retour vers leur logement initial durant la période d’observation seront considérées comme ayant fait une absence temporaire. De la sorte, on fera l’hypothèse que ces personnes n’ont pas quitté leur logement et sont, par conséquent, comptées parmi les sédentaires. Ce faisant, il y a identité entre les deux concepts : tous les émigrants ont quitté leur logement pendant la période et les sédentaires ne l’ont pas fait. Dans l’encadré 1, l’indicateur du risque d’émigrer ou de quitter son logement pendant la période d’observation est donc une probabilité d’émigrer qui équivaut à la proportion d’émigrants issus de nos données.

Les détails du calcul sont présentés dans l’encadré 1 ci-après.

Nous avons pu, dès lors, décomposer le risque de quitter son logement en un risque d’émigrer vers un autre logement du même quartier e1, celui d’émigrer dans un autre quartier de la même commune e2, et celui d’émigrer en dehors de la commune, e3. Le risque de quitter son logement est par conséquent le cumul de ces trois risques.

Ce nombre est la somme de C3 (le nombre d’émigrants survivants hors de la commune), C2 (les émigrants survivants dans un autre quartier de la commune) et C1 (les émigrants survivants dans un autre logement du même quartier).

Enfin, rappelons que les sédentaires survivants correspondent à ceux qui n’émigrent pas et précisons que la destination des émigrants est la destination finale à la fin de la période de 5 années. Puisque certaines personnes peuvent avoir fait plusieurs migrations successives au cours de la période, c’est donc le lieu de résidence en 2016 qui sera pris en compte pour catégoriser le lieu de destination des émigrants.

Sédentaires et émigrants par âge en Wallonie

Sédentaires et émigrants par âge (de 2011 à 2016)

Généralement, au cours d’une vie, chaque personne est appelée à plusieurs reprises à changer d’endroit de résidence. Ces déménagements s’inscrivent dans le cycle de vie d’un individu. L’intensité migratoire varie donc en fonction de l’âge. Un parcours classique a été analysé dans une étude précédente (Charlier et collab. 2016). Accueilli dans le foyer familial à la naissance, on le quittera soit pour des études, un travail, ou pour former un nouveau ménage entre 18 et 30 ans. Ce changement de résidence est nommé, par les démographes, une migration d’émancipation. Souvent, quelques années plus tard, entre 30 et 35 ans, en vue d’un projet de couple ou suite à la création d’une famille, on effectuera une nouvelle migration vers un logement de plus grande taille. Au-delà de 35 ans, on a tendance à rester dans son logement. L’intensité migratoire se réduit. Arrive l’âge de la pension, et certains en profitent pour se relocaliser, les contraintes de déplacements liés à l’emploi étant disparues. Toutefois, l’intensité migratoire ne s’emballe pas pour autant et, sur les courbes, ce phénomène n’est pas toujours perceptible. Après quelques années, vers 75-80 ans, l’arrivée des problèmes de santé et la perte d’autonomie entraînent souvent une dernière migration, vers une maison de retraite ou le ménage d’un enfant.

Globalement, il importe de noter que les émigrations peuvent être soit subies, soit volontaires, de même qu’il y a des sédentaires par obligation, notamment financière (impossibilité de trouver un logement ailleurs) ou par choix (désir de rester dans un quartier agréable) (Caradec, 2009 : 11). Ces situations sont soumises à une série de tensions issues de facteurs divers : facteurs financiers, mais également des caractéristiques familiales, voire conjugales, la gestion des problèmes de santé, la logique du cadre de vie (recherche de cadre de vie idéal versus attachement à des lieux de vie) (Caradec, 2009 : 31-42).

Face à ce schéma « théorique », les données wallonnes entre 2011 et 2016 permettent de mesurer l’ampleur des mouvements et leur calendrier selon le type de migration effectuée.

En prenant les habitants de 2011 et en examinant ce qu’ils sont devenus en 2016 (y compris éventuellement où ils sont décédés entre 2011 et 2016), on peut répartir les populations entre sédentaires, émigrants dans le quartier, dans la commune, en Wallonie, dans une autre région ou encore à l’étranger.

