Notes de lecture

Everyone Loves Live Music Note de lectureHolt, F.(2020). Everyone Loves Live Music. University of Chicago Press.[Record]

  • Gérôme Guibert

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  • Gérôme Guibert
    Sociologue, professeur des universités à la Sorbonne Nouvelle

En 2020, au moment même où une grande partie du monde était confiné ou restreint dans ses mouvements, au moment même aussi où les rassemblements publics se faisaient rares et où des questions ontologiques sur la présence physique, le corps, ou l’être ensemble dans les manifestations sociales se faisaient plus nombreuses (qu’il s’agisse des compétitions sportives, des cérémonies religieuses ou encore des évènements de spectacle vivant) paraissait – sans que ces conjonctions d’évènements n’aient été calculées – l’ouvrage de Fabian Holt Everyone Loves Live Music. La conjoncture de la publication s’avérait finalement propice à la réflexion, et ce de plusieurs façons. Tout d’abord le livre venait parachever un processus d’ouverture de nouveaux travaux sur la musique live entamé à la fin de la première décennie 2000 par de nombreux chercheurs et dont les travaux de Frith et ses collègues constituaient une partie visible de l’iceberg (Frith et al., 2019). En amont on trouvait déjà l’article de Simon Frith « la musique live ça compte » paru simultanément en français et en anglais (Frith, 2007) où l’auteur rappelait que, sur longue période, les recherches en sciences sociales cles concernant les concerts et plus largement la dimension live de la musique avaient été peu traitées dans le cadre des popular music studies, notamment en regard des questions liées au processus de l’enregistrement à son industrie et à sa diffusion médiatique. Bien entendu, cela s’explique par le fait que l’enregistrement participe de la définition originelle même de ce qui constitue les musiques populaires (Tagg, 2022 [1982]), alors même que l’interprétation en direct est davantage associée aux musiques de traditions orales (« folk music »). Mais les maigres recherches sur la musique live (constatées aussi par Anderton & Pisfil, 2022) depuis les années 1980 jusqu’aux années 2010 s’expliquent aussi par le peu de recettes générées par l’activité et l’appartenance majoritaire des initiatives de production de spectacle aux mondes des pratiques amateurs ou des associations non lucratives (Hirsch, 1972) et s’expliquent encore par l’absence de potentiels de gains de productivité du spectacle (Baumol & Bowen, 1993). Ainsi, les prestations de musique live, dans une perspective fonctionnelle, se sont longtemps limitées à un moyen de promotion des industries culturelles (Guibert, 2013). Outre les transformations internes (notamment technologiques) de l’activité, mais aussi normatives (succès des tribute bands, retour des télé-crochets, développement du théâtre musical) évoqué dans l’ouvrage de Fabian Holt, l’augmentation quantitative d’études et de recherches sur la musique live à partir des années 2010 s’explique en premier lieu, en creux, par la crise du commerce des musiques enregistrées qui allait marquer les quinze premières années du XXIe siècle, la recherche de sources de revenus alternatives et l’explosion d’activité de spectacles, dont les prix ont crû beaucoup plus que l’inflation, en particulier pour les artistes les plus réputés. Autant de phénomènes qui entrainent de nouvelles questions de recherche. L’intérêt renouvelé pour la musique live de la part des industries culturelles allait rejoindre ceux des usagers de concerts et de festivals qui, dans un monde saturé d’intermédiations numériques, donnent au live un cachet d’authenticité, ce dont le marketing territorial allait s’emparer. Et c’est sans doute cela l’intérêt premier de l’ouvrage de Fabian Holt, celui de ne pas s’arrêter à l’image positive (économiquement, mais aussi axiologiquement) de la musique live, mais de montrer comment l’évolution de la situation sociale et économique de la musique a transformé la réalité même de l’activité de concert, le plus souvent dans une direction que l’auteur estime problématique, même si des tensions subsistent et que le sens de l’histoire ne semble pas complétement tracé. En préambule, et avant de proposer dans un …

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