Abstracts
Résumé
Une transition fondamentale a lieu dans les hôpitaux à partir des dernières décennies du xixe siècle, alors que leur fréquentation s’élargit des groupes les plus pauvres de la société à l’ensemble de celle-ci. Effectuée à la faveur de la commercialisation et de la médicalisation des services offerts, cette transition est fort mal connue en ce qui a trait à l’évolution de la composition des populations hospitalisées. À l’aide d’une double étude de cas fondée sur les registres d’entrée et de sortie des patients, le présent article vise à préciser cette composition dans les années précédant la transition jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, en termes d’âge, de genre, de provenances géographiques et de catégories socioprofessionnelles. Il en ressort, parmi divers constats, des bassins de recrutement étonnamment vastes, de nettes distinctions sociales quant à l’accès aux chambres privées et aux salles communes, des écarts parfois majeurs entre groupes d’âge et entre sexes.
Abstract
Beginning during the last decades of the nineteenth century, a fundamental change occurred in hospitals, while the categories of those attending them broadened from the poorest in society to society as a whole. This transition involved a shift towards the medicalisation and the commercialisation of services offered, but is very poorly documented as regards the evolution in the composition of the hospital population. Using a double case study based on registers recording the arrival and departure of patients, this paper aims to clarify the composition of the hospital population in terms of age, gender, geographical origins and socioprofessional status, from the years preceding the transition up to the Second World War. Among other observations, it reveals the surprisingly vast areas from which the patients were drawn, the marked social distinctions in access to private rooms and wards, and the sometimes wide disparities between age groups and genders.
Article body
Introduction
À partir des dernières décennies du xixe siècle, les hôpitaux se transforment rapidement. Fréquentés jusqu’alors essentiellement par des pauvres reçus gratuitement, ils en viendront à accueillir des personnes de tous les milieux sociaux qui, au milieu du xxe siècle, défraieront en majorité leur séjour. Cette transition fondamentale est liée à l’instauration d’une nouvelle logique de développement, à savoir l’insertion de l’hôpital dans l’univers des rapports marchands sous l’influence de la médecine libérale, un point étudié surtout par des chercheurs américains (Rosenberg, 1987 ; Starr, 1982 ; Stevens, 1989 ; Vogel 1980) mais qui a retenu l’attention aussi au Canada (Gagan et Gagan, 2002 ; Guérard et Rousseau, 2006). À la mission caritative traditionnelle se superpose un marché de services proposés à la vente par l’hôpital, un marché qui se développe rapidement, diversifiant et accroissant la fréquentation, augmentant aussi les revenus des établissements tout en poussant au développement d’infrastructures réaménagées pour accueillir de nouvelles clientèles[1].
Si le phénomène d’élargissement des clientèles, de l’hôpital des pauvres à l’hôpital pour tous, a été appréhendé de façon générale, les connaissances sur l’évolution des populations hospitalisées demeurent floues. Les causes de cet élargissement sont par contre mieux documentées, à travers divers travaux portant sur l’histoire de l’organisation des soins hospitaliers en Amérique du Nord, au Québec comme ailleurs au Canada et aux États-Unis. Au Québec, les ouvrages traitant de l’évolution des services se sont en général concentrés sur l’histoire d’hôpitaux précis, en s’attardant plus aux personnes et aux groupes qui mettent sur pieds et délivrent les soins qu’à leurs patients. D’abord cantonnés au genre apologétique, ils se sont longtemps attachés à vanter l’activité charitable des hôpitaux jusqu’à la Révolution tranquille, faisant peu de cas de l’action de l’État avant 1960 et ignorant totalement le commerce des services[2]. Au cours des dernières décennies, de nouvelles dimensions d’analyse ont fait l’objet d’enquêtes fouillées, en particulier la médicalisation des services (Goulet, Hudon et Keel, 1993 ; Guérard, 1995 et 1998 ; Perron, 1984 ; Rousseau, 1994) ou les rapports entre genres[3]. Encore là, le regard n’a que peu porté sur les patients, bien que la médicalisation, en faisant de l’hôpital le temple d’une médecine moderne qui gagne en efficacité notamment par les progrès spectaculaires de la chirurgie, ait contribué à rehausser son image et conséquemment à y attirer de nouvelles clientèles[4].
On en sait bien peu en fait sur la progression de l’accès à l’hôpital en termes d’âges, de genres, de statut social et de milieu de vie. Or la question de l’accès aux soins est cruciale. C’est elle qui, jointe à d’autres facteurs, a amené l’État à instaurer une assurance hospitalisation collective en 1961 au Québec, et par la suite à prendre en charge le système hospitalier, après diverses tentatives infructueuses pour garantir un accès généralisé sans recourir à l’assurance d’État (Charles, Guérard et Rousseau, 2003 ; Guérard et Rousseau, 2006). Et c’est encore elle qui alimente en partie les débats actuels sur les rôles respectifs de l’État et du secteur privé dans le domaine de la santé, alors que nos gouvernements ont commencé à réintroduire la dynamique de marché dans l’accès aux soins hospitaliers, amorçant même un retour vers une forme de livraison des services abandonnée lors de la décennie 1970, celle des hôpitaux à but lucratif (Charles et Guérard, 2009). Une connaissance plus précise de l’évolution des populations hospitalisées, durant la période où la marchandisation des soins s’est mise en place puis a dominé avant d’être écartée, apparaît donc susceptible d’apporter quelques éléments de réflexion utiles.
