Abstracts
Résumé
Dans cet article, nous nous intéressons aux migrations internationales étudiantes ghanéennes et sénégalaises. L’utilisation de données d’enquêtes quantitatives sociodémographiques rétrospectives, collectées dans le cadre du projet Migrations entre l’Afrique et l’Europe (MAFE), nous permet de comparer les caractéristiques sociodémographiques et les profils scolaires, professionnels et migratoires des étudiants du supérieur, nationaux et internationaux. Les typologies des parcours nous indiquent que les étudiants du supérieur ne constituent pas un groupe homogène et que les étudiants internationaux sont composés de deux groupes aux parcours distincts. L’analyse biographique en temps discret permet de montrer que les individus qui accèdent à l’éducation supérieure, au Ghana comme au Sénégal, sont fortement sélectionnés selon le genre et le niveau d’éducation du père. Si les déterminants de l’accès à l’éducation supérieure à l’étranger sont différents pour les Ghanéens et les Sénégalais, ils ont en commun d’être liés à certaines caractéristiques socioculturelles et familiales des individus.
Abstract
The aim of this study is to explore the characteristics and determinants of international student migration from Ghana and Senegal. This article relies on new longitudinal data collected as part of the Migration between Africa and Europe project (MAFE). The use of this dataset allows us to compare the sociodemographic characteristics of national and international tertiary students. We first construct a typology of studies, professional and migration trajectories which shows that tertiary students are not a homogeneous group, and that international students are composed of two groups with distinct careers and outcomes. Our analyses also show that the main individual and familial determinants of access to higher education are gender and the educational level of the father. Even though some of the determinants of access to higher education abroad are not the same for Ghanaians and Senegalese, they are related to specific socio-cultural and family characteristics for both populations.
Article body
Introduction
Les migrations internationales étudiantes ont connu une croissance rapide ces vingt dernières années. Le nombre de personnes poursuivant des études à l’étranger est ainsi passé de 1,64 million en 1999 à 2,45 millions en 2004, soit une augmentation d’environ 50 % (Bashir, 2007). Durant cette période, le nombre d’étudiants en provenance d’Afrique subsaharienne a augmenté de 77,8 % pour représenter, en 2004, 160 000 individus, soit 7 % du total des étudiants internationaux. La majorité d’entre eux poursuivaient leurs études dans un pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), d’abord en France (26,1 %), puis aux États-Unis (21,2 %) et enfin au Royaume-Uni (14,8 %) et en Allemagne (6,8 %) (Institut de statistique de l’UNESCO [ISU], 2006b, cité également par Bashir, 2007).
La littérature sur les mobilités étudiantes s’est essentiellement centrée sur les facteurs qui influencent la décision de poursuivre des études supérieures à l’étranger ainsi que le choix du pays de destination et de l’institution d’éducation supérieure à destination. Très peu d’informations sont disponibles dans les études sur les caractéristiques individuelles et familiales de la population étudiante. De plus, à notre connaissance, celles-ci ne collectent des informations qu’auprès des individus ayant déjà migré pour étudier, d’où un important biais de sélection. Ces études sont basées surtout sur des données d’enquêtes transversales ne permettant pas d’examiner les trajectoires individuelles migratoires, scolaires et professionnelles des étudiants. Dans cet article, l’utilisation de données d’enquêtes quantitatives sociodémographiques rétrospectives, collectées dans le cadre du projet Migrations entre l’Afrique et l’Europe (MAFE) dans les pays d’origine et de destination, nous permettra de dépasser certaines des limites que nous venons d’évoquer[1].
Trois questions principales sont abordées dans cet article : en quoi se distinguent les étudiants internationaux ghanéens et sénégalais des autres étudiants qui restent dans leur pays d’origine en termes de parcours scolaires, professionnels et migratoires ? En quoi se distinguent-ils en termes de caractéristiques sociodémographiques ? Quels sont les déterminants individuels et familiaux de l’accès à l’enseignement supérieur dans leur pays d’origine et à l’étranger ? Pour y répondre, nous utilisons les données biographiques des enquêtes MAFE-Sénégal et MAFE-Ghana menées entre 2008 et 2010 auprès de migrants de retour et de non-migrants à Dakar, Accra et Kumasi, ainsi que parmi les migrants ghanéens et sénégalais en Europe (France, Italie et Espagne pour les Sénégalais et Royaume-Uni et Pays-Bas pour les Ghanéens).
Le choix de ces deux pays est motivé par plusieurs raisons. En premier lieu, les étudiants de l’Afrique subsaharienne constituent le groupe des étudiants les plus mobiles au monde, avec un individu sur seize étudiant à l’étranger (ISU, 2006a et ISU, 2006b : 39). Ensuite, le Ghana et le Sénégal ont présenté, dans la dernière décennie, une augmentation importante de leurs flux d’individus ayant migré pour des raisons d’études. Enfin, nous disposons de données originales nous permettant de comparer ces deux populations étudiantes.
La première partie de l’article présente une revue de la littérature sur les migrations internationales étudiantes ainsi que quelques éléments de contexte. Les sources de données mobilisées et la méthodologie sont ensuite explicitées, puis sont exposés les résultats des analyses descriptives nous permettant d’identifier les caractéristiques sociodémographiques des étudiants nationaux et internationaux ghanéens et sénégalais. L’analyse des séquences est également mobilisée pour décrire les trajectoires scolaires, professionnelles et migratoires de différents groupes de notre échantillon (étudiants/non étudiants, étudiants nationaux/internationaux). Enfin le recours à l’analyse biographique en temps discret nous permet d’identifier les principaux déterminants de l’accès à l’enseignement supérieur au Ghana, au Sénégal et à l’étranger.
Revue de littérature
La plupart des recherches quantitatives portant sur les migrations internationales étudiantes d’Afrique subsaharienne sont basées sur les données produites par les principaux pays de destination sur les effectifs d’étudiants étrangers inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur. Ces statistiques sont compilées dans la base de données de l’ISU sur l’éducation supérieure. Dans un travail récent, Kritz (2011) fournit un panorama de ces migrations dressé à travers l’exploitation de cette base. Elle relève les principales conclusions suivantes : une proportion croissante d’étudiants internationaux en raison de l’incapacité des établissements d’enseignement supérieur africains à répondre à une demande d’éducation en constante augmentation ; une grande disparité entre pays avec des taux de mobilité étudiante à l’étranger plus élevés pour les pays peu peuplés, alors que dans les pays plus peuplés ce taux est fortement lié à l’offre locale d’enseignement supérieur.
Les études quantitatives sur les migrations étudiantes ont principalement porté sur les déterminants structurels de la décision de poursuivre des études à l’étranger, dans une perspective de construire un modèle d’attraction-répulsion (push-pull). Lee et Tan (1984) relèvent ainsi le rôle primordial de la demande d’éducation supérieure dans les pays d’origine. Argarwal et Winkler (1985) suggèrent que les principaux déterminants de ce type de migration sont : le revenu par habitant dans le pays d’origine, l’offre et le coût de l’éducation dans le pays d’origine ainsi que les bénéfices espérés des études à l’étranger. McMahon (1992) teste son modèle d’attraction-répulsion en analysant les flux migratoires d’étudiants internationaux en provenance de 18 pays en développement vers des pays plus développés. Il trouve une corrélation négative entre le niveau de développement économique dans les pays d’origine et le volume d’étudiants du supérieur émigrés ainsi qu’une corrélation positive avec le degré de participation du pays à l’économie mondiale.
