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Les modes de communication du gouvernement fédéral canadien ont beaucoup évolué à l’ère du web et des plateformes numériques (Marland, Lewis et Flanagan, 2017) depuis novembre 2015, date d’arrivée au pouvoir du premier ministre Justin Trudeau. Une politique nouvelle en matière d’utilisation des médias numériques pour des fins de communication institutionnelle (Lalancette et Raynauld, 2017) a été mise en place et a modifié tant les canaux communicationnels de référence que les messages institutionnels transmis. Depuis, l’impératif d’utilisation de plateformes numériques (sites web, Facebook, Twitter, Instagram, YouTube, Linkedin) est devenu une norme (Graham, Avery et Park, 2015; Navarro et Moreno, 2017).

La politique fédérale de communication a souhaité uniformiser cette norme. La Directive sur la gestion des communications (Gouvernement du Canada, 2017) stipule que tous les ministères doivent « utiliser les plateformes et les médias numériques comme principal moyen de connexion et d’interaction avec le public » (paragr. 6.11), parce que « les Canadiens utilisent de plus en plus la technologie pour communiquer dans leur vie quotidienne et s’attendent à interagir avec le gouvernement de la même façon » (Gouvernement du Canada, 2019, paragr. 4.4.). Cette politique concerne, plus précisément, la coûteuse refonte des sites web des institutions fédérales canadiennes (IFC) (www.canada.ca) qui souhaite augmenter la présence effective des individus dans les espaces numériques (Ben Amor et Granget, 2011) et favoriser la connectivité performative (Ekman et Widholm, 2014; Lalancette et Raynauld, 2017) afin d’accroître la visibilité des publics sur le web et de fonder des relations symétriques plus équilibrées. Les supports et les canaux de communication numérique font ainsi l’objet d’une standardisation constante (Marland, 2017) afin de s’assurer que les messages transmis par les IFC articulent la même logique institutionnelle, qui est définie, ici, comme un ensemble de pratiques sociomatérielles et de constructions symboliques constituant l’ordre institutionnel visible (Friedland et Alford, 1991).

Cette recherche vise à comprendre dans quelle mesure le principe de connectivité performative recherché par la politique fédérale de communication est appliqué aux sites web des IFC. Pour ce faire, nous étudions la manière dont les messages publiés sur le web agissent sur la logique institutionnelle en donnant – ou non – de la visibilité aux individus et aux collectivités humaines dans les communications officielles des IFC. Pour ce faire, nous suivons la communication organisationnelle (Cooren et al., 2011) afin d’analyser les messages institutionnels comme « présentifiés[1] » (Cooren, 2006) par une multitude d’entités humaines et matérielles visibles. Les thèmes des messages institutionnels deviennent constitutifs dans le sens où ils incorporent et configurent la logique institutionnelle des IFC et contribuent – ou non – à la connectivité performative qui met en lien les institutions et les publics internes et externes.

Afin de mettre en lumière ces thèmes constitutifs, nous avons réalisé une analyse thématique (Paillé et Mucchielli, 2016) de messages publiés sur plusieurs sites web gouvernementaux qui a abouti à la construction d’un arbre thématique complexe (n=51), subdivisé en quatre axes (A1-A4), dix catégories (C1-C10) et trente-sept thèmes (T1-T37). Nos résultats montrent que les messages transmis par les IFC projettent une logique institutionnelle composite plutôt typique du vieil institutionnalisme (DiMaggio, 1988) et du néo-institutionnalisme (Meyer et Rowan, 1977) qui reposent sur une communication linéaire et à sens unique (Axley, 1984) et qui occultent la visibilité des entités humaines sur le web. Les communications des IFC deviennent ainsi fortement désincarnées, parce qu’elles ne donnent que très peu d’existence aux individus et aux collectivités humaines, ce qui met en question l’application effective du principe de connectivité performative sur le web des IFC.

Dans la première partie de ce texte, nous présentons certaines théories et logiques institutionnelles (Lammers et Garcia, 2017) en rapport avec la conception et la transmission de messages officiels et avec la visibilité des entités humaines et matérielles dans les thèmes de ces messages. Nous abordons ensuite le cadre théorique du CCO (Schoeneborn et al., 2014), qui nous permet de réaliser l’étude des messages et de la connectivité performative à travers le concept de présentification (Cooren, 2006). Nous détaillons ensuite le terrain de recherche exploré : un panel de onze sites web institutionnels. Après le développement de l’analyse thématique des messages explorés, nous détaillons les axes, les catégories et les thèmes de l’arbre afin de discuter les thèmes constitutifs et les entités présentifiées sur le web. La dernière partie de cet article explicite les contributions théoriques et pratiques de la recherche, en soulignant les apports de l’approche CCO pour l’étude des théories institutionnelles et de l’application du principe de connectivité performative sur le web des IFC.

Institutions communicantes

Nous abordons l’étude des logiques et des messages des IFC à travers les théories institutionnelles (Lammers et Barbour, 2006) et communicationnelles en tant que transmission linéaire de messages et de contenus de référence. Ces théories discutent les logiques traditionnelle et néo-institutionnelle qui fournissent, par les messages officiels, des cadres d’action préfigurés et contrôlent la visibilité des individus dans les contenus communicationnels. Afin d’expliquer pourquoi les théories institutionnelles ne permettent pas d’étudier la manière dont les messages agissent sur les logiques des IFC et établissent la connectivité performative avec les différents publics, nous détaillons notre cadre théorique porté par la communication organisationnelle (Taylor et Van Every, 2000).

Logiques et messages institutionnels

Pour faire connaître ses politiques officielles, toute institution communique avec les publics internes et externes à travers une multitude de messages qui encodent des informations, des idées et des symboles relatifs à ses intérêts, ses valeurs et sa culture (Thornton et Ocasio, 2008). « An institutional message is a collation of thoughts that takes on a life independent of senders and recipients. It may have the force of rules and is spread intentionally or unintentionally via multiple channels to narrow or wider audiences » (Lammers, 2011, p. 171).

L’institution communicante peut être représentée comme un conteneur (Axley, 1984) qui produit et stocke des messages officiels avant de les transmettre vers ses divers publics par l’intermédiaire des outils et des supports adaptés. Grâce à une communication asymétrique et linéaire entre les émetteurs et les récepteurs (Shannon et Weaver, 1949), les institutions diffusent aux individus et aux collectivités humaines des valeurs, des symboles et des normes préfigurés (Selznick, 1957). Cette manière d’aborder les communications institutionnelles est typique du vieil institutionnalisme (Barley et Tolbert, 1997; DiMaggio, 1988), qui voit les institutions comme des « constellations of established practices guided by enduring, formalized, rational beliefs that transcend particular organizations and situations » (Lammers et Barbour, 2006, p. 364). Les institutions communiquent ainsi à leurs publics des messages, des vocables et des idées préétablis et les orientent vers des objectifs préalablement planifiés, calibrés et ajustés. L’idée de l’existence d’une logique institutionnelle traditionnelle dominante (Weber, 1968) explique très justement le fait que grâce aux messages transmis, les institutions imposent aux individus des cadres d’action et des modes d’emploi afin de déterminer la manière dont ils devraient se comporter (Gioia et al., 2014). Ces messages sont désincarnés, anonymisés et orientés vers un public large, capable de reconnaître spontanément les contenus et les thèmes transmis avant d’agir (Lammers, 2011) et visent à garantir la conformité des actions individuelles et collectives avec la logique institutionnelle dominante. Ce type de messages ne donne que peu de visibilité aux publics internes et externes, qui n’existent qu’à travers la présence et les discours des représentants institutionnels officiels. Les messages sont impersonnels (Bezanson, 1995) dans le sens où ils cachent les traits identificatoires et l’identité des émetteurs et des récepteurs des messages : ils sont vidés du corps de ceux qui parlent et de ceux à qui s’adressent les messages.

