Abstracts
Résumé
Nous assistons depuis quelques décennies à un profond bouleversement de la transition du travail vers la retraite. Cette transition s’est « déstandardisée » à l’instar des autres étapes du parcours de vie : de plus en plus les statuts de travailleur et de retraité se combinent ou alternent dans des formes variables. Dans la présente étude, nous dégageons onze formes de transition travail-retraite au moyen d’analyses de séquences relatives à l’activité sur le marché du travail et aux sources et niveaux de revenus d’une cohorte de Canadiens âgés de 50 à 64 ans. Nous avons constaté une variabilité des formes qui s’exprime par des différences dans la propension à maintenir un emploi dans le cadre d’une retraite partielle, à maintenir ou à reprendre une activité sur le marché du travail après la cessation d’un emploi, et enfin par une inégalité dans les sources et niveaux de revenu. Nous avons également identifié des caractéristiques personnelles et professionnelles associées à ces formes de transition. Les résultats interpellent la question de l’inégalité des personnes âgées face au maintien ou à la reprise de l’activité et à l’adéquation des sources et des niveaux de revenu à l’orée de la retraite dans le cadre de préoccupations de politiques sociales.
Abstract
In the last few decades, we have witnessed the “destandardization” of the life course. More specifically, the transition from work to retirement has been destandardised, as the “worker” and “retired” statuses have combined or alterned in variable forms. In the present study, we identify 11 forms of transition by means of analyses of sequences relative to the labor market activity and to the sources and levels of incomes of a cohort of Canadians aged between 50 and 64. We found variability in the forms of transition, evidenced by differences in the propension to maintain a job within the course of a partial retirement, in maintaining or to resuming labour market activity after a job cessation, and by disparities in sources and levels of income. We also identified personal and professional characteristics associated with the forms of transition. The results are relevant to social policies regarding inequalities of seniors in labour market activity, and the adequacy of sources and levels of income during this transition.
Article body
Introduction
Nous assistons depuis quelques décennies à des transformations majeures dans l’activité économique, les politiques de main d’oeuvre des entreprises, les politiques publiques d’emploi et dans les systèmes institutionnels de protection sociale qui ont considérablement modifié le parcours de vie en général. Certains auteurs ont associé ce phénomène à la « désinstitutionnalisation » des étapes du cycle de vie qui ordonnaient auparavant le parcours des âges en trois temps successifs ayant chacun leur fonction propre : la formation de la jeunesse, le travail à l’âge adulte et la retraite à la vieillesse. La perte de ces normes officielles, du fait du recul des régimes publics, s’est accompagnée d’un mouvement de « déchronologisation » du cycle de vie. Le bouleversement des repères chronologiques entre les âges et entre activité et inactivité ont brouillé les sorties d’emploi et multiplié les formes de transition menant à la « déstandardisation » du parcours de vie (Kohli, 1986; Guillemard, 1995; Settersten, 2002). La transition du travail vers la retraite s’est ainsi « déstandardisée » à l’instar d’autres transitions du parcours. Parmi les principales manifestations empiriques de ce phénomène figure une augmentation historique récente de la variabilité affectant deux dimensions, soit le « timing » de la transition, c’est-à-dire l’âge auquel le statut de retraité succède au statut de travailleur et plus fondamentalement le « sequencing », c’est-à-dire les formes par lesquelles cette transition se manifeste.
On dispose de peu d’études sur les formes de transition travail-retraite au Canada. En général, ces dernières ne sont pas identifiées au terme d’une analyse de séquences réalisée sur des données longitudinales récentes, ni conceptualisées au préalable en intégrant plusieurs dimensions pertinentes, dont l’activité sur le marché du travail et le revenu. Le présent article veut apporter sa contribution à la connaissance des formes de transition de l’activité à la retraite en présentant la démarche et les principaux résultats d’une étude fondée sur une analyse d’appariements optimaux, de classification ascendante hiérarchique et de régression. Ces analyses ont été réalisées sur des séquences correspondant à des parcours de transition travail-retraite d’une cohorte de plus de 600 Canadiens âgés de 50 à 64 ans, extraite de l’échantillon longitudinal 1996-2001 de l’Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (EDTR).
Cette étude vise à donner quelques éléments de réponse à un ensemble de questions de nature descriptive et explicative, dont la pertinence se justifie dans le cadre de préoccupations de politique sociale touchant à l’inégalité des travailleurs âgés face au maintien ou à la reprise de l’activité après une cessation d’emploi, et à l’adéquation des sources et des niveaux de revenu à l’orée de la retraite.
Problématique
Tel que constaté, la variabilité du timing ou de l’âge de la transition travail-retraite a augmenté au cours des dernières décennies. Si, pendant les années 1960, l’âge de 65 ans représentait une norme discriminant avec clarté la frontière entre le statut de travailleur et celui de retraité, cette frontière est devenue floue depuis, entraînant des âges variables (Kohli et Rein, 1991 : 6, 22; Han et Moen, 1999 : 192; Henretta, 1992). À notre connaissance, nous n’avons pas trouvé, au Canada, d’études ou de données brutes[2] ayant établi ou permettant d’établir l’augmentation de cette variabilité. La variable du timing s’avère difficile à cerner car, de plus en plus, la transition consiste en une séquence d’événements de retraite plutôt qu’en un événement unique. Il arrive donc que l’analyste soit confronté à plus d’un âge par personne. La variable du sequencing permet de mieux saisir les formes de transition car elle englobe le timing pour saisir la variabilité de la transition, plus conforme à la réalité de la déstandardisation.
La variabilité du sequencing de la transition a aussi augmenté au cours des dernières décennies. Pour une minorité croissante d’individus, la transition s’est brouillée dès lors que les statuts de travailleur et de retraité se sont combinés ou ont alterné selon des formes variables, contrastant avec la forme typique de l’époque industrielle où le statut de retraité avait tendance, à partir d’un événement unique, à succéder abruptement et irréversiblement au statut de travailleur. La transition s’est de plus en plus apparentée à un processus se déroulant dans la durée qu’il est possible d’observer au moyen de séquences exprimant les formes de la combinaison ou de l’alternance. Ce processus implique par ailleurs un timing plus ou moins long en termes d’âge au cours duquel le statut de retraité devient exclusif et définitif.
Des études empiriques américaines ont attesté de l’augmentation récente de cette variabilité se traduisant par une incidence accrue de formes alternatives. Ainsi, l’incidence de formes impliquant l’alternance des statuts de travailleur et de retraité a augmenté entre 1972 et 1981 chez les hommes âgés de 55 ans et plus, alors qu’une plus grande proportion d’individus ont repris leur activité après une cessation d’emploi (Hayward, Grady et McLaughlin, 1988). L’incidence de formes impliquant une combinaison de ces statuts a également augmenté entre 1984 et 1993 chez les hommes âgés de moins de 65 ans parmi les prestataires de régimes de retraite privés encore en emploi (Herz, 1995), et dans une cohorte plus récente d’hommes ayant diminué graduellement ou sporadiquement leur temps de travail (Elder et Pavalko, 1993).
Compte tenu que nous n’avons pas non plus trouvé d’études au Canada faisant état de l’augmentation récente de la variabilité du sequencing de la transition par le biais d’une incidence accrue des formes alternatives, nous avons été contraints de recourir à des données plus indirectes. Le déclin de la durée complète des emplois occupés par les travailleurs dans la cinquantaine sur la période 1981-1994 (Heisz, 1996) suggère une plus grande incidence de formes de transition impliquant une alternance, par le biais d’une mobilité en fin de carrière et probablement d’une reprise d’activité après cessation. De même, l’augmentation de la part de l’emploi à temps partiel et de l’emploi indépendant dans l’ensemble de l’emploi des 55 ans et plus suggère une plus grande incidence de formes impliquant une combinaison dans le cadre d’une retraite partielle, graduelle ou flexible. Ainsi, entre 1976 et 2001, chez les 55 ans et plus, la part de l’emploi à temps partiel est passée de 7,4 % à 13,7 % chez les hommes et de 27,1 % à 32,2 % chez les femmes. La part de l’emploi indépendant, quant à elle, est passée respectivement de 22,7 % à 36,4 % et de 9,6 % à 19,7 % (Statistique Canada, 2003).