En vue de profiler les populations hospitalisées et de retracer leur évolution, une double étude de cas a été effectuée. Les deux hôpitaux choisis sont établis respectivement à Québec, deuxième agglomération de la province par sa taille, et à Chicoutimi, un petit centre de région périphérique. Le recours à ces deux cas vise à vérifier la nature et les transformations des populations concernées dans différents types de milieux régionaux, ne serait-ce que pour tenir compte de bassins de recrutement présumés plus vastes dans les grands centres, de structures socioprofessionnelles régionales ou locales distinctes se répercutant sur les populations hospitalisées, ou encore de décalages temporels pour des transformations qui s’amorceraient d’abord dans les grands centres. La méthode de reconstitution des populations hospitalisées sera d’abord présentée, suivie de l’évolution de ces dernières pour les variables de sexe et d’âge, de provenance géographique et de catégorie socioprofessionnelle.
Reconstituer les populations hospitalisées
Aucune source d’époque ne fournit de tableaux récapitulant les informations voulues, pas plus que ne le font les multiples ouvrages récents ou non retraçant l’histoire d’hôpitaux[5]. Il a donc fallu reconstituer les populations hospitalisées, ce qui a été fait pour l’Hôtel-Dieu de Québec (HDQ) et l’Hôtel-Dieu Saint-Vallier de Chicoutimi (HDSV), à l’époque propriétés des Augustines de la Miséricorde de Jésus. L’histoire de ces établissements a fait l’objet de divers ouvrages (Casgrain, 1878 ; Hôtel-Dieu Saint-Vallier, 1934 ; Perron, 1984 ; Rousseau, 1989 et 1994 ; Roy, 1939) et est donc assez bien connue, particulièrement grâce aux publications de François Rousseau et de Normand Perron. Ces derniers donnent déjà certains éléments d’information sur les populations hospitalisées, sans se livrer cependant à la démarche systématique entreprise ici[6]. Les centres d’archives respectifs des deux communautés, particulièrement bien fournis, conservent pour certaines années les registres d’entrée et de sortie des patients, la seule source repérée permettant de recomposer les populations hospitalisées [7]. À l’HDSV, les entrées et sorties sont à l’époque consignées dans des registres séparés suivant le type de clientèle : marins, écoliers du petit Séminaire, membres du clergé masculin, « malades passants » et, dans les années 1920, employés référés par des compagnies. À l’HDQ, les registres se présentent de diverses façons selon les années utilisées ici, distinguant les hommes et les femmes dans un premier temps, ou les chambres privées des salles communes (en 1901 et 1942). Les registres livrent les informations suivantes : nom et prénom du patient, âge, sexe, localité de résidence (ou de naissance dans certains cas lors des premières années à Québec) et parfois adresse précise, identification du père, de la mère ou de l’époux, profession soit du patient, soit du père ou de l’époux. Les âges, localités et professions ne sont toutefois pas inscrits de façon systématique, avec des variations selon les années.
Pour Québec, les années 1881, 1891 et 1901 ont été dépouillées au complet, 1911 et 1931 pour un échantillon du tiers, et 1942 pour un échantillon du cinquième[8]. Les registres des années 1901 et 1942 y sont particulièrement utiles, dans la mesure où les patients des chambres privées et des salles communes sont inscrits dans des volumes séparés, livrant ainsi une information précieuse qui nous échappe à Chicoutimi de même que les autres années à Québec. Pour l’HDSV, les registres des années 1884 (année de fondation) à 1902, 1911, 1921 et 1926 ont été intégralement dépouillés, mais il a fallu s’arrêter là, les données n’étant pas disponibles par la suite. Afin d’enrichir les informations obtenues là où manquait un âge, une profession ou une autre donnée pertinente, un jumelage partiel a été effectué avec les feuillets nominatifs des recensements du Canada jusqu’en 1911. À Chicoutimi, le jumelage du début de siècle a porté sur un regroupement des années 1900, 1901 et 1902 effectué en raison de la faible fréquentation de l’époque. Ont également été utilisés, à Québec, les annuaires d’adresses de la ville pour toutes les années[9], et au Saguenay—Lac-Saint-Jean, les annuaires de 1921 et 1926[10]. Les figures présentées ici reposent en général sur ces trois sources : les registres des deux hôpitaux, les recensements du Canada jusqu’en 1911 et les annuaires d’adresses de la ville de Québec ainsi que du Saguenay—Lac-Saint-Jean.
Le jumelage a également été utile pour valider en partie la qualité de l’information livrée dans les registres des deux hôpitaux, une précaution d’autant plus opportune que cette source est peu connue, très rarement utilisée. Le jumelage a montré que les informations données dans les registres des deux hôpitaux sont précises et hautement fiables. Ainsi, pour la variable de l’âge lors des années où les feuillets nominatifs des recensements du Canada sont disponibles, donc jusqu’en 1911, des écarts de plus d’un an sont exceptionnels. L’âge calculé à partir du Recensement du Canada a été retenu lorsqu’il était différent de celui inscrit au registre. Pour la variable « profession », très peu d’informations apparemment contradictoires ont été repérées. À cet égard, il faut comprendre que les mentions d’occupations différentes pour un même individu n’indiquent pas nécessairement une erreur à la source, dans la mesure où l’individu peut exercer plus d’une occupation, ou en avoir changé entre les deux mentions. Lorsque deux professions distinctes pour un même individu le classaient dans la même catégorie de professions, il a été retenu pour l’analyse. Autrement, il a été éliminé. Ce fut le cas également pour de rares mentions distinctes de localités, même si, encore une fois, cela ne constitue pas une preuve d’erreur à la source.
Finalement, partant des informations recueillies, une donnée validée a été attribuée à chaque patient pour les variables traitées, et c’est cette donnée validée uniquement qui a été utilisée lors du traitement. Le tableau 1 donne la taille des échantillons et, lorsqu’elle est disponible, la répartition selon le type de chambres. Le tableau 2 livre la proportion des données connues après jumelage pour chaque variable suivant les années.