Pourtant, les individus et les collectivités humaines existent dans et à travers les logiques institutionnelles qui sont « socially constructed, historical patterns of material practices, assumptions, values, beliefs, and rules by which individuals produce and reproduce their material subsistence, organize time and space, and provide meaning to their social reality » (Thornton et Ocasio, 1999, p. 804). Les institutions sont des structures collectives supra-organisationnelles (Friedland et Alford, 1991) à travers lesquelles les pratiques symboliques et matérielles individuelles et collectives cristallisent et deviennent routinières. Selon le néo-institutionnalisme (Meyer et Rowan, 1977), ce processus est l’institutionnalisation par lequel « social process, obligations or actualities come to take a rule-like status in social thought and action » (p. 342). Chaque institution garde ainsi certains traits organisationnels qui coexistent avec les caractéristiques institutionnelles et collectives. En conséquence, la logique institutionnelle intègre des entités humaines et non humaines dont l’existence et la visibilité ne peuvent être occultées. Pour garder le contrôle sur la logique dominante (Thornton, 2001), les institutions donnent de la visibilité à certaines entités plutôt qu’à d’autres ou, au contraire, obscurcissent, voire effacent, leur présence dans le flux communicationnel et les contenus des messages transmis.

Être visible, c’est exister

La visibilité est une des conditions sine qua non des processus communicationnels, parce qu’elle permet de rendre quelqu’un ou quelque chose existant aux yeux des autres. Si l’étymologie du mot voir, proposée par Brighenti (2007), est liée au mot grec theorin qui signifie « source de savoir » (p. 328), Hansen et Flyverbom (2015) soulignent que voir transforme l’information basique en connaissance sociale dans le sens où « je vois » donne lieu à « j’existe ». Dans les interactions humaines immédiates, la visibilité n’est pas spatialement et temporairement obturée, ce qui change fondamentalement avec les technologies qui donnent lieu à une visibilité médiée (Thompson, 2005) et disloquée par une multitude d’objets écrits et visuels. Sur le web, par exemple, les entités visibles ne sont pas uniquement associées aux aspects visuels (images, couleurs, formes, symboles, etc.), mais aussi à l’écrit (textes, publications, agendas, notifications, etc.). La visibilité est perceptible aussi bien dans les images publiées sur une page web que dans les thèmes de référence des publications textuelles qui accompagnent les images. Les sites web imposent des formes complexes de visibilité (Uldam, 2018) qui augmentent la présence des individus et des collectivités humaines, mais qui peuvent aussi favoriser leur invisibilité grâce aux différentes formes de contrôle (Foucault, 1975). Lorsqu’une institution communique, elle projette une logique institutionnelle spécifique qui favorise – ou non – la visibilité des publics et exerce sur eux une pression légale qui vise l’empowering et le disempowering (Brighenti, 2010) : l’augmentation et la diminution de la visibilité permettant de garder le contrôle sur les individus et sur la logique institutionnelle projetée. À l’ère des technologies sociotechniques, la visibilité et la présence des individus et des collectivités humaines dans les messages sur le web favorisent la connectivité performative ainsi que les relations plus équilibrées entre les IFC et leurs publics.

Les théories institutionnelles (Lammers et Garcia, 2017) permettent ainsi d’étudier la manière dont les messages portent et perpétuent les politiques et les logiques des IFC en donnant de la visibilité – ou non – à certaines entités matérielles et humaines et en contrôlant d’autres. En revanche, ces théories ne sont pas assez adaptées pour étudier comment les messages agissent sur les logiques des IFC ni comment la visibilité de ces différentes entités humaines et non humaines favorise – ou non – la connectivité performative des sites web des IFC.

Pour ce faire, nous adoptons le cadre théorique du CCO (Communicatif Constitution of Organizations, cf. Schoeneborn et al., 2014) porté par l’étude de la communication organisationnelle.

De la communication constitutive à la connectivité performative

Notre cadre théorique postule que la communication n’est pas une simple transmission linéaire d’informations et de messages (Axley, 1984), mais qu’elle est performative de la réalité sociale, organisationnelle et institutionnelle (Cooren et al., 2011). L’approche CCO aborde la communication comme un processus dynamique à travers lequel les formes sociales et collectives sont construites, maintenues, transformées et déconstruites dans le temps et l’espace (Ashcraft et Mumby, 2004; Taylor et Van Every, 2000). Cette approche appréhende les logiques institutionnelles non pas comme des cadres d’action symboliques et pratiques, mais comme constituées des (inter)actions entre les entités humaines et non humaines. La communication est ici un phénomène qui combine différentes capacités d’agir d’ordres humain, discursif et matériel qui sont constitutives de la logique institutionnelle. Les messages qui tissent les flux communicationnels incorporent et rendent visibles ces entités humaines (individus, collectivités, groupes, etc.) et matérielles (technologies, symboles, politiques, etc.) : ils agissent et activent leur présence dans les contenus et les thèmes des messages.

Le concept de présentification (Cooren, 2013) exprime justement le fait que différentes entités humaines et non humaines constituent les messages institutionnels et agissent sur les logiques des IFC, parce qu’elles deviennent visibles et existent aux yeux des autres une fois incarnées dans et par les messages institutionnels. Les messages « donnent du corps » (embodiment, cf. Cooren, 2006) à ces entités – ils les incarnent et incorporent – et favorisent l’établissement de la connectivité performative entre les IFC et leurs publics internes et externes, parce qu’ils présentifient (rendent visibles) les identités des émetteurs et les récepteurs des messages. À titre d’exemple, les communications des institutions fédérales au Canada passent presque exclusivement sur le web. La face visible des IFC est en grande partie configurée par les messages officiels et les différents thèmes qui les composent. Ce que les publics perçoivent des institutions est principalement une imbrication de différentes entités humaines et non humaines qui sont incorporées dans les thèmes des messages transmis. Plus les salariés des IFC et les publics canadiens sont présentifiés dans les messages transmis sur le web, plus ils contribuent à la constitution de la logique institutionnelle et plus ils favorisent la connectivité performative des sites web.

L’institutionnalisme communicationnel (Cornelissen et al., 2015), bâti autour de l’approche CCO, apporte une explication à ce processus. Il propose de concevoir les institutions comme fondamentalement configurées par les individus et les collectivités humaines à l’intérieur (salariés et autres membres du personnel) et à l’extérieur (citoyen et usagers) des institutions. Ce concept permet d’aborder le principe de connectivité performative (Bushey, 2014) à travers l’incarnation des entités humaines dans les messages institutionnels transmis par les IFC aux côtés des autres entités matérielles, discursives et événementielles. La connectivité – la capacité de mettre en relation des émetteurs et des récepteurs par la communication – des sites web est performative dans le sens où les messages incarnent et présentifient (Cooren, 2006) les individus et les collectivités humaines dans les contenus et les thèmes des messages institutionnels en tant que parties prenantes des politiques institutionnelles. Les thèmes des messages institutionnels deviennent ainsi constitutifs de la logique institutionnelle et de la connectivité performative. Étudier la visibilité des entités humaines et non humaines présentifiées dans les thèmes de référence des messages institutionnels permet de comprendre : 1) quels sont les thèmes constitutifs de la logique institutionnelle des IFC; et 2) quel est le rôle de la visibilité des entités humaines pour la mise en pratique du principe de connectivité performative.