Les études ou les données brutes ayant permis de mettre en évidence plus ou moins directement l’augmentation de la variabilité du sequencing de la transition présentent en contrepartie de leur intérêt historique, des limites sur le plan descriptif. En effet, seules quelques formes alternatives simples ont pu être documentées. D’autres études – quoique non axées sur l’évolution historique – ont permis de progresser dans la connaissance des formes de transition à partir de données issues d’enquêtes longitudinales, sinon d’enquêtes transversales spécialisées, permettant une rétrospection plus fine du parcours de transition. Ainsi, Ruhm (1990), à partir d’une cohorte d’hommes et de femmes âgés de 58 à 63 ans en 1960, a documenté trois formes de transition alternatives à celle, classique, où le statut de retraité succède directement à celui de travailleur : « l’emploi-pont » (bridge job), la « retraite renversée » et la « retraite partielle ». L’emploi-pont consiste dans la prise d’un emploi postérieur à un emploi de carrière (i.e. l’emploi postcarrière), tout en étant antérieur à la retraite. La retraite renversée implique particulièrement l’alternance des statuts de travailleur et de retraité, car elle concerne la prise d’un emploi postérieur à cette retraite (i.e. l’emploi postretraite) et la reprise du statut de travailleur. Enfin, la retraite partielle caractérisée par l’emploi à temps partiel, implique une combinaison de ces statuts. Ruhm (1990) a montré que moins de 36 % des répondants avaient pris leur retraite après un emploi de carrière – ce qui suggère des séjours dans des emplois-ponts – environ le quart avaient opéré une « retraite renversée » et moins de la moitié avaient pris une retraite partielle. Mutchler et al. (1997) ont défini des sorties d’activité dites « brouillées » (blurred exit), en opposition à des sorties dites « rigides » (crisp exit), c’est-à-dire impliquant un seul passage à l’inactivité. Toujours, dans la cohorte considérée, environ 10 % à 20 % des individus âgés de 55 à 74 ans ont expérimenté des sorties d’activité brouillées. D’autres auteurs ont également décrit l’incidence de formes particulières – surtout l’emploi postcarrière ou postretraite – et souvent identifié des variables qui leur étaient reliées dans un certain nombre d’études américaines (Gustman et Steinmeier, 1984; Beck, 1985; Honig et Hanoch, 1985; Hardy, 1991; Hayward, Hardy et Liu, 1994; Parnes et Sommers, 1994; Han et Moen, 1999) et canadiennes (Monette, 1996; Singh et Verma, 2003; Pyper et Giles, 2002).
Ces études ont marqué des progrès dans la description typologique des formes de transition et dans l’estimation de leur incidence, voire dans leur explication au moyen de variables. Toutefois, elles présentent certaines limites. Celles-ci se caractérisent notamment par un manque d’intégration de la durée, et par un manque d’intégration des dimensions potentielles de la transition. En premier lieu, les formes décrites renvoient la plupart du temps à un seul ou à deux changements de catégories d’activité tout au plus, tels qu’observés ou inférés à partir d’un nombre très limité d’observations par personne. Il en résulte des séquences du type « emploi de carrière puis emploi postcarrière » ou « emploi de carrière, retraite, puis emploi postretraite », etc. En réalité, les séquences peuvent être plus complexes et impliquer des événements multiples de mobilité qui se succèdent selon des timings variables. Pour rendre compte de cette complexité, encore faut-il exploiter pleinement le potentiel des données longitudinales qui offrent plus de mesures intercalées dans le temps, et qui donc permettent d’intégrer la durée.
Quelques exceptions doivent cependant être signalées. Ainsi, dans deux études américaines, les chercheurs ont dégagé des dizaines de formes se rapportant à des séquences de catégories de l’activité sur le marché du travail (Blau, 1994; Gustman et Steinmeier, 2000, dans Stone et al., 2006 : 50-51)[3]. Dans deux études canadiennes, Stone et Nouroz (2006) et Nouroz et Stone (2006), sans avoir répertorié de séquences à des fins de typologie, ont procédé néanmoins à une analyse approfondie de ces dernières. Ils ont extrait de l’Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (EDTR) une cohorte d’hommes et de femmes âgés de 45 à 69 ans qui avaient commencé une « trajectoire de transition » en 1996-1997 selon des critères multiples. Ils ont ensuite identifié autant de séquences correspondant à des trajectoires distinctes à partir de dix catégories, établies sur douze trimestres d’observation de 1998 à 2001. Une telle analyse leur a servi à tester si le fait d’être travailleur indépendant plutôt que salarié (cf. Nouroz et Stone, 2006), ou le fait d’oeuvrer dans le secteur public plutôt que privé (cf. Stone et Nouroz, 2006), augmentait la probabilité d’occurrence d’une séquence impliquant un score élevé pour chacun des indicateurs suivants : « vitesse de fin d’une trajectoire »; « flexibilité » par des déplacements volontaires; « vulnérabilité » par des déplacements involontaires; et retour sur le marché du travail après l’avoir quitté.
En second lieu, la dimension de l’activité sur le marché du travail a tendance à être utilisée exclusivement et au détriment d’autres dimensions cruciales de la transition comme le revenu, et plus précisément les sources et les niveaux de revenu. Il s’ensuit que les formes de l’emploi postcarrière et postretraite sont définies exclusivement par des états et des événements caractéristiques de l’activité, soit le passage d’un emploi de carrière à un autre emploi. Il en est de même avec la retraite à temps partiel impliquant une diminution des heures de travail. Les catégories de Blau (1994) et de Gustman et Steinmeier (2000) témoignent de cette exclusivité. Parmi les dix catégories de Stone et Nouroz, une seule renvoie explicitement aux sources de revenu, mais de manière partielle[4]. Certes, il est sous-entendu que les états et événements caractéristiques de l’activité sont aussi caractéristiques du revenu. Par exemple, l’emploi postretraite sous-entend que des prestations de retraite ont commencé. Il n’en demeure pas moins que les sources de revenu ne sont pas formellement intégrées dans la définition des formes de transition.
Le niveau de revenu total, à plus forte raison, n’est pas du tout intégré, ou demeure sous-entendu. Par exemple, l’indicateur de « vulnérabilité » dans une trajectoire de transition chez Stone et Nouroz (2006) sous-entend un revenu plus faible. Il constitue un « indice d’exposition à des événements qui ont pour effet d’accroître le risque de réduction du niveau de vie » (Stone et Nouroz, 2006 : 337). Pourtant, la description des formes gagnerait en précision si l’on tenait compte formellement de l’évolution du niveau de revenu au fil de la transition. Les événements clés de cette transition au niveau de l’activité comme la sortie d’emploi, et les événements clés au niveau des sources de revenu comme le commencement des prestations de retraite, sont en même temps des événements clés pour saisir l’évolution du niveau de revenu. Ces événements entraînent généralement une chute de revenu, bien que plus ou moins élevée et échelonnée selon les individus.
Le revenu a été couramment étudié lors de périodes du parcours de vie correspondant à la transition, sinon celles qui lui sont contiguës. Certains auteurs ont ainsi cherché à savoir jusqu’à quel point l’inégalité de revenu observée dans une cohorte se maintient, augmente ou diminue avec l’avancée en âge, en passant par la transition (Henretta et Campbell, 1976; Pampel et Hardy, 1994; Prus, 2000). Il reste à savoir à quels niveaux et à quelles évolutions de revenu au fil du temps correspondent des formes distinctes de transition. Pour ce faire, il est indispensable d’intégrer dans la description des formes, la dimension du revenu en recourant aux sources et niveaux de revenu.