Figure 1

Répartition en nombre absolu de la population par année d’âge de 2011 selon le lieu de résidence en 2016

Répartition en nombre absolu de la population par année d’âge de 2011 selon le lieu de résidence en 2016
Source : Statbel – RN – Calculs IWEPS

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Pour la lecture de la figure 1, il ne faut pas perdre de vue que les âges mentionnés en abscisse sont ceux observés au 1er janvier 2011. En moyenne, donc, l’émigration sera effectuée 2,5 ans plus tard, puisque l’observation s’effectue sur 5 ans. Le profil du graphique dessine évidemment celui d’une demi-pyramide par âge puisque toute la population est reprise.

L’intensité migratoire maximale est établie autour de 26 et 28 ans (24,5 ans exacts (ou 26,5 ans exacts) + 2,5 ans en moyenne) pour toutes les catégories (figure 2). On remarquera l’âge plus élevé pour le maximum observé pour la catégorie des émigrants dans le quartier, mais les différences sont faibles entre 24,5 et 26,5 ans. Il n’en va pas de même pour les plus faibles intensités observées dans chaque catégorie. L’âge où la sédentarité est maximale correspond à l’âge où la part des émigrants dans le quartier est la plus faible. Par contre, des écarts sont importants entre, d’une part, les émigrants interrégionaux et internationaux (courbes orange et rouge) et, d’autre part, les émigrants dans la commune ou dans une autre commune wallonne. La part des émigrants de longues distances (autre région ou étranger) continue de diminuer avec l’âge, alors que celle de plus courtes distances (autres communes wallonnes ou autres quartiers de sa commune) reprend aux âges plus élevés (figure 2). Le départ vers les maisons de repos ou vers la famille en est vraisemblablement la cause, lorsque les ennuis de santé apparaissent. Autre constat, l’écart entre les courbes des émigrants dans leur quartier (courbe bleue foncée) par rapport à celle dans la commune (courbe bleue claire) s’agrandit à partir d’environ 75 ans. En émettant l’hypothèse que la reprise des émigrations est liée en grande partie à la migration vers les maisons de repos, une justification pourrait provenir de la nécessité de quitter le quartier pour trouver une maison de retraite ou regagner le foyer des enfants.

Figure 2

Part de chaque catégorie d’émigrant dans la population totale de même âge en 2011

Part de chaque catégorie d’émigrant dans la population totale de même âge en 2011
Source : Statbel – RN – Calculs IWEPS

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On remarquera également que les migrations de retraite ne transparaissent que pour la courbe des émigrants vers l’étranger (figure 2). Un petit saut (en rouge) y est en effet visible dans cette catégorie à 64,5 ans. Sur les autres courbes, ce départ à la retraite ne laisse pas de traces.

Les tranches d’âge au-dessus de 55 ans et en dessous de 80 ans, constituent des âges où la migration atteint progressivement son intensité la plus faible (la part des émigrants ne concerne que 4,2 % de la population à 65 ans et 3,3 % à 72 ans). L’analyse de ces comportements migratoires révèle les dernières adaptations de cadre de vie opérées par les personnes.

Afin de mieux quantifier ces mouvements migratoires, il est intéressant de répartir ceux qui ont émigré par destination. C’est d’ailleurs ce qui est proposé dans la figure 3.

Figure 3

Part de chaque catégorie d’émigrant dans le total des émigrants de même âge en 2011

Part de chaque catégorie d’émigrant dans le total des émigrants de même âge en 2011
Source : Statbel – RN – Calculs IWEPS