Pour Davis (1995), les principaux facteurs qui attirent les étudiants vers un autre pays et qui orientent la direction des flux migratoires sont : des conditions favorables à la recherche, un meilleur contexte socioéconomique et la possibilité de vivre une expérience multiculturelle. Plus récemment, Bessey (2010) s’est focalisée sur les migrations étudiantes en Allemagne, en testant les prédictions de l’équation de gravité. Elle démontre que les pays avec une population plus nombreuse tendent à envoyer plus d’étudiants, que de longues distances à parcourir signifient moins de migrations et que les pays où le système politique est coercitif envoient moins d’étudiants à l’étranger. Selon ses résultats, le Produit intérieur brut (PIB) par habitant dans le pays d’origine ne semble pas avoir d’effet sur les migrations étudiantes en Allemagne, contrairement aux partenariats interuniversitaires.
Dans un document de recherche élaboré pour l’Institut international de planification de l’éducation (IIEP) de l’UNESCO, Varghese (2008) résume de manière essentiellement théorique les résultats des études sur les facteurs qui influencent le choix du pays de destination pour des fins d’études. Selon lui, ce choix n’est plus influencé ces dernières années par l’existence d’anciens liens coloniaux ou de « patronages politiques » comme par le passé, mais plutôt par des facteurs liés aux principes du marché, les étudiants internationaux payant de plus en plus leurs études avec leurs propres ressources. Les facteurs suivants sont prépondérants selon lui : le coût de l’éducation, l’affinité idéologique, la connaissance de la langue, la supériorité perçue des institutions éducatives, les avantages liés à l’acquisition d’une langue et d’une culture étrangères, les opportunités de travail, la croissance du PIB dans le pays d’origine, la facilité dans l’obtention des visas.
En ce qui concerne les facteurs individuels, Mazzarol et Soutar (2002) ont mené une étude quantitative auprès d’étudiantes asiatiques en Australie pour rechercher les raisons qui expliquent le choix d’une destination particulière. Selon eux, la prise de décision s’effectue en trois étapes : premièrement, l’étudiant doit décider d’étudier à l’étranger plutôt que dans son pays, ensuite, il doit choisir le pays de destination et, finalement, un établissement d’enseignement supérieur. Cette séparation de la décision en étapes pose problème dans la mesure où, par exemple, les facteurs qui influencent la décision d’émigrer pour étudier (première étape) peuvent simultanément déterminer le choix du pays de destination (deuxième étape). Toutefois, elle permet de réaliser à quel point le modèle d’attraction-répulsion de la mobilité des étudiants est complexe, car il intègre à la fois les déterminants de la décision d’émigrer et de poursuivre en général des études. En ce qui concerne la décision d’étudier à l’étranger, elle serait selon eux principalement déterminée par : la connaissance du pays de destination (facilité d’obtenir des informations, connaissance préalable et réputation de l’enseignement supérieur dans le pays de destination et reconnaissance des qualifications obtenues à l’étranger dans le pays d’origine) ; les recommandations de parents et amis ; les coûts du choix d’étudier à l’étranger (en considérant aussi le coût social) ; la proximité géographique ; les réseaux sociaux (présence de parents et/ou amis qui vivent/étudient ou qui ont vécu/ont étudié dans le pays de destination). Sur l’importance des réseaux, la recherche effectuée par Borgogno et Vollenweider-Andresen (1998) sur les étudiants étrangers en France a montré qu’une grande partie des étudiants interrogés (74 %) ont déclaré avoir de la famille en France avant leur arrivée. Selon Maringe et Carter (2007), le choix de la destination pour les étudiants africains dépend encore largement des anciens liens coloniaux qui impliquent une proximité linguistique et des liens commerciaux plus étroits se traduisant souvent par l’offre de bourses d’études.
Tous les travaux cités supposent que les facteurs qui poussent les étudiants à migrer sont liés aux pays d’origine, tandis que les facteurs d’attractions sont exclusivement une prérogative des pays de destination. Sur cet aspect, Zheng (2003) observe que l’actuel modèle d’attraction-répulsion est trop lié à la dimension éducative, politique et économique, en oubliant presque totalement le rôle des facteurs sociaux et culturels. Selon lui, les facteurs de répulsion ne sont pas uniquement l’apanage des pays d’origine, alors que les pays de destination n’ont pas seulement un pouvoir d’attraction. À titre d’exemple, les facteurs d’attraction relevant du pays d’origine concerneraient la volonté de ne pas laisser la famille et les amis ou la qualité et la croissante internationalisation du secteur éducatif. Les facteurs négatifs connectés aux pays de destination renverraient à l’incertitude d’obtenir les visas et les documents nécessaires, la discrimination pour des raisons politiques ou religieuses envers les étrangers, les coûts sociaux et économiques de vivre loin de sa propre famille, etc.
En lien avec ces observations, Li et Bray (2007) proposent l’élaboration d’un modèle d’attraction-répulsion qu’ils qualifient de bidirectionnel, où les motivations sont catégorisées en quatre groupes : scolaires, sociales, culturelles et politiques. Les deux chercheurs soulignent la nécessité de tenir compte de variables de niveau micro qu’ils appellent « forces internes » (statut socioéconomique, capacités scolaires, motivations personnelles, etc.) pour expliquer pourquoi différents groupes d’étudiants n’ont pas les mêmes comportements face aux mêmes facteurs d’attraction-répulsion. Ils arrivent à la conclusion que les flux migratoires étudiants sont extrêmement hétérogènes et que, parmi les groupes enquêtés, certains émigrent parce qu’ils ne peuvent s’inscrire dans les institutions de leur pays d’origine (excès de demande) et d’autres pour avoir accès à une éducation de meilleure qualité. Leur recherche montre que les variables déterminantes dans le choix du pays de destination et de l’institution d’enseignement supérieur sont soit liées à l’éducation (qualité, ressources, cursus et programmes, degré d’internationalisation), soit d’ordre économique (accès à des bourses d’études, employabilité après l’obtention du diplôme, etc.). Malgré les prémisses de leur travail, peu d’information est disponible sur les caractéristiques individuelles et le statut socioéconomique des répondants.
Les études recensées ne collectent des données qu’auprès des individus ayant déjà migré pour étudier, d’où un important biais de sélection. La recherche conduite par Zheng (2003), en analysant les intentions migratoires, ne nous informe pas sur la réalisation de cette intention. D’autres études ont également porté sur les intentions, telle celle de Bodycott (2009) qui a interrogé de « potentiels » étudiants internationaux pour déterminer l’impact des agences de recrutement sur les préférences des étudiants et de leurs parents, en analysant aussi l’influence que ces derniers exercent sur les préférences individuelles des jeunes bacheliers. Toutefois, la sélection de l’échantillon est faite parmi des étudiants qui sont en train de visiter avec leurs parents des salons d’exposition de promotion d’universités à l’étranger. Il s’agit donc de gens ayant déjà décidé d’étudier à l’étranger (ou qui sont sérieusement en train d’y penser).
