Cette publication résulte d’une grande enquête lancée par la Caisse nationale d’assurance vieillesse en France. L’enjeu principal est clairement décrit en annexe : « apporter pour la première fois un éclairage sur le passage à la retraite des immigrés vivant en France ». L’enquête s’est déroulée entre novembre 2002 et février 2003 inclusivement, à partir d’un premier « échantillon de 10 000 fiches adresses extraites des données du recensement de 1999 ». Au final, « 6 211 questionnaires […] ont été complétés par la population cible », soit des immigrés de 45 à 70 ans vivant en France au moment de l’enquête. Il importe de préciser également qu’à partir des 6 211 immigrés interrogés, les enquêteurs ont pu construire « un échantillon comprenant exactement 19 285 enfants » (p. 291-293). Notons enfin que les auteurs sont très conscients que les immigrés ainsi sélectionnés et interrogés sont, « par définition, ceux qui ne sont pas retournés dans leur pays d’origine » (p. 37). Voilà qui peut expliquer le titre : Le destin des enfants d’immigrés. Mais que dire du sous-titre : Un désenchaînement des générations ? En quatrième de couverture, l’éditeur souligne le fait que, dans l’épreuve de la migration, « si liens affectifs et solidarités demeurent, les transmissions se perdent. Les enfants, qui satisfont les attentes d’un côté, les trahissent de l’autre. En s’autonomisant, ils parachèvent le désenchaînement des générations ». Dans l’introduction, les auteurs précisent que ce désenchaînement vient avec « l’oubli de la langue, de la culture, de l’effacement de la mémoire […] » (p. 9). D’emblée, Attias-Donfut et Wolff rejettent le débat « qui se développe en France autour des modèles d’intégration, naviguant entre deux pôles, l’“assimilation” et le “pluralisme culturel” » (p. 24). Au contraire, ils optent pour « des voies médianes suffisamment souples pour permettre à chacun de décider librement s’il préfère être acculturé, assimilé, ou s’affirmer dans son origine, sa foi, ses appartenances » (p. 27). Autant en introduction qu’en conclusion, les auteurs insistent sur l’un des aspects originaux de leur enquête. Rompant avec une habitude des Français intéressés par la recherche sur l’immigration, ils refusent « de réserver le terme immigré à ceux qui viennent de pays émergents (ou moins développés que la France) » (p. 280). Vu qu’une telle distinction entre immigrés n’est pas faite au Québec ou au Canada, la décision d’Attias-Donfut et Wolff apparaît évidente. L’ouvrage se divise en quatre grandes parties, comptant chacune trois ou quatre chapitres. Outre la présentation des résultats de leur enquête et le recours à leurs nombreuses études antérieures, les auteurs utilisent une riche bibliographie (p. 301-316), notamment de grands classiques allant de Oscar Handlin (1951) et Georges Gurvitch (1955) à Abdelmalek Sayad (1999) et François de Singly (2008), en passant par Zahia Zéroulou (1988) et Emmanuel Todd (1994). Dans les paragraphes qui suivent, nous rendons compte de ce qui a particulièrement attiré notre attention. Concernant les ponts entre générations, l’ouvrage de Attias-Donfut et Wolff « confirme le puissant rôle d’assistance du réseau familial dans les actes les plus ordinaires de la vie ». En général, les contacts sont fréquents entre les immigrants adultes et leurs enfants demeurant en France, plus particulièrement chez ceux venus d’Europe du Sud et du Maghreb (p. 156). « Des relations affectueuses s’expriment par des contacts soutenus » (p. 154). Quant à l’aide apportée entre les générations, elle est surtout le fait des immigrants d’Afrique du Nord et de Turquie, ce qui, aux dires des auteurs, « confirme le poids des normes culturelles » (p. 160). Conscients du fait que ce sont les parents immigrés qui répondent de leurs …
Appendices
Bibliographie
- Bernard, Philippe. 2004. La crème des Beurs. De l’immigration à l’intégration, Paris, Le Seuil, 333 p.
- De Singly, François. 2008. Les Adonaissants, Paris, Armand Colin, 399 p.
- Gurvitch, Georges. 1955. Déterminismes sociaux et liberté humaine, Paris, Presses universitaires de France, 301 p.
- Handlin, Oscar. 1951. The Uprooted : The Epic Story of the Great Migrations that Made the American People, Boston, Little & Brown, 310 p.
- Mead, Margaret. 1971. Le fossé des générations, Paris, Denoël-Gonthier, 159 p.
- Mognis, H. Abdallah. 2003. « Les jardiniers de la mémoire », Hommes et migrations, 1244 : 127-131.
- Sayad, Abdelmalek. 1992. L’immigration ou les paradoxes de l’altérité, Bruxelles, De Boeck Université, 331 p.
- Stora, Benjamin. 2008. Les Guerres sans fin. Un historien, la France et l’Algérie, Paris, Stock, 177 p.
- Todd, Emmanuel. 1994. Le destin des immigrés : Assimilation et ségrégation dans les démocraties occidentales, Paris, Seuil, 390 p.
- Zéroulou, Zahia. 1988. « La réussite scolaire des enfants d’immigrés. L’apport d’une approche en termes de mobilisation », Revue française de sociologie, 29, 3 : 447-470.