Abstracts
Résumé
Ce texte examine, à travers l’oeuvre de Jean-Christophe Averty, les différences fondamentales entre cinéma et vidéo. La démarche du réalisateur y est mise en parallèle avec les utopies des artistes pionniers de la vidéo, qui visent une picturalité par la malléabilité de l’image vidéographique, tandis qu’Averty en expérimente la plasticité pour inventer une écriture inédite spécifiquement télévisuelle. Prenant en considération la dialectique essentielle réel/artificiel de la vidéo, Averty utilise le signal et le trucage (notamment l’incrustation) comme figures d’expression. Il compose avec la simultanéité de cette technologie de flux, et avec la planéité de l’écran du téléviseur, pour conférer des dimensions nouvelles à l’image — contre le réalisme perspectiviste. L’auteur propose ainsi d’étudier l’ontogenèse de l’image électronique, afin de concevoir ce qui détermine une esthétique du médium. Si la technique ouvre des potentialités de création et d’énonciation singulières, elle engage une logique créatrice, et infuse alors une pensée inventrice. En interrogeant les notions de montage, de mixage, d’assemblage et de collage, l’approche technique et théorique adoptée ici élabore des distinctions entre fixation et transmission, représentation et simulation, afin d’évaluer l’écart entre écriture cinématographique et écriture vidéographique.
Abstract
This article examines the fundamental differences between cinema and video through the work of Jean-Christophe Averty, considering his work alongside the utopias of pioneer video artists. The latter sought a pictorial quality through the malleability of the image, whereas Averty experimented with plasticity to invent a new form of writing specific to television. Taking into account the essential real/artificial dialectic of video, Averty used signals and trick effects (and in particular the keyed image) as expressive devices. He worked with the simultaneity of this technology of flow, and with the flatness of the television screen, to endow the image with new dimensions, against perspectival realism. The author thus proposes to examine the ontogenesis of the electronic image as a way of understanding what determines the medium’s aesthetic. While technology opens up singular creative and enunciative possibilities, it engages a creative logic and thus instils inventive thinking. By interrogating the concepts editing, mixing, assembly and collage, the technical and theoretical approach adopted here develops distinctions between fixation and transmission and between representation and simulation, in order to evaluate the gap between cinematic and videographic writing.
Appendices
Bibliographie
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