La littérature sur la migration étudiante fournit également très peu de données sur les caractéristiques individuelles et familiales de la population étudiante. Dans un rapport de recherche sur les étudiants étrangers en France, Borgogno et Vollenweider-Adresen (1997) présentent des statistiques descriptives sur les caractéristiques individuelles (genre, niveau et discipline d’étude), les origines sociales (profession du père, niveau de formation du père et de la mère) et les différences dans la durée du séjour en France selon l’origine sociale. En se focalisant sur les étudiants maghrébins, ils trouvent que les filles sont sous-représentées et que plus les étudiants sont issus d’un milieu social privilégié plus le séjour en France est de courte durée. Le rapport présente également des résultats, basés sur une enquête qualitative, sur les intentions des étudiants étrangers en France de rentrer dans leur pays d’origine. Plusieurs études sur le sujet ont démontré que le fait d’avoir étudié à l’étranger est souvent à l’origine d’une expatriation définitive (Meyer et Brown, 1999 ; Salt, 1997). Selon Coulon et Paivandi (2003), les étudiants étrangers quittent souvent le pays d’origine avec une « stratégie résidentielle ». En réalité, comme le remarquent aussi les deux auteurs, l’inscription universitaire est parfois utilisée comme stratégie pour obtenir plus aisément la possibilité d’émigrer. Néanmoins, certaines personnes choisissent de poursuivre des études à l’étranger pour s’insérer plus facilement sur le marché du travail de leur pays d’origine.
Les différentes études recensées s’intéressent uniquement aux étudiants qui sont déjà à l’étranger, ou bien portent sur les intentions migratoires des étudiants dans leur pays d’origine. Elles ne permettent donc pas de comprendre en quoi les étudiants internationaux sont différents des étudiants qui décident de poursuivre des études supérieures dans leur pays d’origine et pourquoi, sous l’effet des mêmes facteurs, certaines personnes émigrent pour étudier et d’autres pas. La principale raison est certainement le manque d’enquêtes portant sur les étudiants migrants et non migrants. Ensuite, ces études ne fournissent pas de données sur les trajectoires scolaires, professionnelles et migratoires des étudiants, parce qu’elles sont pour la plupart basées sur des données d’enquêtes transversales. L’utilisation, dans cet article, de données quantitatives longitudinales et rétrospectives recueillies dans le cadre du projet MAFE dans les pays d’origine et de destination va nous permettre de combler certaines des lacunes relevées. Nous allons en particulier examiner en quoi les trajectoires des étudiants nationaux et internationaux se distinguent, puis nous nous intéresserons aux déterminants individuels et familiaux de l’accès aux études supérieures dans le pays d’origine et à l’étranger.
Migrations internationales étudiantes et caractéristiques du système d’enseignement supérieur au Ghana et au Sénégal
Selon les données de l’Institut de statistique de l’UNESCO (ISU, 2010) utilisant comme indicateur les « effectifs scolarisés au niveau supérieur », le nombre d’étudiants ghanéens et sénégalais inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur à l’étranger est passé de 4 038 Ghanéens et 5289 Sénégalais inscrits à l’étranger en 1998 à respectivement 7 889 et 11 578 en 2010 (figure 1).
Le taux de mobilité étudiante vers l’étranger calculé par l’ISU, soit le « nombre d’étudiants d’un pays donné inscrits à l’étranger exprimé en pourcentage du nombre total d’étudiants de l’enseignement supérieur du pays d’origine », s’élève au Ghana à 5,4 % et au Sénégal à 12,8 % en 2008 (ISU, 2010).
En plus d’être le premier partenaire commercial du Sénégal et le premier donateur d’aide publique au développement, la France est également son principal partenaire en termes de coopération scientifique. Une centaine de partenariats entre établissements français et sénégalais ainsi qu’une centaine d’accords interuniversitaires sont recensés par l’Ambassade de France, ce qui peut expliquer en partie le fait que la majorité des étudiants sénégalais qui poursuivent leurs études supérieures à l’étranger sont inscrits en France : 3 911 dossiers auraient été déposés en 2008, 4 905 en 2010 et 5 596 en 2011. Selon l’Ambassade de France à Dakar (Ministère des Affaires étrangères, 2012), 1 800 étudiants partent s’inscrire en France dans un établissement d’enseignement supérieur chaque année et 150 bourses sont attribuées en moyenne par an à des étudiants sénégalais. Le nombre d’élèves inscrits dans un établissement franco-sénégalais au Sénégal s’élevait pour 2011-2012 à 6 500.
Le taux brut d’inscription dans l’éducation supérieure (défini par l’ISU comme le « nombre de nouveaux inscrits dans un programme donné, quel que soit leur âge, exprimé en pourcentage de la population ayant l’âge théorique d’entrée dans ces programmes ») est par ailleurs assez faible au Sénégal. En 2009, selon les données de l’ISU, 8 % des jeunes adultes sénégalais étaient inscrits dans une institution d’enseignement supérieur au Sénégal (11 % d’hommes et 6 % de femmes). Selon la fiche réalisée par l’Ambassade de France au Sénégal (MAE, 2012), environ 100 000 étudiants étaient inscrits dans l’enseignement supérieur au Sénégal en 2010-2011. La plupart d’entre eux poursuivent leurs études dans des établissements publics : d’abord l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), la plus ancienne et la plus importante en termes d’effectifs étudiants, puis l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (UGB) ainsi que les trois nouvelles universités publiques qui ont ouvert leurs portes depuis 2007. Des écoles nationales d’enseignement supérieur complètent l’offre publique d’enseignement supérieur au Sénégal. À ces institutions s’ajoutent les établissements privés dont le nombre ne cesse de croître, étant passé de 31 en 2000 à 140 en 2010. Ces établissements accueillent environ 23 % du total des étudiants au Sénégal (30 000 inscrits en 2010-2011). Plusieurs études relèvent la crise que traverse l’UCAD depuis les années 1980, qui se traduit par des effectifs étudiants en surnombre dans les salles de cours et les résidences universitaires, de nombreuses grèves d’étudiants et d’enseignants ainsi qu’un manque de promotion de l’activité scientifique (Banque mondiale, 1992 ; Bollag, 2004).