Distribution par âge et par sexe
Au xixe siècle, les deux hôpitaux présentent des profils nettement dissemblables en ce qui a trait au sexe des patients. À Québec, la proportion de femmes avoisine les deux tiers en 1881 et 1891, s’élève encore à 58 % en 1901 et, par la suite, tend à se rapprocher de la moitié[11]. À Chicoutimi de 1884 à 1899, cette proportion n’est que de 2,3 %. La quasi-absence de femmes à l’HDSV s’explique par des modalités d’accès particulières. Trois groupes constituent 94,3 % des 689 admissions : les marins, les prêtres et les écoliers du Séminaire de Chicoutimi, tous de sexe masculin. Ces patients sont admis en vertu d’ententes passées entre l’hôpital et le gouvernement fédéral, l’évêque ou le Séminaire. Au xxe siècle, à la faveur de l’admission de malades non issus de ces ententes inter-institutionnelles et désignés comme « passants », la proportion d’hommes et de femmes tendra à s’équilibrer, alors que le pourcentage de femmes passera à 27,9 % en 1911 et à 53,6 % en 1921. Mais il rechute à 36,4 % en 1926 en raison de l’admission d’une nouvelle clientèle, celle des travailleurs référés par des compagnies. Comme les précédentes ententes approvisionnant l’hôpital en clientèle, celle-là vise des patients masculins. Pour obtenir des proportions d’hommes et de femmes plus équilibrées, ressemblant à celles de l’HDQ, il faut s’en tenir uniquement aux patients passants.
En termes d’âge, quelques points sont à souligner. D’abord, quelle que soit l’année considérée, les enfants sont largement sous-représentés dans les deux hôpitaux. À Québec, la base de la pyramide des âges (figure 1) est en effet quasi inexistante dans un premier temps, alors que dans la population globale elle demeure très largement évasée encore à la fin du xixe siècle. Il faut attendre qu’une section de l’hôpital réservée aux enfants de quatre ans et plus soit ouverte en 1907 pour que les moins de 15 ans deviennent plus nombreux[12]. La situation se présente un peu différemment à Chicoutimi au xixe siècle : en vertu de l’entente entre le collège du Séminaire et l’hôpital, de nombreux écoliers sont hospitalisés à partir de l’âge de dix ans. Comme à Québec toutefois, on n’y trouve qu’exceptionnellement des enfants de moins de dix ans. À l’époque, faut-il préciser, nombre d’hôpitaux avaient un règlement interdisant l’admission de jeunes enfants, sauf cas d’exception. Il n’était pas dans les pratiques du xixe siècle d’hospitaliser des enfants, surtout très jeunes. Encore en 1933, dans une lettre envoyée à un curé, une religieuse de l’Hôtel-Dieu de Québec écrit : « Nous regrettons de vous dire que nous ne pouvons accepter votre petite malade à l’hôp. Nous ne recevons pas les enfants en dessous de 2 ans »[13]. Il faut souligner ici que pour ce qui est des nouveau-nés, les hôpitaux généraux de la province se dotent l’un après l’autre de services de maternité et donc de pouponnières dans les premières décennies du xxe siècle, et que les hôpitaux des Augustines sont parmi les derniers à faire ainsi, en 1939 à l’HDSV (Perron, 1984 : 109-111) et en 1947 à l’HDQ (Rousseau, 1994 : 229).
À souligner également, tout au long de la période quoique de façon plus marquée au xixe siècle, la forte représentation des 15 à 29 ans. À Chicoutimi, appartiennent à ce groupe d’âge en 1901, 1911, 1921 et 1926, respectivement 72,5 %, 51,9 %, 42,1 % et 46,8 % des patients. Comme l’illustre la figure 1, ils sont fortement représentés à Québec aussi, tout particulièrement chez les femmes. Cette forte présence des femmes à l’HDQ au xixe, et des jeunes femmes adultes tout au long de la période, n’est pas due aux cas de maternité. De fait, comme cela a été déjà mentionné, l’HDQ n’a pas de service de maternité, et les parturientes n’y sont admises qu’exceptionnellement si un médecin craint des complications. Il en va d’ailleurs de même à l’HDSV. Il faut chercher ailleurs l’explication. La représentation des jeunes adultes, particulièrement des femmes, est vraisemblablement gonflée par ceux et celles qui, pour diverses raisons, n’ont pas à Québec d’entourage en mesure de prendre soin d’eux, ou disposés à le faire. Cette situation peut se présenter surtout pour des personnes qui ne sont pas membres de la famille chez qui elles habitent. Certaines des jeunes femmes concernées sont effectivement des domestiques (en 1881, 1911 et 1931 en nombre assez élevé), ou logent en pension. Il n’est toutefois pas possible de conclure clairement sur ce point, et l’explication demeure une hypothèse. En effet, ces jeunes femmes se sont avérées peu visibles dans les sources, seule la profession du père étant indiquée certaines années, et plusieurs ne pouvant être repérées dans les nominatifs des recensements à Québec, pas plus que dans les annuaires.
Dernier point concernant les âges, les patients de plus de 65 ans sont peu représentés, si l’on tient compte de l’augmentation des besoins en soins de santé qui accompagne le vieillissement. Leur proportion, dépendamment des années de dépouillement, varie à l’HDSV de 0,2 % à 6,6 %, et à l’HDQ de 3,8 % à 8,2 %, exception faite de 1881. L’hôpital général de l’époque n’est pas destiné à une clientèle d’un âge avancé, celle-ci étant plutôt recueillie dans des hospices[14], ou parfois dans des hôpitaux spécialisés dans les maladies dites incurables à la fin du xixe siècle, ou chroniques. Du reste, à Chicoutimi comme à Québec, un hospice tenu par la même congrégation religieuse jouxte l’hôpital. Par ailleurs à l’époque, les vieillards malades sont encore en général soignés à domicile. Et l’hôpital, peu habité d’enfants et de vieillards, est conséquemment peuplé essentiellement d’une population aux âges médians.
