Abstracts
Résumé
Dans ce texte, nous brossons un portrait de la surqualification professionnelle au Canada en traitant de sa fréquence et de ses répercussions sur la rémunération des travailleurs. La surqualification des travailleurs est une question largement étudiée dans la littérature, ce qui témoigne bien de l’importance du phénomène autant pour les décideurs des politiques publiques que pour les individus. Les données de l’Enquête nationale auprès des ménages (ENM) de 2011 indiquent que le pourcentage de travailleurs canadiens qui étaient surqualifiés dans leur emploi était de 26 % en 2011, soit presque le même taux enregistré en 2006. Ce taux varie significativement selon le niveau d’études (40 % chez les titulaires d’un baccalauréat, 18,3 % pour les diplômés d’études secondaires) et le domaine d’études (49 % en histoire, 27 % en bibliothéconomie). Au chapitre des revenus, les travailleurs surqualifiés gagnent moins que leurs collègues qui ont le même niveau de scolarité, mais qui occupent un poste qui correspond à cette scolarité. Toutefois, par rapport aux travailleurs qui possèdent le niveau d’études habituellement requis, les plus scolarisés (c’est-à-dire ceux qui sont surqualifiés) gagnent plus.
Mots-clés :
- Éducation,
- niveau de compétence,
- surqualification,
- rémunération,
- Canada
Abstract
In this article we describe the main features of professional over-qualification in Canada, its scale and frequency and its impacts on workers’ remuneration. Over-qualification of workers is a subject that has been widely discussed in the literature, which shows its significance as a phenomenon both for policy makers and for individuals. Data from the National Household Survey (NHS) of 2011 show that the percentage of workers in Canada who were over-qualified for their job was 26 % in 2011, almost the same rate as recorded in 2006. This overall rate varies significantly depending on the level of education (40 % among those with a bachelor’s degree, and 18.3 % among those with a secondary school diploma) and on the area of study (49 % for history and 27 % for library science). In terms of incomes, over-qualified workers earn less than colleagues who have the same level of education but with jobs corresponding to their educational qualification level. At the same time, compared with workers who have the level of educational qualification normally required for their jobs, those with higher levels (in other words those who are over-qualified) earn more.
Article body
INTRODUCTION
Dans une économie de plus en plus axée sur le savoir et où les politiques publiques encouragent l’accès à l’éducation du plus grand nombre possible de jeunes, tout en attirant des immigrants des plus qualifiés, il est normal de constater une croissance continue du niveau de scolarité de la population. Au Canada, la proportion de la population de 15 ans et plus qui possède un diplôme collégial ou universitaire [1] est passée de 18,8 % en 1981 à 32,9 % en 2001, puis à 45,5 % en 2016[2].
Si on en connaît beaucoup sur l’offre de travail qualifié et sur son évolution, on en sait relativement peu sur la demande d’emploi, notamment sur le plan des niveaux de compétences requis par les emplois actuels et futurs. Le Canada et ses provinces accordent beaucoup de ressources à l’éducation, mais pour que cet investissement soit rentabilisé dans le cadre de l’emploi, le profil des diplômés doit s’arrimer de façon continue avec les besoins évolutifs du marché du travail. L’adéquation entre le système d’éducation et les besoins du marché du travail est donc un des enjeux des politiques publiques.
On doit donc effectuer un examen continu des indicateurs de l’insertion professionnelle pour jauger dans quelle mesure les ressources accordées à l’éducation par l’ensemble de la société sont rentabilisées dans le marché du travail. La surqualification, c’est-à-dire l’écart entre le niveau de scolarité des travailleurs et celui normalement requis par leur emploi, est un des indicateurs les plus importants à étudier. Uppal et LaRochelle-Côté (2014) ont trouvé qu’au Canada, en 2012, 31 % des diplômés universitaires de 25 à 64 ans exerçaient des fonctions pour lesquelles ils étaient surqualifiés.
Naturellement, la surqualification aurait un coût sur les plans collectif et individuel, puisqu’elle correspond à une sous-utilisation du capital humain disponible et productif qui pourrait entraîner des pertes de revenu pour les travailleurs et susciter le mécontentement de ces derniers.
Cet article a pour objectif de dresser un portrait de la surqualification au Canada en traitant de sa fréquence et de ses répercussions sur les travailleurs qui possèdent un diplôme collégial ou universitaire. Il s’agit également de proposer des pistes concrètes qui sont à même d’atténuer la fréquence de la surqualification et de permettre à l’économie du Canada de tirer le meilleur parti de son capital humain.
Notre recherche, de nature empirique, fait appel aux microdonnées du recensement de 2006 et de l’Enquête nationale auprès des ménages (ENM) de 2011[3].
Cet article comprend quatre sections. Dans la section 1, nous faisons un survol de la littérature existante en lien avec notre sujet. La section 2 présente la méthodologie retenue pour mesurer la surqualification et ses conséquences sur la rémunération. Les résultats obtenus à partir des données du recensement et de l’ENM sont exposés dans la section 3. Enfin, la section 4 présente une discussion et des recommandations de politiques élaborées à la lumière des résultats obtenus.
1. LA SURQUALIFICATION : MESURE, FACTEURS DÉTERMINANTS ET RÉPERCUSSIONS
1.1 Défis de la mesure de la surqualification
L’absence d’un cadre méthodologique consensuel pour mesurer la surqualification pose un défi important au moment de comparer les indicateurs portant sur ce phénomène. L’étude de la surqualification montre en effet que son importance varie en fonction de l’indicateur utilisé par les chercheurs (International Labor Office, 2014 ; Dolton et Silles, 2008). La terminologie employée et l’angle abordé varient également. En ce sens, Green et Zhu (2010) établissent une distinction entre la surqualification formelle et informelle (ou réelle), c’est-à-dire entre les qualifications propres à l’obtention d’un diplôme dans le premier cas et celles qui sont liées à l’insatisfaction en emploi dans l’autre. Selon ces auteurs, la surqualification formelle a contribué pour beaucoup à l’augmentation de la surqualification des travailleurs britanniques — hommes et femmes — entre 1992 et 2006.
Jensen et collab. (2010) soulignent la distinction qui existe entre les termes « overeducation » — qui renvoie strictement au nombre d’années d’études — et « overqualification ». Selon eux, ce dernier concept est plus général que le précédent, car il comprend des caractéristiques telles que celles acquises dans l’environnement ou dans l’entreprise où un individu travaille et qui peuvent se substituer au niveau de scolarité de cet individu.
L’étude effectuée par l’International Labor Office (2014) aborde également l’adéquation verticale et l’adéquation horizontale. La première renvoie à des qualifications ou à un niveau d’éducation qui ne répondent pas aux exigences du marché du travail, alors que la seconde a plutôt trait à un type ou à un domaine d’études qui ne correspond pas à ce qui est requis.