Méthodologie

Pour répondre à ces questions, nous avons dressé une image détaillée des différents thèmes encodés dans les messages transmis par les IFC sur le web. Notre objectif est de comprendre quelles sont les entités humaines et non humaines visibles et présentifiées dans ces thèmes. Pour constituer notre échantillon d’agences de ministères fédéraux dont les publications web sont analysées, nous avons choisi des IFC qui ont muté leurs sites web vers le domaine unique www.canada.ca et qui communiquent avec un public large et non spécifique. Autrement dit, les agences et les ministères qui s’adressent à des publics spécifiques et particuliers ont été exclus[2]. Nous avons donc retenu ceux qui s’adressent à un large spectre de publics en respectant l’atteinte du principe de saturation empirique (Glase et Strauss, 1967) : Finance; Justice; Global Affairs; Canada Revenue Agency; Employment, Workforce, Development and Labour; Transport Canada; Environment and Climate Change; Canadian Heritage; Innovation, Science and Economic Development; Immigration and Citizenship; Public Safety Canada.

Entre le 21 janvier et le 30 avril 2017, nous avons consulté, copié et sauvegardé toutes les publications sur leurs pages d’accueil ainsi que les publications qui peuvent être lues en cliquant sur les liens actifs (rubriques, encarts, visuels, etc.) depuis les pages d’accueil (un clic sur le lien pour consulter la publication). Il est à noter que les photographies et les images ont été analysées au même niveau que les messages textuels.

Analyse thématique

Nous avons suivi la méthode d’analyse thématique proposée par Paillé et Mucchielli (2016), bâtie autour de l’extraction manuelle d’un certain nombre de thèmes représentatifs du contenu analysé (thématisation) permettant la construction d’un arbre thématique. Cette analyse correspond aux visées exploratoires de notre recherche, parce qu’elle permet de poser rapidement un diagnostic descriptif plutôt qu’interprétatif ou explicatif et aboutit à un panorama des thèmes abordés dans le corpus textuel étudié.

Chaque texte consulté a été collecté et analysé dans sa forme originale. Les dates de publication n’étant pas systématiquement indiquées sur les pages web, les textes copiés ont été reportés de manière continue dans un document Word dans l’ordre de leur consultation et sauvegarde. Pour réaliser l’analyse manuelle, les textes copiés ont été imprimés.

L’analyse thématique mobilisée procède par thématisation graduelle, c’est-à-dire par l’attribution de thèmes qui émergent continuellement à travers le corpus textuel analysé. Ce procédé « consiste en une démarche ininterrompue d’attribution de thèmes et, simultanément, de construction de l’arbre thématique » (Paillé et Mucchielli, 2016, p. 240). Les thèmes ont été attribués suivant le principe d’inférence : procédé logique de lecture approfondie par laquelle nous avons examiné plusieurs segments textuels en cherchant des indices auxquels nous avons attribué des thèmes. La validité des inférences dépend du rapport entre l’indice et le thème ainsi que des questions de recherche formulées. Paillé et Muchielli (2016) soulignent qu’une inférence de faible niveau a un rapport étroit et direct entre les indices et le thème proposé, alors qu’une inférence élevée présente un rapport plus général et éloigné entre l’indice et le thème. Dans le processus de thématisation, nous avons généré des thèmes de faible et moyenne inférence que nous avons inscrits au moment même de leur émergence dans la marge du document Word imprimé. Nous avons ainsi soustrait manuellement des thèmes bruts – avant les découpages et les regroupements plus généraux – tout au long de l’analyse du corpus textuel.

Chaque thème attribué dans les marges du document imprimé a été manuellement reporté sur une fiche additionnelle qui permet de laisser des traces des thèmes relevés afin de favoriser, dans un deuxième temps, leur mise en relation logique lors des découpages et des regroupements thématiques. Cette fiche est un relevé linéaire des thèmes émergents, « une liste reprenant l’ensemble des thèmes générés au cours de l’analyse » (Paillé et Mucchielli, 2016, p. 275) permettant de corréler les thèmes d’une manière plus efficace. Elle a été organisée par rubriques afin de devenir un document d’analyse classificatoire et descriptif à la fois. Au fur et à mesure des lectures successives et de l’avancement de l’analyse, certains thèmes commençaient rapidement à s’imposer et à se solidifier et d’autres, à s’estomper ou à disparaître complètement.

Parallèlement, nous avons constitué un journal de thématisation : un document séparé qui contient les différents essais de recoupements, de hiérarchisations et de regroupements thématiques ainsi que les réflexions du chercheur. Ce journal nous a donné la possibilité de garder des traces de notre logique de thématisation et d’y revenir lorsque nous devions préciser certains regroupements. Nous avons ensuite procédé aux regroupements des thèmes par rapport à leur niveau de corrélation et de généralité. Ainsi, nous avons fusionné des thèmes sous forme de rubriques classificatoires que nous avons appelées « catégories », lesquelles ont été assemblées en groupements thématiques encore plus généraux appelés « axes ».

Cette construction progressive de thèmes, de catégories et d’axes a abouti à la construction de l’arbre thématique :

Il s’agit d’un type de regroupements par thèmes où un certain nombre de rubriques classificatoires chapeautent des grands regroupements thématiques, lesquels se subdivisent à leur tour en autant d’axes thématiques que le phénomène à l’étude le suggère, ces axes étant eux-mêmes détaillés par des thèmes subsidiaires (Paillé et Mucchielli, 2016, p. 261).

Notre arbre thématique (n=51) est subdivisé en quatre axes (A1-A4), dix catégories (C1-C10) et trente-sept thèmes (T1-T37) qui se distinguent par leur degré d’inférence et de généralité et non par la fréquence de leur apparition dans le corpus textuel analysé. Autrement dit, les différents regroupements de l’arbre, d’une part, ne sont pas guidés par la récurrence des thèmes, mais par leur valeur analytique en rapport avec les questions de recherche, ce qui signifie que certains thèmes sont très importants, voire centraux, même si leur récurrence est très faible. D’autre part, un thème extrêmement récurrent n’est pas nécessairement celui qui sera établi comme une catégorie ou un axe analytique. Compte tenu de la complexité de l’arbre thématique élaboré, il est ici découpé en quatre parties et présenté par Axe-Catégorie-Thème (A-C-T) afin de proposer une compréhension plus aisée des thèmes émergents.

Lors de la présentation de l’arbre et de l’analyse des A-C-T, nous détaillons, dans les thèmes extraits, les entités présentifiées et constitutives de la logique institutionnelle. Nous portons une attention particulière à la visibilité des individus et des collectivités humaines (publics internes et externes) afin de comprendre si les sites web contribuent – ou non – à l’application du principe de connectivité performative recherché par les politiques officielles des IFC.