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La part la plus importante des émigrants est celle qui s’installe dans une autre commune wallonne, et ce, à tout âge (figure 3). Remarquons toutefois que si on additionne l’ensemble des émigrants intra-communaux (résidant dans le quartier ou le reste de la commune), ils constituent la catégorie la plus importante. En fin de vie, deux courbes augmentent : la part des émigrants vers la commune (courbe bleue claire) et la part des émigrants vers la Wallonie (courbe grise). Cela correspond à une période de vie où les conditions de santé obligent souvent un changement de résidence vers les maisons de repos ou la famille. Pour les émigrants à destination de l’étranger (hors Belgique), le saut mentionné à 64,5 ans apparaît dans la courbe avant de décroître aux âges plus élevés. Quant aux émigrants vers les deux autres régions de Belgique (en Région flamande ou en Région de Bruxelles-Capitale (courbe orange)), leur part n’évolue guère après 30 ans et reste la plus faible des destinations observées. Entre 20 et 30 ans, la hausse qui y est observée résulte en grande partie des émigrations de jeunes vers Bruxelles pour leurs études ou leurs premiers emplois.

Plus atypique est le profil des émigrants dont la destination est leur quartier. En enregistrant un minimum vers l’âge de 25 ans, cette part ne cesse d’augmenter jusqu’à 67,5 ans (soit 70 ans en moyenne avec le décalage), pour atteindre 30 % des émigrants et rejoindre en importance la part des émigrants dont la destination est un autre quartier de la commune. Pour ces âges, 60 % des émigrants ont effectué une migration intra-communale. Après 67 ans, âge où les migrations se font essentiellement vers les maisons de repos ou la famille, les deux courbes divergent dans un effet ciseau. La part des émigrants dans leur quartier diminue alors que celle des émigrants à destination d’un autre quartier de la commune augmente rapidement.

Figure 4

Évolution de la part des émigrants intra-communaux dans la population totale selon l’âge entre 1995 et 2015 en Wallonie

Évolution de la part des émigrants intra-communaux dans la population totale selon l’âge entre 1995 et 2015 en Wallonie
Source : Statbel – RN – Calculs IWEPS

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Évolution de la part des émigrants intra-communaux par âge

Vingt ans se sont écoulés depuis la dernière parution de statistiques belges sur les émigrants intra-communaux (Institut national de statistique, 1996). En recalculant selon la méthode utilisée pour 1995, les émigrants survivants à l’âge x en fin d’année sur les données de 2015, on peut comparer le calendrier et l’intensité des deux courbes à 20 ans d’écart (figure 4). Tous âges confondus, la part des émigrants intra-communaux a peu évolué sur l’ensemble de la Wallonie. Elle est passée de 4,6 % en 1995 à 4,3 % de la population totale.

La juxtaposition des deux courbes selon l’âge (figure 4) met toutefois en exergue certaines évolutions : une diminution importante des émigrants avant 30 ans, reflétant notamment le rallongement des études et le phénomène Tanguy[5] ; mais, à l’inverse, une augmentation de ceux-ci entre 30 et 55 ans. Au minimum de l’intensité entre 60 et 70 ans, les parts d’émigrants n’ont guère évolué. Au-delà de 70 ans, au contraire, les émigrants sont proportionnellement moins nombreux en 2015 qu’en 1995. Parmi les raisons expliquant cette tendance pourraient figurer une meilleure santé qui retarderait la migration vers des maisons de repos, et le développement du maintien à domicile.

Sédentarité et mobilité à l’âge de la retraite

Les facteurs liés au choix de la sédentarité ou de la migration à la retraite

De nombreuses analyses se sont penchées sur les causes des sédentarités ou des migrations de retraite. Pour la Wallonie (Sanderson et collab. 2013 : 186), les analyses à partir de l’enquête Generations and Gender Survey (GGS) de 2008 ont mis en évidence la qualité du logement et le statut de propriétaire/locataire qui motivaient les migrations pour les personnes âgées de plus de 50 ans. Bien sûr, la qualité du logement agit tant comme un facteur push (taille du logement de départ), mais aussi comme un facteur pull (la bonne qualité du logement choisi par les jeunes retraités dégagés des contraintes de la localisation de l’emploi). Quant à la qualité de propriétaire, elle exerce un frein à la mobilité résidentielle. Il s’agit là de facteurs qui ne concernent pas la migration des plus âgés lorsque celle-ci est motivée par une détérioration de l’état de santé ou plus largement une perte d’autonomie (parfois liée à la disparition d’un conjoint).