Ceci nous amène à une première question : Quelles sont les formes de transition travail-retraite et à quels modes de revenu correspondent-elles? Une telle description, même si elle se veut plus précise en procédant à la double intégration de la durée et des dimensions, ne saurait à elle seule justifier l’intérêt de notre étude. Elle requière également une explication passant par l’identification de caractéristiques reliées aux formes de transition à découvrir. Des considérations de politique sociale dans le contexte d’une société démographiquement vieillissante cautionnent la recherche de cette explication, tout comme la description préalable du phénomène à l’étude. Au Canada comme dans les autres pays industrialisés, il est prévu que le « ratio de dépendance » subira une augmentation au cours des prochaines décennies (OCDE, 2005 : 33-35). Cette augmentation a inspiré des « scénarios pessimistes » à certains observateurs qui ont anticipé des conséquences négatives d’ordre économique, dont une attrition de la population active et un surcroît de dépenses publiques reliées au vieillissement. En réaction à ces visions alarmistes, d’autres chercheurs ont proposé plusieurs scénarios éventuels de réforme afin de modérer ces effets. Parmi ceux-ci, figurent le relèvement du timing ou de l’âge effectif de la transition travail-retraite, ainsi que des réformes des régimes de retraites publics équivalant à une diminution des prestations. Des études de projection ont montré que de tels scénarios permettraient de modérer les conséquences négatives du vieillissement dans les sociétés concernées (Roseveare et al., 1996; Hviding et Mérette, 1998; Turner et al., 1998; Dang et al., 2001; Verma et Rix, 2003; Fougère et al., 2005).
Or, il importe de considérer l’inégalité des travailleurs âgés face à ces scénarios. En effet, d’un côté, pour des raisons de disponibilité ou d’employabilité, tous ne sont pas nécessairement égaux face à l’activité : tous ne sont pas en mesure de maintenir l’activité ou de la reprendre après une cessation d’emploi, de sorte que les scénarios visant le relèvement de l’âge effectif pourraient se heurter à des obstacles opérationnels. Malgré tout, ce relèvement est de plus en plus considéré dans la politique sociale canadienne, notamment lorsqu’il est allié à une plus grande flexibilité ou liberté de choix dans l’allocation du temps et des activités dans le parcours de vie (PRI, 2004), incluant le parcours de transition travail-retraite.
D’un autre côté, tous ne sont pas nécessairement égaux face au revenu de retraite, de sorte que les scénarios préconisant une diminution des prestations publiques pourraient conduire certaines personnes à une précarité du revenu. La raison en est que tous ne disposent pas nécessairement de prestations de retraite privées ou n’ont pas de niveaux de revenu de retraite adéquats à compter de la cessation d’activité, à l’orée de la retraite. Ces scénarios menaceraient les principes normatifs de la sécurité sociale, comme le caractère prédictible et garanti du revenu de retraite (Gillion, 2000 : 61). Mais ils sont pour le moment écartés au Canada (Baldwin, 2004). Il demeure toutefois pertinent d’étudier l’inégalité de revenu au passage de la retraite, à la lumière des sources et niveaux de revenu.
Dans ce contexte, l’étude de la transition travail-retraite constitue un terrain de discussion critique, car cette transition, par la variabilité de ses formes, dévoile l’inégalité des personnes âgées face à l’activité et au revenu. En effet, la variabilité des formes, se traduisant tantôt par la combinaison ou l’alternance des statuts de travailleur et de retraité, tantôt par la succession abrupte et irréversible de l’un par l’autre, implique potentiellement à âge égal une inégalité devant l’activité : dans le premier cas, cette dernière est maintenue ou reprise selon des modalités diverses, tandis que dans le second, elle est stoppée. Cette variabilité des formes de transition implique aussi potentiellement une inégalité dans les sources et niveaux de revenu : les prestations privées ne sont pas accessibles à tous, et il en est de même d’un revenu de retraite adéquat. D’où une seconde question, en deux volets, qui appelle l’identification de caractéristiques rendant compte de cette inégalité.
Le premier volet s’attache à l’inégalité dans l’activité :
Quelles caractéristiques des travailleurs âgés et de leur situation d’emploi sont reliées à des formes de transition marquées par le maintien ou la reprise d’activité, plutôt que par sa cessation?
Le second volet s’attache à l’inégalité dans les sources et niveaux de revenu (à l’orée de la retraite), et vise à identifier les caractéristiques qui dénotent, chez les individus en cessation d’activité, la prépondérance des sources de revenu (hors gains) excluant les prestations privées – prépondérance qui implique une précarité de revenu, au sens d’un revenu moins élevé ou moins bien maintenu :
Quelles caractéristiques des travailleurs âgés et de leur situation d’emploi sont reliées à des formes de transition marquées par la prépondérance de sources de revenu excluant les prestations privées, plutôt que par la prépondérance de ces prestations?
Nous tenterons de répondre à ces questions dans la suite de ce texte. Dans la prochaine et seconde partie, nous décrivons les données et la méthodologie. Dans la troisième partie, en réponse à la première question, nous présentons une typologie de formes de transition. Dans la quatrième partie, en réponse à la deuxième question, nous rapportons les résultats d’une analyse de régression. Enfin, dans la conclusion, nous commentons les résultats et discuterons de leurs limites, susceptibles d’ouvrir d’autres pistes de recherche.
Données et méthodologie
Les données ont été extraites de l’échantillon longitudinal 1996-2001 de l’Enquête sur la dynamique du travailet du revenu (EDTR). Deux étapes principales ont marqué notre démarche méthodologique : premièrement, la sélection d’une cohorte de répondants et l’analyse de séquences correspondant à des parcours de transition travail-retraite sur les deux dimensions prisées dans notre étude, soit l’activité sur le marché du travail et les sources et niveaux de revenu; deuxièmement, la comparaison, puis la classification de ces séquences afin d’obtenir une typologie de formes de transition.
La sélection d’une cohorte de répondants ayant expérimenté une transition constitue une étape délicate au cours de laquelle nous avons été confrontés à deux impératifs conflictuels : maximiser la taille de l’échantillon et minimiser la troncature de l’observation. Il faut maximiser la taille de l’échantillon afin de disposer de données généralisables. Il faut aussi minimiser la troncature de l’observation afin de reconstituer le plus exhaustivement possible le parcours de transition, du moins lorsqu’il s’étend dans la durée. Dans le cas présent, la troncature est la tendance de l’observation à commencer alors qu’un parcours est déjà entrepris (troncature à gauche), et à terminer alors que ce parcours n’est pas encore complété (troncature à droite). Bien que la période considérée de l’EDTR porte sur six années d’observation, il arrive que des répondants aient commencé leur parcours de transition avant son début ou l’aient terminé après sa fin, entraînant ainsi une troncature. Or, plus on minimise la troncature, plus on doit amputer l’échantillon, en écartant notamment les répondants qui se trouvaient déjà en transition au début de l’observation.
Notre compromis, afin d’obtenir un échantillon de taille et de niveau de troncature à gauche[5] raisonnables, a été d’établir un test comprenant des combinaisons d’événements et de conditions qui indiquent le commencement vraisemblable d’une période de transition au cours des deux premières années d’observation (1996-1997). Il s’est agi de soumettre les répondants à ce test et de ne retenir que ceux qui l’avaient « passé » :
-
se maintenir dans un même emploi et expérimenter l’une ou l’autre des modalités de retraite partielle suivantes :
passer à un horaire à temps partiel pendant au moins douze mois consécutifs;
commencer à retirer des prestations de retraite fondées sur les gains, soit des prestations de retraite privées (issues d’employeurs ou d’un Régime-enregistré d’épargne-retraite, REER) ou publiques (issues du Régime des pensions du Canada, RPC, ou du Régime des rentes du Québec, RRQ);
ne plus avoir les gains comme principale source de revenu;
OU
-
cesser un emploi alors que les gains représentent jusqu’alors la principale source de revenu et expérimenter l’un ou l’autre des événements ou conditions suivants :
ne pas retirer ces prestations de retraite[6];
commencer à retirer ces prestations.
Un tel test, appliqué aux personnes âgées de 50 à 64[7] ans au début de l’enquête, a permis de sélectionner une cohorte de 636 répondants. Pour chaque répondant, et à partir du mois suivant l’occurrence de l’événement A ou B, nous avons pu disposer d’une séquence d’au moins quarante-huit observations mensuelles pour les catégories se rapportant à l’activité sur le marché du travail, et de séquences d’au moins quatre observations annuelles pour les sources et niveaux de revenu[8]. Ces séquences ont été respectivement tronquées à quarante-huit mois et quatre ans pour assurer des durées égales d’un répondant à l’autre.