Une logique institutionnelle composite

Nous analysons ici les différentes parties de l’arbre thématique et illustrons les entités humaines et non humaines présentifiées avec des extraits du corpus textuel et visuel collecté (notifiés ci-dessous comme « Exemple »).

Axe « social »

La partie la plus dense et sous-divisée de l’arbre thématique, l’axe social (A1), est constituée de messages qui dressent une image quasi désincarnée des communications des IFC sur le web. Bien que les thèmes soulevés présentifient de multiples entités matérielles, relationnelles et événementielles, les messages des IFC sont dépourvus des voix et de la visibilité de ceux qui y parlent (les émetteurs) et de ceux à qui s’adressent les messages (les récepteurs). Les thèmes de l’A1 sont constitutifs d’une logique institutionnelle traditionnelle qui ne donne que peu de visibilité et d’existence aux individus et aux collectivités humaines.

Constitué de messages qui regroupent les thèmes relatifs au rôle social et sociétal des IFC, l’A1 comporte quatre catégories : identité (C1), collaboration (C2), ouverture (C3) et accessibilité (C4). Parmi elles, la C1 – la plus structurée et complexe – encode des thèmes qui présentifient l’identité des IFC. Ces thèmes articulent un ensemble de phénomènes matériels et idéologiques qui affectent la manière dont les publics et les autres institutions perçoivent les IFC. Les thèmes relevés ici (T1-T7) évoquent les relations tissées et maintenues entre les IFC et les différentes divisions territoriales canadiennes et internationales comme les municipalités (T7), les provinces (T6) et les autres institutions fédérales (T5) et étrangères (T4). Une importance première est accordée aux messages qui présentifient les différents sites institutionnels (agences, ministères, offices, etc.) dispersés sur le territoire canadien (T2), ce qui correspond bien à la spécificité de la gouvernance étatique du Canada : le fédéralisme (Figure 1).

Exemple (A1.C1.T6.) : « En plus des initiatives prises dans le cadre du Plan de protection des océans pour améliorer la sécurité maritime, le gouvernement du Canada a déposé, le 12 mai 2017, une loi pour officialiser la Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers qui vise le Nord [sic] de la côte britanno-colombienne. » (Environment and Climate Change)

Ce type de messages est illustré sur les sites web avec des symboles et des logos officiels comme les emblèmes, la représentation de lieux historiques et de drapeaux provinciaux et territoriaux. Les informations relatives aux sous-divisions administratives et aux sites territoriaux sont principalement présentifiées à travers la voix des politiques et des hauts fonctionnaires (directeurs d’agences et ministres) et sont accompagnées par leurs photographies officielles. En revanche, dans les messages encodés dans la C1, les illustrations et les photographies analysées ne présentifient pas de personnes identifiables dans le corps du texte publié (par exemple, le T3 est composé d’images génériques). Lorsque les messages institutionnels évoquent la présence d’individus et de collectivités humaines, ils s’adressent à un public large et anonyme (« les Canadiens », « la population », « les habitants », etc.), sans préciser qui se cache derrière ces publics. Les communications des IFC sur le web ont cette particularité intégratrice typique du vieil institutionnalisme (DiMaggio, 1988) qui impose une logique de référence, occulte la visibilité des individus et des collectivités humaines et désincarne les messages institutionnels.

Figure  1

 Axe « social » de l’arbre thématique

 Axe « social » de l’arbre thématique

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Thématiquement très cohérente avec la C1, la C2 regroupe des thèmes qui présentifient les collaborations tissées par les IFC avec une tierce entité institutionnelle dans le but d’atteindre des objectifs communs, d’élargir l’étendue des services institutionnels ou de profiter d’une expertise non spécifique et externe à l’institution (T9, T10 et T11). C’est pourquoi sont regroupés dans la C2 des thèmes qui relèvent des collaborations des IFC avec d’autres institutions du secteur privé (T8) dont les services ou les produits sont mis en visibilité par les messages officiels.

Exemple (A1.C2.T9.) : « Nous travaillons en étroite collaboration avec les autres ministères pour nous assurer que les employés qui ont besoin d’une aide financière en raison d’une paye manquante obtiennent une avance de salaire d’urgence. » (Canada Revenue Agency)

Ce type de messages est constitué autour d’un « nous » qui ne favorise pas la visibilité des émetteurs et des récepteurs. Ce « nous » donne du corps à un public anonyme qui se reconnaît spontanément dans les messages émis par les IFC, sans avoir besoin de connaître l’identité des ceux qui se cachent derrière ce « nous ». C’est pourquoi les messages relatifs aux collaborations et aux partenariats sont thématiquement très cohérents avec ceux portant sur l’ouverture (C3) et l’accessibilité (C4) des IFC : ils s’adressent toujours au même type de public institutionnel. À titre d’exemple, la C3 présentifie des thèmes liés aux activités et aux interactions (T15) courantes et régulières entre les institutions et les publics canadiens dans un sens large. L’ouverture des IFC est présentifiée par différents événements (T13) qui se passent ici et maintenant et qui impliquent les publics en tant que parties prenantes. Les thèmes soulèvent diverses activités (sondages, consultations, enquêtes publiques [T14]; concours et marchés publics [T12]) qui exigent l’implication et la participation effective de ces publics.

Exemple (A1.C3.T14.) : « […] après une consultation poussée de spécialistes des forces de l’ordre, de la santé et de la sécurité, ainsi que le travail soutenu du Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis, le gouvernement du Canada a aujourd’hui déposé un projet de loi visant à légaliser le cannabis, à le réglementer de manière stricte et à en restreindre l’accès. » (Justice)

Ce type de messages possède un effet agrégateur dans le sens où il présentifie des thèmes qui incorporent la participation des publics, sans pour autant les identifier. Dans la même veine, les messages codés dans la C4 présentifient l’accessibilité des IFC (T16 et T17), qui est analysée comme la possibilité pour les publics internes et externes de travailler en partenariat avec les IFC, comme l’occasion de bénéficier de partenariats déjà mis en place, ou bien comme l’occasion d’accéder au marché des emplois proposés par les IFC et de postuler aux offres afin d’y travailler. Les IFC communiquent ici via le web afin de permettre aux publics anonymes externes de devenir une partie prenante interne des IFC.

Bien que ces messages mettent en valeur une identité institutionnelle tournée vers l’ouverture et l’accessibilité, les thèmes soulevés dans le A1 ne présentifient pas des individus et des collectivités humaines identifiables. Les émetteurs et les récepteurs des messages demeurent inconnus et leurs identités sont cachées derrière un « nous » unificateur. En érigeant une vieille logique institutionnelle (Barley et Tolbert, 1997), les communications des IFC sur le web perpétuent ainsi des cadres symboliques et des modes d’action préétablis et maintiennent le contrôle sur l’(in)visibilité des publics (disempowering dans le sens de Brighenti [2007]) ainsi que sur la logique institutionnelle dominante.