La littérature a retenu plusieurs caractéristiques individuelles propices à la sédentarité (Sanderson et collab. 2013 : 185 ; Winke, 2017). Même si nous ne travaillons pas au niveau individuel, mais pour des agrégations au niveau des quartiers et des communes, nous avons testé quelques corrélations avec différents facteurs susceptibles d’influencer la sédentarité ou la migration des personnes de 55 à 64 ans en 2011.

Dans notre zone d’étude, il apparait qu’une proportion plus élevée de propriétaires dans un quartier ou une commune est associée à une plus grande proportion de sédentaires. Par exemple : dans les quatre communes/villes les plus peuplées de Wallonie (Charleroi, Liège, Mons, Namur) la corrélation entre ces deux indicateurs est de 0,69.

Le cas de l’Allemagne étudié par Winke (2017 : 16) retient également, à côté d’autres variables dont le fait d’être propriétaire ou non, l’état civil. En Wallonie, si on prend la population sédentaire survivante en 2016 selon le type de ménage, les couples sédentaires mariés avec enfants ou sans enfants représentent 92 % des ménages. Les couples de mariés survivants représentent quant à eux 35,4 % de l’ensemble des émigrants. Comme Nowik et Bringé l’ont fait pour la France (2016 : 52), Sanderson et collaborateurs tiraient déjà ce constat pour l’ensemble de la Belgique, c’est-à-dire que « le fait d’être mariés est un frein à la migration » (2013 : 185).

La corrélation au niveau des quartiers entre la sédentarité et des indicateurs de la grandeur du logement a également été testée en s’inspirant des résultats de Sanderson et collaborateurs (2013 : 185). À ce niveau d’agrégation, aucune corrélation significative n’a pu être identifiée.

Au-delà des caractéristiques des sédentaires largement étudiées dans la littérature, nous allons nous intéresser, grâce à nos données sur l’ensemble des déménagements, à l’intensité de la sédentarité ainsi qu’à sa répartition spatiale avec une attention particulière à la portée spatiale des déplacements et aux émigrants intra-communaux.

Spatialisation des indicateurs de risque d’émigrer par commune et par quartier

Pour l’indicateur de risque d’émigrer de son logement (figure 5.1), les pourcentages résultant des calculs par commune varient de 6,5 à 24,1 %, le complément pour chaque commune correspondant aux sédentaires. La carte présente une grande diversité spatiale des résultats.

Cette distribution spatiale des résultats est marquée par deux ensembles contigus de communes avec une émigration de la population des 55 à 64 ans moins élevée qu’ailleurs : un ensemble de cinq communes de la communauté germanophone à l’est de la Wallonie (voir annexe), et un ensemble de communes du sud de la province de Luxembourg. Quelques autres communes dispersées le long de la frontière avec la France sont également observées sur cette carte, avec des valeurs moins élevées. Ces deux groupes, ainsi que ces communes le long de la frontière, correspondent à des entités spatiales rurales et éloignées des plus grandes villes de Wallonie. À l’opposé, ce sont principalement des communes avec des noyaux urbains qui sont concernées par des émigrations plus élevées (notamment Namur, Charleroi, Mons et Liège), c’est-à-dire que davantage d’individus de cette tranche d’âge les quittent.

Pour l’indicateur de risque d’émigrer en dehors de son quartier (figure 5.2), les pourcentages résultant des calculs varient de 4,8 % de risque d’émigrer de sa commune à 19,0 %. La figure 5.2 est particulièrement parlante : les villes sont facilement observables, avec des valeurs proportionnellement plus élevées de risque d’émigrer de son quartier, ainsi que le centre du Brabant wallon, sous l’influence de l’urbanisation de Bruxelles. Les communes à l’est et au sud de la Wallonie, déjà identifiées ci-dessus, apparaissent par contre comme étant caractérisées par des risques relativement faibles d’émigrer en dehors du quartier.