En ce qui concerne le Ghana, selon la base de données élaborée par Docquier et Marfouk (2006), c’est actuellement le pays de l’Afrique occidentale offrant le plus haut taux de migration qualifiée (46 %)[2]. Nombreux sont les émigrants qualifiés ghanéens à avoir obtenu leur diplôme dans des universités à l’étranger. L’émigration qualifiée et étudiante des Ghanéens commence à se développer avec la crise économique que traverse le pays à partir des années 1970 et elle s’accroît durant les années 1980 en raison de l’effondrement de l’économie et de l’instabilité politique (Anarfi, Awusabo-Asare, Nabila et Nsowah-Nuamah, 2000). Des conflits importants opposent alors les étudiants et le personnel des universités au gouvernement, avec comme impact de fréquentes interruptions du calendrier universitaire qui expliquent l’émigration étudiante et qualifiée massive qui caractérise ces années (Girdwood, 1999). D’abord dirigée vers le Nigéria, la migration ghanéenne commence à s’orienter vers les États-Unis, l’Europe et d’autres pays africains. En 2001, selon les données de l’UNESCO, 1 900 étudiants ghanéens étaient en train d’étudier dans des pays de l’Union Européenne et 4 238 dans d’autres pays de l’OCDE. Les deux principaux pays de destination de ces étudiants sont les États-Unis et le Royaume-Uni, qui se partagent 85 % de la demande d’éducation supérieure ghanéenne (Commission européenne, 2006). Selon des données du British Council (2005), entre 2002 et 2003 le nombre d’étudiants ghanéens au Royaume-Uni a augmenté de 40 %, malgré un taux élevé de refus de visas étudiants aux Ghanéens (ce taux s’élevait à 65,8 % en 2003-2004).
Le système d’enseignement supérieur au Ghana se caractérise aujourd’hui par différents types d’institutions publiques et privées : universités, polytechniques et instituts de formation professionnelle. L’augmentation du nombre d’étudiants inscrits dans les polytechniques et l’émergence, à partir de 2002, de plusieurs centres éducatifs privés expliquent probablement une certaine croissance du nombre d’inscrits enregistrée à partir des années 1990. Malgré cette expansion du secteur éducatif au Ghana, le taux brut d’inscription dans l’éducation supérieure continuait à être très faible en 2009 (9 % dont 11 % d’hommes et 7 % de femmes selon les données de l’ISU, 2010). Les raisons invoquées sont entre autres l’insuffisance de structures d’enseignement supérieur et la carence en personnel qualifié.
Présentation des données
Les enquêtes MAFE
Les données utilisées dans cet article proviennent des enquêtes menées dans le cadre du projet MAFE. L’objectif de ce projet est de produire des données quantitatives permettant de mesurer et d’analyser les tendances et les déterminants des migrations internationales entre certains pays africains et européens. Des enquêtes sociodémographiques ont été menées au Ghana, en République démocratique du Congo et au Sénégal ainsi que dans les principales destinations européennes des migrants de ces pays (Belgique, France, Espagne, Italie, Royaume-Uni, Pays-Bas). Ces enquêtes ont permis de collecter des données rétrospectives longitudinales à travers deux types de questionnaires : ménages et biographiques.
Les enquêtes ménages et biographiques en Afrique ont été menées dans la capitale (dans le cas du Ghana dans les deux grandes villes du pays, Accra et Kumasi). Une méthode d’échantillonnage probabiliste stratifiée a été utilisée (voir encadré ci-dessous). Les ménages ayant déclaré avoir des migrants ont été sur-représentés : 1 143 ménages sénégalais ont été sélectionnés dans la région de Dakar, au sein desquels 1 067 individus ont été interrogés, et 1 248 ménages ghanéens ont été sélectionnés à Accra ou à Kumasi, au sein desquels 1 306 individus ont été interrogés et parmi lesquels 1 243 questionnaires ont été conservés.. Dans les pays européens, 601 Sénégalais ont été interrogés en France, en Espagne ou en Italie et 422 Ghanéens au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas (tableau 2).
Nous utilisons dans cet article les données des enquêtes biographiques menées à Dakar en 2008, à Accra et Kumasi en 2009 et en Europe entre 2008 et 2010 (tableau 2). Trois populations ont été ciblées : les non-migrants et les migrants de retour (soit ceux qui ont vécu dans un pays étranger) interrogés à Dakar et Accra ou Kumasi d’une part, et les migrants actuels (ceux qui vivaient dans l’un des pays européens ciblés au moment de l’enquête) d’autre part. Des données rétrospectives ont été collectées sur une base annuelle à propos de différents aspects de la vie des enquêtés : éducation et emploi, famille, logement, biens, trajectoires migratoires, etc. Nous utilisons ici deux modules spécifiques du questionnaire biographique : celui sur les activités (incluant les périodes d’études) et celui sur l’histoire résidentielle[3].
Trois spécificités des données collectées dans le cadre du projet MAFE nous permettent de comparer les caractéristiques et les trajectoires des étudiants nationaux et internationaux : le fait d’avoir des échantillons transnationaux (enquêtes à l’origine et à destination), le fait d’avoir interrogé les non-migrants en Afrique et le fait d’avoir des données biographiques et rétrospectives.
Éléments de définition
Les étudiants internationaux sont définis dans cet article comme étant des individus n’ayant pas la nationalité du pays où ils ont migré pour poursuivre des études, étant nés au Ghana ou au Sénégal et y résidant avant d’effectuer une migration internationale d’au moins un an pour études de cycle supérieur (la condition étant d’avoir déclaré au moins une année d’études de cycle supérieur à l’étranger). Nous considérons également uniquement les migrations effectuées après l’âge de 17 ans, qui est l’âge minimal pour commencer des études de cycle supérieur au Sénégal et au Ghana[4]. À l’inverse, les étudiants nationaux sont ceux qui ont effectué la totalité de leurs études dans leur pays d’origine. En effet, bien que les enquêtes MAFE n’aient pas spécifiquement porté sur les étudiants, nous disposons de données sur l’activité (travail, études, inactivité) et le lieu de résidence pour chaque individu interrogé, par année de vie depuis sa naissance jusqu’à l’année de l’enquête. En combinant ces données, nous pouvons analyser les trajectoires scolaires, professionnelles et migratoires des étudiants de cycle supérieur, nationaux comme internationaux.
Caractéristiques de l’échantillon
Parmi les 1 668 Sénégalais et les 1 665 Ghanéens de notre échantillon, environ 10 % avaient effectué au moins une année d’études de cycle supérieur, dont 30 % de femmes (voir tableau 3). Près de 12 % de ceux qui avaient atteint le niveau supérieur avaient effectué au moins une partie de ces études à l’étranger (ceux que nous définissons comme étant des étudiants internationaux). Parmi eux, un peu moins de 30 % étaient des femmes. La durée moyenne des études était légèrement supérieure pour les étudiants internationaux (2 années de plus).
En ce qui concerne les diplômés, 39 des 46 étudiants internationaux sénégalais ont déclaré avoir obtenu un diplôme de troisième cycle (dont 10 de doctorat) alors que pour les 8 autres nous ne connaissons pas le niveau de diplôme atteint. Ce sont 54 des 65 étudiants internationaux ghanéens qui ont quant à eux obtenu un diplôme de cycle supérieur[7]. Ces résultats prennent en compte les études même si elles ne sont pas encore terminées au moment de l’enquête.