L’étude de Chevalier (2003) montre l’hétérogénéité des diplômés et sépare donc les travailleurs apparemment surqualifiés de ceux qui le sont réellement. Les premiers ont des compétences inobservables comparables à celles des travailleurs qui ont un même niveau d’études et qui sont « tout à fait » qualifiés pour leur emploi, tandis que les seconds auraient des compétences moins grandes en lien avec leur emploi. Pour ces derniers, cela se traduit par une plus forte perte de salaire qui est de l’ordre de 22 à 26 %, contre 5 à 10 % pour ceux qui sont apparemment surqualifiés. L’auteur conclut que la surqualification est due à un manque de compétences des diplômés. Par contre, la plupart des diplômés semblent satisfaits de leur emploi, même s’ils font un travail pour lequel un niveau d’études inférieur suffirait.
1.2 Déterminants et conséquences de la surqualification
D’un point de vue pratique, la surqualification est inefficace à plusieurs égards, puisqu’elle signale que la situation est sous-optimale du point de vue des travailleurs. Sur le plan personnel, elle risque de devenir une source de frustration, car elle est souvent associée à un salaire moins élevé et à une utilisation moindre des compétences acquises à l’école (Robst, 2007 ; McGuinness, 2006 ; Cohn et Khan, 1995). Sur le plan organisationnel, la surqualification augmente le roulement du personnel (Sicherman, 1991 ; Wald, 2005), ce qui n’est pas sans engendrer des coûts pour les entreprises pour l’embauche et la formation de nouveaux employés. Wald (2005) a démontré, de façon empirique, que les travailleurs surqualifiés sont des chercheurs d’emploi plus actifs, ce qui correspond à la théorie de l’appariement. De plus, les possibilités d’une faible motivation pourraient amener les travailleurs surqualifiés à développer des comportements contreproductifs qui pénaliseraient l’organisation (Luksyte et collab. 2001). Par ailleurs, Hersch (1995) constate que les travailleurs surqualifiés reçoivent moins de formation et sont plus susceptibles de quitter leur emploi.
De leur côté, Dekker et collab. (2002) trouvent que le processus de recherche dans lequel s’engagent les travailleurs surqualifiés a un impact positif sur leur mobilité ascendante et qu’ainsi, la surqualification est souvent un phénomène temporaire. Quant aux emplois occupés par des travailleurs surqualifiés, Battu et collab. (2000) concluent que leur qualité ne converge pas vers celle des emplois occupés par des travailleurs adéquatement qualifiés, contrairement à l’idée selon laquelle les entreprises ajustent les tâches en fonction des compétences de leurs employés. De son côté, Hersch (1995) soutient que les travailleurs surqualifiés constituent un réservoir de candidats à une promotion. D’autres études ont aussi découvert que la surqualification a pour effet de réduire la satisfaction à l’égard de l’emploi et de pousser les travailleurs à quitter leur poste, et que cet effet s’intensifie à mesure que la surqualification prend de l’ampleur. Par ailleurs, puisqu’on sait que la surqualification a un impact négatif sur les salaires, on peut également supposer que les organisations tirent un certain avantage de l’embauche de travailleurs surqualifiés, puisqu’elles bénéficient d’une plus grande expertise sans en payer le plein prix et sans devoir investir dans la formation. Toutefois, ces organisations devront composer avec les coûts associés aux risques accrus de démotivation et de roulement du personnel. D’ailleurs, selon l’OCDE (2011), la sélection et l’embauche d’un nouvel employé engendrent des coûts qui sont beaucoup trop élevés pour les employeurs si ces derniers manquent d’information au sujet de ses compétences. De plus, Card et collab. (2012) trouvent que le niveau de satisfaction des travailleurs envers leur emploi peut diminuer s’ils apprennent que leur salaire est inférieur au salaire médian du groupe de travailleurs dont ils font partie.
D’un point de vue théorique, McGuinness (2006) indique que la surqualification, due au fait que les entreprises n’ajustent pas toujours le niveau de compétences requis par les emplois en fonction des compétences disponibles dans la force de travail, remet en question une des présomptions principales de la théorie du capital humain. En effet, celle-ci postule que les entreprises adapteront leurs processus de production de manière à utiliser pleinement les compétences disponibles dans le marché du travail. Selon le même auteur, ce postulat est tiré des multiples affirmations de Gary Becker sur la théorie du capital humain, selon laquelle les travailleurs touchent toujours un salaire égal à leur productivité marginale qui, à son tour, reflète leur niveau de capital humain. Dans cette optique, la surqualification, qui fait en sorte que les compétences de la main-d’oeuvre sont sous-utilisées et que les travailleurs sont payés en deçà de leur niveau de productivité marginale, ne peut aller de pair avec la théorie du capital humain, sauf si elle est de courte durée et représente alors une période d’adaptation transitoire. Cependant, toujours en se fondant sur la théorie du capital humain, Chiswick et Miller (2009) soulignent que ce capital existe sous plusieurs formes ; il y a notamment la scolarité formelle, l’expérience professionnelle et les compétences acquises par la formation en cours d’emploi. Dans ce cas, certains travailleurs choisissent de « sacrifier » une partie de leur scolarité en acceptant des postes pour lesquels ils sont surqualifiés, en vue d’acquérir une expérience professionnelle qui leur permettra d’améliorer par la suite leur employabilité. Sicherman (1991) appuie cette idée d’arbitrage que font les travailleurs entre la scolarité et les autres formes de capital humain.
Chiswick et Miller (2009) proposent d’autres théories pour expliquer la surqualification, dont la théorie de la recherche et de l’appariement. Selon celle-ci, la surqualification est due à un problème d’information imparfaite sur le marché du travail qui se pose aux nouveaux arrivants, mais ce problème se corrige par un processus de recherche ou d’ajustement au fil du temps. La surqualification ne serait donc qu’un phénomène temporaire dont il ne faut pas se soucier. L’étude de Frei et Sousa-Poza (2012) appuie ce résultat en se fondant sur des données suisses, mais certains facteurs peuvent faire durer la surqualification, voire la rendre permanente. C’est ce type de surqualification qui est problématique, puisqu’il entraîne une perte cumulée de salaire et de productivité qui pourrait être considérable, en plus de l’obsolescence des compétences qui y est associée (Chen et Fougère, 2014).
Hersch (1995) suggère que les travailleurs se trouvent en situation de surqualification en raison des coûts rattachés à la recherche et à la mobilité, et des possibilités restreintes de promotion. De son côté, McGuinness (2006) propose la théorie de la compétition pour l’emploi, selon laquelle les entreprises ne peuvent pas ajuster leurs processus de production aussi facilement que le prétend la théorie du capital humain, car la demande de travail présenterait certaines rigidités. Dans les circonstances, les individus sont en concurrence les uns avec les autres pour obtenir un poste. Cela fait en sorte que plus les travailleurs dans une économie sont scolarisés, plus il devient impératif pour ceux-ci d’investir dans leur scolarité pour se démarquer des autres. Quant au salaire, il ne serait pas lié à l’individu, mais plutôt aux caractéristiques de l’emploi occupé. Cette deuxième théorie ne reflète que partiellement les résultats empiriques qui révèlent que le salaire varie également en fonction des caractéristiques des travailleurs. Pour terminer, McGuinness (2006) souligne aussi que la littérature sur les modèles d’allocation se situe à mi-chemin entre la théorie du capital humain et celle de la compétition pour l’emploi en accordant un certain poids aux caractéristiques des individus et à celles des emplois pour expliquer les revenus. L’étude de Dolton et Vignoles (2000) renforce cette perspective grâce à des données sur les diplômés du Royaume-Uni.