En ce qui concerne l’activité sur le marché du travail, les catégories constitutives des séquences étaient les suivantes :
emploi à temps plein (i.e. 30 heures ou plus travaillées par semaine tous emplois confondus);
emploi à temps partiel (i.e. moins de 30 heures);
chômage;
inactivité.
Nous avons également effectué un découpage des sources de revenu de manière à représenter les situations de dépendance aux sources publiques (signalant potentiellement une précarité de revenu) :
gains (salaires et traitements, ou revenu de travail indépendant);
prestations de retraite privées (régimes d’employeurs et REER);
placements et autres revenus privés (a.r.p.);
transferts : prestations du Régime des pensions du Canada ou du Régime des rentes du Québec (RPC/RRQ);
transferts : prestations d’assurance-emploi;
transferts : prestations de la Sécurité de la vieillesse (SV) du Supplément de revenu garanti (SRG) et autres transferts gouvernementaux (a.t.g.)[9]
transferts : prestations d’assistance sociale;
aucune source de revenu.
La transition travail-retraite se définit opérationnellement par les séquences de ces catégories d’activité et de ces sources et niveaux de revenu. Les séquences indiquent une progression, plus ou moins rapide, graduelle et irréversible : tout d’abord de l’emploi vers le chômage et l’inactivité; ensuite de revenus tirés majoritairement des gains vers des revenus tirés majoritairement de sources « hors gains », dont les prestations de retraite, etc. Cette définition opérationnelle est sous-tendue par la définition théorique générale suivante : la transition travail-retraite est le phénomène par lequel une personne passe du statut de travailleur au statut de retraité, après une période d’exclusivité du travail et avant une période d’exclusivité irréversible de la retraite (Crespo, 2007 : 5-6).
Dans une seconde étape, nous avons comparé, puis classifié les séquences afin de dégager une typologie de classes de transition, chaque classe devant correspondre à une forme de transition. Pour la comparaison, nous avons utilisé l’analyse d’appariements optimaux et pour la classification, l’analyse de classification ascendante hiérarchique. L’analyse d’appariements optimaux permet d’identifier le niveau de ressemblance ou de « distance » entre des séquences numériques. Initialement utilisée pour comparer des molécules, elle a déjà fait l’objet d’applications reliées en particulier aux carrières de travail (Abbott et Hrycak, 1990; Han et Moen, 1999). Son algorithme de calcul a pour tâche de déterminer, à partir d’un ensemble d’opérations associées à des « coûts » à spécifier (coûts d’insertion, de suppression et de substitution), le coût total à « payer » pour que la séquence d’un répondant devienne identique à celle d’un autre. Ce coût total constitue une mesure de la distance entre deux séquences : plus elles se ressemblent, plus leur distance est faible, et donc plus l’ensemble des opérations se révèle finalement économique. L’algorithme génère une matrice de distances entre paires de répondants[10]. Lorsque cette matrice est soumise à une analyse de classification ascendante hiérarchique, on obtient des scénarios de typologie, soit différentes partitions de l’échantillon en classes. Chaque classe renferme des répondants dont la distance entre séquences est minimale. Dans le cas présent, chaque classe se rapporte à des parcours de transition qui, sur les dimensions considérées, se ressemblent le plus possible, voire sont identiques. On peut ensuite identifier la forme typique de ces parcours dans chaque classe au moyen de procédures descriptives.
Afin de limiter le fardeau du calcul de la matrice de distances et du fait que les séquences de certaines dimensions ne sont pas aisément traitables,[11] nous avons affecté à l’analyse d’appariements optimaux les séquences relatives à un nombre limité de dimensions, soit l’activité et la principale sourcede revenu, ou source prépondérante, c’est-à-dire la source qui représente le plus haut niveau de revenu annuel parmi toutes les sources de revenu tirées par un répondant[12]. Deux séquences par répondant ont été retenues, générant conséquemment deux matrices de distances[13]. Nous avons ensuite créé une matrice de « distances synthétiques » après avoir standardisé[14], puis additionné ces deux matrices en nous inspirant d’une procédure de Han et Moen (1999 : 203). Finalement, cette matrice de distances synthétiques a été soumise à une analyse de classification ascendante hiérarchique qui a fourni des scénarios de partition.
Une typologie de formes de transition travail-retraite
Afin d’apporter des éléments de réponse à notre première question, nous avons retenu un scénario de partition en onze classes que nous avons réparties en quatre groupes homogènes[15]. Dans un premier groupe (n = 119, 17,92 %), on constate un maintien durable ou éphémère dans un emploi combiné à des modalités de retraite partielle, tandis qu’au niveau des sources de revenu, il y a maintien ou non de la prépondérance des gains. Dans un second groupe (n = 206, 33,82 %), il y a maintien ou reprise d’activité suite à une cessation d’emploi, tandis qu’au niveau des sources de revenu, il y a maintien ou non de la prépondérance des gains. Dans le troisième groupe (n = 99, 16,25 %), on observe cette fois-ci une cessation d’activité immédiate suite à une cessation d’emploi, avec prépondérance des prestations de retraite privées. Enfin, dans un quatrième groupe (n = 212, 32,03 %), on note une cessation d’activité plus ou moins immédiate suite à une cessation d’emploi, sans prépondérance des prestations de retraite privées.
Pour identifier plus en détail les formes sous-jacentes aux onze classes, un moyen pratique est d’observer, au fil des unités d’observation, l’évolution des pourcentages de répondants qui entrent dans telle ou telle catégorie d’activité et qui retirent des revenus de telle ou telle principale source de revenu. Les figures 1 à 4 enchâssent les séries chronologiques de ces pourcentages pour chaque classe de chaque groupe.
Dans la classe 1.1 du groupe 1, il y a maintien durable dans un emploi combiné à des modalités de retraite partielle[16], avec prépondérance des gains (n = 81, 13,3 %). L’emploi occupé au commencement perdure pendant les quatre années, ce qui explique qu’une grande majorité de répondants continuent de compter sur les gains en tant que principale source de revenu. Dans la classe suivante (groupe 1, classe 1.2), on observe un maintien éphémère dans un emploi combiné à des modalités de retraite partielle, avec prépondérance d’un ensemble diversifié de sources au niveau agrégé (n = 38, 4,6 %). On se destine ici tôt ou tard à l’inactivité à partir du moment où l’une ou l’autre des modalités de retraite partielle sont introduites. Cette classe ne présente pas de profil clair quant à la source de revenu alternative une fois que la transition vers l’inactivité s’est réalisée. On constate par ailleurs dans ces deux classes l’importance de l’emploi à temps partiel en tant que modalité de retraite partielle. En effet, la plupart du temps, de 30 % à 45 % des individus de ces classes occupent un emploi à temps partiel. En somme, ces dernières illustrent particulièrement le phénomène de combinaison des statuts de travailleur et de retraité.
Les parcours typiques des deux premières classes du groupe 2 (2.1 et 2.2) révèlent l’étendue de la mobilité sur le marché du travail après une cessation d’emploi mais avant une retraite, ce qui évoque la forme de l’emploi postcarrière (figure 2). Dans la classe 2.1, on assiste à un maintien de l’activité avec réemploi massif et rapide, et avec prépondérance des gains (n = 167, 27,2 %). Ce parcours – de loin le plus répandu puisqu’il est suivi par plus du quart des répondants de notre cohorte – consiste dans une cessation d’emploi suivie très majoritairement d’un réemploi rapide et à temps plein. Il y a donc maintien durable de l’activité, lequel explique que les gains demeurent largement prépondérants. Par contraste, la classe 2.2 se caractérise par un maintien ou une reprise d’activité, avec prépondérance (retrouvée) des gains (n = 19, 3,6 %). Des travailleurs âgés qui se maintiennent en activité tout juste après la cessation d’emploi, en côtoient d’autres qui la cessent pour ensuite la reprendre. On constate également que le taux d’inactivité remonte lors de la quatrième année, ce que l’on interprète par le fait que certains des emplois retrouvés sont temporaires. Contrairement à ce que l’on observe dans la classe 2.1, le retour en emploi dans la classe 2.2 s’effectue moins rapidement pour certains répondants, mais est aussi plus éphémère. Ceci est vraisemblablement dû au fait qu’une partie de la classe interrompt l’activité pendant les deux premières années et que les gains ne représentent plus la principale source de revenu d’une majorité; cependant, cette prépondérance se retrouve majoritairement après l’arrêt de l’activité. Quoi qu’il en soit, dans ces deux classes, le retour en emploi s’apparente à une situation de postcarrière plutôt que de postretraite, étant donné l’absence de prépondérance des prestations de retraite privées.
