Cinémas
Revue d'études cinématographiques
Journal of Film Studies
Volume 29, Number 2, Summer 2021 Nostalgies du présent Guest-edited by Katharina Niemeyer
Table of contents (10 articles)
Dossier
Nostalgies du présent
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Présentation
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Giallo Nostalgia: Appropriations of Giallo Aesthetics in Contemporary Cinema
Stefano Baschiera and Elena Caoduro
pp. 11–31
AbstractEN:
This article aims to engage with the ways in which contemporary global cinema looks back at the Italian giallo production of the 1970s through a series of remakes, homages and pastiches. What we define as retrogiallo differs from other examples of “retroexploitation,” where films such as Grindhouse (Rodriguez and Tarantino, 2007) and Hobo with a Shotgun (Eisener, 2011) address nostalgia for a specific kind of spectatorship, the grindhouse circuit, through conscious visual archaisms. Retrogialli present a more complex approach: instead of mimicking the imperfections of analogue indexicality, they fetishize the artisanal quality of filmmaking, displacing the stylistic features of the giallo in a highbrow context. Films such as Amer (Cattet and Forzani, 2009), The Strange Colour of Your Body’s Tears (Cattet and Forzani, 2013) and Berberian Sound Studio (Strickland, 2012) ultimately present a new opportunity to address the critical understanding of the giallo.
FR:
Cet article s’intéresse à la manière dont le cinéma mondial contemporain revient sur la production italienne de gialli des années 1970 à travers une série de remakes, d’hommages et de pastiches. Ce que nous définissons comme retrogiallo diffère d’autres exemples de « rétroexploitation », où des films comme Grindhouse (Rodriguez et Tarantino, 2007) et Hobo with a Shotgun (Eisener, 2011) abordent la nostalgie d’un type spécifique de public, le circuit grindhouse, à travers des archaïsmes visuels conscients. Les retrogialli présentent une approche plus complexe : au lieu d’imiter les imperfections de l’indexicalité analogique, ils fétichisent la qualité artisanale du cinéma, déplaçant les traits stylistiques du giallo dans un contexte de haut niveau. Des films tels que Amer (Cattet et Forzani, 2009), The Strange Colour of Your Body’s Tears (Cattet et Forzani, 2013) et Berberian Sound Studio (Strickland, 2012) présentent finalement une nouvelle opportunité d’aborder la compréhension critique du giallo.
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Projecting a Nostalgic Future: Nostalgia as Time Machine
Zoë Anne Laks
pp. 33–51
AbstractEN:
Nostalgia conjures the past, but what does it mean to be nostalgic for a future time? This article develops a theoretical model for a critical nostalgia for the future, one that sets both past and future at a temporal remove from the present, exposing both the longing and the impossible distance—the pain (algia)—that lies at the heart of all nostalgias. Using a case study on The Time Machine (George Pal, 1960), this article examines how to address three temporal problems that arise from nostalgias for the future, which seemingly lead to a regressive and deterministic model of futurity. Through a present-bound perspective and anachronistic logic, this film demonstrates how nostalgia for the future can reflexively reveal nostalgia’s inbuilt sense of distance, in order to unsettle linear and teleological conceptions of time and to open the possibility of an unwritten future.
FR:
La nostalgie évoque le passé, mais que signifie être nostalgique d’un temps futur ? Cet article développe un modèle théorique pour une nostalgie critique pour l’avenir, qui place le passé et le futur à l’écart temporel du présent, exposant à la fois le désir et l’impossible distance – la douleur (algie) – qui se trouve au coeur de toutes les nostalgies. À travers une étude de cas du film The Time Machine (George Pal, 1960), cet article cherche comment aborder trois problèmes temporels qui découlent de la nostalgie du futur, qui conduisent apparemment à un modèle régressif et déterministe de l’avenir. À travers une perspective liée au présent et une logique anachronique, ce film montre comment la nostalgie du futur peut révéler par réflexe le sentiment de distance inhérent à la nostalgie, afin de déstabiliser les conceptions linéaires et téléologiques du temps et d’ouvrir la possibilité d’un futur non écrit.
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Kodachrome : la couleur de la nostalgie
André Habib
pp. 53–74
AbstractFR:
En 1973, Paul Simon chantait : « Kodachrome/They give us those nice bright colors/They give us the greens of summers/Makes you think all the world’s a sunny day. » Le premier titre de cette chanson, Kodachrome, était Going Home. Qu’est-ce qui explique cette affinité entre le motif du « retour à la maison » et le nom de la célèbre pellicule commercialisée par Kodak en 1935 ? Quel est le sentiment de nostalgie, de familiarité poignante, que ce mot évoque et qui semble indissociable des qualités chromatiques particulières du film, ses couleurs vives et saturées ? Cet article, construit comme une mosaïque ou un montage de fragments juxtaposés, puise tant dans l’histoire de la pellicule que dans des souvenirs personnels pour faire un portrait de ses usages et de ses imaginaires, passés et contemporains. Il cherche à faire apparaître les différentes déclinaisons de ce mot, Kodachrome, et les multiples facettes de la nostalgie qu’il mobilise.