Sur le plan empirique, LaRochelle-Côté et Hango (2016) concluent que les diplômés universitaires canadiens qui sont surqualifiés dans leur emploi avaient des compétences plus faibles en littératie et en numératie[4] comparativement aux diplômés qui occupent un emploi exigeant des études universitaires. Ainsi, les travailleurs surqualifiés présentent des lacunes sur le plan de l’intégration de l’information provenant de diverses sources et ne seraient en mesure d’accomplir que des tâches d’une complexité limitée.
Selon Quintini (2011), la disparité des compétences entre les individus qui possèdent le même niveau de qualification contribue pour beaucoup à l’inadéquation éducation-emploi. L’aptitude des travailleurs, le degré de pertinence entre le domaine d’études et le poste occupé ainsi que l’interruption de la carrière professionnelle sont des facteurs potentiels qui peuvent nuire aux compétences individuelles. L’origine sociodémographique des travailleurs est une autre explication possible. Par exemple, les immigrants et les nouveaux arrivants sur le marché de l’emploi sont plus susceptibles d’être surqualifiés, alors que la sous-qualification est plus courante chez les travailleurs expérimentés (OCDE, 2011).
Le domaine d’études constitue un autre facteur important de la surqualification, comme le montrent plusieurs travaux empiriques (Boudarbat et Chernoff, 2012 ; Robst, 2007 ; Wolbers, 2003). Selon ces études, les domaines à vocation professionnelle (en anglais, « occupation-specific programs ») — la santé et l’éducation, par exemple — affichent des taux de correspondance emploi-études beaucoup plus élevés que les domaines à vocation générale comme les sciences humaines.
Si l’on poursuit la réflexion, en comparant les niveaux d’études postsecondaires, Liu et collab. (2012) ont remarqué que ce sont les nouveaux titulaires d’un baccalauréat qui sont les moins susceptibles de trouver un emploi lié à leur domaine d’études, tandis que ceux qui ont suivi des études plus poussées sont les plus susceptibles de se retrouver en situation de surqualification.
Le genre est aussi un facteur déterminant de la surqualification. L’International Labor Office (2014) constate qu’en Europe, par exemple, la surqualification touche davantage les femmes et les jeunes travailleurs. À l’inverse, les hommes sont plus souvent sous-qualifiés. Ce rapport souligne également que le travail à temps partiel augmente la probabilité de surqualification, les choix qu’offre ce mode d’emploi étant plus limités. De plus, les auteurs du rapport soulignent qu’une situation de crise économique peut aggraver le problème que pose la surqualification. En effet, lors de la reprise qui suit une période de chômage conjoncturel, beaucoup de secteurs souffrent de l’inadéquation entre les offres d’emploi et les compétences des travailleurs.
2. MÉTHODOLOGIE
2.1 Mesure du degré d’adéquation éducation-emploi
Traditionnellement, il existe trois manières de mesurer le degré d’adéquation entre le niveau d’études d’un travailleur et le poste qu’il occupe (Hartog, 2000 ; Verhaest et Omey, 2006). Une quatrième approche, plus récente mais moins utilisée, a été proposée par Jensen et collab. (2010).
L’approche subjective repose sur la comparaison que fait le travailleur lui-même entre sa scolarité et les exigences de son poste. Cette auto-évaluation peut être directe ou indirecte. L’approche directe consiste à demander au répondant s’il s’estime surqualifié, sous-qualifié ou qualifié pour les fonctions qu’il occupe[5]. On pourrait également lui demander de préciser son degré de surqualification ou de sous-qualification. Dans l’approche indirecte, on demande au répondant de préciser le niveau d’études qui est normalement exigé pour occuper son poste. Ensuite, on établit le niveau d’adéquation emploi-études en comparant le niveau d’études exigé pour le poste (tel que rapporté par le répondant) avec le niveau d’études du répondant. La question posée au répondant présente diverses particularités. Par exemple, on pourrait lui demander quel niveau d’études était requis (par l’employeur) pour l’obtention du poste occupé ou quel est effectivement le niveau d’études nécessaire pour s’acquitter efficacement des tâches qui y sont reliées. Les estimations de la fréquence de la surqualification obtenues à partir des approches subjectives peuvent être sujettes à des biais. Par exemple, Chiswick et Miller (2009) soulignent que les individus ont tendance à surestimer le niveau d’études requis pour leur emploi et ne connaissent pas bien les conditions d’embauche. De plus, des travailleurs placés dans une même situation peuvent fournir des réponses différentes. Par ailleurs, le répondant pourrait confondre le niveau d’études exigé à l’embauche et celui qui est nécessaire pour accomplir les tâches liées au poste. En fait, les employeurs pourraient ajuster à la hausse les conditions d’embauche et les adapter en tenant compte de l’augmentation du niveau d’instruction de la population active, même si les emplois eux-mêmes ne changent pas (Hartog, 2000).
L’approche des concordances réalisées (RM ou « Realized Matches »), aussi appelée approche statistique ou empirique, détermine le niveau d’études requis à partir des concordances (appariements) réalisées, c’est-à-dire le binôme travailleur-poste. Dans ce cadre, le mode (du niveau d’études) et la moyenne (des années de scolarité) par profession sont les statistiques spécifiquement utilisées. Les travailleurs situés à plus d’un écart-type au-dessus de la moyenne des années de scolarité dans leur profession sont considérés comme surqualifiés. Cette règle change dans certaines études, qui se limitent parfois à un demi-écart-type. La classification est la même pour ceux qui ont un niveau d’études supérieur à la valeur modale lorsque cette statistique est utilisée (pour une application empirique, voir Chiswick et Miller, 2009 et Boulet, 2013). Cette approche statistique exige des précisions en ce qui a trait à la profession et un nombre suffisamment grand d’observations dans l’échantillon par profession.
L’approche objective de l’analyse des professions détermine les compétences nécessaires pour assumer les tâches reliées à un poste. Elle est mise en oeuvre par des experts qui utilisent une classification établie de différentes catégories professionnelles croisant leurs caractéristiques, telles que la description des tâches, le domaine d’études et le secteur d’activité, pour déterminer le niveau et le type (général ou professionnel) d’études requis. Tout comme les précédentes, cette méthode présente des limites. Par exemple, l’évaluation des compétences requises pourrait simplement refléter les caractéristiques des travailleurs présentement en emploi plutôt que celles qui sont jugées « nécessaires » pour accomplir les tâches requises (Chiswick et Miller, 2009). Par ailleurs, l’approche objective exige un travail méticuleux et systématique, ce qui est très coûteux à réaliser sur une grande échelle. Ceci explique le délai avant la mise à jour de l’analyse des professions et le peu de différences entre les analyses successives. L’approche objective devient alors peu fiable pour saisir les changements dans la structure de l’emploi (Hartog, 2000).