Au contraire, le parcours typique de la classe 2.3 est celui d’un maintien ou d’une reprise d’activité, avec prépondérance des prestations privées (n = 20, 3,0 %). Le parcours d’activité ressemble à maints égards à celui de la classe 2.2, sauf que l’emploi est davantage à temps partiel, surtout en fin de période. Par contraste, les prestations de retraite privées sont largement prépondérantes; cette classe peut donc être considérée comme un repère de l’emploi postretraite, bien qu’elle soit fréquentée par une faible minorité d’individus dans notre cohorte en transition, soit seulement 3 %. De même, le parcours typique de cette classe constitue une illustration des phénomènes d’alternance et de combinaison des statuts de travailleur et de retraité dans la mesure où, après une cessation d’emploi, une inactivité apparaît d’abord, puis diminue, pour ensuite augmenter de nouveau (alternance), le tout dans le cadre d’une prépondérance de prestations privées et de l’emploi à temps partiel (combinaison). Ce commentaire s’applique en partie au parcours de la classe 2.2 : on y observe au moins une alternance des statuts, exprimée par l’alternance entre l’activité et l’inactivité.
Dans la classe 3 (figure 3), on assiste à une cessation d’activité immédiate suite à une cessation d’emploi, avec prépondérance des prestations de retraite privées (n = 99, 16,25 %). Un tel parcours correspond de près à la forme de « transition classique » bien connue : l’emploi cesse, le passage à l’inactivité est abrupt et apparemment irréversible, et les prestations privées de retraite deviennent quasi immédiatement la principale source d’une écrasante majorité. Il importe aussi de noter que cette forme de transition classique ne représente que 15 % environ des individus de la cohorte, ce qui montre à quel point les formes alternatives sont prégnantes.
Enfin, comme nous l’avons rapporté, les classes du groupe 4 (figure 4) se caractérisent par une cessation d’activité plus ou moins immédiate suite à une cessation d’emploi, sans prépondérance des prestations de retraite privées. Les principales sources de revenu dénotent une situation plus ou moins précaire. Ainsi, à propos de la classe 4.1, on constate une cessation d’activité plus ou moins immédiate, avec prépondérance d’un ensemble diversifié de sources au niveau agrégé (n = 40, 6,3 %). Presque la moitié des répondants cessent immédiatement l’activité tandis que l’autre moitié s’y maintiennent, pour l’interrompre plus tard selon des délais variables. L’érosion de l’activité progresse et s’accompagne d’une érosion des gains en tant que principale source de revenu, au profit de sources hétéroclites. Dans la classe 4.2, se manifeste une cessation d’activité plus ou moins immédiate, avec prépondérance des placements et autres revenus privés (n = 33, 5,0 %). Les parcours d’activité sont ici à peu près structurés comme ceux de la classe précédente.
Dans les trois dernières classes, seules des sources publiques sont prépondérantes, si toutefois des revenus sont retirés. Concernant la classe 4.3, on constate une cessation d’activité plus ou moins immédiate, avec prépondérance des prestations du RPC/RRQ (n = 66, 11,4 %)[17]. Le parcours typique de la classe 4.4 consiste dans une cessation d’activité plus ou moins immédiate, avec prépondérance des prestations de la SV/SRG[18] (n = 42, 5,7 %). L’activité est moins répandue et surtout beaucoup moins durable dans ce cas, vraisemblablement parce que la moyenne d’âge de cette classe est plus élevée que la classe précédente, les personnes n’étant admissibles à la SV/SRG qu’à partir de 65 ans, comparativement à 60 ans pour le RPC/RRQ. Enfin, dans la classe 4.5, il y a cessation d’activité plus ou moins immédiate, avec prépondérance des prestations d’assistance sociale ou absence de revenus (n = 31, 3,6 %). Dans cette classe, environ les deux tiers des répondants cessent instantanément leur activité tandis qu’un autre tiers la conservent sans parvenir significativement à retrouver un emploi, comme on peut le voir par l’ampleur du chômage.[19] Les parcours de revenus sont plus précaires, car marqués par le recours aux prestations de l’assistance sociale ou par l’absence de revenus. Cette classe représente une minorité d’environ 4 %.
Dans le but de préciser notre description, les formes de transition précédemment décrites, seront ici visualisées à travers le prisme d’une autre dimension se rapportant au revenu : le niveau de revenu total. Le tableau 1 présente, pour l’année de commencement de la transition et pour les quatre années suivantes, les estimations du revenu total. Il s’agit de la moyenne du revenu personnel avant impôt (non ajusté) dans chaque classe. La dernière colonne présente aussi une estimation du taux de maintien de ce revenu entre la quatrième année et l’année de commencement. Toutes ces estimations montrent la relative inégalité du revenu d’une classe à l’autre au commencement de la transition de même que la relative inégalité apparaissant dans l’évolution de ce revenu au fil des quatre années suivantes.
D’une part, on constate que le revenu au commencement de la transition est positivement et fortement lié au fait de compter principalement sur des prestations de retraite privées plutôt que publiques pendant la transition. Plus les emplois précédemment occupés procurent de hauts revenus – ce qui se traduit par un revenu élevé au commencement de la transition – plus ces emplois sont susceptibles d’être bien pourvus en matière de protection financière et donc d’assurer la prépondérance de revenus de retraite privés dans la période de transition. Ainsi, le revenu des classes 2.3 et 3 au commencement de la transition est le plus élevé de toutes les classes (71,500 $ et 56,100 $), et ce sont justement les prestations privées qui deviennent prépondérantes. D’autre part, il est manifeste que l’ampleur de la chute de revenu entre l’année de commencement de la transition et la quatrième année, correspond de près à la précarité de la source publique qui est appelée à devenir prépondérante. En d’autres termes, le taux de maintien du revenu est plus faible lorsque c’est la SV/SRG qui devient prépondérante plutôt que le RPC/RRQ (43,9 % contre 67,5 %), et plus faible également lorsque ce sont les prestations d’assistance sociale ou l’absence de revenu qui le deviennent, plutôt que la SV/SRG (37,1 % contre 43,9 %).
Caractéristiques associées aux formes de transition
En réponse aux volets de notre deuxième question portant sur les caractéristiques des travailleurs âgés et de leur situation d’emploi reliées aux formes de transition, nous avons procédé à une analyse de régression. Nous avons cherché plus précisément à identifier des caractéristiques reliées à des formes de transition marquées : a) par le maintien ou la reprise d’activité plutôt que sa cessation (premier volet de la question); b) par la prépondérance de sources excluant les prestations privées plutôt que ces prestations (deuxième volet).
Pour structurer le cadre théorique de cette analyse, nous avons recouru à l’approche du « parcours de vie ». Dans sa tradition nord-américaine (Elder et Johnson, 2002; Settersten, 2002), cette approche se caractérise par une pluralité de « principes » à caractère paradigmatique qui permettent « d’expliquer » un parcours, en l’occurrence la forme qu’il prend. Parmi ces principes, on en distingue quatre qui sont potentiellement utiles relativement à notre question : le développement, le timing d’événements liés à ce développement, la multidimensionnalité et la connexité. Selon le premier principe, « le développement humain et le vieillissement sont des processus qui perdurent tout au long de la vie » (Elder et Johnson, 2002). Le principe du développement suggère ainsi que l’histoire d’un parcours de vie est une variable explicative de son présent, voire de son futur. Le principe du timing veut signifier en ce qui le concerne que « les conséquences (...) des événements (...) varient selon le moment où ils surviennent » (ibid.). Ce principe spécifie le précédent : le timing d’événements de cette histoire explique particulièrement la suite. Le troisième principe, celui de multidimensionnalité, révèle que le « développement et le vieillissement interviennent dans des dimensions biologiques, psychologiques et sociales » (Riley, 1979). Ces trois dimensions interagissent systématiquement au sens où le parcours de vie dans une dimension constitue une variable explicative du parcours dans une autre. Enfin, le principe de connexité énonce que les « vies sont vécues de manière interdépendante (...) » (Elder et Johnson, 2002). Ce dernier principe spécifie quant à lui le principe de multidimensionnalité en isolant des dimensions sociales qui relèvent des relations humaines, lesquelles représentent une autre variable explicative.