EN:
In 1973, Paul Simon sang : “Kodachrome/They give us those nice bright colours/They give us the greens of summers/Makes you think all the world’s a sunny day.” The first title Simon had thought of was: Going Home. How can one explain the affinity between the idea of going home and Kodachrome, the famous film stock commercialized by Kodak in 1935? What is the feeling of nostalgia, of poignant familiarity, this word evokes and that seems inseparable from the saturated hues of this particular brand of film? This article, organized like a mosaic or a montage of fragments, draws on the history of this film stock and personal memories to draw a picture of its practices and its imaginaries, both past and present. It aims to show the different definitions of this word, and the many faces of nostalgia it mobilizes.
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Ciné-militantisme et nostalgie : le cas brésilien du Cine Vaz Lobo
Talitha Ferraz
pp. 75–100
AbstractFR:
Cet article explique comment plusieurs dimensions de la nostalgie sont impliquées dans les initiatives de ciné-militantisme pour la préservation et la réouverture d’un ancien cinéma situé dans la banlieue de Rio de Janeiro (Brésil) : le Cine Vaz Lobo. Bien qu’inopérant depuis 1986 et déjà menacé de démolition, ce vieux cinéma art déco des années 1940 se tient toujours au milieu de la réalité socio-économique appauvrie de sa région. Il ne reste du Cine Vaz Lobo qu’une ruine préservée capable de catalyser des souvenirs liés à un passé local marqué par la fréquentation du cinéma, qui représente également un repère qui rassemble les résistances communautaires dans les sphères urbaines et sociopolitiques. La dynamique discursive et les engagements du Movimento Cine Vaz Lobo, le groupe qui lutte pour la survie de ce cinéma, trouvent dans la nostalgie une puissante ressource réflexive et critique, au service des luttes contre l’effacement des aspects identitaires et des relations historiques entre cinémas et villes.
EN:
This article discusses how several dimensions of nostalgia are involved in initiatives of cine-activism for the preservation and reopening of an out-of-service movie theatre located in the suburbs of Rio de Janeiro: the Cine Vaz Lobo. Although inoperative since 1986 and already threatened with demolition, this old art deco cinema from the 1940s is still standing amidst the impoverished socioeconomic reality of the region. What remains of the Cine Vaz Lobo is a preserved ruin capable of catalyzing memories related to a local past marked by cinema-going practices. It is also a landmark that gathers community resistance in urban and socio-political spheres. The discursive dynamics and engagements of the Movimento Cine Vaz Lobo, the group fighting for this cinema’s survival, find in nostalgia a powerful reflexive and critical resource which serves the struggles against the erasure of identity and the historical relations between movie theatres and cities.
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De la nostalgie postcommuniste à la promesse d’une socialité postsocialiste. Les écrans relationnels de Kateřina Šedá
Nicole Kandioler
pp. 101–127
AbstractFR:
Partant du concept de « nostalgie postcommuniste », introduit par Maria Todorova et Zsuzsa Gille en 2010 pour repenser la façon dont les habitants de l’Europe de l’Est gèrent la mémoire du passé après la chute du communisme, cet article propose une analyse de trois installations de l’artiste tchèque Kateřina Šedá (née en 1977) : It Doesn’t Matter (2005-2007), There’s Nothing There (2003) et Bedřichovice Upon Thames (2011-2015). L’isolement social grandissant observé depuis 1989 et qui se manifeste notamment par l’augmentation du nombre de divorces et d’enfants uniques, ainsi que par la hauteur des clôtures dans les villages, etc., constitue la principale source d’inspiration de l’artiste qui crée des installations sociales en collaboration avec ses « protagonistes ». Utilisant différents écrans comme interface de communication et de relation, Šedá « montre des personnes à d’autres personnes » et, de façon aussi naïve que convaincante, nous rappelle l’importance de la coprésence physique des individus pour une vie commune et une nouvelle socialité.
EN:
Taking as its starting point the concept of “post-communist nostalgia,” introduced by Maria Todorova and Zsuzsa Gille in 2010 as a way of rethinking the way in which the residents of Eastern Europe manage the memory of the past after the fall of communism, this article offers an analysis of three installations by the Czech artist Kateřina Šedá (born 1977): It Doesn’t Matter (2005-2007), There’s Nothing There (2003) and Bedřichovice Upon Thames (2011-2015). The growing social isolation seen since 1989, visible in particular in the rising number of divorces and one-child families, as well as in the height of fences in the villages, etc., is Šedá’s main source of inspiration in the creation of social installations in collaboration with her “protagonists.” Employing different screens as a communication and relational interface, Šedá “shows people to other people” and, in a manner both artless and persuasive, reminds us of the importance of the physical co-presence of individuals for a life in common and a new sociality.
