Cahiers québécois de démographie
Volume 40, Number 1, Spring 2011 Mesure et déterminants des substitutions linguistiques Guest-edited by Alain Bélanger and Patrick Sabourin
Table of contents (8 articles)
Articles
-
Mesure et déterminants des substitutions linguistiques
-
Quelques pistes méthodologiques en démolinguistique : la langue catalane et son Enquête d’usages linguistiques
Juan Jiménez-Salcedo
pp. 13–38
AbstractFR:
Notre article présente la méthodologie et les résultats de l’Enquesta d’usos lingüístics 2008 (EULP08), une enquête menée par l’Institut catalan de la statistique (Idescat), dont l’objectif principal et de dresser un portrait des usages linguistiques de la population catalane, et qui se base sur une conceptualisation ouverte et dynamique des catégorisations linguistiques. Nous pensons que la méthode de travail privilégiée par les statisticiens catalans peut contribuer à éclairer plusieurs aspects de la démolinguistique canadienne et québécoise.
EN:
The article presents the methodology and the findings of the Enquesta d’usos lingüístics 2008 (EULP08), a survey carried out by the Catalan Institute of Statistics (Idescat). The main aim of the survey is to portray the linguistic usage of the Catalan population; it is based on an open and dynamic conceptualisation of linguistic categorisation. The authors believe that the working methods chosen by the Catalan statisticians may have a contribution to make to shedding light on some aspects of Canadian and Quebecois demolinguistics.
-
Analyse des facteurs de transmission du basque, du catalan et du galicien en Espagne
Béatrice Valdes and Jérôme Tourbeaux
pp. 39–59
AbstractFR:
Au cours de l’histoire de l’Espagne, les diverses autorités ont essayé d’unifier le pays notamment en promouvant la culture castillane au détriment des particularités identitaires locales, et en interdisant l’usage des langues régionales. Mais, depuis la fin des années 1980, de nouvelles dispositions législatives ont permis de proclamer le caractère co-officiel de certaines langues régionales, et des lois de « normalisation linguistique » réglementent l’emploi de ces langues dans le domaine de l’enseignement. On s’est interrogé sur l’efficacité d’un système d’enseignement bilingue, et par conséquent sur le maintien, ou le déclin, de l’importance du rôle de la famille dans la diffusion des langues, suite à l’introduction des langues régionales dans l’enseignement. Cet article met en évidence que les pouvoirs publics se sont partiellement substitués à la famille quant à la transmission de ce patrimoine culturel que sont les langues régionales, en obligeant leur apprentissage à l’école. C’est la raison pour laquelle la proportion de la population qui maîtrise la langue régionale de sa Communauté autonome augmente, y compris chez les non-natifs.
EN:
In the past, the various successive spanish authorities have tried to unify the country, promoting the Castilian culture at the expense of local identity features, and by prohibiting the use of regional languages. But since the late 1980s, new laws have to declare the nature of some co-official regional languages, and laws of « linguistic normalization » will regulate the use of languages in education. They questioned the effectiveness of a bilingual education system, and consequently on the maintenance, or decline, the importance of the role of family in the dissemination of languages, following the introduction of regional languages in education. This article will highlight that the government has been partially substituted for the family in the transmission of cultural heritage that represent the regional languages by requiring their learning in school. That is why the proportion of people who master the language in these autonomous communities is increasing, including among non-natives of these Communities.
-
L’oubli de la langue maternelle : les données du recensement sous-estiment-elles les transferts linguistiques ?
Jean-François Lepage
pp. 61–85
AbstractFR:
La question sur la langue maternelle dans le recensement canadien comporte une condition — la première langue apprise dans l’enfance doit être encore comprise — susceptible d’introduire un biais dans la mesure des transferts linguistiques. Il est impossible de mesurer directement l’importance de ce biais à partir des données de recensement, mais les données de l’Enquête sociale générale (ESG), où la question sur la langue maternelle est posée en deux volets, permettent d’étudier directement le phénomène de l’oubli de la langue maternelle. En regroupant les données provenant de quatre cycles de l’ESG, on constate que le phénomène est globalement marginal et qu’il n’affecte pratiquement pas les anglophones, ni les francophones du Québec et des régions limitrophes. Même si l’oubli de la langue maternelle est significatif chez certains sous-groupes de la population (les francophones vivant en milieu très minoritaire et les personnes de tierce langue maternelle nées au Canada), l’incidence de ces cas sur les calculs de transferts linguistiques reste faible.
EN:
The question in the Canadian census on mother tongue includes a conditional definition, whereby the first language learned in childhood must be still understood, which is liable to bias the measurement of linguistic transfers. It is impossible to measure the scale of this bias directly using the census data, but the results of the General Social Survey, in which the question about mother tongue was posed in two sections, enable the phenomenon of forgetting the mother tongue to be studied directly. Bringing together the findings from four rounds of the GSS, the article shows that the phenomenon is globally marginal and that it barely affects either Anglophones or Francophones in Quebec and neighbouring regions. Although forgetting one’s mother tongue is significant among some population sub-groups (Francophones living in extreme minority settings, and persons of other mother tongues born in Canada), these cases have little impact on calculations of linguistic transfers.
