Abstracts
Résumé
Cet article analyse le traitement d’un film jamais réalisé de Pier Paolo Pasolini, Porno-Teo-Kolossal. Il se propose de montrer que les quatre mondes qu’y traversent les deux protagonistes peuvent être compris comme des variations sur la modalité de l’utopie, à savoir l’utopie, la dystopie, l’uchronie et l’atopie ; les trois premiers moments correspondent à la mise en récit de la conscience d’une Europe en voie d’homologation et en butte aux pouvoirs autoritaires et fascistes, alors que le quatrième moment correspond à ce que Pasolini entrevoyait comme une potentialité venue du Sud. Ce parcours doit être considéré comme étant « révolutionnaire », non pas au sens téléologique du terme, mais plutôt au sens du mot latin revolutio, qui signifie « retour à l’origine ». Cette lecture de Porno-Teo-Kolossal permettra de faire entendre une conception de l’engagement qui serait basée sur un infini plan-séquence irréductible à l’opération du montage-mort.
Abstract
This article analyzes the treatment of a film Pier Paolo Pasolini never made, Porno-Teo-Kolossal. It proposes to demonstrate that the four worlds that the two protagonists cross in it can be understood as variations on utopia: utopia, dystopia, uchronia and atopia. The first three correspond to the narrativization of the awareness of a Europe in the process of homologation and facing authoritarian and fascist powers, while the fourth corresponds to what Pasolini saw as a potentiality coming from the global south. This path should be seen as “revolutionary,” not in a teleological sense but rather in the sense of the Latin word revolutio, meaning “return to the start.” This reading of Porno-Teo-Kolossal will make it possible to understand a conception of political engagement based on an endless sequence shot which is irreducible to the operation of montage-death.
Appendices
Bibliographie
- Agamben 2008 : Giorgio Agamben, Qu’est-ce que le contemporain ?, traduit de l’italien par Maxime Rovere, Paris, Rivages, 2008.
- Bazin 1954 : André Bazin, « Le cinéma et l’exploration » [1954], dans Qu’est-ce que le cinéma ?, Paris, Cerf, 2002.
- Brown 1966 : Norman Brown, Le corps d’amour [1966], traduit de l’américain par Roger Dadoun, Paris, Denoël, 1968.
- Deleuze 1965 : Gilles Deleuze, « Pierre Klossowski ou les corps-langage », Critique, no 214, 1965, p. 199-219 (repris en appendice de Logique du sens, Paris, Minuit, 1969, p. 325-350).
- Demata 2015 : Marino Demata, « Pasolini e Eduardo per Porno-Teo-Kolossal : il film sognato e mai girato », Diari di Cineclub, no 34, 2015, p. 10-11 (http://www.cineclubromafedic.it/homenews/804-esce-diari-di-cineclub-n-34-dicembre-e-on-line-e-gratuito.html).
- Derrida 1997 : Jacques Derrida, De l’hospitalité. Anne Dufourmantelle invite Jacques Derrida à répondre, Paris, Calmann-Lévy, 1997.
- Durkheim 1897 : Émile Durkheim, Le suicide, Paris, Félix Alcan, 1897.
- Hentsch 1988 : Thierry Hentsch, L’Orient imaginaire, Paris, Minuit, 1988.
- Houcke 2009 : Anne-Violaine Houcke, « Pasolini et la poétique du déplacement. Le Carnet de notes pour une Orestie africaine (1968-1969) », Conserveries mémorielles, no 6, 2009 (https://cm.revues.org/399).
- Joubert-Laurencin 1995 : Hervé Joubert-Laurencin, Pasolini, portrait du poète en cinéaste, Paris, Cahiers du cinéma, 1995.
- Joubert-Laurencin 2012 : Hervé Joubert-Laurencin, « Salò ou les 120 journées de Sodome » de Pier Paolo Pasolini, Chatou, La transparence, 2012.
- Joubert-Laurencin 2013 : Hervé Joubert-Laurencin, « Présentation de Porno-Teo-Kolossal », Cahiers du cinéma, no 691, 2013, p. 90-91.
- Maggi 2009 : Armando Maggi, The Resurrection of the Body: Pier Paolo Pasolini from Saint Paul to Sade, Chicago, The University of Chicago Press, 2009.
- Marcuse 1955 : Herbert Marcuse, Éros et civilisation. Contribution à Freud [1955], traduit de l’anglais par Jean-Guy Nény et Boris Fraenkel, Paris, Minuit, 1963.
- Paquette 2013 : Julie Paquette, « La question du refus face au pouvoir intégrateur : Pasolini et le poète déterré par les porcs à l’ère du fascisme de la société de consommation », dans Pour une éc(h)ologie des refus : critique de la culture et culture critique, Montréal, Groupe de recherche en objectivité(s) sociale(s) / Possibles Éditions, 2013, p. 133-145.