Plusieurs études ont porté sur les relations entre, d’une part, des variables qu’on peut rattacher à ces principes et, d’autre part, la probabilité d’accès à l’emploi postcarrière ou postretraite (Beck, 1985; Hardy, 1991; Hayward, Hardy et Liu, 1994; Elder et Pavalko, 1993; Parnes et Sommers, 1994; Han et Moen, 1999; Singh et Verma, 2003)[20]. Certaines de ces variables renferment des éléments de l’histoire de carrière, en particulier ceux du dernier emploi obtenu avant la postcarrière ou la postretraite; ces variables contribuent au principe du développement sur la base du fait que cet emploi s’inscrit dans l’histoire d’un parcours de vie. Les résultats, sinon les hypothèses de ces études, ont mis de l’avant que suivant certaines caractéristiques, à savoir : une ancienneté moindre, un travail indépendant, l’appartenance aux catégories professionnelles et de l’industrie (directeur, ingénieur, etc.) relevant du marché externe et la cessation d’activité pour motif volontaire, ce dernier emploi était chaque fois relié positivement à l’emploi postcarrière ou postretraite en raison de compétences transférables favorisant l’accès à l’emploi. De tels résultats ou hypothèses suggèrent que les caractéristiques en question pourraient être reliées aux formes de transition de notre typologie marquées par un maintien ou une reprise d’activité, plutôt que par une cessation. En revanche, un dernier emploi présentant les caractéristiques suivantes : une plus grande ancienneté, une rémunération plus élevée, l’appartenance aux catégories professionnelles et de l’industrie relevant du marché interne (plus spécifiquement celui du secteur public[21]) le fait d’avoir un contrat de travail ou d’être régi par une convention collective, pourrait être relié à des formes de transition marquées par la prépondérance de prestations privées plutôt que par d’autres sources de revenu; dans ce dernier cas, ce serait en raison du rôle de ces caractéristiques dans l’accumulation de revenus de retraite adéquats.
Ces études ont aussi montré que l’âge au moment de la cessation d’un emploi de carrière ou au moment de la retraite était relié négativement à l’emploi postcarrière ou postretraite. Cette variable contribue au principe du timing dans la mesure où cette cessation d’emploi ou cette retraite représente des événements de l’histoire du parcours de vie – quoique contigus à la transition travail-retraite – et dont le timing permet justement d’expliquer la suite, en l’occurrence l’accès ultérieur à l’emploi postcarrière ou postretraite. Ainsi, l’âge au commencement de la transition pourrait être négativement relié à des formes marquées par le maintien ou la reprise d’activité.
Ces recherches, pour la plupart, ont également montré que des dispositions physiques et psychologiques étaient reliées à l’emploi postcarrière ou postretraite : plus ces dispositions sont avantageuses (i.e. une bonne santé, l’absence de limitations d’activité, la satisfaction en rapport au travail, etc.), plus l’emploi postcarrière ou postretraite avait des chances de survenir. Il s’agit ici d’un apport au principe de multidimensionnalité du fait que ces dispositions relèvent de dimensions biologiques et psychologiques influant sur la dimension socioprofessionnelle, laquelle englobe les formes de transition travail-retraite. C’est pourquoi des dispositions avantageuses pourraient être reliées aux formes marquées par le maintien ou la reprise d’activité.
Enfin, d’autres études ont traité de la relation entre la transition travail-retraite d’un travailleur âgé et les modes d’activité du conjoint ou de la conjointe, contribuant au principe de connexité en ce que les relations de planification de la retraite entre conjoints favoriseraient tantôt une synchronisation des moments de la transition, tantôt une « désynchronisation » (O’Rand et Henretta, 1982; Henretta, O’Rand et Chan, 1993). À titre exploratoire, et en présupposant une synchronisation des modes d’activité entre conjoints, il convient de vérifier si l’activité du conjoint est reliée à des formes de transitions marquées par le maintien ou la reprise d’activité.
Dans le cadre respectif de ces quatre principes, nous avons vérifié au moyen d’une analyse de régression si des caractéristiques de nos répondants relevant de l’emploi précédant le commencement de la transition, et si l’âge, les dispositions physiques et psychologiques et l’activité du conjoint, étaient reliées à une forme de transition en particulier selon les dimensions définies par les deux volets de la question, soit l’activité et les sources et niveaux de revenu. Les variables indépendantes[22] de cette analyse, qui se rattachent pour la plupart aux quatre principes en question, sont identifiées dans la première colonne du tableau 2.
Ce même tableau présente les estimations[23] des coefficients de régression logistique binomiale se rapportant aux effets bi-variés de ces variables. Ces coefficients ont été estimés dans cinq modèles. Les modèles 1 à 3 visent à donner des éléments de réponse au premier volet de la question; ils permettront le cas échéant d’identifier des caractéristiques reliées au maintien ou à la reprise d’activité, plutôt qu’à sa cessation, selon le type de sources de revenu prépondérantes. Ainsi, dans le modèle 1, compte tenu d’une prépondérance durable ou éphémère des gains, la classe 1.1, où le maintien dans un même emploi est durable, s’oppose à la classe 1.2, où ce maintien est éphémère. Dans le cas d’une prépondérance de prestations privées comme dans le modèle 2, la classe 2.3, où prime un maintien ou une reprise d’activité après une cessation d’emploi, s’oppose à la classe 3, où prime plutôt une cessation d’activité. Dans le modèle 3 caractérisé par une prépondérance de sources excluant les prestations privées, les classes 2.1 et 2.2, où survient un maintien ou une reprise d’activité après une cessation d’emploi, s’opposent à l’une ou l’autre des classes du groupe 4, où survient une cessation d’activité, quoique plus ou moins immédiatement.
Les modèles 4 et 5 visent à fournir des éléments de réponse au second volet de la question; ils permettront le cas échéant d’identifier des caractéristiques reliées à la prépondérance d’une source de revenu hors gains par rapport à une autre compte tenu d’une cessation d’activité, quelle soit plus ou moins immédiate. Dans le modèle 4, les classes 4.1 ou 4.2, où sont surtout prépondérantes des sources privées excluant les prestations privées comme les placements, s’opposent à la classe 3, où ces prestations privées sont prépondérantes. Finalement, dans le modèle 5, les classes 4.3, 4.4 ou 4.5, où sont prépondérantes des sources publiques – sinon l’absence de revenu – marquent une opposition à la classe 3.
Les résultats auxquels nous avons abouti suivant le principe du développement indiquent que dans le modèle 1, trois caractéristiques favorisent le maintien durable du dernier emploi, en référence à éphémère, parmi celles qui introduisent des modalités de retraite partielle dans cet emploi : une grande ancienneté, une rémunération élevée et le fait d’appartenir à une catégorie professionnelle, semi-professionnelle ou de cadre supérieur (directeur). Dans le modèle 2, le fait d’être travailleur indépendant est relié au maintien ou à un retour en activité avec prépondérance de prestations privées, plutôt qu’à une cessation d’activité (avec prépondérance de ces mêmes prestations). Le travail indépendant semble donc favoriser l’emploi postretraite. Dans le modèle 3, aucune caractéristique de cet emploi n’est reliée au maintien ou à la reprise d’activité parmi les répondants qui ont cessé leur activité sans commencer à compter principalement sur des prestations privées.