Axe « macro-organisationnel »

Le deuxième grand regroupement thématique est structuré dans l’axe macro-organisationnel (A2). Les IFC communiquent ici comme des supra-organisations (Friedland et Alford, 1991) qui jouent un rôle organisationnel important au-delà des missions sociales et sociétales qu’elles portent. Les messages encodent des thèmes qui présentifient des événements, des projets et des programmes à suivre et à venir et qui projettent l’existence des IFC dans un futur maîtrisé et stabilisé. Les individus et les collectivités humaines y sont visibles en tant qu’utilisateurs de bien et de services administratifs, mais leurs traits identificatoires individuels et collectifs demeurent invisibles. Ces messages projettent ainsi une logique typique du néo-institutionnalisme (Meyer et Rowan, 1977) qui valorise le rôle des individus comme membres organisationnels, mais qui ne donne que peu de visibilité à leurs caractéristiques humaines.

L’A2 regroupe des thèmes constitués d’inférences qui établissent des liens analytiques entre les missions institutionnelles et organisationnelles des IFC. Comme l’A1, il est particulièrement complexe et sous-divisé : il comporte trois catégories – rôle institutionnel/secteurs d’activités (C5), culture (C6) et planification (C7) – et quatorze thèmes interconnectés (T18-T31). La C7 est la plus dense et englobe des messages qui présentifient des entités relatives à la durabilité, à la stabilité et à la pérennité des IFC : stratégies (T24), priorités (T25), objectifs/finalités (T26), investissement (T27), délais (T28), projets (T29), programmes (T30) et structure organisationnelle (T31) (Figure 2). Ces différentes sous-divisions de l’arbre dessinent les IFC comme des entités plurielles qui communiquent avec une multitude d’acteurs organisationnels et qui adaptent, en conséquence, leurs messages aux différents interlocuteurs et publics. La structure thématique de la C7 démontre que les IFC communiquent comme des organisations qui mènent des missions à long terme, nécessitant une planification (T28) et une programmation rigoureuse afin d’assurer la pérennité des actions et des événements prévus et à venir. Ces actions s’appuient sur des stratégies organisationnelles (T24) qui valorisent une multitude de priorités (T25) et des objectifs (T26) stratégiques qui sont fréquemment mis en scène sous forme de projets (T29) ou d’investissements (T27).

Exemples (A2.C7.T24. et A2.C7.T29.) : « Compte tenu de la hausse des risques de catastrophes et des coûts qui en découlent, le gouvernement a affecté, dans le budget de 2014, 200 millions de dollars sur cinq ans en vue d’établir le Programme national d’atténuation des catastrophes (PNAC), conformément à son engagement de bâtir des collectivités plus sécuritaires et plus résilientes. » (Public Safety Canada)

Ce type de messages présentifie des entités événementielles qui font le lien entre le présent stabilisé et le futur incertain, mais maîtrisé grâce aux engagements pris par les IFC. Les destinataires des messages ne sont pas explicitement nommés, mais sont présentifiés à travers les missions administratives provinciales et territoriales des IFC.

Figure  2

Axe « macro-organisationnel » de l’arbre thématique

Axe « macro-organisationnel » de l’arbre thématique

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Les huit thèmes (T24-T31) regroupés dans la C7 consolident davantage ce type de logique en présentifiant les relations que le gouvernement canadien entretient avec de multiples acteurs organisationnels. Nous y retrouvons, par exemple, des messages relatifs à la coordination interorganisationnelle d’actions, de ressources et de moyens pour atteindre des objectifs prioritaires (T25). Ces communications détaillent l’ensemble des activités d’investissements prévues dans le cadre d’un projet ou d’une mission particulière (T27), ou encore des thématiques relatives à la description de la structure hiérarchique de l’organisation et de l’organigramme officiel (T31).

Exemple (A2.C7.T30) : « Nous étions fiers d’annoncer le rétablissement d’un Programme de contestation judiciaire modernisé et élargi, ce qui permettra de clarifier et de renforcer les droits constitutionnels des Canadiens. » (Justice)

Ce type de messages, qui présentifient les programmes gouvernementaux et fédéraux, marque considérablement la structure thématique de la C7. Lorsqu’il s’agit de la mise en place de ces projets (T29), les IFC communiquent typiquement des messages qui visent à dresser une image claire et non ambiguë de la structure hiérarchique des IFC (qui fait quoi? à quel niveau? en occupant quel poste précisément?), comme dans les cas des multiples organigrammes officiels publiés sur les sites web. L’incidence des thèmes mettant en visibilité la structure organisationnelle s’inscrit ici dans une perspective plus englobante : celle de la culture organisationnelle (C6). La C6 regroupe ainsi des messages relatifs à la stabilité, à la durabilité et à la résistance aux changements par des valeurs (T20), des mandats (T21), des normes (T22) et des règles (T23) qui confèrent aux IFC des caractéristiques singulières liées à la poursuite de missions organisationnelles spécifiques. La portée de ces messages est double : ils présentifient des éléments constitutifs de la culture organisationnelle des IFC et permettent de les distinguer des autres institutions nationales et internationales. En outre, les thèmes portés par ces messages sont extrêmement « routinisés », ce qui nourrit considérablement leur valeur analytique.

Au-delà de ces messages, l’A2 encode des thèmes qui présentifient les missions administratives des IFC. C’est le cas de la C5, qui regroupe des thèmes portant sur les missions des institutions en tant qu’organisations responsables du service public. Il s’agit de messages qui fournissent diverses informations au sujet d’un service gratuit (T19) et des heures d’ouverture et d’accueil du public d’une agence ministérielle ou d’un office régional (T18). Ce sont typiquement des thèmes qui caractérisent les messages transmis par les organisations publiques qui ont des missions et des objectifs administratifs liés au service public et non pas uniquement aux missions stratégiques (T24) et aux visées politiques.

Exemple (A2.C6.T18.) : « La date limite pour envoyer la plupart des déclarations canadiennes de revenus et de prestations de 2016 est le 30 avril 2017. » (Canada Revenue Agency)

Voici ici un exemple d’un message routinisé (« marronnier » dans le jargon journalistique), fortement marqué par une valeur informationnelle de portée administrative qui s’adresse à des utilisateurs de services publics. Ce public n’est toujours pas explicitement nommé ou identifié, mais est censé se reconnaître lorsqu’il est visé par les communications des IFC. Les messages des IFC sur le web véhiculent des thèmes constitutifs d’une logique néo-institutionnelle (Meyer et Rowan, 1977) et présentifient des entités qui projettent dans le futur l’existence, la raison d’être et la pérennité des missions administratives des IFC et articulent les projets et les événements à venir afin de promouvoir la culture et les valeurs organisationnelles. Ces thèmes sont adaptés aux différents types de publics internes et externes, qu’ils soient institutionnels (autres institutions fédérales, provinciales ou internationales) ou organisationnels (citoyens et utilisateurs de services publics et administratifs). Dans ces différents groupements thématiques, les entités humaines sont rarement présentifiées et leur visibilité n’est pas un élément constitutif significatif des communications des IFC sur les web. Nous approfondissons ces résultats avec l’analyse des A3 et A4.

Messages institutionnels désincarnés

Lors de l’analyse des A3 et A4 de l’arbre thématique, nous nous intéressons à la visibilité des individus et des collectivités humaines dans les communications des IFC sur le web. Nous nous penchons, dans un premier temps, sur la présentification des publics internes (salariés) et externes (individus, collectivités, groupes, etc.). Cette analyse sera particulièrement mobilisée pour discuter, dans un deuxième temps, du principe de connectivité performative recherché par la politique du gouvernement fédéral canadien.