Figure 5

Cartographie des indicateurs de risque d’émigrer des 55-64 ans au niveau communal entre 2011 et 2016

5.1

Proportion d’émigrants dans l’ensemble des survivants

Proportion d’émigrants dans l’ensemble des survivants
Source : Statbel – RN – Calculs IWEPS

5.2

Proportion d’émigrants hors de son quartier dans l’ensemble des survivants

Proportion d’émigrants hors de son quartier dans l’ensemble des survivants
Source : Statbel – RN – Calculs IWEPS

5.3

Proportion d’émigrants hors de sa commune dans l’ensemble des survivants

Proportion d’émigrants hors de sa commune dans l’ensemble des survivants
Source : Statbel – RN – Calculs IWEPS

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Par ailleurs, le troisième indicateur présenté ici (figure 5.3) montre que les pourcentages d’émigrants vers d’autres communes sont faibles : ils varient de 3,7 % de risque d’émigrer de sa commune à 16,7 %. L’émigration en dehors de sa commune est plus rare, mais une diversité spatiale existe aussi pour cet indicateur. Sur la figure 5.3, trois groupes contigus de communes présentent des valeurs particulièrement plus faibles qu’ailleurs : les communes de l’est de Wallonie, les communes du sud de la Wallonie, à l’exception des trois communes les plus proches de la frontière luxembourgeoise et un groupe de communes au nord-ouest de la Province de Hainaut. L’hypothèse que ces trois groupes de communes possèdent un sentiment d’appartenance à un terroir et sans doute des ancrages à ces territoires particulièrement forts devrait être vérifiée. C’est une piste de recherche à creuser.

Il doit être noté que la limite communale de ces différentes entités peut inclure différentes formes d’urbanisation, avec des noyaux urbains, des quartiers périurbains et d’autres, plus ruraux. C’est le cas notamment pour la commune de la ville de Namur. D’autres entités sont plus homogènes du point de vue des formes d’urbanisation, notamment la commune de la ville de Liège. L’approche au niveau des quartiers apporte les nuances intra-communales, nécessaires au développement de la démarche de cette recherche (figure 6).

Figure 6

Cartographie des indicateurs de risque d’émigrer entre 2011 et 2016 au niveau des quartiers de 4 villes wallonnes (Liège, Charleroi, Namur et Mons)

Cartographie des indicateurs de risque d’émigrer entre 2011 et 2016 au niveau des quartiers de 4 villes wallonnes (Liège, Charleroi, Namur et Mons)
Source : Statbel – RN – Calculs IWEPS

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Quelques éléments apparaissent de manière similaire pour les quatre villes ; notamment, le fait qu’il y ait une proportion plus importante d’émigrants dans les noyaux urbains des quatre communes. Cela correspond aussi au taux plus élevé de locataires dans ces quartiers. L’étendue de ces zones est cependant inégale, plus large à Liège et Charleroi, qui sont les villes les plus peuplées parmi les quatre présentées et qui montrent des noyaux centraux étalés sur plusieurs quartiers. Les taux en périphérie présentent des distributions spatiales diverses et non homogènes. Les cartes de risque de migrer hors de son quartier (au centre de la figure 6) sont relativement proches des cartes de risque de migrer de son logement. Pour les quatre communes urbaines, les cartes de risque de migrer hors de sa commune (cartes de la colonne de droite de la figure 6) affichent des taux d’émigration faibles. Cependant les noyaux centraux ainsi que quelques quartiers aux frontières communales présentent des taux légèrement plus élevés.

Les émigrants de 55-64 ans : vers où migrent-ils ?

La question des destinations des émigrants peut être approfondie. Nous avons dès lors réparti notre population de 55 à 64 ans en 2011, survivante en 2016, selon leur lieu de résidence en 2016. Il faut faire l’hypothèse que l’impact de la mortalité reste minime sur cette répartition.