Une vaste aire de services
Les origines géographiques des populations hospitalisées étonnent. À Québec, elles sont caractérisées à la fois par une vaste amplitude du bassin de recrutement et par une forte proportion de patients provenant de l’extérieur de l’agglomération. Cette proportion demeure difficile à préciser : la multiplication des localités simplement désignées dans les registres par un nom de saint ou de sainte sans autre précision (de comté ou de région) oblige à laisser de côté nombre de patients : un même nom de saint est bien souvent utilisé pour deux, voire trois localités au Québec, ce à quoi s’ajoutent les noms de paroisses, que ce soit à Québec même ou dans des localités proches. Et il paraît risqué de répartir les localités manquantes suivant les proportions calculées pour les lieux de résidence connus, puisqu’une forte proportion des cas non résolus sont vraisemblablement de l’extérieur de Québec. Malgré toutes ces embûches, il demeure possible de conclure que la proportion de ceux qui viennent d’ailleurs est très élevée, et qu’elle progresse à la hausse. C’est le cas même en amalgamant Québec et une couronne urbanisée ou en voie d’urbanisation composée de localités de la Rive-Nord dans un périmètre de 10 kilomètres, ce qui comprend Sainte-Foy, Sillery, les deux Lorette, Charlesbourg et Beauport. Si, en 1881 et 1891, au moins 31 % puis 45 % des patients sont d’ailleurs, cette proportion s’établit à 55 % et 57 % en 1901 et 1911, pour finalement atteindre 66 % en 1942. Dans le même ordre d’idées, F. Rousseau a signalé que pour les années 1909, 1915 et 1925 à 1929, le nombre de malades hospitalisés provenant « de la ville proprement dite » s’échelonne entre 29,1 % et 31,2 % (Rousseau, 1994 : 410). Ajoutons qu’une enquête gouvernementale conclut qu’en 1948, la proportion des patients hospitalisés dans les établissements de Québec et provenant de l’extérieur de la région se monte à 25,2 %, alors que ceux provenant de l’extérieur de la cité de Québec représentent 39 % (Québec, Province, Commission d’enquête, 1957 : 359). Cela confirme le maintien d’une forte attraction de Québec à l’échelle de l’ensemble de ses hôpitaux, sans toutefois rejoindre les taux élevés que nous avons relevés à l’Hôtel-Dieu pour des années antérieures. Il est vraisemblable toutefois qu’à partir de 1948 cette attraction perde en intensité. En effet, à la faveur d’un programme fédéral aidant les provinces à rehausser le financement de la construction d’hôpitaux, plusieurs nouveaux établissements ou agrandissements vont élargir considérablement la capacité d’accueil dans l’est de la province hors de Québec[15]. Le parti de l’Union nationale de Maurice Duplessis, au pouvoir à l’époque, fait d’ailleurs de la régionalisation des services hospitaliers, fortement recommandée dans l’enquête de 1948 sur les services de santé, un argument électoral (Union nationale, 1956). Aussi la proportion de patients provenant de l’extérieur de l’agglomération de Québec paraît-elle appelée à diminuer.
Nombre de patients proviennent donc d’ailleurs. Mais d’où au juste ? La cartographie des localités de résidence identifiées montre qu’à l’HDQ, l’aire des provenances géographiques durant toute la période considérée est particulièrement vaste puisqu’elle couvre tout l’est du Québec, avec des patients provenant de multiples localités (figure 2). L’ouest du Québec est par contre très peu représenté, bien que l’Abitibi envoie son contingent de patients en 1931 et en 1942, lesquels profitent sans doute de la voie de chemin de fer qui relie leur région tout aussi facilement à Québec qu’à Montréal. Cette présence de patients issus de nombreuses localités externes génère une importante correspondance entre l’hôpital et sa clientèle éloignée, ce dont témoigne un registre où se trouve consigné le contenu des missives envoyées aux patients ou à leurs proches d’octobre 1932 à juin 1935[16]. Les destinations des lettres dessinent une répartition spatiale semblable à celle obtenue partant des registres d’entrée et de sortie, confirmant les résultats obtenus (figure 3).
Comment expliquer l’existence et le maintien, voire l’intensification, d’une telle attraction sur des populations parfois lointaines ? Au xixe siècle, alors que les hôpitaux sont encore peu nombreux au Québec, cela peut se comprendre aisément : le Bas-Saint-Laurent par exemple n’a son premier hôpital qu’en 1923 (Fortin et Lechasseur, 1993 : 543-544), la Gaspésie dans les années 1910 (Bélanger et collab., 1999 : 635-636). Mais, en 1942, ces régions, et d’autres pourvues d’hôpitaux, continuent d’approvisionner en patients l’Hôtel-Dieu de Québec. Il faut savoir que celui-ci est un grand hôpital universitaire où exercent des spécialistes reconnus, et qu’il est mieux équipé que les petits hôpitaux de région. Le prestige de l’établissement peut jouer, de même que celui de ses médecins. En outre, on sait que bon nombre de médecins exerçant dans l’est du Québec ont fait leurs études à l’Université Laval (Weisz, 1987). Ils peuvent être tentés d’envoyer certains de leurs patients à leurs anciens professeurs, et dans un hôpital où ils ont suivi leur formation clinique. Ajoutons que d’autres grands hôpitaux généraux apparus à Québec au fil des décennies, Saint-François-d’Assise en 1914, l’Enfant-Jésus en 1923 et Saint-Sacrement en 1928, se partagent avec l’Hôtel-Dieu les patients de Québec tout au moins, et vraisemblablement ceux de l’extérieur aussi.