Les résultats des modèles 4 et 5 révèlent que parmi les individus qui cessent leur activité, les caractéristiques de l’emploi précédent sont reliées à des formes marquées par la prépondérance de sources hors gains excluant les prestations privées, plutôt que par la prépondérance de ces prestations. Ces caractéristiques sont les suivantes : une ancienneté moins grande, un taux de rémunération moins élevé, le travail indépendant, l’appartenance à des catégories d’activité plus faibles en compétences et en autorité (i.e. excluant les professionnels, les semi-professionnels et les directeurs) et relevant de l’industrie privée liée au marché externe, le fait de ne pas bénéficier d’un contrat de travail ou d’une convention collective et la cessation d’emploi pour des motifs involontaires. La plupart de ces caractéristiques dénotent une situation d’emploi moins avantageuse qui se reflète dans le fait que des sources de revenu publiques nécessairement plus précaires sont appelées à devenir prépondérantes, vraisemblablement en raison d’une accumulation inadéquate de revenus de retraite privés (modèle 5).
En ce qui a trait à la caractéristique de l’âge qui s’inscrit dans le principe du timing, on constate que l’avancée en âge nuit à certaines formes de maintien ou de reprise d’activité, en l’occurrence, celles consignées dans les modèles 1 et 3. Ce résultat ne surprend guère étant donné la relation classique entre l’avancée en âge et l’inactivité. Cette avancée en âge est également reliée à des formes marquées par la prépondérance de sources publiques (modèle 5). Si tel est le cas, ceci est probablement dû à un effet de seuil : les prestations du RPC/RRQ et celles de la SV/SRG, qui représentent respectivement les classes 4.3 et 4.4. (comprises dans le modèle 5), ne sont accessibles qu’aux personnes qui ont au moins la soixantaine.
Concernant le principe de multidimensionnalité, on remarque que des dispositions avantageuses, comme un faible niveau de stress, sont moins souvent observées chez les répondants qui cessent leur activité pour compter principalement sur des sources privées, excluant les prestations privées que chez ceux qui la cessent pour compter sur ces prestations (modèle 4). Ces dispositions sont encore moins souvent observées chez les individus qui interrompent leur emploi pour compter principalement sur des sources publiques, si toutefois ils comptent sur un revenu. Soulignons aussi que la déclaration d’un état de santé favorable est reliée négativement à une situation de revenu plus précaire, notamment la situation de prépondérance des sources publiques (modèle 5). Enfin, parmi les répondants qui cessent un emploi sans commencer à compter de manière prépondérante sur des prestations privées, la déclaration d’un faible niveau de stress est reliée négativement au maintien ou à la reprise d’activité plutôt qu’à sa cessation (modèle 3). En somme, si parmi les inactifs le stress semble plus élevé en cas de sources de revenu plus précaires que les prestations privées, il semble globalement plus élevé chez les actifs que les inactifs.
En rapport au principe de connexité, on constate que les individus mariés ou en union libre dont le conjoint ou la conjointe est actif, ont tendance à expérimenter des formes de transition avec maintien ou reprise d’activité (modèles 1 à 3). Ce résultat suggère au moins que les conjoints synchronisent leur présence dans l’activité[24].
Pour terminer et en complément aux résultats précédents, on note que les hommes et les diplômés universitaires ont moins tendance, lorsque survient une cessation d’activité, à compter de manière prépondérante sur des sources publiques comparativement à des prestations privées. La raison en est fort probablement que leur situation d’emploi plus avantageuse a favorisé l’accumulation du revenu de retraite. Les hommes ont aussi plus tendance à se maintenir en activité (modèle 3).
Conclusion
Deux conclusions principales émergent de la présente analyse des formes de transition travail-retraite. En premier lieu, les formes de transition se caractérisent par l’importance relative des phénomènes d’alternance et de combinaison des statuts de travailleur et de retraité. Dans le contexte général de la déstandardisation du parcours de vie, ces formes sont alternatives à la transition classique où le statut de retraité succédait irrémédiablement à celui de travailleur, cette succession débouchant instantanément sur la prépondérance de prestations privées. En second lieu, la cessation d’activité entraîne des modes de revenu qualitativement et quantitativement variables. Qualitativement, une panoplie de sources de revenu sont appelées à devenir prépondérantes, soit les prestations privées, mais aussi les placements et différentes prestations ou transferts publics. Quantitativement, on constate que le revenu au commencement de la transition est positivement et fortement lié au fait de compter principalement sur des prestations de retraite privées plutôt que publiques pendant la transition. De plus, l’ampleur de la chute de revenu entre l’année de commencement de la transition et la quatrième année correspond de près à la précarité du transfert gouvernemental qui est appelé à devenir prépondérant.
Les résultats présentés dans cet article demeurent néanmoins préliminaires en raison des limites de notre étude. En effet, premièrement, nous n’avons pas rendu compte du concept de revenu et plus particulièrement du concept de faible revenu dans toute leur complexité, car ils ne comprennent pas seulement une dimension personnelle mais aussi familiale. Ce n’est pas parce qu’une personne a un faible revenu que le revenu familial est nécessairement faible et donc qu’il y a précarité. Leur interprétation doit donc se faire avec prudence. Ainsi, d’autres analyses portant sur les mêmes données (présentées dans Crespo, 2005 : 122-124) suggèrent que si le revenu individuel ne dit pas tout sur le revenu, il en dit quand même beaucoup. Par exemple, les formes de transition marquées par la prépondérance de sources et de montants de revenus personnels plus précaires (comme les sources publiques) impliquent en même temps un revenu familial beaucoup moins élevé en rapport à un indicateur comme le Seuil de faible revenu (SFR) de Statistique Canada.
Deuxièmement, comme nous l’avons signalé dans le texte (cf. note 7), même si la transition travail-retraite demeure typique à partir de 65 ans, nous avons été contraints d’écarter les répondants de cet âge étant donné l’impossibilité de compléter le suivi longitudinal de leur activité sur le marché du travail durant toutes les années d’observation de l’échantillon d’enquête. Or, ces personnes seront particulièrement touchées par la transition au cours des prochaines années compte tenu de l’augmentation de l’espérance de vie. C’est pourquoi il serait judicieux que les prochains échantillons longitudinaux de l’EDTR, sinon ceux des enquêtes futures, permettent de compléter ce suivi.
Troisièmement, notre analyse de régression n’a pas permis de dégager les effets nets de chacune des variables indépendantes au moyen de modèles de régression multiple. Elle a toutefois permis de dégager la « version épiphénoménale » de ces effets : les effets bruts. Dans un contexte de pluralité de modèles et de variables indépendantes comme le nôtre, l’extraction et l’interprétation des effets nets appellent une analyse considérablement plus détaillée qui dépassait largement le cadre du présent effort.
Quatrièmement, notre analyse n’a pas été en mesure de donner une réponse formelle à la question des caractéristiques rendant compte de l’inégalité devant l’activité, du moins en ce qui a trait à l’âge de la sortie finale du marché du travail, une thématique pourtant cruciale. Certes, nous avons montré que l’avancée en âge finit tôt ou tard par nuire à l’activité. Mais certaines formes de transition pourraient-elles repousser l’échéance? Certaines, par leur flexibilité et par le libre-choix dont elles témoignent, pourraient contribuer au relèvement de l’âge effectif de la retraite de manière souhaitable du point de vue de la politique sociale. Une stratégie privilégiée pour répondre plus sûrement à cette question serait de suivre des cohortes représentatives de l’ensemble de la population des travailleurs âgés jusqu’à leur sortie finale du marché du travail, afin d’étudier le rôle des formes de transition dans le cadre de « l’espérance de vie active ». Par contraste, notre étude a été restreinte à l’observation relativement brève des expériences d’une cohorte de répondants non représentative de l’ensemble de la population des personnes âgées. Nonobstant, le but de cette recherche était de contribuer à donner une description plus précise des formes de transition de l’activité à la retraite. Bien qu’elle ait été effectuée à partir d’une cohorte ayant entamé une transition au cours d’un laps de temps bien défini, elle laisse entrevoir la variabilité et la flexibilité des passages entre activité et inactivité ainsi que la situation d’inégalité auxquelles sont confrontées un nombre grandissant de personnes âgées face à l’emploi et au revenu.