Une quatrième approche, l’approche des revenus, a été adoptée entre autres par Jensen et collab. (2010). Cette nouvelle approche mesure la surqualification en établissant un rapport entre le revenu actuel d’un travailleur et son revenu potentiel compte tenu de ses qualifications. Les auteurs de cette approche critiquent les trois mesures susmentionnées. Par exemple, l’approche objective présente l’inconvénient d’être simplificatrice en réduisant l’information sur la scolarité requise pour l’emploi à seulement quelques catégories agrégées de diplômes, ce qui fait perdre beaucoup d’informations. Par ailleurs, les auteurs distinguent la surqualification de la « sur-éducation », cette dernière reposant sur la « simple » comparaison entre le niveau de scolarité du travailleur et celui requis pour occuper son poste. La surqualification serait un concept plus général puisque, en plus de l’éducation, elle tient compte des compétences individuelles utilisées dans le cadre d’un emploi et acquises par l’expérience et la formation en cours d’emploi.
Bref, chaque approche comporte son lot de critiques, mais, dans bien des cas, le chercheur n’a d’autre choix que d’utiliser les méthodes que les données disponibles lui permettent d’exploiter (Hartog, 2000). Toutefois, Hartog (2000) fait valoir que l’approche objective demeure conceptuellement supérieure aux autres.
Verhaest et Omey (2006) se sont attachés à comparer les différentes mesures susmentionnées en tenant compte de leur impact (magnitude et niveau de signification) sur la satisfaction au travail, la mobilité, la participation à la formation et les salaires. Ces auteurs font également référence à des études empiriques pour chacune de ces mesures. Pour ce qui est de l’impact de la surqualification sur les salaires, les conclusions des auteurs résistent à la méthode de mesure utilisée.
Puisque nous faisons appel aux données du recensement et de l’ENM de 2011, c’est — naturellement — l’approche dite « objective » qui est la plus recommandée. Cette approche repose sur les niveaux de compétences que la Classification nationale des professions (CNP) associe à chaque poste recensé (appelé « profession »). Le recensement et l’ENM ne collectent aucune information sur l’évaluation que font les travailleurs de leur situation par rapport à la surqualification. Par conséquent, il est impossible d’utiliser l’approche subjective. Quant à l’approche statistique, qui s’appuie sur le niveau de scolarité le plus fréquent dans chaque poste existant, elle est applicable, compte tenu de la taille des échantillons disponibles dans les bases de données du recensement et de l’ENM. Toutefois, nous avons décidé de ne pas l’utiliser, afin de ne pas alourdir le texte et de nous concentrer sur les résultats de l’analyse objective[6].
Sur le plan pratique, nous avons adopté une approche similaire à celle de Boudarbat et Montmarquette (2013). Dans un premier temps, nous considérons la correspondance établie par la CNP entre tous les postes possibles et les quatre niveaux de compétence indiqués dans le tableau 1. Par exemple, un poste associé au niveau de compétence D ne requiert habituellement qu’une formation en cours d’emploi. En principe, ce poste n’exige aucun diplôme. Quand le niveau de compétence indiqué est A, cela signifie qu’en règle générale, un travailleur doit avoir un diplôme universitaire pour l’occuper.
Ensuite, nous avons comparé le plus haut diplôme obtenu par chaque travailleur avec le niveau de compétence associé à son poste. Cette comparaison correspond à l’une des situations indiquées dans le tableau 2. Au total, nous dénombrons sept cas possibles allant de la sous-qualification de trois niveaux (un travailleur sans diplôme qui occupe un poste de niveau A) à la surqualification de trois niveaux (un travailleur ayant un diplôme universitaire qui occupe un poste de niveau D). Signalons que selon cette classification — qui tient compte uniquement du niveau de scolarité —, un travailleur sans diplôme ne peut pas être surqualifié pour son poste. De même, un travailleur qui a un diplôme universitaire ne peut pas être sous-qualifié. Enfin, à l’instar de Boudarbat et Montmarquette (2013), nous avons placé le certificat universitaire dans la même catégorie que le diplôme d’une école de métiers et le diplôme d’études collégiales. Ce choix semble plus logique que l’autre option, qui consisterait à regrouper le certificat universitaire et un diplôme universitaire. Cette dernière option entraînerait sans doute une surestimation du taux de surqualification chez les détenteurs d’un certificat universitaire, puisque les postes de niveau A ne leur sont pas facilement accessibles et exigent normalement au moins un baccalauréat.
Dans la présentation de nos résultats, nous mettrons l’accent sur la surqualification, une situation qui se produit quand le travailleur détient un diplôme qui dépasse ce qui est normalement requis pour occuper son poste. Le taux de surqualification correspond au nombre de travailleurs surqualifiés dans leur poste (sans égard au niveau de la surqualification) exprimé en pourcentage de tous les travailleurs.
Il est important de mentionner que l’utilisation de la CNP pour déterminer le niveau de qualification d’un travailleur par rapport à son emploi présente certaines limites qui ne sont pas sans affecter les taux de surqualification. Par exemple, le niveau de compétence « A — Professionnels et gestionnaires » regroupe tous les postes qui requièrent un diplôme universitaire (baccalauréat et plus), ce qui ne permet pas de distinguer ceux qui exigent un baccalauréat de ceux qui exigent un diplôme de deuxième cycle ou encore de troisième cycle. Par conséquent, un travailleur qui a un doctorat et qui occupe un emploi exigeant un baccalauréat est considéré comme qualifié, alors que, dans la réalité, il est surqualifié. Le taux de surqualification serait donc sous-estimé chez les diplômés des études supérieures. Le même problème se pose pour les diplômés du niveau collégial qui occupent un poste exigeant une formation dans une école de métiers.
2.2 Conséquences de la surqualification sur la rémunération
Dans la littérature, on trouve deux modèles pour mesurer l’impact de la surqualification et de la sous-qualification sur les salaires (Verhaest et Omey, 2006). Le premier (Équation 1) le fait du point de vue de l’individu, tandis que le deuxième (Équation 2) le fait du point de vue de l’entreprise :
Dans ces équations y, est le log du salaire, EDUC est le plus haut niveau de scolarité, SURQ indique le niveau (l’ampleur) de la surqualification et SOUQ désigne le niveau de sous-qualification. est le niveau d’éducation requis pour l’emploi et X est un vecteur de caractéristiques individuelles et professionnelles susceptibles d’influer sur le salaire. Enfin, ε est un terme d’erreur aléatoire.
Dans la littérature, le deuxième modèle est communément connu sous l’acronyme ORU, pour over-, required-, under-education.
Théoriquement, les variables, EDUC, EREQ SURQ et SOUQ doivent être mesurées en années de scolarité. Dans le cas présent, cette donnée n’est pas disponible. De plus, l’information sur le niveau d’études complété et sur le niveau de compétence requis pour l’emploi se limite à quelques catégories seulement. Par conséquent, les variables précitées sont présentées sous forme de catégories.
L’interprétation des résultats n’est pas la même pour les deux modèles. Le premier compare les travailleurs surqualifiés et sous-qualifiés avec les travailleurs qui ont le même niveau de scolarité et qui sont qualifiés pour leur emploi. Dans ce modèle, les travailleurs qualifiés, surqualifiés et sous-qualifiés ont le même niveau de scolarité, mais occupent des emplois pour lesquels les niveaux de compétence diffèrent. En principe, le coefficient de SURQ devrait être négatif : à niveau de scolarité égal, un travailleur surqualifié devrait gagner moins qu’un travailleur qualifié, puisque son emploi est de niveau inférieur sur le plan des compétences.