Sur les 451 840 individus de 55 à 64 ans présents en Wallonie au premier janvier 2011, il apparait que 362 483 d’entre eux sont toujours dans le même logement au premier janvier 2016. Parmi ceux qui ont déménagé (tableau 1), on peut considérer que certains sont restés dans un même lieu de vie (même quartier voire même commune) : 15,9 % de ceux qui ont déménagé sont restés dans le même quartier et 27,2 % dans la même commune, soit un total de 43,1 % (10 347 + 17 682 = 28 029 individus). La carte de la part des personnes de 55-64 ans en 2011 ayant déménagé en 2016 dans la même commune sur le total des personnes du même âge ayant déménagé (figure 7) met en évidence les communes où cette part est la plus élevée : les villes et les communes de grandes superficies où l’offre de logement potentiel à courte distance est plus grande qu’ailleurs, mais également des communes plus rurales ou enclavées au sein desquelles les individus semblent souhaiter continuer à vivre et où ils trouvent des logements adaptés à leurs désirs pour l’avenir[6]. À l’inverse, dans certaines communes, peu de 55-64 ans ont déménagé au sein de la même commune mais ont été ailleurs. Ceci pourrait être expliqué notamment par une inadéquation qualitative entre les logements disponibles au sein de la commune et les désirs de ces individus pour l’avenir quant au type de logement et d’environnement résidentiel.

Tableau 1

Répartition des personnes de 55 à 64 ans ayant déménagé de 2011 à 2016, selon leur lieu de résidence en 2016

Répartition des personnes de 55 à 64 ans ayant déménagé de 2011 à 2016, selon leur lieu de résidence en 2016
Source : Statbel – RN – Calculs IWEPS

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Figure 7

Part des 55-64 ans ayant déménagé dans la même commune entre 2011 et 2016 sur le total des 55-64 ans ayant déménagé

Part des 55-64 ans ayant déménagé dans la même commune entre 2011 et 2016 sur le total des 55-64 ans ayant déménagé
Source : Statbel – RN – Calculs IWEPS

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Le tableau 1 montre que les émigrants qui restent dans leur commune (10 347 + 17 682 = 28 029) sont aussi nombreux que ceux qui s’installent dans une autre commune wallonne[7] (27 244). En l’absence de données de migrations intra-communales, on ne pouvait pas jusqu’à présent mesurer l’importance de ce phénomène et on réduisait l’étude des migrations internes belges aux migrations inter-communales.

Le nombre d’émigrants vers une autre région de Belgique (2 978 individus) ou l’étranger (6 801 individus) reste réduit, même si l’émigration vers l’étranger à l’âge de la retraite est visible sur les courbes de répartition par âge analysées plus haut.

Une attention particulière peut être apportée aux quatre principales villes/communes de Wallonie (figure 8 et tableau 2). Parmi l’ensemble des déménagements des 55-64 ans, les déménagements intra-communaux y sont plus prononcés que la moyenne wallonne en raison probablement d’une offre en logement plus étayée (quantité et diversité) au sein même de ces communes.

Figure 8

Répartition des personnes de 55 à 64 ans habitant dans les quatre grandes villes wallonnes en 2011 et ayant déménagé de 2011 à 2016, selon leur lieu de résidence en 2016

Répartition des personnes de 55 à 64 ans habitant dans les quatre grandes villes wallonnes en 2011 et ayant déménagé de 2011 à 2016, selon leur lieu de résidence en 2016
Source : Statbel – RN – Calculs IWEPS

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Tableau 2

Répartition (en %) des émigrants de 55 à 64 ans de 2011 des quatre grandes villes wallonnes pour les 55-64 ans selon leur résidence en 2016

Répartition (en %) des émigrants de 55 à 64 ans de 2011 des quatre grandes villes wallonnes pour les 55-64 ans selon leur résidence en 2016
Source : Statbel – RN – Calculs IWEPS

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Lorsqu’on considère les destinations des émigrants wallons de 55-64 ans de 2011 à 2016 en ne retenant que les émigrants inter-communaux wallons, on peut les répartir selon la typologie des communes établies par Grimmeau et collaborateurs (2012 : 10). Il est alors possible d’établir, d’un point de vue spatial, « qui va vers où ».

