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La Fondation Archive Aharonián-Paraskevaídis (faap) et l’héritage de Coriún Aharonián et Graciela Paraskevaídis[Record]

  • Daniel Áñez

Propos recueillis de Nairí Aharonián Paraskevaídis, Viviana Ruiz, Daniel Leguizamón, Rodolfo Acosta et Melissa Vargas

Ces entretiens ont été réalisés à la suite de la création de la Fondation Archive Aharonián-Paraskevaídis, dans le but de rendre hommage à Coriún Aharonián et Graciela Paraskevaídis, tous les deux nés en 1940 et décédés en 2017. Coriún et Graciela ont travaillé infatigablement comme professeurs de composition, d’analyse et d’histoire de la musique au sein d’institutions uruguayennes et lors de voyages occasionnels à l’étranger. Avec un large groupe de musiciens, ils ont créé les Cursos Latinoamericanos de Música Contemporánea, un cours d’été itinérant, annuel, qui s’est tenu entre 1971 et 1989 en Uruguay, en Argentine, au Brésil, au Venezuela et en République dominicaine, et qui prenait pour contre-modèle les cours d’été de Darmstadt. Ils ont également donné des cours particuliers à leur domicile, au 14e étage du complexe résidentiel de Parque Posadas, à Montevideo. Là-bas, ils possédaient deux appartements voisins, l’un était leur résidence privée alors que l’autre (en face), était dédié à leurs archives et à leur studio. Ainsi, les trois chambres, le salon, la salle à manger et les couloirs de l’appartement studio étaient remplis d’étagères contenant des livres de musicologie et ethnomusicologie, des vinyles, cassettes et disques compacts d’enregistrements audio (édités et inédits), des partitions (manuscrites et publiées), des collections de revues de musique, en plus d’affiches et programmes de concerts, catalogues, correspondance, photographies et instruments de musique. La majorité de ces documents portait sur la création musicale, tant populaire que « savante », en Amérique latine. Grâce à leur militance musicale, éducative, compositionnelle et culturelle, Coriún et Graciela ont fourni à plusieurs générations de musiciens, dès les années 1970, des outils pour aborder les sujets de l’identité et de la colonialité en musique. Cet article est composé d’entrevues réalisées auprès de deux personnes impliquées directement dans la faap : la directrice, Nairí Aharonián Paraskevaídis – fille de Coriún et Graciela – ainsi que la collaboratrice à l’organisation, Viviana Ruiz. La conversation avec Viviana et Nairí était orientée sur la Fondation Archive, son importance et les défis qu’elle a à relever. J’ai également recueilli des témoignages de trois élèves de Coriún et Graciela : Daniel Leguizamón (né en 1979), Rodolfo Acosta (né en 1970) et Melissa Vargas (née en 1980). Une seule et même question a été posée aux trois compositeurs : « Quelle est, selon vous, l’importance de Coriún et Graciela ? » Ce que Graciela et Coriún ont fait est symptomatique d’un moment historique, intellectuel et culturel en Amérique latine, qui s’est également présenté en philosophie, en sciences sociales, en économie et en politique. Leur projet voit le jour dans le cadre de la théologie de la libération et de la philosophie de la libération, dont découleront les premières études en sociologie de l’Université nationale de la Colombie menées par Camilo Torres Restrepo. En même temps que le « groupe de Bogotá », Graciela et Coriún ont contribué à véhiculer une vision différente de l’Amérique latine. Beaucoup des projets à cette époque témoignent du regard ambigu porté sur cette région, à la fois empreinte de la culture locale, et obsédée par une relation antagonique avec les États-Unis et l’Europe basée sur le pouvoir hégémonique et l’imposition. Cette perspective invite à définir ce que c’est d’« être » latino-américain et à identifier les « autres ». Elle repose à la fois sur une vision unifiée, commune, de l’identité latino-américaine (qui imprègne également la musique contemporaine) et sur les canons éducatifs issus des Grecs, des Romains, de France, d’Allemagne, d’Angleterre et des États-Unis, généralement imposés dans les processus de formation musicale. Dans cet antagonisme, il s’agit de voir ce que l’on souhaite adopter de l’« autre …

Appendices