Le deuxième modèle compare les travailleurs surqualifiés et sous-qualifiés avec les travailleurs qualifiés pour un emploi qui fait appel au même niveau de compétence. Ici, les trois groupes de travailleurs occupent des postes de même niveau de compétence, mais ont des niveaux de scolarité différents : les travailleurs surqualifiés sont plus scolarisés que les travailleurs qualifiés, et ces derniers le sont plus que les travailleurs sous-qualifiés. Ce modèle permet de vérifier si le « surplus » de scolarité des travailleurs surqualifiés leur procure un avantage sur le plan salarial. Si ce n’est pas le cas, ils seront rémunérés comme les travailleurs qualifiés, et leur « surplus » de scolarité sera une perte sèche de capital humain.
Nous avons estimé les deux modèles à l’aide de la méthode des moindres carrés ordinaires (MCO) pour analyser la situation en 2005 et 2010. Les résultats sont rapportés dans les tableaux 5 et 6. Il convient de signaler que le recensement et l’ENM de 2011 ne fournissent pas d’information directe sur le tarif horaire, ce qui constitue une limite. Les informations disponibles se rapportent à l’année précédant celle du recensement (c’est-à-dire 2005 pour le recensement de 2006) et celle de l’ENM de 2011 (c’est-à-dire 2010) ; elles ont trait au revenu d’emploi total et au nombre de semaines travaillées, et nous indiquent si ces emplois étaient essentiellement à temps plein ou à temps partiel. Pour faire des comparaisons plus justes entre les groupes étudiés, il est important de neutraliser le plus possible les différences au chapitre de l’intensité du travail, c’est-à-dire les heures travaillées. Malheureusement, nous ne disposons pas de données sur le nombre d’heures travaillées pour gagner le revenu annuel rapporté. À l’instar de Boudarbat et collab. (2010) et de plusieurs autres études, nous avons pris en compte le salaire hebdomadaire moyen des travailleurs qui avaient travaillé surtout à plein temps pendant les semaines rapportées pour l’année de référence (2010 dans le cas présent), et ce, indépendamment du nombre de semaines travaillées[8].
Parmi les variables susceptibles d’influer sur le salaire (vecteur dans les équations 1 et 2), nous avons retenu l’âge, le sexe, le statut d’immigrant, l’appartenance à une minorité visible, le secteur d’activité, la région métropolitaine de travail (RMR), l’état matrimonial et la province de travail.
3. RÉSULTATS
3.1 Fréquence de la surqualification professionnelle
Tous les résultats présentés dans cette section ont été obtenus à partir des fichiers du recensement de 2006 et de l’ENM de 2011 et se rapportent aux travailleurs âgés de 15 à 64 ans.
En 2011, le taux de surqualification des travailleurs était de 25,7 %, soit presque le même taux enregistré cinq ans auparavant (25,5 %). Les taux de surqualification selon le plus haut diplôme obtenu (tableau 3) suggèrent que les titulaires d’un baccalauréat présentent celui le plus élevé en 2011 et qu’il est stable dans le temps (environ 40 %). Ces résultats concordent avec les études réalisées précédemment sur la surqualification au Canada, notamment celle de Liu et collab. (2012), qui trouve que, de tous les titulaires d’un diplôme d’études postsecondaires, ce sont les bacheliers qui étaient les moins susceptibles de trouver un emploi relié à leur domaine d’études.
La surqualification est également très importante chez les diplômés des écoles de métiers et des collèges, bien qu’elle soit en baisse durant la période étudiée. Les diplômés en médecine, en art dentaire, en médecine vétérinaire ou en optométrie et les titulaires d’un doctorat sont ceux qui sont les moins exposés à la surqualification au travail.
Enfin, de manière générale, les taux de surqualification sont à la hausse chez les titulaires d’un diplôme universitaire.
Le tableau 4 présente le taux de surqualification par domaine d’études chez les diplômés des niveaux collégial et universitaire. On y voit que les domaines « Arts libéraux et sciences, études générales, lettres et sciences humaines (55,8 %), « Histoire » (49 %), « Sciences sociales » (47,5 %), « Langue et littérature, lettres anglaises » (46,9 %), « Études multidisciplinaires, interdisciplinaires » (46,4 %), « Études régionales, ethniques et culturelles et études comparatives selon le sexe » (45,9 %) sont les six domaines qui présentaient les taux de surqualification les plus élevés en 2011.
Les domaines « Éducation » (23,8 %), « Droit, professions connexes et étude du droit » (23,6 %), « Métiers de la construction » (23,3 %), « Technologue, technicien en génie » (22 %), « Programmes de résidence en médecine, en médecine dentaire et en médecine vétérinaire » (12,7 %) sont ceux qui affichent les taux de surqualification les moins élevés en 2011.
Par rapport à 2006, le taux de surqualification a baissé, bien que légèrement, pour la plupart des domaines. Le domaine « Programmes de résidence en médecine, en médecine dentaire et en médecine vétérinaire » fait exception : ses diplômés ont vu leur taux de surqualification augmenter de 3,3 points de pourcentage. Ceci pourrait s’expliquer par la présence croissante de médecins formés à l’étranger pour qui il est difficile de pratiquer au Canada.
Les résultats du tableau 4 sont confirmés par les études publiées sur la surqualification (par exemple, Corominas et collab. 2010) et montrent que les domaines des arts et des sciences humaines affichent généralement les taux de surqualification les plus élevés, alors que les taux les plus faibles sont attribués aux domaines des sciences de la nature et de la médecine. Boudarbat et Chernoff (2012) ont eux aussi découvert que les domaines qui se concentrent sur l’enseignement de compétences liées à des professions spécifiques (tels que les sciences de la santé et l’éducation) sont associés à la plus forte probabilité d’obtenir un emploi correspondant à ses études. À l’opposé, les domaines à vocation générale offrent des perspectives moindres en termes de correspondance emploi-études. D’autres études sont arrivées à la même conclusion (voir, par exemple, Robst, 2007 et Wolbers, 2003) : les diplômés des programmes rattachés à des professions spécifiques affichent un degré beaucoup plus élevé de correspondance emploi-études que ceux des programmes à orientation plus générale. Cela s’explique par le fait que les diplômés du premier groupe ont acquis des compétences destinées au marché de l’emploi.
3.2 Conséquences de la surqualification sur la rémunération
Le tableau 5 présente les résultats de la première régression (Équation 1, section 3.2). On observe que l’impact de la surqualification sur les salaires augmente quand celle-ci prend de l’ampleur. Ainsi, ce sont les travailleurs qui sont très surqualifiés (c’est-à-dire de niveau 3[9]) qui sont les plus désavantagés sur le plan salarial par rapport à leurs collègues qui ont le même niveau de scolarité, mais qui occupent un poste qui correspond à cette scolarité. De plus, la comparaison des coefficients entre 2005 et 2010 montre que chez les travailleurs canadiens, la pénalité associée à la surqualification de un niveau et de deux niveaux a augmenté au fil du temps. Quant aux travailleurs qualifiés, on note un effet positif de la scolarité sur leurs salaires, comme le montrent les coefficients relatifs aux diplômes qui augmentent avec le niveau d’études. Les rendements de l’éducation sont globalement comparables en 2005 et 2010.