Appendices
Notes
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[1]
Cet article est issu d’un projet de recherche subventionné par le programme de l’Action concertée du FQRSC (# 103229). Ce projet a été dirigé par Frédéric Lesemann de l’INRS-Urbanisation, culture et société. L’auteur remercie le Fonds ainsi que Frédéric Lesemann. L’auteur a collaboré au projet de recherche et produit cet article alors qu’il était étudiant au doctorat à l’Université du Québec à Montréal. Enfin, il remercie les lecteurs anonymes des « Cahiers ».
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[2]
Dans les fichiers à grande diffusion de l’Enquête sur la population active (EPA), l’âge exact des répondants n’est pas disponible; seule la tranche quinquennale l’est. Il s’avère donc impossible d’estimer toute mesure de variabilité de l’âge de la retraite.
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[3]
Blau (1994) a considéré une cohorte d’hommes américains âgés de 55 à 73 ans. Il a dégagé 39 séquences composées de trois catégories, soit l’inactivité, l’emploi à temps plein et l’emploi à temps partiel. Gustman et Steinmeier (2000, dans Stone et al., 2006 : 50-51) ont analysé, dans une cohorte d’hommes et de femmes américains nés entre 1931 et 1941, un ensemble de 25 séquences composées des catégories suivantes, subjectivement déclarées, mais renvoyant essentiellement à l’activité sur le marché du travail : « retraité », « partiellement retraité », « non retraité ».
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[4]
Ainsi, leur catégorie # 9 (appelée « position » # 9) a été définie comme suit : « Ne fait pas partie de la population active pendant le trimestre, mais touche une forme de pension ou des prestations de la Sécurité de la vieillesse au cours de l’année » (Stone et al., 2006 : 25). Les autres catégories concernent des événements caractéristiques de l’activité, incluant des changements d’emploi volontaires ou involontaires, des changements d’heure de travail et des épisodes d’inactivité.
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[5]
Nous avons choisi de ne pas minimiser, en plus de la troncature à gauche, celle à droite, puisque dans ce cas, il aurait fallu amputer encore plus la taille de l’échantillon. En outre, la minimisation de la troncature à droite, en plus de la minimisation de celle à gauche, auraient entraîné un biais de sélection, car nous nous serions retrouvés à étudier surtout les répondants qui effectuent plus rapidement cette transition.
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[6]
À première vue, l’événement « B », combiné à cette condition, semble avoir peu en commun avec le commencement d’une transition. Cependant, un tel événement est indicateur de mobilité sur le marché du travail, un phénomène au coeur de la conceptualisation des formes alternatives de transition dans la littérature. Il nous fallait donc ne pas exclure cette condition.
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[7]
Nous avons été contraints d’écarter les répondants âgés de 65 ans et plus, même si la transition travail-retraite demeure un événement typique à ces âges. La raison en est que l’EDTR ne collecte plus d’informations sur l’activité et le travail à compter de 70 ans. Nous n’aurions pas pu constituer les séquences de 48 catégories d’activité dans le cas de certains répondants de 65 ans et plus en début d’observation. Il en aurait résulté une inégalité dans la longueur des séquences selon l’âge, et donc des altérations dans la mesure de l’objet.
-
[8]
Des procédures d’imputation des données manquantes sur les séquences ont été appliquées afin de ne pas éroder l’échantillon. Dans quelques cas où l’imputation était impossible, les répondants ont été exclus (Crespo, 2005 : 81-83). La taille de l’échantillon de 636 répondants tient compte de ces exclusions.
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[9]
La catégorie « a.t.g. » comprend des transferts gouvernementaux mineurs, non compris ailleurs. Il peut s’agir, par exemple, de crédits d’impôts.
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[10]
Une introduction à la méthodologie a été présentée par Abbott et Hrycak (1990). Pour une présentation illustrative de l’algorithme de base et pour une présentation formelle se basant sur le texte classique de Kruskal et Sankoff (1983), consulter Crespo (2005 : 185-189).
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[11]
Par exemple, le niveau de revenu total n’est pas facilement traitable, car l’analyse d’appariements ne considère que des catégories. Certes, nous aurions pu « aplatir » le revenu en tranches pour ensuite l’intégrer à l’analyse. Mais nous avons jugé marginal l’apport de cette stratégie, notamment parce que la principale source de revenu en dit déjà beaucoup sur la tranche de revenu.
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[12]
Le niveau de revenu n’a pas été affecté à l’analyse; il a été utilisé seulement pour enrichir la description.
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[13]
Les appariements optimaux ont été réalisés au moyen de la procédure SEQM du progiciel Transition Data Analysis (Rohwer et Poetter, 2002). La spécification des coûts d’insertion, de suppression et de substitution est décrite dans Crespo (2005 : 83, note 99).
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[14]
La standardisation est nécessaire puisque certaines caractéristiques des séquences, d’une analyse d’appariements à l’autre, influencent l’échelle de la mesure de distance. Il peut s’agir de la taille des séquences ou de la valeur des coûts. Notre solution de standardisation a consisté à diviser chaque mesure d’une matrice, excluant les mesures nulles situées sur la diagonale, par l’écart-type de l’ensemble formé de toutes les mesures, à l’exclusion encore des mesures nulles.
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[15]
Ces quatre groupes ne sont pas un autre résultat de l’analyse de classification en soi; ils ont été établis subjectivement, à partir de ressemblances constatées entre les classes au niveau des formes de parcours suivant leurs dimensions.
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[16]
Rappelons, conformément au test de sélection (événement « A »), que trois modalités de retraite partielle sont possibles lorsqu’un répondant conserve un emploi : passer à un horaire à temps partiel pendant au moins 12 mois consécutifs, commencer à retirer des prestations de retraite fondées sur les gains, ou ne plus avoir ces gains comme principale source de revenu.
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[17]
On signale aussi dans environ le tiers des cas une certaine prépondérance des prestations d’assurance-emploi lors de la première année. Pour certains répondants, ces prestations d’assurance-emploi pourraient donc, après la cessation d’emploi, servir de relais entre les gains et le RPC/RRQ.
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[18]
Rappelons que cette source de revenu comprend aussi d’autres transferts gouvernementaux (a.t.g.) non compris dans les autres sources. Toutefois, la SV/SRG demeure prépondérante pour la grande majorité des répondants de cette classe.
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[19]
Ce chômage peut être issu d’un roulement assez élevé de l’emploi de ces actifs et dans certains cas, il peut constituer un statut de longue durée.
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[20]
Pour une revue détaillée de cette littérature, se référer à Crespo (2005 : 137-150).
-
[21]
En effet, le marché interne du secteur public peut être considéré comme étant encore plus organisé que le marché interne du secteur privé. La distinction entre le marché externe et le marché interne gagne donc en précision en identifiant d’abord le marché externe privé, ensuite le marché interne privé, une forme intermédiaire de marché interne, et finalement le marché interne public, la forme la plus organisée. (Nous estimons le marché externe public négligeable ou inexistant.)
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[22]
Pour les informations techniques relatives à l’opérationnalisation de ces variables indépendantes, se référer à Crespo (2005 : 154-158).
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[23]
Ces estimations tiennent compte du plan d’échantillonnage de l’EDTR. Le programme macro SAS de Statistique Canada, intitulé BLOGIT, a été utilisé à partir d’un ensemble de 1000 poids répliques.
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[24]
Des analyses complémentaires, non présentées dans le tableau 2, ont permis d’établir que le niveau de revenu familial favorise significativement des formes de transition avec maintien ou reprise d’activité. Ces résultats s’expliquent par la dépendance statistique du niveau de revenu familial non seulement en relation avec l’activité du conjoint éventuel sur le marché du travail, mais aussi avec la rémunération de la personne en instance de transition. En effet, ces deux caractéristiques favorisent tout aussi significativement des formes de transition avec maintien ou reprise d’activité. Par ailleurs, la dépendance statistique du niveau de revenu familial par rapport à la rémunération est également confirmée par un autre résultat : tout comme une rémunération moins élevée, un niveau de revenu familial moins élevé implique des formes excluant les prestations privées.
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