L’intervention dans les milieux organisés ici examinés se déploie au sein de structures formelles des institutions publiques, des organisations prestataires de biens ou services et des groupes communautaires principalement dans les milieux éducatifs, socioculturels et de la santé. Elle recouvre un éventail de pratiques de communication liées à des événements politiques, des phénomènes sociaux ou des activités socioculturelles qui en refaçonnent la dynamique et en modifient le cours. Tant sur le plan théorique que pratique, elle puise aux idées issues de diverses voix, plus classiques ou provenant de positions marginales, de pratiques organisationnelles émergentes et de technologies numériques dernier cri afin d’élargir et d’enrichir le dialogue, d’assainir les interactions et de rééquilibrer les relations entre les acteurs individuels et collectifs. Son étude offre l’occasion d’explorer ses fondements, ses orientations actuelles, ses articulations et ses limites dans des contextes précis. Évanescente, la notion d’intervention demeure fondamentalement interdisciplinaire et interprofessionnelle en ce sens qu’elle « ne réfère ni à une pratique propre, ni à une profession particulière, pas plus qu’à un secteur d’activités circonscrit » (Nélisse et Zuniga, 1997, p. 5). Il s’agit plutôt d’une catégorie générale d’action qui s’incarne dans des manières de penser et de faire. S’appuyant entre autres sur l’application d’une conception rationnelle appliquée à la résolution de problèmes dans les organisations, l’intervention est en constant essor dans les sociétés industrialisées depuis la seconde moitié du siècle dernier. Opérée dans l’optique certes de résoudre des problèmes mais aussi de soutenir des aspirations de développement tant humain qu’organisationnel, cette activité comporte une dimension psychosociale explicite la distinguant d’une approche strictement technique. Elle implique généralement l’action d’agents extérieurs aux milieux concernés, qui entretiennent des rapports complexes avec les membres et les groupes composant ces milieux en ce qu’ils influent sur les rapports établis entre eux (subordination, coopération, etc.) et avec d’autres milieux (concurrence, mutualisation, etc.). On associe ainsi souvent les interventions à des processus de changement planifié en partant du fait que toute organisation évolue dans un environnement changeant et que sa portée dépend de la qualité des solutions qu’elle met en place face à des situations problématiques. La recherche de l’atteinte des buts fixés, quitte à modifier le parcours prévu, s’inscrit dans des modèles généraux visant à accroître l’autonomie organisationnelle, son efficacité ou son efficience ainsi qu’à juguler les tensions entre les membres et les groupes qui la constituent. Cette approche, conçue dans les années 1940 à partir des recherches de Kurt Lewin et des travaux de centres de formation comme les National Training Laboratories à Bethel (Nouvelle-Angleterre), se fonde sur une logique d’action pragmatique et des processus de résolution de problème à phases (Dewey et Cometti, 2003). Cette méthode, au cœur de ce que Lewin nomme la « recherche-action », consiste à identifier les besoins à satisfaire ou les problèmes à résoudre, à élaborer un plan d’action avec ses objectifs et les stratégies permettant de les atteindre. Depuis les premières remises en question de ce modèle classique de l’intervention et de la recherche-action, nombre d’analystes ont montré que les fondements communicationnels des interventions se structurent et évoluent en fonction des contextes sociaux, des réseaux locaux et des processus d’innovations technologiques et gestionnaires. Les pratiques recensées d’aménagement de dispositifs de communication analogiques ou numériques reposent sur une pluralité d’approches, de concepts et de méthodes. Depuis un quart de siècle, elles se sont profondément transformées, au fil des innovations technologiques et sociales et des problématiques relationnelles marquées par la diversité des personnes, des groupes ou des regroupements organisationnels et sociaux (Martuccelli, 2016). L’attention grandissante portée aux réseaux de proximité et à l’évolution des technologies suggère un véritable changement épistémologique qui tend …
Appendices
Bibliographie
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