Axe « professionnel »

Les A3 et A4 se différencient significativement des autres axes précédemment analysés. L’A3 encode des thèmes qui donnent de la visibilité aux individus au travail (publics internes) et l’A4, aux individus et aux collectivités humaines (publics externes) dans un sens plus large. L’analyse de l’A3 suggère que les communications des IFC sur le web donnent une visibilité de l’identité professionnelle des publics internes grâce à leurs fonctions au travail. Les destinataires des messages peuvent entrevoir les individus qui travaillent à l’intérieur des institutions, mais ne peuvent les reconnaître que grâce à leurs missions professionnelles. La visibilité des individus au travail dans les thèmes étudiés ne signifie ici pas une « personnification » des messages, parce que même si les salariés sont visibles (s’expriment, sont cités ou sont mentionnés en rapport avec un sujet précis), ils ne sont pas reconnaissables, car leur identité n’est pas relevée (l’identité est liée aux traits identificatoires des personnes présentifiées). Ils sont donc visibles en tant que professionnels, mais invisibles en tant qu’humains.

Il est à noter que l’A3 – tout comme l’A4 – a une très faible valeur analytique dans la structure générale de l’arbre thématique. L’A3 contient peu de thèmes, qui sont partiellement segmentés et ne sont pas regroupés par catégories, mais sont directement rattachés par des liens thématiques à l’axe. Leur sous-division est peu complexe et leur structure paraît très simplifiée, tandis que les inférences établies présentent un rapport très général entre les indices et les thèmes relevés. Cela démontre que leur niveau de généralité est trop important pour pouvoir procéder aux regroupements thématiques plus étroits, ce qui témoigne de leur faible valeur analytique et non de leur faible fréquence d’apparition. Sur le plan analytique, cela signifie qu’à la suite des différents essais de recoupements et de regroupements thématiques, la visibilité des membres du personnel n’est présentifiée que dans quatre thèmes reliés (Figure 3).

Figure  3

Axe « professionnel » de l’arbre thématique

Axe « professionnel » de l’arbre thématique

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L’A3 de l’arbre thématique intègre des thèmes qui présentifient les salariés dans leur environnement professionnel. Il s’agit de thèmes liés aux différents aspects de la vie professionnelle des membres du personnel des IFC : information/contact (T32), expertise (T33), visibilité (T34) et valorisation (T35).

Le T32 encode des messages d’ordre « pratique » permettant soit de joindre un professionnel non identifié, soit de contacter une équipe identifiée, mais constituée d’individus non identifiables. Lorsque l’identité des membres du personnel n’est pas dévoilée, il s’agit souvent de salariés cachés derrière des titres professionnels (les experts en comptabilité, l’équipe marketing, les professionnels de communication, etc.), des boîtes courriel génériques ou des plateformes téléphoniques.

Exemple (A3.T32.) : « Veuillez communiquer avec l’équipe du Canada en fête par courriel à PCH.defi-challenge.PCH@canada.ca. » (Canadian Heritage)

Ce type de messages courts et informatifs est très caractéristique des communications des IFC sur leurs sites web. Au-delà du mérite d’être clairs et non ambigus, ils donnent une impression d’ouverture et de personnalisation des contacts professionnels pour les publics externes, même si l’identité individuelle (nom, prénom, contact, emplacement, etc.) des personnes au travail reste voilée. Ce même principe marque le T34, qui regroupe des messages qui présentifient des salariés non pour révéler des contacts potentiels à joindre, mais pour donner une raison d’être aux actions menées, ou bien pour argumenter la mise en place de projets ou de décisions prises par les directions des IFC. Les salariés présentifiés dans les messages institutionnels demeurent toujours non identifiables et leur identité reste voilée même s’ils sont nommés et mis en visibilité grâce à un nombre de caractéristiques professionnelles.

Exemple (A3.T34.) : « Notre centre d’appels à Toronto trie les problèmes de paye […]. Un total de 216 conseillers en rémunération travaillent dans nos bureaux satellites de Gatineau, de Winnipeg, de Shawinigan et de Montréal. » (Canada Revenue Agency)

Dans cet exemple, le message ne porte pas directement sur la valeur professionnelle des salariés de l’Agence du revenu du Canada, mais sur la mobilisation et les efforts de l’agence pour assurer ses missions quotidiennes. Autrement dit, ce message ne présentifie que la face professionnelle des individus au travail, en occultant leur face humaine.

Par ailleurs, un faible nombre de regroupements fait émerger des thèmes qui présentifient directement la valorisation et la reconnaissance professionnelle. Dans le T35, les thèmes sont regroupés lorsque la présentification des employés dans les messages des IFC évoque leurs accomplissements ou leurs qualités au travail ou lorsqu’ils sont nommés en guise d’exemple de bonne conduite et de réussite professionnelle. Cette visibilité permet d’identifier les individus au travail et à reconnaître leur valeur professionnelle, ce qui valorise non seulement leur existence, mais aussi leur « donne du corps » dans les communications gouvernementales sur le web.

Exemple (A3.T35.) : « L’Agence du revenu du Canada (ARC) est reconnue comme étant l’une des meilleures administrations fiscales du monde, notamment en raison de son personnel dévoué et talentueux » (Canada Revenue Agency)

Cette fois-ci, ce n’est plus le destinataire externe du message qui est censé se reconnaît, mais bien le destinataire interne, celui qui travaille entre les murs des IFC. Ce type de messages présentifie des groupes spécifiques de salariés travaillant au sein de l’ARC : ceux qui se reconnaissent comme faisant partie des « meilleures administrations fiscales du monde ». La présentification des expertises professionnelles multidomaines (T33) vient renforcer cette visibilité des professionnels au travail. Elle relève du domaine de la reconnaissance et de l’identification des salariés à l’intérieur des IFC, tout comme le T33, qui aborde l’expertise à travers la mise en valeur de connaissances et d’habiletés particulières ou reconnues comme supérieures par la hiérarchie ou par les publics externes non identifiés.

Exemple (A3.T33) : « La Direction générale compte parmi ses employés plus de 70 professionnels, principalement des ingénieurs et des économistes des quatre coins du Canada. Les programmes d’infrastructure de transport apportent au Ministère une vaste expertise technique et scientifique et des conseils sur lesquels fonder ses décisions. » (Transport Canada)

Cette mise en valeur du corps professionnel n’a pas d’effet identificatoire pour les « 70 professionnels » du Transport Canada, mais unificateur d’un public dispersé dans les « quatre coins du Canada ». Ce type de messages donne de la visibilité aux individus et aux collectivités au travail, mais cette visibilité fragmentaire et partielle (visibles mais non identifiables) reste au second plan dans les communications sur le web, derrière les visées sociales et macro-organisationnelles des IFC. L’individu est visible grâce à ses caractéristiques professionnelles et non à ses qualités et à ses valeurs individuelles et personnelles. C’est pourquoi, dans l’A3, l’individu est visible, mais sa visibilité en tant qu’être humain reste dans l’ombre des institutions.

Axe « humain »

Comprendre dans quelle mesure les communications des IFC sur le web donnent – ou non – de la visibilité aux entités humaines et les présentifient est l’objectif de l’analyse de la branche ultime de l’arbre thématique (A4). Elle a pour point de départ le postulat basique de l’institutionnalisme communicationnel (Cornelissen et al., 2015), qui conçoit les institutions comme configurées par les individus et les collectivités humaines grâce aux messages institutionnels qui les présentifient et qui favorisent ainsi la connectivité performative entre les IFC et ses publics. L’analyse de l’A4 explicite à quel point les communications institutionnelles occultent la visibilité de la face humaine des publics internes et externes et à quel point elles sont désincarnées et dépourvues de corps humains.