- Pasolini 1960 : Pier Paolo Pasolini, « Pour moi, c’est un film catholique (La dolce vita) » [1960], dans Écrits sur le cinéma. Petits dialogues avec les films (1957-1974), textes réunis et traduits par Hervé Joubert-Laurencin, Paris, Cahiers du cinéma, 2000, p. 79-91.
- Pasolini 1961 : Pier Paolo Pasolini, La religione del mio tempo [1961], dans Tutte le poesie, vol. I, Milan, Mondadori, 2003, p. 889-1078.
- Pasolini 1965 : Pier Paolo Pasolini, Alì dagli occhi azzurri, Milan, Garzanti, 1965.
- Pasolini 1967 : Pier Paolo Pasolini, « Observations sur le plan-séquence » [1967], dans L’expérience hérétique. Langue et cinéma, traduit de l’italien par Anna Rocchi Pullberg, Paris, Payot, 1976, p. 208-212.
- Pasolini 1972 : Pier Paolo Pasolini, Poésies 1953-1964, Paris, Gallimard, 1972.
- Pasolini 1975 : Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires [1975], traduit de l’italien par Philippe Guilhon, Paris, Flammarion, 1976.
- Pasolini 1976 : Pier Paolo Pasolini, Lettres luthériennes. Petit traité pédagogique [1976], traduit de l’italien par Anna Rocchi Pullberg, Paris, Seuil, 2000.
- Pasolini 1977 : Pier Paolo Pasolini, Saint Paul [1977], traduit de l’italien par Giovanni Joppolo, Caen, Nous, 2013.
- Pasolini 1979 : Pier Paolo Pasolini, Descriptions de descriptions [1979], traduit de l’italien par René de Ceccatty, Marseille, Rivages, 1995.
- Pasolini 1983 : Pier Paolo Pasolini, « Que faire du “bon sauvage” ? », traduit de l’italien par Nunzia Javarone, Vice Versa, vol. 1, no 1, 1983, p. 1 et 10-11.
- Pasolini 1987 : Pier Paolo Pasolini, Écrits sur le cinéma, textes réunis et traduits de l’italien par Hervé Joubert-Laurencin, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1987.
- Pasolini 1990 : Pier Paolo Pasolini, Poésies 1943-1970, traduit de l’italien par Nathalie Castagné, René de Ceccatty, José Guidi et Jean-Charles Vegliant, Paris, Gallimard, 1990.
- Pasolini 1992 : Pier Paolo Pasolini, Pétrole [1992], traduit de l’italien par René de Ceccatty, Paris, Gallimard, [1994] 2006.
- Pasolini 2003 : Pier Paolo Pasolini, Contre la télévision et autres textes sur la politique et la société, traduit de l’italien par Caroline Michel et Hervé Joubert-Laurencin, Besançon, Les Solitaires intempestifs, 2003.
- Pasolini 2013 : Pier Paolo Pasolini, « Sodome (Porno-Teo-Kolossal, chapitre 1) », traduit de l’italien par Hervé Joubert-Laurencin, Cahiers du cinéma, no 691, 2013, p. 92-97.
- Pasolini 2016 : Pier Paolo Pasolini, Porno-Théo-Kolossal suivi de Le cinéma, édition établie par Davide Luglio, traductions d’Hervé Joubert-Laurencin et de Davide Luglio, Paris, Éditions Mimésis, coll. « Altera », 2016.
- Paulus 2004 : Valérie Paulus, « Marxisme, christianisme, humanisme. L’utopie hérétique de Pasolini », Revue belge de philologie et d’histoire, vol. 82, no 3, 2004, p. 775-784.
- Renouvier 1876 : Charles Renouvier, Uchronie (L’utopie dans l’histoire). Esquisse historique apocryphe du développement de la civilisation européenne tel qu’il n’a pas été, tel qu’il aurait pu être, Paris, Bureau de la critique philosophique, 1876.
- Ricciardi 2011 : Alessia Ricciardi, « Pasolini for the Future », California Italian Studies, vol. 2, no 1, 2011 (http://escholarship.org/uc/item/8v81z3sg).
- Salvini 2004 : Laura Salvini, I frantumi del tutto. Ipotesi e letture dell’ultimo progetto cinematografico di Pier Paolo Pasolini, « Porno-Teo-Kolossal », Bologne, Clueb, 2004.
- Tofetti 1993 : Sergio Tofetti (dir.), La Terra vista dalla Luna. Il cinema di Sergio Citti, Turin, Lindau, 1993.