-
La transmission de la langue maternelle aux enfants : le cas des couples linguistiquement exogames au Québec
Camille Bouchard-Coulombe
pp. 87–111
AbstractFR:
Le nombre d’unions où les deux conjoints n’ont pas la même langue maternelle est en augmentation depuis les dernières décennies au Québec. Sachant que les enfants issus de ces unions gravitent dans un univers familial plurilingue, cette étude s’intéresse aux langues maternelles qui leur sont transmises. En utilisant les données du recensement canadien de 2006, différentes analyses ont été produites de sorte à cerner les langues maternelles véhiculées aux enfants issus d’une union mixte. De plus, par le biais d’une régression logistique, une analyse explicative a été conduite afin de connaître si certains déterminants socio-démographiques sont susceptibles d’expliquer le choix de transmettre le français ou l’anglais comme langue maternelle à ces enfants. Les résultats obtenus démontrent la place prédominante des langues officielles canadiennes, au détriment des langues non officielles, et de surcroît, la force d’attraction supplémentaire exercée par la langue anglaise chez les familles exogames. De plus, le choix de la langue maternelle transmise s’avérerait, entre autres choses, influencé par le lieu de résidence, le parcours migratoire des parents et le pays de naissance des enfants.
EN:
The number of unions where both partners do not share the same mother tongue has grown substantially over the recent decades in Quebec. Given that children born to these unions live in a multilingual family setting, the purpose of this research is to study the mother tongue transmitted to these children. Using the 2006 Canadian Census data, different analyses have been conducted. These were intended to identify the mother tongue transmitted to children born to mixed-language unions. In addition, using logistic regression, we examined the contextual, ethno cultural and socioeconomic determinants explaining the choice to transmit French or English as a mother tongue to children. The results show a predominance of the two official Canadian languages in mixed-language families, at the expense of non-official languages as well as an additional attraction exerted by the English language. Furthermore, the choice of the transmitted mother tongue is influenced, among others things, by the place of residence, the parent’s migration path and the children’s birthplace.
-
Une analyse des déterminants de la mobilité linguistique intergénérationnelle des immigrants allophones au Québec
Alain Bélanger, Patrick Sabourin and Réjean Lachapelle
pp. 113–138
AbstractFR:
l’immigration prend une importance accrue dans la croissance démographique québécoise et, selon Statistique Canada, 30 % des résidents de la région métropolitaine de recensement de Montréal pourraient être nés à l’étranger en 2031. Les allophones sont appelés à prendre une place plus importante numériquement et leurs choix linguistiques auront donc un effet accru sur l’équilibre du Québec. L’objectif de cet article est d’analyser les facteurs démographiques, ethnoculturels et socio-économiques associés à une transition linguistique intergénérationnelle vers l’une ou l’autre des deux langues officielles, au moyen d’une régression logistique appliquée aux microdonnées du recensement canadien de 2006. L’analyse porte sur les familles composées de deux parents de sexe opposé et au moins d’un enfant âgé de moins de 15 ans. Les résultats mettent en évidence l’effet des dispositions de la Charte de la langue française (loi 101) pour expliquer les choix linguistiques des allophones, ainsi que l’importance de la sélection d’immigrants francotropes. Néanmoins, l’attrait de l’anglais demeure important pour les allophones s’établissant au Québec, surtout chez les plus éduqués et parmi les classes socioprofessionnelles les plus favorisées.
EN:
Immigration is playing a larger part in demographic growth in Quebec ; according to Canada Statistics, by 2031 30 % of residents of the metropolitan census area of Montreal may be born outside the area. Allophones will be numerically more important, and their linguistic choices will therefore have an increased effect on the demolinguistic balance of Quebec. The aim of this article is to analyse the demographic, ethno-cultural and socio-economic factors associated with intergenerational linguistic transfer to one or the other of the two official languages, using a logistic regression applied to the micro-data of the 2006 Canadian census. The analysis is of families made up of two parents of opposite sexes and at least one child aged under 15. The results demonstrate the effects of the provisions of the Charte de la langue française (law 101) in explaining the linguistic choices of allophones, and also the importance of the selection of Francotrope immigrants. However the attraction of English remains significant for allophones settling in Quebec, especially for the most highly educated and for the better-off socio-professional classes.
Note de recherche hors thème
-
Catégories ethniques et linguistiques au Québec : quand compter est une question de survie
Victor Piché
pp. 139–154
AbstractFR:
L’objectif du présent texte est de rapprocher trois champs de recherche généralement isolés les uns des autres : (1) l’histoire de l’immigration et de la diversité ethnique, (2) l’histoire du nationalisme québécois et (3) l’utilisation politique et idéologique des catégories ethniques et linguistiques pour définir qui est québécois ou québécoise. Dans le cas du Québec, l’utilisation politique des catégories ethniques ne peut se dissocier de l’histoire du nationalisme (ou des nationalismes) et de l’immigration. Pour comprendre cette histoire, le texte fait référence à la distinction entre le nationalisme ethnique, basé sur la notion culturelle de la nation, et le nationalisme civique, basé sur la notion de communauté politique, pour suggérer que les catégories ethniques et linguistiques y sont étroitement associées, mais de façon spécifique.
EN:
The aim of the article is to bring together three fields of research which are generally isolated from each other : (1) the history of immigration and ethnic diversity, (2) the history of Quebecois nationalism, and (3) the political and ideological use of ethnic and linguistic categories in defining who is Quebecois. In the case of Quebec, the political use of ethnic categories cannot be separated from the history of nationalism (or nationalisms) and of immigration. The article refers to the distinction between ethnic nationalism, based on the cultural idea of the nation, and civic nationalism, based on the notion of political community, in order to understand this history, and to suggest that ethnic and linguistic categories are closely associated with it, but in a specific manner.