Pour constituer cette branche de l’arbre thématique, nous avons regroupé dans l’A4 les thèmes relatifs à la visibilité des individus et des collectivités humaines (qu’il s’agisse de salariés, de citoyens ou d’autres publics internes et externes). Les faibles segmentation et densité thématiques de l’A4 sont semblables à celles de l’A3, avec une différence importante : la mise en inférence de certaines catégories est si générale qu’elle ne permet pas de rattacher des thèmes à certaines catégories. C’est le cas de la C8 (contact spécifique) et de la C9 (voix du public/reconnaissance humaine). Sur le plan analytique, cela signifie que, bien que ces catégories regroupent des thèmes qui ont un rapport étroit avec les questions de recherche, leur incidence empirique est faible. En l’occurrence, ces regroupements thématiques ne permettent de constituer que trois C (8-10) et deux T (36-37).

Dans les thèmes de l’A4 (Figure 4), les entités humaines sont clairement identifiées et reconnaissables, même si, parfois, il ne s’agit pas d’un individu, mais d’un groupement d’individus (collectivités, minorités, groupes religieux et ethniques, etc.). À titre d’illustration, dans la C8 sont regroupés des thèmes portés par des messages du type « Pierre-Olivier Herbert, Attaché de presse, 819-997-7788 » (Canadian Heritage). Il s’agit ici de messages qui nomment et identifient des salariés, ce qui marque une différence importante avec l’A3.T32., car ils permettent de reconnaître clairement la/les personne(s) physique(s) derrière la fonction professionnelle. Ce même principe est suivi dans tout l’axe et c’est pourquoi l’A4 est constitué comme un axe thématiquement distinct et séparé de l’A3. Il est important de noter que, même si la récurrence d’un thème ne le fait pas plus ou moins important sur le plan analytique qu’un autre, la totalité des messages de la C8 met toujours en visibilité le même type de professionnels, peu importe le ministère concerné : ceux de la fonction communication (attachés de presse, relationnistes, rédacteurs, responsables des communications ou des relations publiques, etc.). Ce résultat – peu étonnant compte tenu du rôle d’interface des relationnistes entre les IFC et les médias – permet de démontrer empiriquement qu’une partie importante de la face humaine visible des IFC est constituée de messages qui présentifient l’identité des professionnels de la fonction communication.

Figure  4

Axe « humain » de l’arbre thématique

Axe « humain » de l’arbre thématique

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La C9 intègre également des thèmes qui présentifient les publics externes (les citoyens canadiens dans un sens large) et révèlent leur face humaine grâce aux informations identificatrices. Autrement dit, les messages institutionnels favorisent la visibilité d’un type de public que nous avons appelé « Public Canada » (C9), notamment parce qu’il regroupe différents types de publics externes, dont les identités et les voix collectives sont clairement distinguées et reconnaissables.

Exemple (A4.C9.) : « Le budget […] investit dans le bien-être des Canadiens en ciblant la santé mentale, les soins à domicile et les soins de santé pour les Autochtones. » (Canada Revenue Agency)

Il est clair, dans cet exemple, que l’Agence du revenu du Canada s’adresse aux destinataires bien identifiés – les populations autochtones – et que l’auto-identification des publics destinataires du message n’est plus requise. Bien que l’analyse thématique ne fournisse pas de résultats quantitatifs, nous pouvons tout de même souligner que les thèmes constitutifs de la C9 ont été beaucoup plus fréquemment relevés dans l’étude des messages émis par certains ministères en raison de leurs missions institutionnelles spécifiques (notamment Canadian Heritage, Immigration and Citizenship et Canada Revenue Agency). Néanmoins, l’arbre thématique ne fournit pas de regroupements thématiques par agence et par ministère, ce qui est une des limites de ce type d’analyses à visée exploratoire. Au-delà de cette limite, il faut souligner la faible valeur analytique des messages thématisés dans la C9 : même si les différents publics canadiens sont visibles dans les messages institutionnels, leur visibilité a une faible incidence sur les communications des IFC sur le web.

Parmi les trois catégories de l’A4, la C10 (représentation visuelle d’êtres humains) présente un niveau d’inférences plus étroit. Elle est la seule catégorie de l’A4 à être sous-divisée en thèmes : T36 (images de personnes identifiables) et T37 (images d’identités génériques). La C10 est constituée essentiellement de l’analyse de photographies et d’images qui sont traitées au même niveau que les messages textuels. Ces deux thèmes présentifient des visages d’individus et de groupe d’individus en rapport étroit avec différents sujets (immigration, territoires, relations internationales, finances, impôts, tourisme, etc.). La différence entre les T36 et T37 est que, dans le premier, les personnes photographiées sont identifiables sur la photographie ou l’image et dans le texte qui l’accompagne. Autrement dit, il y a une corrélation directe entre l’identité de la personne visible sur la photographie et l’identité de la personne présentifiée dans le texte qui notifie l’image ou dans la légende de la photographie (c’est-à-dire que c’est la même personne physique).

Exemples (A4.C10.T36.) :

Figure  5

Interviews/portraits de réfugiés publiés sur Immigration and Citizenship Source :https://www.canada.ca/en/immigration-refugees-citizenship/services/refugees/welcome-syrian-refugees/stories.html

Interviews/portraits de réfugiés publiés sur Immigration and Citizenship Source :https://www.canada.ca/en/immigration-refugees-citizenship/services/refugees/welcome-syrian-refugees/stories.html

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Figure  6

« Après trois années passées en Jordanie à titre de réfugié, Abdelsater se réjouit à l’idée de travailler au Canada et d’offrir à ses enfants un bel avenir » (Immigration and Citizenship) Source :https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/services/refugies/bienvenue-refugies-syrien/premiers-25000-processus/phase-2.html

« Après trois années passées en Jordanie à titre de réfugié, Abdelsater se réjouit à l’idée de travailler au Canada et d’offrir à ses enfants un bel avenir » (Immigration and Citizenship) Source :https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/services/refugies/bienvenue-refugies-syrien/premiers-25000-processus/phase-2.html

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Dans ces exemples, il est ainsi possible d’identifier trois individus, Uzi, Mohamed et Abdelsater, leur photographie n’est pas générique et représente bien les trois individus ci-nommés. Il en est de même dans les textes annexés aux photographies et c’est bien cette corrélation qui fait la différence entre le T36 et le T37. Dans ce deuxième thème, l’identité de la ou des personnes visibles sur les photographies et les images ne correspond pas à l’identité de la ou des personnes mentionnées dans le texte. Il s’agit dans ce cas d’images ou de photographies génériques (banques d’images) qui décorent le contenu textuel.