Hors dossier / Miscellaneous
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Quand les sens prennent vie… Des liens possibles entre cinéma et histoire du décorum
Anne Perrin Khelissa
pp. 131–147
AbstractFR:
La question du décor historique au cinéma est souvent abordée sous l’angle de la vraisemblance et de l’authenticité : il s’agit de savoir si la décoration intérieure et l’ameublement sont conformes aux styles et aux usages du temps narré, si les objets que manipulent les personnages, comme leurs costumes et leurs attitudes, respectent une « réalité historique », s’ils témoignent autant de faits que d’ambiances. C’est un autre angle que l’autrice propose dans cet article, celui du rôle du cinéma dans la compréhension de la culture matérielle d’antan. En effet, en creusant les logiques qui sourdent aux processus du décor d’Ancien Régime, il apparaît que l’art cinématographique, par ses multiples potentialités visuelles, narratives et émotives, approche au plus près de la relation que les hommes et femmes entretenaient jadis avec leurs objets décoratifs. À partir d’une sélection de films qui puisent dans des classiques du cinéma français, italien et américain, l’autrice suggère des pistes de réflexion et un éclairage pour accompagner la rencontre entre chercheurs en études cinématographiques et en histoire de l’art.
EN:
The question of historical decor in cinema is often approached from the perspective of verisimilitude and authenticity: whether the interior decor and the furnishings are in keeping with the styles and uses found in the period of the story, and whether the objects handled by the characters, like their costumes and postures, respect “historical reality” and document facts as much as they do ambiences. In this article the author adopts a different approach: that of the role of cinema in understanding bygone material culture. By examining the logics which emerge from the processes of creating Ancien Régime decors, it appears that film art, with its many visual, narrative and emotional possibilities, gets quite close to the relations men and women maintained in this era through their decorative objects. Drawing on a selection of classic French, Italian and American films, the author suggests avenues of approach and a perspective for researchers in film studies and art history to consider in their encounters.
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Courir derrière la vérité. Souvenirs, fictions et hantises de la mobilité journalistique chez David Fincher
Thomas Carrier-Lafleur
pp. 149–168
AbstractFR:
À partir de la notion de mobilité, cet article porte sur la représentation du journalisme dans le cinéma de fiction hollywoodien. Toujours à la recherche des nouveaux signes qui pourront faire débloquer son enquête, le journaliste s’inscrit dans une quête où la vérité est tributaire de la mobilité : c’est par le mouvement des corps que l’écheveau du réel se démêle et qu’une forme de vrai commence à apparaître. Il en va de même pour le cinéma pelliculaire, qui repose aussi sur une logique de la trace et de l’indice : le mouvement du réel se réfracte dans l’objectif et s’imprime sur la pellicule. Depuis ses origines, Hollywood a produit des fictions où les héros journalistes, courant derrière la vérité, emblématisent la quête de sens propre au support qui leur donne forme. Or, le cinéma numérique, avec ses nouveaux paradigmes, bouleversera ce rapport entre mobilité journalistique et production analogique du vrai. À partir d’une analyse de deux films de David Fincher qui mettent en scène les différents rouages de l’univers de la presse et du reportage, nous analyserons les mutations de l’imaginaire journalistique et de sa poétique du support à l’ère du numérique.
EN:
Taking the concept of mobility as its starting point, this article addresses the representation of journalism in Hollywood fiction films. The journalist, always looking for new signs which will unlock his investigation, is part of a quest in which truth arises out of mobility: it is through the movement of bodies that the labyrinth of reality is untangled and that a form of truth starts to appear. The same is true of silver gelatin cinema, which also rests on a logic of the trace and the index: the movement of reality is refracted in the camera lens and printed on the film stock. From the beginning, Hollywood has produced fictions whose journalist heroes, running after truth, emblematize the quest for meaning specific to the medium which gives them form. With its new paradigms, digital cinema, on the other hand, upset this connection between journalistic mobility and the analogue production. Drawing on an analysis of two films by David Fincher featuring the various cogs in the world of journalism, the author examines the mutations in the journalistic imaginary and in the poetics of its medium in the digital era.
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La réalité virtuelle, une machine à empathie ?
Oriane Morriet
pp. 169–193
AbstractFR:
Depuis le milieu des années 2010, le terme « empathie » s’impose dans l’industrie nord-américaine de la réalité virtuelle. Certains auteurs de réalité virtuelle revendiquent l’usage de ces technologies pour susciter de l’empathie chez les utilisateurs. La question communément posée est de savoir si la réalité virtuelle est une machine à empathie. Nous pensons que s’il y a empathie en réalité virtuelle, celle-ci est davantage liée au design d’expérience et à la réception spectatorielle qu’aux seules propriétés immersives et interactives du médium. Avec cet article, nous proposons de mener une réflexion sur les possibles vecteurs de l’empathie en réalité virtuelle, puis d’illustrer ces arguments par une analyse de l’oeuvre Homestay (2018) de Paisley Smith.
EN:
Since the mid-2010s, the term “empathy” has taken hold in the North American virtual reality industry. Some virtual reality authors claim they use these technologies to create empathy in their users. The commonly posed question is whether virtual reality is an empathy machine. The author believes that if there is empathy in virtual reality, it is tied more to the experience design and its spectatorial reception than to the immersive and interactive properties of the medium alone. With this article, the author proposes to think through the possible vectors of empathy in virtual reality and then to illustrate these arguments through an analysis of the work Homestay (2018) by Paisley Smith.