Abstracts
Résumé
Lorsqu’il arrive à la télévision, Averty est saisi par un sentiment de grisaille : alors même qu’elles sont tournées dans des décors en couleurs, les émissions sont filmées en noir et blanc. S’insurgeant contre ce qu’il considère comme une absurdité, il va fonder son esthétique sur le contraste de ces deux couleurs. Les bases en sont jetées par Ubu roi, qui s’appuie sur « De l’inutilité du théâtre au théâtre », de Jarry, et sur une conception de l’image qui mêle à la « perspective signifiante » du Moyen Âge l’art du papier découpé de Braque. En résulte une conception de la télévision qui tourne le dos au cinéma en prenant à la lettre les prescriptions de l’auteur d’Ubu. Mais le noir et blanc n’est pas qu’une position esthétique. Averty va en faire une « affaire de morale ». Le 24 décembre 1964, il offre aux téléspectateurs l’adaptation des Verts pâturages, où les rôles traditionnels sont inversés : Dieu est noir, de même que Jésus et le premier homme, né en Afrique. Cette émission paraît scandaleuse à certains, non seulement parce qu’elle va à l’encontre de la vulgate, mais aussi parce que sa réalisation, basée sur un usage systématique des trucages électroniques, remet en cause le style des émissions de variétés de la décennie précédente tout en fondant un art vidéo.
Abstract
When he arrived in television, Averty was gripped by a sense of greyness: shows were filmed in black and white, even though they were shot on colour sets. Rebelling against what he saw as an absurdity, he went on to found his aesthetic on the contrast between these two colours. The groundwork was laid by Ubu roi, drawing on Jarry’s idea of “the uselessness of theatre to theatre” and on a conception of the image which blended Braque’s art of cut-up paper with the “perspective of importance” of the Middle Ages. The result was a conception of television which turned its back on cinema by following the prescriptions of Ubu’s author to the letter. But black and white was not just an aesthetic position. Averty would make of it a “question of morality.” On December 24, 1964, he offered viewers his adaptation of The Green Pastures, in which the traditional roles were inverted: God was black, along with Jesus and the first man, born in Africa. This show scandalized some, not only because it went against the Bible, but also because its production, based on the systematic use of electronic special effects, called into question the style of variety programs of the previous ten years while at the same time founding a video art.
Appendices
Bibliographie
- Averty 2011 : Jean-Christophe Averty, « Si je n’étais pas né, il n’y aurait pas eu d’émissions d’Averty », Télévision, no 2, 2011, p. 136-169.
- Delavaud 2005 : Gilles Delavaud, L’art de la télévision, Bruxelles, De Boeck, 2005.
- Gombrich 1960 : Ernst Gombrich, L’art et l’illusion [1960], Paris, Gallimard, 1971.
- Jarry 1896a : Alfred Jarry, « De l’inutilité du théâtre au théâtre », Mercure de France, t. XIX, juillet-septembre 1896, p. 467-473.
- Jarry 1896b : Alfred Jarry, Ubu roi, Paris, Mercure de France, 1896.
- Jost 2008 : François Jost, « Quand la télévision était un cabaret », dans Jürgen E. Müller (dir.), Media Encounters and Media Theories, Münster, Nodus, 2008, p. 307-320.
- Leenhardt 1986 : Roger Leenhardt, Chroniques de cinéma, Paris, Cahiers du cinéma, 1986.
- Metz 1972 : Christian Metz, « Trucage et cinéma », dans Essais sur la signification au cinéma, t. 2, Paris, Klincksieck, 1972, p. 173-192.
- Papin 2015 : Bernard Papin, « Les Raisins verts : le “surréalisme attardé” de Jean-Christophe Averty », Télévision, no 6, 2015, p. 143-156.