La plupart des individus ayant effectué des études à l’étranger se trouvaient en France pour les Sénégalais et au Royaume-Uni pour les Ghanéens, ce qui est dû à la sélection de notre échantillon : les migrants au moment de l’enquête n’ont été interrogés que dans les principales destinations européennes[8] et non dans le reste du monde. Rappelons que selon les données de l’UNESCO, la principale destination en Europe des étudiants ghanéens est le Royaume-Uni alors que la France l’est pour les Sénégalais (ISU, 2010 et tableau 1). Ceci montre que les liens culturels, économiques et politiques hérités de la période coloniale continuent à expliquer en grande partie le choix du pays de destination à des fins d’études, surtout pour les Sénégalais. En effet, les États-Unis supplantent le Royaume-Uni comme destination privilégiée des étudiants ghanéens, alors que la France domine largement les autres destinations pour les Sénégalais. Selon les sources du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR, 2011), le nombre d’étudiants sénégalais inscrits dans une institution d’enseignement supérieur en France en 2010-2011 est de 8 316 personnes (représentant 3,8 % du total des étudiants étrangers en France, et la population la plus importante parmi les étudiants d’Afrique subsaharienne)[9]. Ces étudiants, surtout des hommes (37,5 % de femmes), étaient principalement inscrits en sciences, puis en sciences économiques et en lettres et sciences humaines. Par ailleurs, le British Council (2005) indique qu’en 2003-2004, 2 804 visas étudiants ghanéens ont été octroyés (sur les 6 426 demandes déposées).
Méthode d’analyse
L’objectif de cet article est d’examiner en quoi les trajectoires des étudiants nationaux et internationaux se distinguent et d’identifier les déterminants individuels et familiaux de l’accès aux études supérieures dans le pays d’origine et à l’étranger. Dans un premier temps, nous mobilisons l’analyse des séquences pour comparer les trajectoires scolaires, professionnelles et migratoires des étudiants ghanéens et sénégalais. Il s’agit d’une méthode d’analyse descriptive qui permet d’explorer et de décrire les données longitudinales (Robette, 2011). Les séquences sont définies comme étant un ensemble d’états successifs agencés dans le temps et propres à chacun des répondants. Dans le cas qui nous intéresse, les états constituant les trajectoires étudiées combinent deux éléments : l’activité, avec trois états possibles (études, travail, inactivité) et le lieu de résidence, avec deux états possibles (le Sénégal ou le Ghana et l’étranger). Nous nous retrouvons donc avec six états différents pour chaque individu. Dans le cas d’un étudiant sénégalais, il s’agira de : Études au Sénégal (Etudes_pays), Études à l’étranger (Etudes_Etr), Travail au Sénégal (Trav_pays), Travail à l’étranger (Trav_Etr), Inactivité au Sénégal (Inact_pays), Inactivité à l’étranger (Inact_Etr). Ces états sont observés annuellement entre 6 ans (l’âge d’entrée dans le système scolaire) et 30 ans (l’âge de sortie pour la plupart de nos répondants). Nous nous retrouvons donc avec 24 observations successives, sauf pour ceux qui n’avaient pas atteint 30 ans au moment de l’enquête.
La méthode d’appariement optimal est utilisée pour identifier une typologie des parcours scolaires, professionnels et migratoires des étudiants nationaux et internationaux. Celle-ci permet dans un premier de temps de mesurer la dissemblance entre chaque paire de séquences dans notre échantillon puis de construire une typologie en créant des groupes de séquences similaires. Il s’agit de comparer les séquences à travers le calcul des distances basé ici sur les taux de transition observés d’un état à un autre, puis de regrouper les séquences proches (Robette, 2011). Pour ce faire, nous avons utilisé la méthode de classification ascendante hiérarchique qui permet de regrouper les individus les plus semblables. Le critère de Ward a été utilisé. Celui-ci minimise l’hétérogénéité intra-classes et maximise donc l’hétérogénéité inter-classes. La classification nous permet ainsi d’identifier les régularités dans les trajectoires des individus de notre échantillon. Différents indicateurs permettent ensuite de décrire les trajectoires identifiées (la distribution des situations, l’état modal, la durée totale moyenne dans chaque état, le nombre moyen de transitions, l’entropie globale à chaque âge). Les données ont été analysées avec les logiciels Stata et R.
Dans un deuxième temps, nous explorons les déterminants des migrations internationales étudiantes ghanéennes et sénégalaises. Pour ce faire, nous avons recours à l’analyse biographique en temps discret. Cette méthode est appropriée étant donné la nature des données longitudinales dont nous disposons, puisqu’elle nous permet d’inclure une dimension temporelle : on évalue ici le risque qu’a un individu âgé de plus de 17 ans (l’âge minimal d’entrée à l’université) de vivre l’événement qui nous intéresse : la poursuite d’études supérieures (modèle 1) et la poursuite d’études supérieures à l’étranger (modèle 2).
Des régressions logistiques multinomiales en temps discret ont été effectuées pour identifier l’impact de différentes variables, toutes choses étant égales par ailleurs, sur la probabilité de vivre ces deux événements. La variable dépendante est définie à partir des données sur l’activité de l’individu et son lieu de résidence. Dans le premier modèle[10], elle prend la valeur 0 si l’individu n’a pas effectué d’études supérieures et la valeur 1 dans le cas contraire. Dans le second modèle[11], elle prend la valeur 0 si l’individu n’a pas effectué d’études supérieures à l’étranger et la valeur 1 dans le cas contraire. Le fait de présenter ces deux modèles nous permet de distinguer les variables corrélées avec l’accès aux études supérieures et celles associées à la mobilité étudiante. Cette distinction est fondamentale pour analyser la mobilité étudiante dans des pays où le groupe d’individus ayant la possibilité d’effectuer des études supérieures est un groupe considéré comme étant déjà très sélectionné.
Nous avons vu que divers facteurs, d’ordre structurel principalement, ont été relevés dans la littérature sur les migrations internationales étudiantes, les facteurs d’ordre individuel ou familial n’ayant par contre que très peu été explorés, notamment en raison du manque de données permettant de les étudier. C’est donc sur ces déterminants que nous mettons l’accent dans cet article. Les variables explicatives suivantes ont ainsi été introduites dans les modèles : le sexe, le lieu de naissance, l’ethnie, la religion, la taille de la fratrie, le rang dans la fratrie, le niveau d’éducation du père[12], la situation économique de l’individu à 18 ans et la génération. Les mêmes variables explicatives ont été introduites dans les modèles, mais les modalités de ces variables peuvent changer selon le pays.
Présentation et discussion des résultats
Les trajectoires scolaires, professionnelles et migratoires des étudiants ghanéens et sénégalais
Au début de la première période d’observation le concernant, chaque individu de notre échantillon poursuit des études dans son pays d’origine. Les étudiants sénégalais se répartissent en 4 groupes en termes de mobilité résidentielle : ceux qui ont résidé presque toute leur vie à Dakar, ceux qui ont résidé surtout ailleurs au Sénégal avec une période de migration à l’étranger, ceux qui ont résidé à Dakar et ailleurs au Sénégal, ceux qui ont résidé à Dakar ainsi qu’à l’étranger (durée moyenne 8 ans). Pour les Ghanéens, trois types de parcours ont été identifiés : ceux qui ont passé la majorité du temps à Accra ou Kumasi avec une période de migration à l’étranger entre leurs 20 et leurs 30 ans ; ceux qui ont passé la majorité du temps ailleurs au Ghana avec une période de migration à l’étranger en fin de période et enfin ceux qui ont un parcours plus diversifié (migration interne puis à l’étranger en fin de période).