L’HDSV de Chicoutimi n’a évidemment pas la même réputation que l’HDQ. Son aire de desserte est pourtant très étendue. Dans un premier temps, au xixe siècle, la majeure partie des patients provient en fait de l’extérieur de l’agglomération. Comme pour la surreprésentation masculine, cela s’explique par les modalités particulières de l’accès, à savoir les ententes inter-institutionnelles approvisionnant l’hôpital en marins, en prêtres et en écoliers. Les marins, dont le séjour est défrayé par le gouvernement fédéral[17], représentent 18,4 % des cas au xixe siècle. Au départ, c’est le gouvernement fédéral qui a fait construire le bâtiment de l’hôpital, lequel devient propriété des religieuses en 1895. Il est entendu par contrat que les religieuses sont payées pour recevoir les marins référés par les autorités du port de Chicoutimi. Or ces marins proviennent presque tous de l’extérieur du Canada, la plupart d’Europe, environ aux deux tiers de Norvège et de Suède.
Deux autres ententes confèrent à l’établissement une vocation essentiellement régionale, ou plus précisément diocésaine au xixe siècle. L’évêque du diocèse de Chicoutimi envoie aux religieuses les prêtres de son diocèse qui nécessitent une hospitalisation, lesquels comptent pour 21,9 % des patients. Il en va de même pour les écoliers du petit Séminaire (54 %), un pensionnat qui reçoit lui aussi des garçons du diocèse. Or ce dernier couvre à l’époque une vaste région incluant l’actuel Saguenay—Lac-Saint-Jean, Charlevoix et une partie de la Côte-Nord. De tout cela il résulte que plus des trois quarts (76 %) des patients proviennent de l’extérieur de l’actuel territoire de Ville de Saguenay[18] au xixe siècle : clairement, l’hôpital n’est pas prioritairement destiné à la population locale, et il est grandement utile pour des patients loin de leurs résidences, à une époque où chacun se fait préférablement soigner à domicile.
Au xxe siècle, et surtout après 1911, les provenances géographiques à l’HDSV se modifient considérablement avec l’ajout de nouvelles clientèles, qui vont entraîner une hausse très rapide de la fréquentation, laquelle passe de 147 en 1911 à 614 en 1921, puis à 1 637 cinq ans plus tard. Aux marins, écoliers, séminaristes et prêtres s’ajoutent en nombre croissant les malades dits « passants », qui entrent sur une base individuelle. Rares avant le xxe siècle, puisque moins de deux par année en moyenne figurent aux registres de 1884 à 1898, ils sont déjà plus nombreux à partir de 1899 (voir figure 4 pour 1900-1901-1902). Mais les entrées relevant des trois ententes institutionnelles dominent encore largement. Dans la décennie 1910, les malades passants se pressent de plus en plus aux portes de l’hôpital, et les entrées qui ne relèvent pas des ententes passent de 62 % en 1911 à 94 % dix ans plus tard. C’est alors que naît à Chicoutimi un nouvel hôpital destiné à une clientèle élargie et nettement plus nombreuse[19]. À bien des égards, les malades passants se distinguent des clientèles précédentes. Ainsi, pour ce qui est des origines géographiques, ils sont concentrés à Chicoutimi même et dans les localités proches comme Jonquière, tout en provenant également du reste de la région et un peu d’ailleurs. En 1911, 1921 et 1926, environ 67 %, 69 % puis 66 % des patients passants sont de l’actuel territoire de Ville de Saguenay. La population locale et avoisinante utilise désormais l’HDSV pour l’hospitalisation, ce qu’elle faisait peu auparavant.
Une autre clientèle accroît sa présence dans les années 1920, à savoir celle des travailleurs accidentés. Un registre débuté en 1923 recense les patients référés par des compagnies (Perron, 1984 : 96-104). En 1926, c’est le cas de 21 % de l’ensemble des patients. Ils proviennent en majorité, à 58 %, de l’extérieur du Saguenay—Lac-Saint-Jean. Cela nous informe d’un fait peu connu, à savoir que, en cette période de croissance économique de la région, des travailleurs de tout le Québec y viennent à la recherche d’emploi. Les registres de l’HDSV donnent ainsi prise sur un phénomène par ailleurs difficilement saisissable, celui d’une remarquable mobilité spatiale de la main-d’oeuvre masculine dans le Québec de l’époque, une main-d’oeuvre assez jeune si l’on considère que 71,1 % des patients référés par les compagnies ont de 15 à 29 ans. Une proportion de 17,8 % des patients de compagnies proviennent même des autres provinces du Canada. Il en résulte que l’hôpital maintient sa fonction traditionnelle consistant à prendre soin de personnes de l’extérieur, et qui forment une population flottante simplement de passage. Et son bassin de recrutement, de façon un peu surprenante pour un hôpital de région périphérique, couvre conséquemment une bonne partie du Québec habité, particulièrement du côté sud du fleuve (figure 5). Un autre résultat de ceci est que, si environ 97 % des patientes sont du Saguenay—Lac-Saint-Jean, c’est le cas de seulement 71 % des patients. Un autre résultat enfin est la présence d’une bonne source de revenus pour l’hôpital, dans la mesure où des paiements sont effectués pour tous les employés envoyés par les compagnies, bien qu’il s’agisse d’une tranche de la société peu aisée. Autrement, on peut penser que l’hôpital aurait dû assumer en tout ou en partie les coûts de l’hospitalisation de certains de ces travailleurs, pour autant qu’ils soient hospitalisés.