Les travailleurs sous-qualifiés retirent des avantages positifs importants au chapitre de la « promotion » vers des emplois de niveau supérieur à ce que leur scolarité leur permet d’obtenir habituellement. Ces avantages ont légèrement augmenté entre 2005 et 2010 pour les travailleurs sous-qualifiés de un niveau et de deux niveaux. Toutefois, il est intéressant de constater que les avantages que procure la sous-qualification (et donc, la formation en cours d’emploi et l’expérience de travail) sont nettement moins élevés que ceux que génère la scolarité. Par exemple, pour un travailleur sans diplôme, l’accès à un poste qui exige un diplôme d’études secondaires (sous-qualification d’un niveau) est associé à une augmentation salariale de 14,5 % en moyenne[10]. Or, si ce travailleur investit dans un diplôme d’études secondaires et obtient un emploi qui correspond à ses qualifications, son salaire augmentera en moyenne de 20,6 %. De la même manière, le titulaire d’un diplôme d’études collégiales gagnerait 26,1 % de plus s’il continuait au baccalauréat et décrochait un emploi qui exige ce diplôme. En comparaison, l’augmentation que lui procurent la formation et l’expérience de travail qui permettent d’accéder à un emploi exigeant un diplôme universitaire (sous-qualification de 1 niveau) n’est que de 14,5 %.
Bref, même si le milieu de travail permet aux travailleurs d’accumuler du capital humain en cours d’emploi et de progresser dans leur carrière, les avantages que ces travailleurs reçoivent grâce à leurs nouvelles compétences sont moindres que ce qu’ils auraient pu recevoir par le biais de la scolarité. Ceci concorde avec la théorie du capital humain selon laquelle, dans bien des cas, la formation en cours d’emploi est un investissement partagé entre l’employé et l’employeur. Ce dernier étant mis à contribution au chapitre des coûts qu’entraîne cette formation, il est normal qu’il obtienne en échange une partie des avantages que celle-ci génère.
Le tableau 6 présente les estimations de l’impact de la surqualification et de la sous-qualification du point de vue des entreprises (Équation 2, section 3.2). Rappelons que ce modèle sert à comparer les travailleurs surqualifiés et sous-qualifiés avec les travailleurs qualifiés dans un emploi qui exige un même niveau de compétence. En effet, les travailleurs des trois groupes (qualifiés, surqualifiés et sous-qualifiés) exercent des emplois de même niveau de compétence, mais ont des niveaux de scolarité différents. Il est donc possible de vérifier si ces différences sur le plan de la scolarité affectent la rémunération quand le niveau de compétence associé à un emploi est le même.
Les résultats montrent qu’il existe une relation positive et significative entre le niveau de compétence et les revenus, ce qui n’est pas surprenant. Nous constatons aussi que les gestionnaires sont en moyenne mieux rémunérés que les professionnels, même si, dans les deux cas, les emplois sont de niveau A.
Ce tableau met aussi en évidence le fait que la sous-qualification a un effet négatif sur les salaires et que cet effet augmente avec l’ampleur de la sous-qualification. À l’opposé, les coefficients associés à la surqualification sont positifs et croissants avec le degré de celle-ci. Ces résultats suggèrent que pour un même type d’emploi, et donc, à compétence égale, la rémunération augmente avec le niveau de scolarité. En effet, par rapport aux travailleurs qui possèdent le niveau d’études habituellement requis, les moins scolarisés (c’est-à-dire ceux qui sont sous-qualifiés) gagnent en moyenne moins, et les plus scolarisés (c’est-à-dire ceux qui sont surqualifiés) gagnent plus.
Ces résultats nous permettent de tirer deux conclusions. La première, c’est que, même en étant surqualifiés, les travailleurs tirent des avantages de leur « surplus » de scolarité. En effet, pour un même poste, les travailleurs surqualifiés de 1 niveau gagnent en moyenne 6,1 % [11] de plus que les travailleurs dont les compétences sont parfaitement arrimées aux exigences du poste. Cet avantage relatif est de 11 % pour les travailleurs surqualifiés de 2 niveaux, soit un 5 % additionnel pour le deuxième niveau de surqualification. Les travailleurs surqualifiés de 3 niveaux, eux, affichent un écart salarial de 13 % par rapport à leurs collègues qui occupent un même type d’emploi, toutes choses étant égales par ailleurs, soit à peine 2 % de plus comparativement aux travailleurs surqualifiés de 2 niveaux.
La deuxième conclusion a trait au désavantage croissant que présente le « manque » de scolarité, c’est-à-dire la sous-qualification. Même s’ils parviennent à décrocher des postes pour lesquels leur scolarité ne les qualifie pas, les travailleurs sous-qualifiés n’obtiennent pas la même rémunération que leurs collègues qui ont le niveau d’études requis. Par exemple, les travailleurs qui sont à un niveau d’études en dessous de ce qui est habituellement exigé pour occuper un poste (sous-qualification de 1 niveau) gagnent en moyenne 9,4 % de moins que ceux qui ont exactement le niveau exigé et qui occupent le même type de poste. Cet écart est de 26,3 % pour les travailleurs qui sont sous-qualifiés de deux niveaux et de 37,2 % pour ceux qui le sont de trois niveaux. Encore une fois, ceci suggère que la scolarité procure plus d’avantages que le capital humain acquis par la formation ou l’expérience de travail. Toutefois, rappelons que la promotion dans le cadre de l’emploi demeure payante pour les travailleurs puisque, à scolarité égale, les travailleurs sous-qualifiés gagnent plus que les travailleurs qualifiés (tableau 5).
En somme, on peut conclure qu’il est plus payant pour un employeur d’investir dans la formation d’un travailleur sous-qualifié que de recruter un travailleur qui possède le niveau d’études recherché. Pour le travailleur, les études sont plus rentables que la formation en cours d’emploi.
Enfin, les résultats des deux régressions[12] mettent en évidence d’autres faits qui ont été largement documentés dans la littérature : il existe un écart salarial négatif important entre les immigrants et les non-immigrants, entre les membres des minorités visibles et les non-membres, et entre les femmes et les hommes.
4. DISCUSSION ET CONCLUSIONS
La surqualification des travailleurs est une question largement étudiée dans la littérature économique, ce qui témoigne bien de l’importance empirique du phénomène. L’inquiétude des décideurs en matière de politiques publiques et la préoccupation des chercheurs à l’égard de la surqualification résultent du fait que cette dernière ne permet pas à la société de rentabiliser pleinement ses investissements substantiels dans le système éducatif. En effet, parmi les facteurs déterminants de la surqualification, il y a l’inadéquation quantitative et qualitative entre l’offre d’une main-d’oeuvre qualifiée grâce au système d’éducation et la demande émanant du marché du travail. Cela sous-entend que la société investit de manière inefficace dans l’éducation de ses membres – de sorte que, pour certains niveaux de qualification, le monde de l’enseignement forme plus de diplômés qu’il n’en faut — ou encore, que les diplômés n’ont pas les compétences qu’exige le marché du travail. Cette absence d’arrimage entre l’offre et la demande de compétences engendre la surqualification. Sur le plan microéconomique, la fréquence de la surqualification varie selon plusieurs facteurs liés au travailleur, à sa scolarité et à son emploi. Parmi ces facteurs, notons surtout le domaine d’études.