L’analyse de séquences révèle que la majorité des étudiants sénégalais (nationaux et internationaux) ont des séquences scolaires linéaires (c’est-à-dire non entrecoupées de périodes d’emploi ou d’inactivité) : l’emploi ou l’inactivité n’interviennent qu’une fois les études terminées. Les étudiants internationaux sénégalais se distinguent des étudiants nationaux par des durées d’études plus longues, une entrée sur le marché de l’emploi plus tardive et un parcours scolaire, professionnel et migratoire plus diversifié. Pour la majorité des étudiants nationaux sénégalais, une période de travail au Sénégal succède aux études. Pour certains, on peut aussi observer une migration de travail à l’étranger en fin de période. Quant aux étudiants internationaux sénégalais, la majorité connaît une période de travail à l’étranger après les études.
Les étudiants ghanéens ont des trajectoires scolaires, professionnelles et migratoires plus diversifiées que les étudiants sénégalais. Une bonne partie d’entre eux a déjà une expérience de travail avant d’aller étudier à l’étranger. Les étudiants internationaux ghanéens ont des trajectoires scolaires plus discontinues que celles des étudiants nationaux (entrecoupées par des périodes de travail). En plus, ils connaissent un plus grand nombre de périodes de migration post-études que les étudiants nationaux. Entre 23 et 30 ans, plus de 60 % des étudiants internationaux sont à l’étranger. Pour les étudiants nationaux, la migration à l’étranger croît à partir de l’âge de 18-19 ans et atteint un maximum à 30 ans, âge auquel près de 40 % des individus de ce groupe sont à l’étranger.
Typologie des parcours scolaires, professionnels et migratoires
Nos analyses révèlent des classes distinctes de parcours pour les étudiants des deux pays en fonction de durées différentes passées dans les différents états, ce qui a dicté notre regroupement en trois classes : celle regroupant surtout les individus très qualifiés (dont des étudiants internationaux), celle regroupant surtout les étudiants internationaux moyennement qualifiés et celle regroupant les étudiants nationaux moyennement qualifiés (tableaux 4 à 7).
En ce qui concerne le Sénégal, les étudiants internationaux se répartissent au sein des deux premières classes identifiées. La première (« étudiants internationaux très qualifiés ») est composée d’individus qui ont effectué en moyenne près de 19 ans d’études entre 6 ans et 30 ans[13]. C’est le groupe dont la durée dans les études est la plus longue. Un tiers sont des femmes et un tiers des individus a effectué des études à l’étranger. La seconde classe regroupe les « étudiants internationaux moyennement qualifiés », avec une durée moyenne d’études de 13 ans. Le tiers a poursuivi une partie de ses études à l’étranger et y a travaillé en moyenne plus de 6 ans (tableau 4). Ce groupe se caractérise d’une part par une plus grande diversité de situations que le premier groupe si on se fie à l’entropie (un indicateur de l’hétérogénéité de la classe en question) et d’autre part c’est un groupe qui connaît un nombre moyen de transitions plus élevé, c’est-à-dire un passage plus fréquent d’un état à un autre. C’est la raison pour laquelle nous qualifions leur parcours de plus instable. Ce groupe est composé pour le tiers de femmes, d’individus ayant en majorité un père très scolarisé et ils sont plutôt nés avant 1974 (tableau 5).
La troisième classe est composée en grande majorité de non-migrants, qui n’ont ni étudié ni travaillé à l’étranger et qui ont passé le plus de temps sur le marché du travail. Ce sont les « étudiants nationaux moyennement qualifiés » : la durée moyenne dans les études pour ce groupe est de 12 ans. Ces « étudiants » ont des trajectoires individuelles plus homogènes que celles des autres groupes en ce qui concerne les études, le travail et la migration (l’entropie est proche de zéro) et un parcours plus stable.
Pour le Ghana, ce sont les mêmes trois classes qui se distinguent, avec quelques variations. Les étudiants internationaux se répartissent entre les deux premières classes. La première classe comprend les « étudiants internationaux hautement qualifiés », ceux dont la durée moyenne dans les études est la plus longue. Ce sont des personnes qui ont effectué 18 ans d’études dont, pour les 40 % d’étudiants internationaux qui composent cette classe, un an en moyenne à l’étranger. Les femmes sont assez peu représentées parmi ce groupe (20 %), dont les individus sont en majorité nés après 1970 et ont un père très scolarisé. La deuxième classe regroupe les « étudiants internationaux moyennement qualifiés ». Elle est constituée d’individus ayant passé le plus de temps en moyenne entre 6 ans et 30 ans sur le marché du travail à l’étranger (7 ans en moyenne, tableau 6), avec une durée moyenne d’étude à l’étranger et au Ghana moins élevée que celle de la première classe (en moyenne 14 ans, avec 1,65 an à l’étranger et 12,26 ans au Ghana). Le tiers sont des femmes, 37 % d’entre eux ont été étudiants internationaux et la grande majorité a un père très scolarisé, une grande fratrie, et est née après 1970 (tableau 7).
Les non-migrants se retrouvent dans la troisième classe, celle que nous avons baptisée « étudiants nationaux moyennement qualifiés » et dont les effectifs sont les plus importants (50 % de l’échantillon). Certains ont tout de même eu une expérience de travail à l’étranger (en moyenne 1 an). Ce sont en général des personnes qui ont une durée d’études plus faible (en moyenne 12 ans) et qui ont passé plus de temps sur le marché du travail, principalement au Ghana (en moyenne 11 ans). Le nombre moyen de transitions entre états nous indique que les trajectoires individuelles constitutives des trois classes se caractérisent par des passages fréquents entre des périodes d’études et de travail à l’étranger ou dans le pays, particulièrement pour les « étudiants internationaux moyennement qualifiés ». La troisième classe est un peu plus homogène que les deux premières si on se fie à l’entropie.
L’analyse des séquences nous a montré comment deux types de parcours émergent pour les étudiants internationaux sénégalais : l’un, plus stable, se caractérise par une durée dans les études plus longue, notamment à l’étranger (c’est le parcours le plus fréquent) ; l’autre par une plus grande instabilité, une durée d’études à l’étranger plus courte (un à deux ans) et une durée de travail à l’étranger plus longue. Ceci laisse penser qu’une partie, minoritaire, de ceux que nous avons appelés les « étudiants internationaux » sénégalais avait plutôt pour objectif de trouver du travail à l’étranger que de poursuivre des études, à moins qu’ils n’aient pu poursuivre leurs études pour des raisons économiques ou autres.
Les étudiants internationaux ghanéens se distinguent des étudiants internationaux sénégalais par le fait que la plupart d’entre eux avaient déjà connu une expérience de travail avant d’aller étudier à l’étranger, ce qui n’est pas le cas des Sénégalais dont la fin des études coïncide avec l’entrée sur le marché du travail. Toutefois, il est possible de distinguer aussi deux types de parcours pour les étudiants internationaux ghanéens : l’un caractérisé essentiellement par une durée dans les études plus longue et l’autre par une durée plus longue sur le marché du travail à l’étranger.