La matrice en parts relatives dans le sens proposé ici met en évidence les lieux de destination privilégiés par les 55-64 ans qui ont changé de communes wallonnes de 2011 à 2016 en fonction de leur lieu d’origine. De manière générale, les 55-64 ans des grandes villes (agglomération ou banlieue) ont préféré rester dans des zones plus urbaines (grande ou petite ville fournissant des services et équipements). Une certaine part a migré vers des zones plus rurales, sans doute à la recherche de plus de quiétude et de nature.

Les petites villes apparaissent comme la destination première des émigrants s’ils sont d’origine rurale ou de communes denses, voire de petites villes elles-mêmes. L’hypothèse est ici que les personnes vivant en milieu rural souhaitent se rapprocher d’une offre en services et équipements pour le reste de leur vie, mais pas nécessairement dans une trop grande ville.

Parmi les différentes destinations possibles, il semble que les communes rurales sont en fait relativement peu prisées des 55-64 ans, même si un courant migratoire faible, qui alimente les communes rurales sous influence urbaine, est perceptible (17,1 % des destinations des agglomérations, 18,7 % des petites villes). Il en est de même des communes touristiques ardennaises (le pendant éventuel aux communes côtières), hormis peut-être par les habitants de ces mêmes communes (24,0 %). L’analyse de la matrice en parts relatives dans l’autre sens montre cependant que ce sont les communes urbaines qui envoient le plus de 55-64 ans vers les communes rurales. De façon générale, comme pour les communes de la côte belge (située en Flandre), ces données écornent l’image des migrations de retraités qui privilégieraient les lieux de villégiature.

Reste, après l’analyse interne à la Wallonie, à examiner l’ampleur du phénomène migratoire des 55-64 ans vers les deux autres régions belges (Région flamande et Région de Bruxelles-Capitale), où l’on compte 4,6 % des émigrants de cette tranche d’âge (tableau 1). Très peu de Wallons de 55-64 ans choisissent donc comme lieu de résidence une commune située dans une autre région du pays. Des 55-64 ans habitants en Wallonie en 2011, seuls 1262 résidaient à Bruxelles en 2016 et 1716 en Flandre. 60 % des déménagements vers la Flandre l’étaient vers une des 10 communes de la côte, ce qui montre que vers la Région flamande, les communes de la côte restent privilégiées. Cependant, pris dans l’ensemble des déménagements des 55-64 ans wallons, ce flux vers la côte est bien faible, tout comme celui vers les communes touristiques ardennaises, ce qui permet de nuancer le mythe des migrations de retraite pour la Wallonie, soit l’existence d’un attrait marqué des personnes proches de la retraite pour les communes touristiques wallonnes et pour la côte belge[8].

Tableau 3

Nombre et pourcentage de personnes de 55 à 64 ans en 2011 ayant déménagé selon le lieu de domicile en 2011 (en ligne) et le lieu de domicile en 2016 (en colonne) en Wallonie

Nombre et pourcentage de personnes de 55 à 64 ans en 2011 ayant déménagé selon le lieu de domicile en 2011 (en ligne) et le lieu de domicile en 2016 (en colonne) en Wallonie
Source : Statbel – RN – Grimmeau et collaborateur. 2012 – Calculs IWEPS

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Conclusions

Cet exercice illustre le potentiel de l’exploitation des données administratives pour l’analyse des migrations, avec une source de données particulièrement pertinente dans un contexte où l’exploitation des données administratives est appelée à s’accroître dans de nombreux pays et régions. Loin des clichés, l’analyse des comportements résidentiels des 55-64 ans permet d’affirmer que la sédentarité reste le statut privilégié à la retraite, mais aussi que le risque de migrer n’est pas homogène en Wallonie : des taux d’émigration faibles sont observés dans des territoires qui posséderaient un ancrage fort alors que des taux plus élevés sont constatés au coeur des agglomérations.

Pour la première fois depuis vingt ans, le recours aux données belges des émigrants intra-communaux permet enfin de connaître la réelle ampleur du phénomène de migration à l’âge de la retraite. Une partie importante (plus de 40 %) des émigrants à l’âge de la retraite était en effet soustraite des analyses précédentes. Si l’intensité des migrations entre 55 et 64 ans reste faible et constitue un minimum sur la courbe des taux de migration selon l’âge, l’importance des migrations intra-communales dans le quartier ou la commune peut être interprétée comme des migrations d’adaptation aux âges de la retraite en gardant un cadre de vie semblable. L’ampleur du phénomène de migration de retraite est presque doublée et le concept de risque ou d’intensité d’émigrer doit être abordé en distinguant la destination, hors du quartier ou hors de la commune.