Enfin, si l’hospitalisation s’adresse en bonne partie à des populations non locales, un volet de l’activité des hôpitaux exclusivement destiné aux populations proches n’est pas pris en compte ici, à savoir les services externes sous forme de visites à domicile ou de dispensaires. Un examen des registres des patients reçus aux dispensaires de l’HDQ dans les premières décennies du xxe siècle confirme cette vocation locale, également relevée à l’HDSV (Perron, 1984 : 70).
Répartition par regroupements socioprofessionnels
Les professions des patients, ou celles de leur père ou de leur mari, ont été regroupées par catégories socioprofessionnelles en vue d’établir grosso modo le type de milieu social dont ils provenaient. Cela a d’abord été fait à l’aide de la classification élaborée par l’équipe de BALSAC[20]. La classification a ensuite été adaptée aux besoins de la présente étude et aux caractéristiques de la source en procédant à diverses modifications[21].
Il est généralement considéré que l’hôpital du xixe siècle, avant la marchandisation des soins, reçoit presque seulement des patients pauvres. À Chicoutimi, ce modèle ne tient pas avec l’afflux des écoliers et étudiants du Séminaire, des marins et des membres du clergé. Bon nombre, sinon la plupart de ces écoliers ne sont en effet pas de familles pauvres (Simard et Riverin, 1973), et les besoins des prêtres et séminaristes sont assurés par l’Église. Quant aux marins, s’ils évoluent parmi les couches les moins aisées de la société, ils ne sont pas complètement démunis puisqu’ils ont un emploi. S’il y a un point commun à trouver, ce serait plutôt le fait que les patients de ces trois groupes soit n’habitent pas dans leur famille, soit, pour la plupart, n’ont pas de domicile proche. Dans un contexte où les soins se donnent encore préférablement à domicile, ce ne sont donc pas spécifiquement les pauvres qui sont hospitalisés à Chicoutimi, mais bien surtout ceux qui n’ont pas à proximité de domicile ou de famille apte à les prendre en charge. C’est bien là une des fonctions traditionnelles de l’hôpital.
À Québec, les registres de 1881 et 1891 livrent une population hospitalière plus conforme au modèle habituel (figure 6[22]). Du moins, ils confirment que les catégories professionnelles auxquelles appartiennent une vaste majorité de patients ou leur famille sont de celles où bien peu s’enrichissent. Les cultivateurs, les travailleurs manuels, qualifiés ou non, dominent largement, et toutes les autres catégories sont fort peu représentées. Au xxe, ces autres catégories occuperont plus de place. L’hôpital, faut-il préciser, courtise alors de nouvelles clientèles puisqu’il s’est doté en 1893 de ses premières chambres privées, dont certaines sont luxueuses (figure 7).
L’ajout de chambres privées s’accompagne immédiatement d’une diversification sur le plan socioprofessionnel, la marchandisation des soins ouvrant l’hôpital à d’autres couches de la société (figure 8). Une surprise toutefois est à souligner. Alors que les salles communes conservent leurs caractéristiques antérieures en ce qui a trait aux professions, demeurant très homogènes puisque peuplées essentiellement encore de cultivateurs et de travailleurs manuels, les chambres privées accueillent des patients d’horizons professionnels très variés. Des travailleurs manuels sont trouvés dans les chambres, de même que des cols blancs, qualifiés ou non. Il semble que, dans tous les groupes de la société, on aspire aux chambres privées, et que même des gens de condition vraisemblablement assez modeste parviennent à y accéder. Il n’en reste pas moins que des clivages marqués distinguent les populations respectives des salles et des chambres (figure 9) : en 1901, 3 % seulement des cultivateurs et des travailleurs manuels non qualifiés sont hébergés dans les chambres, et 9 % des travailleurs manuels qualifiés. Les autres groupes y sont bien mieux représentés, par exemple 56 % pour les gens de commerce ou 70 % pour les professions libérales. Dans l’ensemble, il est tentant de penser que les patients qui en trouvent les moyens évitent les salles communes[23]. Une quarantaine d’années plus tard, en 1942, le tableau de la composition professionnelle des populations des salles et des chambres demeure à peu près inchangé, en ce sens que les salles sont toujours occupées essentiellement par des membres de familles de cultivateurs et d’autres travailleurs manuels, et que les chambres accueillent une clientèle très diversifiée (figure 10). Il semble bien que dès l’avènement de l’hospitalisation payante, les grands traits des clientèles accédant aux chambres privées se soient fixés pour longtemps. En 1942, tout de même, presque toutes les catégories socioprofessionnelles sont proportionnellement plus présentes dans les chambres qu’en 1901. Et si 15 % de l’ensemble des patients se payaient des chambres en 1901, ce pourcentage est passé à 35 %. Le contexte de quasi plein emploi durant la guerre associé à une hausse des revenus des ménages aide sans doute à expliquer qu’une proportion plus grande de patients logent dans les chambres privées (un lit) ou semi-privées (deux à quatre lits). Certains clivages demeurent néanmoins très marqués : 8 % seulement des cultivateurs et 18 % des ouvriers peu ou non qualifiés sont dans des chambres. Cela est certainement lié au niveau de richesse, mais d’autres facteurs peuvent jouer. C’est du moins ce que laisse entendre le fait que les cultivateurs soient reçus dans les salles communes en proportion moindre que les ouvriers peu ou non qualifiés. Se peut-il que les populations campagnardes soient moins réticentes à l’hébergement dans des salles communes, ou que leur aspiration à une chambre privée soit moins marquée ? La capacité de payer n’est probablement pas le seul facteur influençant la décision de choisir une chambre ou une salle.