Exemples (A4.C10.T37) :

Figure  7

Images génériques publiées sur le site web du Canadian Heritage (source URL supprimée)

Images génériques publiées sur le site web du Canadian Heritage (source URL supprimée)

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Figure  8

Images génériques publiées sur le site web du Canada Revenue Agency au sujet de l’Allocation canadienne pour enfants (source URL supprimée)

Images génériques publiées sur le site web du Canada Revenue Agency au sujet de l’Allocation canadienne pour enfants (source URL supprimée)

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Dans le T37, les individus sont visibles et clairement identifiés par leur appartenance culturelle, religieuse, ou encore par leur nationalité. La particularité relevée ici est que, même lorsqu’il est tout à fait possible de photographier ce groupe d’individus de taille réduite, les photographies génériques sont préférées. Cela résulte en une présentification disloquée : l’image et le texte présentifient des identités différentes bien qu’il s’agisse des mêmes personnes. Cette présentification montre que les communications des IFC sur le web sont partialement incarnées même lorsqu’elles présentifient des personnes et des groupements d’individus identifiables.

Discussion

Le point de départ de ce texte était de comprendre si le principe de connectivité performative (Ekman et Widholm, 2014), exigé par le gouvernement canadien dans le cadre de sa politique de communication, peut effectivement s’appliquer sur les sites web des IFC. La connectivité comme mise en relation communicationnelle entre les IFC et leurs publics est performative dans le sens où les messages transmis intègrent la présence des publics et leur donnent de la visibilité dans les communications officielles, ce qui permet d’agir sur les pratiques symboliques et matérielles qui forment la logique institutionnelle (Thornton et Ocasio, 1999). Pour de ce faire, nous avons abordé la production et la transmission de messages officiels à travers les théories institutionnelles (Lammers et Garcia, 2017) traditionnelles (Selznick, 1957) et « nouvelles » (Powell et DiMaggio, 1991) qui conditionnent les communications en tant que cadres d’action. Nous avons ainsi mis en lumière la difficulté de ces théories d’étudier la manière dont les messages officiels agissent sur la logique institutionnelle et la manière dont ceux-ci contribuent au principe de connectivité performative recherché par la politique des IFC. C’est pourquoi nous avons adopté l’approche CCO (Schoeneborn et al., 2014) qui aborde les messages comme constitutifs de la logique institutionnelle grâce au concept de présentification (Cooren, 2013), selon lequel les messages institutionnels évoquent et incorporent (embodiment; Cooren, 2006) différentes entités humaines et non humaines qui incarnent les communications des IFC. Nous avons ainsi introduit les postulats de l’institutionnalisme communicationnel (Cornelissen et al., 2015), qui conçoit les institutions comme fondamentalement configurées par les communications tissées par les individus et les collectivités humaines à l’intérieur (salariés et autres membres du personnel) et à l’extérieur (citoyen et usagers) des institutions. Afin d’étudier les différentes présentifications humaines et non humaines qui agissent sur la logique institutionnelle en favorisant – ou non – la connectivité performative, nous avons réalisé une analyse thématique (Paillé et Mucchielli, 2016) des publications sur plusieurs sites web officiels et avons extrait plusieurs thèmes constitutifs structurés dans un arbre thématique.

Nos résultats ont montré que les messages des IFC sur le web projettent une logique très typique du vieil institutionnalisme et du néo-institutionnalisme. La richesse et la densité des différentes sous-divisions des A1 et A2 explicitent la manière dont les messages présentifient des thèmes qui s’adressent à un public large et anonyme dont la visibilité est occultée ou contrôlée (disempowering dans le sens d’Uldam [2018]). Dans les communications des IFC sur le web, les émetteurs et les récepteurs des messages sont amenés à s’auto-identifier alors que leurs traits identificatoires demeurent dissimulés. Quant aux individus et aux groupes internes des IFC (salariés), ils sont identifiés, reconnus et valorisés uniquement par leurs caractéristiques professionnelles. Même lorsque les messages présentifient différents types de salariés (A3), leur visibilité n’est que partielle, car elle ne dévoile pas les traits identificatoires de ceux qui parlent et de ceux à qui s’adressent les messages. Quant à la visibilité des publics externes (A4), elle est incarnée à travers une présentification disloquée : les communications des IFC sur le web nomment et identifient certains individus et collectivités humaines, mais les présentifient visuellement par des photographies génériques.

Ces résultats illustrent l’intérêt d’adopter le CCO comme point de départ de l’étude des messages des IFC sur le web. Cette approche apporte une compréhension enrichie de la communication constitutive de la logique institutionnelle non pas en tant qu’une somme des effets immédiats produits par les messages sur les publics internes et externes, mais en tant qu’une forme de visibilité existentielle à part entière (Uldam, 2018). Dans ce sens, l’étude communicationnelle des formes institutionnelles est le point de départ de la constitution de ces logiques et non son point d’arrivée (Cooren, Taylor et Van Every, 2006), d’où la contribution théorique de l’approche CCO pour les études institutionnelles traditionnellement vues par les sciences de gestion (Rozario et Pesqueux, 2018) sous un aspect intégrateur. Les questionnements découlant d’une telle démarche s’intéressent plutôt à la manière dont les messages officiels agissent sur la logique institutionnelle et non pas comment cette logique formate les communications des IFC. Or, à l’ère du numérique, les pratiques de communication institutionnelle à destination de différents publics passent presque exclusivement sur le web et les réseaux sociaux. Ce que les citoyens canadiens perçoivent de leurs institutions est ainsi en grande partie influencé par ce qu’ils recherchent et retrouvent sur le web, d’où l’intérêt de voir les messages comme constitutifs de la logique institutionnelle des IFC.

Au-delà de la force constitutive des différents thèmes identifiés, deux entités humaines présentifiées dans les messages marquent les communications des IFC sur le web : les officiels fédéraux (ministres, directeurs, administrateurs, etc.) et les professionnels de la fonction communication (relationnistes communicants, attachés de presse, etc.). Ils jouent non seulement le rôle d’interface entre les IFC et les publics institutionnels, mais incarnent également la face humaine visible des agences et des ministères fédéraux étudiés. Nos résultats montrent l’importance de ces deux groupes de salariés très différents pour la perméabilité et l’accessibilité des IFC, mais interrogent en même temps l’atteinte du principe de connectivité performative (Lalancette et Raynauld, 2017) recherché par la politique des communications numériques des IFC. Autrement dit, la politique fédérale sur les communications et l’image de marque explicitée dans la directive sur la gestion des communications – qui souhaite mieux prendre en compte la présence et la visibilité des individus sur le web (Ben Amor et Granget, 2011) et favoriser la connectivité performative – n’est pas effectivement appliquée aux sites web des IFC. Notre analyse thématique laisse présager que si les individus et les collectivités humaines sont plutôt invisibles sur les sites web des IFC et si les messages institutionnels sont désincarnés, la mise en pratique effective du principe de connectivité performative recherché par la politique de communication de IFC sur le la plateforme canada.ca est remise en question.

Néanmoins, les résultats de cette étude sont limités uniquement à l’analyse des sites web et ne prennent pas en compte d’autres types de plateformes usitées par les IFC. Élargir l’étude de la réception des messages sur les médias sociotechniques, comme Facebook, Twitter et Instagram, est un des prolongements nécessaires de cette étude. Il est fort probable que les messages qui présentifient les entités humaines et non humaines configurent différemment les communications et les logiques institutionnelles des IFC selon le type de média numérique étudié. Compte tenu du rôle des médias sociaux et des technologies socionumériques pour les communications des IFC avec les citoyens, de telles études trouvent toute leur raison d’être tant dans les politiques actuelles mises en place par le gouvernement Trudeau que dans celles à venir après les élections fédérales de 2019.