Appliqués ici à la Wallonie et sur des données récentes incluant les émigrants intra-communaux, les résultats de nos analyses nuancent les conclusions des précédentes études sur les migrations de retraite en Belgique (Sanderson, 2013 ; Sanderson et collab. 2013). D’une part, le constat de l’existence d’un attrait pour les communes touristiques wallonnes et pour la côte belge tiré par Sanderson (2013) sur les données de migrations inter-communales 2001-2006 doit être revu. Quand on se penche sur la Wallonie seule en excluant Bruxelles et la Flandre et sur une période plus récente, ces flux migratoires sont faibles. D’autre part, « une migration de retraite entre 50 et 74 ans privilégiant les petites villes et les communes à vocation touristique » observée au niveau belge (Sanderson et collab. 2013 : 174) n’est pas non plus la réalité rencontrée en Wallonie après les années 2010, surtout quand on inclut les migrations intra-communales. Dans les grandes villes, plus de 50 % des émigrants effectuent un changement de domicile dans la même commune. Si les petites villes semblent privilégiées par les changements de résidence des habitants des communes rurales, les grandes villes restent attrayantes pour les urbains eux-mêmes.

Une application de nos analyses est d’établir le lien avec les politiques publiques. La sédentarité ou la migration de retraite est-elle en adéquation avec les politiques de maintien à domicile qui devraient intervenir aux âges plus élevés ? La part importante de sédentaires observée pour la tranche d’âge des 55-64 ans, voire la diminution de la mobilité pour les personnes au-delà de 65 ans au cours de ces 20 dernières années, ainsi que l’importance des migrations intra-communales, surtout dans les villes, qui pourraient être considérées comme des migrations d’ajustement et d’anticipation de l’arrivée des problèmes liés à la vieillesse sont des éléments favorables. Il est plus facile d’implanter une politique de maintien à domicile en milieu urbain qu’en milieu rural : le peu de migrations vers les communes touristiques de Wallonie est donc un élément plus favorable au maintien à domicile. Il faudrait toutefois étudier si des migrations en provenance des autres régions du pays ne viennent pas gommer ce constat. Par contre, les indicateurs élevés de sédentarité observés dans certaines régions rurales pourraient rendre plus difficile la mise en place de politiques de maintien à domicile efficaces. En effet, les distances à parcourir par le personnel d’aide et de soins à domicile sont un frein à la mise en place de celles-ci.

Cette première analyse cherchait à mieux connaître la sédentarité et le risque d’émigrer de la classe d’âge autour de la retraite ; ce n’est qu’un premier pas pour la compréhension de la sédentarité des aînés en Wallonie. L’inclusion dans la recherche des migrations intra-communales ouvre de nouvelles perspectives de compréhension de la sédentarité et des destinations des émigrants. Il faudra, avec les nouvelles données, notamment celles du recensement de 2021, caractériser au niveau individuel la sédentarité des 55-64 ans en lien avec leur statut socio-professionnel. Les données actuelles permettront également d’ouvrir la porte à une description fine du parcours résidentiel des âges au-delà de 65 ans.

Analyser la sédentarité ou la mobilité au niveau d’un quartier, d’une commune ou d’un pays en faisant abstraction des tailles différentes de ces entités crée un biais important. Cet effet de non-homogénéité des découpages administratifs par rapport notamment au tissu urbanisé a toujours été un écueil dans de nombreuses études et notamment dans l’étude de la sédentarité ou des migrations. Pour éviter ce phénomène, l’exploitation des nouvelles données sur les migrations intra-communales et de celles du RN géolocalisées dans un avenir proche nous promet de belles perspectives d’analyse pour l’approfondissement de l’étude des migrations en Belgique.