Un dernier point susceptible de jouer sur la composition socioprofessionnelle doit être relevé, à savoir l’aide financière accordée par le gouvernement provincial pour l’hospitalisation des patients reconnus indigents selon la Loi de l’Assistance publique adoptée en 1921. L’HDSV adhère très tôt à ce programme, dès 1923. L’HDQ par contre, contrairement à la vaste majorité des hôpitaux, s’oppose au programme de sorte que, durant toute la période à l’étude, ses patients ne peuvent être hébergés comme indigents de l’Assistance publique (Rousseau, 1994 : 138-139). Or, si une majorité de patients étaient reçus gratuitement encore à la fin du xixe siècle, une portion croissante d’entre eux paient par la suite « pension » pour l’hébergement dans les salles (Rousseau, 1994 : 132-133). À ce propos, la correspondance des années 1932-1935 montre que lorsqu’un patient s’attend à être reçu gratuitement, les religieuses lui expliquent qu’il doit payer ou aller dans un autre hôpital s’il veut bénéficier de l’Assistance publique[24]. Il arrive aussi qu’elles recommandent de demander une aide de la municipalité, ou réduisent les frais encourus. Si l’hôpital avait accepté le financement de l’Assistance publique comme les autres hôpitaux, la composition des populations des salles communes en aurait été vraisemblablement affectée. En effet, la représentation des groupes les plus pauvres s’en serait trouvée possiblement rehaussée, intensifiant encore les clivages constatés entre chambres et salles.
Conclusion
Au xixe siècle, les populations hospitalisées dans les deux établissements étudiés sont à certains égards très différentes. Celles de l’HDQ se conforment au modèle généralement admis selon lequel l’hospitalisation est à l’époque destinée à des populations pauvres qui ne peuvent être soignées à domicile. Celles de l’HDSV ne s’y conforment guère, avec un recrutement fondé sur des ententes inter-institutionnelles permettant à l’évêque de loger les membres de son clergé et les écoliers malades de son collège diocésain, sans compter les marins envoyés par les autorités fédérales. Ce qui paraît justifier l’hospitalisation à l’HDSV, c’est moins la pauvreté qu’une situation d’éloignement de la famille ou des proches susceptibles de prendre en charge l’individu. Il n’en reste pas moins qu’un même motif général d’hospitalisation paraît valable pour les deux hôpitaux, un motif dont la pauvreté comme l’éloignement de la famille constituent deux variantes causales, à savoir l’impossibilité que le malade soit soigné à domicile. S’il est un trait commun qui unit les populations des deux hôpitaux au xixe siècle, c’est vraisemblablement celui-là.
À partir de 1900 environ, les populations hospitalisées dans les deux établissements se diversifient, alors qu’ils reçoivent en nombres croissants des patients disposés à payer pour bénéficier des avancées de la médecine hospitalière. Elles se ressemblent aussi de plus en plus. Les écarts entre les sexes, caractérisés au xixe siècle par des sur-représentations d’hommes à l’HDSV et de femmes à l’HDQ, se résorbent. En termes d’âge, le développement de services aux enfants accroît leur présence, quoiqu’ils demeurent sous-représentés. En termes sociaux, une nouvelle clientèle est reçue dans des chambres privées, lesquelles, à Québec, hébergent une population étonnamment disparate sur le plan socioprofessionnel. À l’inverse, celle des salles demeure fortement homogène, peu diversifiée, et ce, de 1881 à 1942. Des clivages nets ressortent : les membres de familles de cultivateurs et de travailleurs manuels peu ou pas qualifiés se font soigner en vaste majorité dans les salles communes, aussi bien au début du siècle que durant la Seconde Guerre mondiale, alors que d’autres catégories optent en forte majorité également pour les chambres privées. La marchandisation des services hospitaliers a créé, de façon durable, deux classes de patients : les uns, hébergés dans les chambres privées, sont répartis dans tout l’éventail des catégories socioprofessionnelles ; les autres, reçus à moindre coût dans les salles communes, sont plus nombreux et concentrés dans les catégories de cultivateurs et de travailleurs manuels.
La couverture territoriale est remarquablement vaste et stable de 1881 à 1942 à Québec, ce qui contribue à maintenir la ville comme pôle majeur de services pour tout l’est du Québec. Ceci inclut le Saguenay—Lac-Saint-Jean où se trouve l’HDSV. Ce dernier, d’abord consacré à des clientèles régionales provenant pour une bonne part de l’extérieur de l’agglomération, en vient d’une part à desservir également la population locale, et d’autre part à recueillir des travailleurs de diverses régions du Québec. Malgré cela, l’hôpital conserve une vocation régionale forte, une vocation qui est en fait diocésaine : c’est le diocèse de Chicoutimi qui définit pour une bonne part l’extension territoriale de son bassin de recrutement de patients.
Tous ces points nécessitent d’être creusés plus avant. Il serait sans doute utile d’étudier l’évolution des populations hospitalisées dans d’autres hôpitaux, ceux de Montréal entre autres, ou de Québec pour apprécier le partage des clientèles et les spécialisations qui se font jour, ou encore hors Québec pour identifier à la fois ce qui relèverait spécifiquement d’un « modèle québécois » et ce qui serait au contraire conforme aux grands courants canadiens et nord-américains. Tout cela permettrait de mieux étayer la réflexion et de mieux tenir compte des hiérarchies urbaines comme des dynamiques locales, régionales et nationales. De même, la méthode devisée ici de reconstitution des populations hébergées pourrait avantageusement être mise en oeuvre pour l’étude d’autres types d’établissements comme les hospices ou les orphelinats, offrant un regard inédit sur leur évolution.
Appendices
Remerciements
L’article provient de travaux financés par le Fonds de recherche du Québec – Société et culture.
Notes
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[1]
Les travaux d’Annmarie Adams (2008) montrent ainsi comment les espaces intérieurs de l’hôpital sont différenciés selon qu’ils s’adressent aux clientèles payantes ou non payantes.