Nos analyses multivariées sur la rémunération indiquent que les travailleurs surqualifiés gagnent, en moyenne, plus que leurs collègues qui ne sont pas surqualifiés et qui occupent le même poste, mais moins que ceux qui ont le même niveau d’études et qui occupent des emplois pour lesquels ils sont adéquatement qualifiés. On en déduit que la surqualification entraîne une perte de productivité, mais que cette perte n’est que partielle. En effet, les travailleurs surqualifiés — de même que leurs employeurs — tirent des avantages de ce « surplus » de scolarité. Toutefois, il est évident que l’économie gagnerait en productivité si on améliorait l’adéquation entre les qualifications des travailleurs et les conditions d’embauche. En fait, les efforts de tous les acteurs concernés devraient converger vers l’atteinte de cet objectif. Mais, un arrimage idéal entre l’offre et la demande de qualifications est-il possible ? Quels sont les obstacles et quelles politiques doit-on mettre en place pour y parvenir ?
À notre avis, l’élaboration d’un plan d’action pour contrer le problème de la surqualification doit tenir compte de certains faits importants et respecter un certain nombre de principes.
Il serait vain de penser qu’on puisse éliminer la surqualification. D’une part, le marché du travail est compétitif, voire exigeant, de sorte que certains travailleurs n’ont pas nécessairement toutes les compétences requises pour occuper les emplois disponibles, même s’ils ont le diplôme recherché. En effet, parmi les finissants d’un même programme, certains ont plus de mal que d’autres à trouver un emploi convenable, le diplôme n’étant pas le seul critère de recrutement des entreprises.
L’éducation doit demeurer une priorité dans l’élaboration des programmes gouvernementaux, compte tenu des nets avantages socioéconomiques qu’elle procure aux individus et à la société dans son ensemble. La surqualification ne devrait en aucun cas amener la société à refuser l’éducation à certains de ses membres. De toute évidence, les sociétés qui investissent massivement dans l’éducation affichent naturellement un taux de surqualification élevé.
Le système d’éducation devrait être suffisamment souple pour s’aligner le plus possible sur les besoins évolutifs du marché du travail, tout en laissant aux jeunes la liberté de choisir la formation qui leur convient. Les jeunes doivent toutefois être suffisamment outillés pour faire des choix éclairés. Voilà pourquoi l’information sur le marché du travail ainsi que les services d’orientation et de placement devraient être offerts au plus grand nombre.
Les employeurs devraient continuer d’investir dans la formation en cours d’emploi, afin de mieux répondre à leurs propres besoins et aux besoins des travailleurs. Ils devraient aussi favoriser l’avancement de ces derniers dans leur cheminement de carrière.
Les politiques à même d’atténuer le phénomène de la surqualification reposent sur les déterminants de ce phénomène. Par exemple, si on suppose que la surqualification est causée par une offre de travail qui dépasse la demande exprimée par les employeurs, la solution consistera à ramener le marché des compétences à l’équilibre. Le salaire jouera un rôle très important dans ce cas. En principe, le salaire traduit la valeur qu’accordent les employeurs aux qualifications des travailleurs. Il permet par ailleurs aux travailleurs d’évaluer les avantages qu’ils obtiendront s’ils investissent dans leurs études. Si le niveau du salaire est déterminé par les mécanismes du marché, il enverra aux jeunes des signaux sur les qualifications qui sont en forte demande et sur celles qui ne le sont pas, et leur indiquera celles qui sont rentables et celles qui ne le sont pas. Si les jeunes captent bien ces signaux, ils devraient en toute logique adapter leur projet d’études en conséquence. Ils devraient également orienter leur choix vers les qualifications les plus payantes et qui offrent les meilleures perspectives d’emploi. Tout cela suppose que les jeunes sont libres de leur choix et que le système d’éducation est assez souple pour les satisfaire[13]. Or, dans la réalité, les domaines d’études porteurs d’emplois et qui offrent les meilleures chances de correspondance emploi-études (santé, éducation et sciences, par exemple) sont souvent contingentés, ce qui force les jeunes que cela intéresse à opter pour des domaines qui sont de véritables foyers de surqualification. Par ailleurs, les décisions que prennent certains jeunes ne concordent pas toujours avec la situation sur le marché du travail. Il n’est donc pas surprenant que, pour des raisons personnelles, des jeunes optent pour des formations qui comportent des risques de chômage et de surqualification. Ces choix personnels peuvent expliquer qu’une partie des travailleurs surqualifiés se déclarent néanmoins satisfaits de leur emploi.
Aussi, dans la réalité, l’offre et la demande ne sont pas statiques. La demande est largement tributaire de la croissance économique et de l’innovation technologique. C’est dire que les éléments dont disposent les autorités gouvernementales pour influer sur la demande de compétences ne sont pas banals.
La surqualification peut aussi être due à un problème d’information. S’il est bien renseigné sur les conditions dans le marché du travail, le futur travailleur dont l’objectif est d’occuper un emploi qui correspond à son niveau de scolarité sera en mesure d’adapter son choix de scolarité en conséquence. Par conséquent, il est important que la bonne information soit transmise aux étudiants au moment où ils font leur choix de carrière, voire avant. Cette information doit être adéquate et exhaustive, afin que le choix soit optimal. Nous réitérons ici les recommandations de Carey (2014), qui a appelé à l’amélioration de l’information dans le marché du travail au Canada et au renforcement de la capacité du système d’enseignement et de formation et du système d’immigration de réagir aux attentes du marché du travail. Ainsi, il est important de disposer d’un système de données fiable, exhaustif et mis à jour régulièrement sur le marché de l’emploi. Il est aussi essentiel de faire en sorte que ce système anticipe mieux les besoins futurs du marché sur le plan des compétences et transmette ces informations de manière adéquate aux acteurs du monde de l’enseignement et aux jeunes. Ces derniers seraient alors suffisamment outillés pour faire des choix éclairés. Le rôle des services d’assistance et d’orientation est très important pour aider les jeunes à faire ces choix. En général, les établissements d’enseignement offrent des services d’orientation scolaire et professionnelle à leurs étudiants. Ces services doivent être dotés des ressources humaines et matérielles nécessaires pour bénéficier au plus grand nombre de jeunes et pour les orienter adéquatement.
Par ailleurs, le rôle des agences de placement comme intermédiaires entre l’offre et la demande de main-d’oeuvre devra être renforcé et élargi au plus grand nombre possible de diplômés. Les employeurs pourront participer à cet effort en fournissant l’information complète sur les postes vacants, ce qui facilitera la tâche des services de placement. Ces derniers devraient également être outillés pour informer adéquatement les chercheurs d’emploi et les assister dans leurs démarches.
Notons également que certains travailleurs se trouvent en situation de surqualification en raison de leur faible mobilité géographique. Ce manque de mobilité s’expliquerait par des préférences géographiques telles que ces travailleurs préfèrent occuper un emploi pour lequel ils sont surqualifiés mais qui se trouve dans la région de leur choix, plutôt que d’accepter un emploi qui correspond mieux à leurs qualifications mais qui se trouve dans une autre région. Les coûts élevés liés à la mobilité et le manque d’information sur les possibilités d’emploi à l’extérieur des grands centres font également partie des facteurs qui réduisent la mobilité des travailleurs.