Les durées d’études à l’étranger assez courtes d’une partie des étudiants ghanéens et sénégalais interrogés dans le cadre des enquêtes MAFE semblent ainsi rejoindre les conclusions de certaines études qualitatives ayant montré que le fait d’avoir étudié à l’étranger est souvent la cause d’une expatriation définitive (Meyer et Brown, 1999 ; Salt, 1997). Selon Coulon et Paivandi (2003), les étudiants étrangers quittent souvent le pays d’origine avec une « stratégie résidentielle ». En réalité, comme le remarquent aussi les deux auteurs, l’inscription universitaire est parfois utilisée comme stratégie pour obtenir plus aisément la possibilité d’émigrer. Il n’en demeure pas moins que certaines personnes choisissent de poursuivre des études à l’étranger pour s’insérer plus facilement sur le marché du travail de leur pays d’origine.
Les déterminants des migrations internationales étudiantes ghanéennes et sénégalaises
L’analyse descriptive des trajectoires nous a permis d’explorer les parcours scolaires, professionnels et migratoires des individus de notre échantillon ayant poursuivi des études supérieures. Nous nous intéressons dans cette section aux déterminants des migrations internationales étudiantes ghanéennes et sénégalaises. Nous présentons dans un premier temps les résultats des régressions logistiques multinomiales en temps discret pour le Sénégal (tableau 8) puis pour le Ghana (tableau 9).
En ce qui concerne le Sénégal, seules deux variables sont significatives dans le premier modèle : le genre et le niveau d’études du père. Le fait d’être une femme diminue les chances d’accéder à l’université alors qu’avoir un père très scolarisé accroît ces chances. Par contre, ces deux variables ne sont pas déterminantes pour expliquer la probabilité d’effectuer des études supérieures à l’étranger. Trois variables apparaissent significatives dans le second modèle. Tout d’abord, être l’aîné de la famille augmente les chances d’effectuer une migration pour études. Ceci pourrait être expliqué par un « privilège » de rang qui permettrait au premier arrivé dans la famille, s’il réussit à obtenir une inscription à l’étranger, de bénéficier le premier d’une aide familiale lui permettant d’émigrer. Ceci a également été montré dans d’autres contextes, notamment au Kenya, où les parents investissent d’abord dans l’éducation de leur aîné, qui pourra les aider économiquement en retour par la suite, et également contribuer à payer les études de ses frères et soeurs plus jeunes (Gomes, 1984).
Si l’appartenance à l’une ou l’autre des religions du Sénégal ne semble pas avoir d’impact sur la poursuite d’études à l’étranger, il semble que le fait d’appartenir au groupe ethnique majoritaire (wolof) diminue les chances de partir à l’étranger. Enfin, les individus ayant déclaré ne pas avoir suffisamment de ressources à 18 ans pour combler leurs besoins vitaux ont moins de chance d’émigrer pour études, ce qui rappelle l’importance des ressources économiques dans la migration internationale.
Tout comme pour les Sénégalais, le genre est un facteur déterminant de la poursuite d’études supérieures pour les Ghanéens : être une femme diminue la probabilité de faire des études supérieures alors qu’un père avec un niveau d’études secondaires ou davantage accroît la probabilité d’effectuer des études supérieures, abstraction faite du lieu de ces études. Par contre, en ce qui concerne les études à l’étranger, les femmes semblent avantagées : elles ont plus de chance de partir à l’étranger dans le cadre des études que les hommes. Ainsi, pour les Ghanéens, les inégalités de genre jouent pour l’accès à l’enseignement supérieur mais disparaissent quand il s’agit de migrer pour effectuer ses études. D’autres variables, d’ordre socioculturel, familial ou contextuel ont également un effet sur la probabilité d’effectuer des études supérieures. Il s’agit de la génération, de la taille et du rang dans la fratrie ainsi que du groupe ethnique. Une plus grande fratrie ou le fait d’être l’aîné de la famille diminuent, pour les Ghanéens, la probabilité de faire des études supérieures, ce qui reflète les choix familiaux en termes d’allocation de ressources dédiées à la scolarisation des enfants. Il apparaît également dans le premier modèle que les individus nés entre 1970 et 1984 ont plus de chance d’effectuer des études supérieures que leurs aînés. Ce résultat est concordant avec l’expansion du système éducatif ghanéen à partir des années 1990 et la croissance du nombre d’étudiants inscrits à l’université.
Ces résultats changent quand il s’agit d’étudier la probabilité d’effectuer des études supérieures à l’étranger. Comme au Sénégal, cette probabilité est plus grande lorsque l’individu est l’aîné de la famille ou ne fait pas partie des groupes ethniques majoritaires. Le fait de ne pas appartenir à l’une des religions majoritaires semble également augmenter cette probabilité. D’autres variables qui n’étaient pas significatives dans le cas du Sénégal ont un effet négatif sur les chances d’effectuer des études supérieures à l’étranger. Ces chances sont moindres lorsque l’individu est né ailleurs que dans les deux grandes capitales, ou entre 1970 et 1984. La taille de la fratrie n’a plus d’effet significatif.
L’effet du contexte socioéconomique et politique, capturé par la variable génération, a ainsi, dans le cas du Ghana, un impact sur la probabilité de poursuivre des études à l’étranger. Si l’effet génération est lié à l’accroissement de l’offre d’enseignement supérieur au Ghana à partir des années 1990, cela pourrait expliquer que les générations plus jeunes ont plus de chance d’effectuer des études supérieures au Ghana plutôt qu’à l’étranger et confirmerait le fait, relevé par la littérature, que le manque d’accès à l’éducation supérieure dans le pays d’origine constitue l’un des facteurs déterminants de l’émigration étudiante internationale. D’autres études ont par ailleurs montré que l’admission à l’enseignement supérieur au Ghana demeure fortement influencée par le statut socioéconomique, la région d’origine, le type d’institution d’éducation secondaire où l’individu a poursuivi ses études, et par le fait même par l’accès à l’enseignement secondaire sur le territoire (Takyiwaa, Gariba et Budu, 2007).
Les analyses biographiques en temps discret effectuées dans cette section révèlent à quel point l’accès à l’enseignement supérieur est révélateur de rapports sociaux de genre et de classe inégaux. En effet, les femmes et les individus dont le père n’a pas terminé ses études secondaires sont nettement désavantagés en ce qui concerne la poursuite d’études supérieures au Ghana comme au Sénégal. En ce qui concerne les différences entre hommes et femmes, ces résultats sont confortés par les données de l’UNESCO. En effet, en 2009, si le taux brut d’inscription dans l’éducation supérieure est très faible dans les deux pays, celui-ci est nettement inférieur pour les femmes : 6 % (au Sénégal) et 7 % (au Ghana), contre 11 % pour les hommes (ISU, 2010). Au Ghana, plusieurs initiatives ont été mises en place pour faciliter l’accès des femmes à l’éducation supérieure, comme l’introduction de quotas et la discrimination positive envers les femmes lors de l’admission à l’université (Girdwood, 1999). Malgré ces politiques, l’écart entre le nombre d’inscriptions de femmes et d’hommes dans des institutions d’éducation supérieure est encore très élevé (Maanu, 2008). Par ailleurs, selon nos résultats, les déterminants de la poursuite d’études supérieures à l’étranger sont quant à eux plutôt liés aux caractéristiques socioculturelles ou familiales de l’individu.