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[2]
Une littérature particulièrement abondante est ici concernée, émanant le plus souvent de prêtres (par exemple H.-R. Casgrain, 1878) ou de religieuses (par exemple Jeanne Bernier, 1957) traitant de leur communauté et de ses oeuvres. Certaines congrégations comme les Soeurs de la Providence de Montréal ou les Soeurs de la Charité de Québec multiplient les ouvrages. Voir, parmi bien d’autres, Soeur Sainte-Blanche, 1948.
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[3]
De nombreuses recherches en histoire des femmes ont abordé les professions féminines comme celle des infirmières, ou le travail hospitalier des religieuses (voir Baillargeon, 1999).
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[4]
Pour plus d’informations quant à la teneur des travaux antérieurs sur l’histoire du système hospitalier québécois, voir Guérard (2000).
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[5]
Nous n’avons repéré aucune étude suivant un cheminement similaire à celui choisi ici, à savoir une reconstitution historique de la population hospitalisée partant des individus.
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[6]
L’ouvrage de N. Perron (1984) comporte un chapitre entier consacré aux clientèles de l’établissement, incluant l’hôpital, ses dispensaires, l’hospice et l’orphelinat. Il livre une analyse intéressante dont nombre de conclusions ou d’informations sont reprises ici dans une perspective différente.
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[7]
Des livres de comptes pourraient éventuellement être utilisés, mais ils ne donnent généralement que bien peu d’informations sur les personnes hospitalisées, se limitant aux seuls nom et prénom.
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[8]
Les registres de 1921 et de 1941 étaient absents.
-
[9]
Richard Marcoux et Marc Saint-Hilaire ont gracieusement donné accès aux bases de données qu’ils ont constituées pour la ville de Québec à partir d’annuaires et de recensements, ce dont nous les remercions.
-
[10]
L’annuaire de la ville et du district de Chicoutimi 1922, Publication régionale enrg., 188 p. ; L’annuaire des comtés de Chicoutimi et du Lac-Saint-Jean. Année 1927, Chicoutimi, Le Progrès du Saguenay, 439 p.
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[11]
F. Rousseau a déjà souligné cette sur-représentation féminine (Rousseau, 1994 : 72).
-
[12]
En 1903, une section pédiatrique est ajoutée au dispensaire des pauvres destiné à la population de Québec. Il s’agit toutefois de services externes, pas d’hospitalisation.
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[13]
Lettre du 8 mars 1933 adressée à un curé de paroisse, dans le Registre de correspondance avec les malades ou leur famille, p. 410. Registre consulté au Fonds d’archives du Monastère des Augustines de Québec, F5-G1, 1/2.
-
[14]
L’étude des populations hébergées dans les hospices reste à faire, comme celle des populations hospitalisées.
-
[15]
Avec ou sans l’aide des gouvernements, les hôpitaux généraux publics suivants apparaissent dans l’est du Québec entre 1949 et 1958 : Hôpital Notre-Dame de l’Espérance de Blanc-Sablon (1949), Hôtel-Dieu Notre-Dame-de-Beauce (1950), Hôpital Notre-Dame de Hauterive (1950), Hôpital Notre-Dame de l’Espérance de Sept-Iles (1950, 1957), Hôtel-Dieu Saint-Augustin de Montmagny (1951), Hôtel-Dieu du Christ-Roi d’Alma (1954), Hôtel-Dieu du Sacré-Coeur-de-Jésus de Dolbeau (1955), Hôpital Notre-Dame-de-Fatima de Ste-Anne-de-la-Pocatière (1955), Hôtel-Dieu Notre-Dame-de-l’Assomption de Jonquière (1955), Hôpital Saint-Alexandre des Escoumins (1958).
-
[16]
Registre de correspondance avec les malades ou leur famille 1928-1935, Fonds d’archives du Monastère des Augustines de Québec, F5-G1, 1/2.
-
[17]
Une entente pour les marins avec le gouvernement fédéral existait également à l’HDQ (Rousseau, 1994 : 76).
-
[18]
À la suite de fusions, Ville de Saguenay comprend aujourd’hui des territoires qui ont porté les noms notamment de Chicoutimi, Sainte-Anne, Chicoutimi-Nord, Rivière-du-Moulin, Arvida, Jonquière, Kénogami, La Baie, Bagotville, Port-Alfred, Saint-Alexis, Laterrière, Shipshaw.
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[19]
N. Perron (1984) a bien fait ressortir ce point en le liant à la modernisation et à la médicalisation de l’hôpital.
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[20]
La direction de BALSAC a gracieusement fourni ses listes en document Excel.
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[21]
Par exemple, la distinction retenue par l’équipe de BALSAC quant à l’aire d’action des commerçants, industriels et fonctionnaires est apparue impraticable, les sources utilisées ne permettant presque jamais de préciser ce point.
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[22]
En 1881, 545 professions sur 601 sont connues et classées et, en 1891, 721 sur 877, soit des proportions respectives de 90,7 % et 82,2 %.
-
[23]
De rares commentaires d’époque confirment que certains évitent les salles communes pour ne pas être traités avec les pauvres et sur le même pied qu’eux. À Trois-Rivières en 1916, lorsque les ouvriers de grandes entreprises négocient une entente avec l’Hôpital Saint-Joseph, ils exigent d’être traités dans des chambres de deux à quatre lits au plus. Voir Procès-verbaux des réunions du bureau médical de l’Hôpital Saint-Joseph de Trois-Rivières, 30 mars 1916.
-
[24]
Une vingtaine de lettres envoyées concernent ainsi l’Assistance publique (Registre de correspondance avec les malades ou leur famille, Fonds d’archives du Monastère des Augustines de Québec, F5-G1, 1/2).
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