Même si notre étude ne s’est pas penchée directement sur cette question, nous pensons qu’encourager la mobilité des travailleurs pourrait contribuer à atténuer la pénurie de main-d’oeuvre qualifiée dans certaines régions et, du coup, améliorer la correspondance entre les études et les postes occupés par les travailleurs. Cette mobilité favoriserait aussi l’intégration des immigrants qui sont concentrés dans les grands centres urbains.
D’autre part, l’intégration des immigrants dans le marché du travail se fait très difficilement, même s’ils sont souvent hautement qualifiés. La littérature scientifique est unanime à l’effet que les immigrants sont nettement plus exposés à la surqualification professionnelle que le reste des travailleurs. Les immigrants constituent un grand potentiel en matière de production, mais ce dernier est largement sous-utilisé à cause d’un faible taux d’emploi et de conditions de travail qui ne correspondent pas à leurs compétences. Le gouvernement et les employeurs du Canada devront s’attacher davantage à promouvoir la pleine participation des immigrants et des minorités visibles dans le marché du travail. En particulier, les employeurs devraient s’ouvrir davantage à cette population. Si ces travailleurs jouissaient d’une pleine insertion professionnelle et réussissaient à obtenir des emplois qui conviennent à la fois à leurs capacités et à leurs aspirations, tout le monde y gagnerait.
Enfin, certains travailleurs parviennent à occuper des postes pour lesquels ils ne possèdent pas la scolarité nécessaire. Ces travailleurs ont pu acquérir dans leur milieu du travail des compétences précieuses qui leur ont permis de combler leur manque de scolarité et de répondre aux exigences pour occuper des emplois de niveau plus élevé. Par ailleurs, certaines compétences importantes pour le marché du travail sont acquises dans le milieu de travail, c’est-à-dire en dehors de l’école. La formation en cours d’emploi permet à des travailleurs de combler le déficit qu’ils accusent sur le plan des compétences, de manière à répondre aux exigences des employeurs. C’est dire toute l’importance du rôle que jouent les entreprises dans le développement des compétences et l’ascension professionnelle des travailleurs canadiens.
L’importance de la formation en cours d’emploi n’est pas à démontrer. En plus de permettre aux travailleurs d’adapter leur profil aux exigences des postes et d’enrichir leurs compétences, elle leur permet d’améliorer leur employabilité et leur revenu, et d’obtenir de l’avancement. De leur côté, les entreprises voient la productivité et le taux de rétention de leurs employés augmenter. De plus, elles profitent d’une partie des avantages financiers que procure la formation. Voilà pourquoi la formation et le développement des compétences en cours d’emploi doivent être encouragés et soutenus.
Toutefois, les entreprises devraient faire en sorte que la rémunération des travailleurs formés et expérimentés reflète la vraie valeur des nouvelles compétences acquises par ceux-ci. Une telle marque de reconnaissance encouragera les travailleurs à valoriser la formation en cours d’emploi et à favoriser les formations qui ont un impact significatif sur leur carrière et sur leur organisation.
Bref, la surqualification semble faire partie du marché du travail, et il serait utopique de croire qu’on pourrait l’éliminer. La société doit toutefois veiller à ce qu’elle demeure à des niveaux raisonnables.
Appendices
Remerciements
Les commentaires et suggestions de deux évaluateurs ont contribué à l’amélioration de ce texte. Nous les remercions sans les impliquer dans les erreurs et omissions que pourrait contenir cet article. Les auteurs remercient également la Commission des partenaires du marché du travail (CPMT) pour le financement de cette étude dans le cadre du Programme de subvention à la recherche appliquée. Les analyses contenues dans ce texte ont été réalisées au Centre interuniversitaire québécois de statistiques sociales (CIQSS), membre du Réseau canadien des centres de données de recherche (RCCDR). Les activités du CIQSS sont rendues possibles grâce à l’appui financier du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI), de Statistique Canada, du Fonds de recherche du Québec — Société et culture (FRQSC), du Fonds de recherche du Québec — Santé (FRQS) ainsi que de l’ensemble des universités québécoises qui participent à leur financement. Les idées exprimées dans ce texte sont celles des auteurs et non celles des partenaires financiers.
Notes
-
[1]
Y compris le certificat universitaire, dont l’échelon est inférieur au baccalauréat.
-
[2]
Données des recensements de 1981, 2001 et 2016 sur le site de Statistique Canada.
-
[3]
Au moment de la réalisation de cette étude, les données du recensement de 2016 n’étaient pas encore disponibles.
-
[4]
La littératie désigne la capacité d’une personne à comprendre et à utiliser des textes écrits sur papier et en format électronique. Quant à la numératie, elle réfère à sa capacité à évaluer, à utiliser et à communiquer des concepts numériques et mathématiques (LaRochelle-Côté et Hango, 2016).
-
[5]
Dans certains cas, la question porte plutôt sur la nature du lien (étroit, faible ou inexistant) entre l’emploi et les études complétées (voir, par exemple, Boudarbat et Chernoff, 2012 et Yuen, 2010).
-
[6]
Comme indiqué dans le paragraphe précédent, l’étude de Verhaest et Omey (2006) est arrivée à la conclusion que l’évaluation de la relation entre la surqualification et les salaires était la même peu importe la méthode de mesure utilisée.
-
[7]
Auparavant, aucun niveau de compétence n’était associé aux professions en gestion. C’est pourquoi plusieurs travaux existants ont exclu ces professions de leur champ d’études (par exemple, Gagnon, 2008 et Uppal et LaRochelle-Côté, 2014). Dans la Classification nationale des professions de 2011, il a été décidé d’intégrer ces professions dans le niveau de compétence A, en raison du fait qu’elles se situent au sommet de la hiérarchie organisationnelle des lieux de travail et des entreprises.
-
[8]
Le salaire hebdomadaire moyen est calculé en divisant le salaire annuel par le nombre de semaines travaillées en 2010.
-
[9]
Il s’agit ici de travailleurs qui possèdent un diplôme universitaire (baccalauréat ou plus) et qui occupent un poste qui n’exige aucune formation.
-
[10]
Le rapport estimé de la rémunération moyenne des travailleurs sous-qualifiés d’un niveau et la rémunération moyenne des travailleurs qualifiés ayant le même niveau d’études est de 1,145, soit l’exponentielle de 0,135.
-
[11]
Soit : Exponentielle (0,059) – 1.
-
[12]
Des données longitudinales seraient utiles pour étudier la dynamique de la rémunération salariale, mais présenteraient d’autres types de défis économétriques sachant que la situation de surqualification pourrait être temporaire pour certains travailleurs. Ce qui est remarquable, par ailleurs, c’est de noter la constance des résultats entre 2005 et 2010.
-
[13]
Cela suppose que les jeunes qui le souhaitent doivent aussi avoir la possibilité de faire des études dans des domaines qui n’offrent pas nécessairement de bonnes perspectives d’emploi.
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