Conclusion
Le recours à des données longitudinales nous a permis de décrire les parcours scolaires, migratoires et professionnels des étudiants internationaux. Nos analyses suggèrent ainsi, à la suite d’autres travaux, que pour une partie des étudiants internationaux la poursuite d’études supérieures à l’étranger serait effectivement une « stratégie résidentielle » leur facilitant la migration dans un contexte caractérisé par un resserrement des politiques migratoires.
Il s’agit ensuite de l’un des premiers travaux quantitatifs permettant de comparer les caractéristiques individuelles et familiales des étudiants du supérieur nationaux et internationaux, grâce à l’utilisation de données collectées parmi les migrants et les non-migrants. Il nous a ainsi été possible de relever les déterminants de l’accès aux études supérieures et de les distinguer de ceux associés à la migration étudiante. Cela nous permet notamment de nuancer certains constats relevés dans la littérature relativement à la sous-représentation des femmes parmi les étudiants internationaux : elle serait plutôt due à des inégalités de genre en termes d’accès à l’enseignement supérieur plutôt qu’à une moindre propension des femmes à migrer pour études.
Par ailleurs, certaines limites de cette étude doivent être soulignées. Tout d’abord, les données utilisées proviennent d’enquêtes qui n’étaient pas conçues spécifiquement pour analyser les migrations étudiantes, d’où notre incapacité étudier de manière fine les trajectoires scolaires. Ensuite, la façon dont les données ont été collectées nous permet surtout de discuter des migrations étudiantes ghanéennes au Royaume-Uni et des migrations sénégalaises en France. Il aurait été intéressant de pouvoir comparer avec d’autres destinations, notamment les États-Unis, première destination des étudiants ghanéens et destination en croissance ces dernières années pour les étudiants sénégalais. Par ailleurs, la taille réduite des échantillons dont nous disposions ne nous permettait pas d’affiner les modalités de certaines variables. L’effet du réseau, souligné dans certaines études sur les mobilités étudiantes, n’a pas été abordé dans cet article, et pourrait faire l’objet d’analyses ultérieures. Enfin, le recours à des analyses multi-niveaux pourrait nous permettre d’appréhender de manière plus complète les déterminants des migrations étudiantes en tenant compte également de variables globales relevées dans la littérature telles que l’offre et le coût de l’enseignement supérieur dans le pays d’origine ou le revenu par habitant. En effet, nos analyses ont montré, à travers la prise en compte de l’effet de génération que, dans le cas du Ghana, l’émigration internationale étudiante pourrait être liée au manque d’offre d’éducation supérieure dans le pays d’origine (ce que suggère le modèle push-pull).
Les conclusions de cette recherche ont enfin des implications fortes en termes de politiques publiques. Celles-ci devraient mieux tenir compte des inégalités d’accès à l’enseignement supérieur liées à la classe sociale et au genre. Et, d’un autre côté, comme semble le montrer le cas du Ghana, le développement de l’offre d’enseignement supérieur de qualité dans le pays serait une solution à considérer pour un État désireux de retenir ses étudiants.
Appendices
Notes
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[1]
La recherche menant à ces résultats a reçu le financement du septième Programme-Cadre de la Communauté européenne (subvention 217206). Le projet MAFE est coordonné par l’INED (C. Beauchemin), en partenariat avec l’Université catholique de Louvain (B. Schoumaker), la Maastricht University (V. Mazzucato), l’Université Cheikh Anta Diop (P. Sakho), l’Université de Kinshasa (J. Mangalu), l’University of Ghana (P. Quartey,) l’Universitat Pompeu Fabra (P. Baizan), le Consejo Superior de Investigaciones Científicas (A. Gonzalez-Ferrer), le Forum Internazionale ed Europeo di Ricerche sull’Immigrazione (E. Castagnone) et l’University of Sussex (R. Black). Pour plus d’information, voir le site du projet www.mafeproject.com
-
[2]
Il s’agit du ratio de travailleurs qualifiés émigrés sur le total des individus qualifiés nés dans le pays (résidents et émigrés).
-
[3]
Les questionnaires sont disponibles sur le site Internet du projet MAFE.
-
[4]
La manière dont les données sur les périodes d’études ont été collectées dans les enquêtes MAFE ne nous permet cependant pas de distinguer les différents cycles d’études (primaire, secondaire, supérieur). Les personnées interrogées devaient déclarer leur activité pour chaque année et, en cas de période d’études, l’information sur l’inscription dans un établissement scolaire. Nous connaissons cependant le plus haut niveau d’études atteint par chacun. Par ailleurs, une question sur le plus haut diplôme atteint a également été posée et on remarque que la plupart des étudiants internationaux ont obtenu un diplôme de cycle supérieur (tableau 3).
-
[5]
Les quotas ont été établis selon certaines caractéristiques de la population enquêtée : au minimum par âge et par sexe ; en France, également par catégorie socioprofessionnelle et en Belgique et Royaume-Uni par lieu de résidence.
-
[6]
Voir Beauchemin et Gonzalez-Ferrer (2011) et Schoumaker et Diagne (2010) pour plus d’information sur l’enquête et l’échantillonnage.
-
[7]
Pour les autres, soit nous ne sommes pas en mesure de déterminer si le diplôme atteint est de cycle supérieur ou non en raison d’un manque d’information à ce sujet, soit le diplôme obtenu ne correspond pas au cycle supérieur.
-
[8]
Les migrants de retour interrogés dans les capitales africaines eux, par contre, n’ont pas été sélectionnés selon leur lieu de résidence à l’étranger lors de la migration.
-
[9]
Ce nombre était de 8 529 en 2009-2010 et de 8 248 pour 2008-2009 (MESR, 2009 et 2010).
-
[10]
Ce modèle porte sur tous les répondants qui sont entrés au moins une fois dans leur vie dans le système scolaire et pour lesquels les différentes variables explicatives sont disponibles.
-
[11]
Ce modèle porte uniquement sur les individus ayant effectué des études supérieures et pour lesquels les différentes variables explicatives sont disponibles.
-
[12]
Des informations sur le niveau d’études du père et sur son emploi lorsque le répondant avait 15 ans ont été collectées dans l’enquête MAFE. Ces deux variables étant fortement corrélées, et la variable « occupation du père » étant très mal renseignée (beaucoup de données manquantes), nous avons décidé de garder dans le modèle la variable « niveau d’études du père » comme indicateur du niveau socioéconomique de la famille dont provient le répondant. L’enquête ne nous fournit malheureusement pas d’information sur le niveau d’études de la mère.
-
[13]
Pour rappel, dans ces analyses, une césure est faite à l’âge de 30 ans et ne sont prises en compte que les études qui ont eu lieu avant les 30 ans de l’enquêté. La personne peut cependant avoir poursuivi ses études supérieures après ses 30 ans, ce qui explique pourquoi la durée passée dans les études entre 6 ans et 30 ans puisse être inférieure à la durée moyenne des études entre 6 ans et le moment de l’enquête (tableau 3).
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