Cinémas
Revue d'études cinématographiques
Journal of Film Studies
Volume 22, Number 1, Fall 2011 Trajectoires contemporaines du cinéma brésilien Guest-edited by Hudson Moura
Table of contents (9 articles)
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Présentation. L’ascension du cinéma moderne brésilien
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Entre ressentiment et pragmatisme : la voix off en tant que discours du protagoniste devant la violence et le jeu de l’ascension sociale
Ismail Xavier
pp. 41–65
AbstractFR:
Cet article se propose d’analyser le rôle déterminant de la voix off à partir de trois films brésiliens contemporains qui recherchent l’équilibre entre les préoccupations des auteurs et les demandes du cinéma grand public : La Cité de Dieu (Cidade de Deus), de Fernando Meirelles et Kátia Lund, L’homme qui copiait (O homem que copiava), de Jorge Furtado, et Le Rédempteur (Redentor), de Cláudio Torres. La parole en tant que discours du sujet « en situation » y apparaît dans son rapport au contexte social, marqué par des tensions liées à la violence, au développement des marchés illicites, au jeu de l’ascension sociale, à la délinquance patronale, à l’hégémonie de la consommation et à la crise de l’institution familiale.
EN:
This study proposes to analyse the instrumental role of voice-over using three contemporary Brazilian films which seek to balance their directors’ concerns with the demands placed on films made for the general public : City of God (Cidade de Deus) by Fernando Meirelles and Kátia Lund, The Man Who Copied (O homem que copiava) by Jorge Furtado and Redeemer (Redentor) by Cláudio Torres. In these films, speech as the subject’s “in situ” discourse bears the signs of its relationship to the social context, one marked by tensions stemming from violence, the growth of the black market, corporate delinquency, the hegemony of consumerism and the crisis in the family as institution.
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La question en question : l’interview dans le documentaire brésilien contemporain
Stella Senra
pp. 67–91
AbstractFR:
Le présent article porte sur l’usage de l’interview dans le documentaire brésilien du tournant du siècle, dans un contexte élargi incluant la pratique du journalisme télévisuel, mais aussi du langage audiovisuel, tel qu’on peut l’observer dans le champ de l’art contemporain. Il analyse l’acte de poser des questions dans trois expériences : l’émission de télévision Abertura (1979-1980), créée par le cinéaste Glauber Rocha , l’oeuvre cinématographique du metteur en scène Eduardo Coutinho et le film Rua de Mão Dupla, réalisé par Cao Guimarães . Inspirées de l’analyse d’Elias Canetti sur la question en tant qu’instrument de pouvoir, les réflexions de l’auteure prennent en compte les échanges et passages entre ces pratiques : tandis que Rocha développe à la télévision les principes esthético-politiques à la base de son oeuvre cinématographique, Eduardo Coutinho s’inspire à son tour de la télévision pour construire sa carrière de documentariste au cinéma. Pour sa part, l’oeuvre vidéographique de Cao Guimarães, bâtie dans le contexte de l’art contemporain, peut être vue aussi bien dans les musées que dans les salles de cinéma.
EN:
This article explores the use of interviews in turn-of-the-century Brazilian documentary from a broad perspective which includes both television journalism and the audio-visual language found in contemporary art. It analyses the act of asking questions in three different works: the television program Abertura (1979-80), created by the filmmaker Glauber Rocha; the work of the film director Eduardo Coutinho; and the film Rua de Mão Dupla by Cao Guimarães. Drawing on Elias Canetti’s analysis of the question as an instrument of power, the author discusses the exchanges and movements between these practices: while Rocha used television to extend the aesthetic and political principles underlying his films, Coutinho has taken from television the inspiration for his documentary film career. Guimarães’ videos, for their part, which have been created in a contemporary art context, can be viewed in museums just as well as in cinemas.
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Le film-dispositif dans le documentaire brésilien contemporain
Consuelo Lins
pp. 93–103
AbstractFR:
Cet article aborde la notion de « dispositif » dans le documentaire brésilien contemporain, à partir de la conception classique du dispositif élaborée dans la théorie du cinéma et des contributions plus récentes des domaines de l’art et du documentaire à cette réflexion. Pour les réalisateurs dont il est question ici, il s’agit de construire certaines stratégies de tournage dont la fonction n’est plus de refléter une réalité préexistante mais, au contraire, de susciter des événements qui seront capturés par la caméra. Le texte analyse plus longuement deux films réalisés par Cao Guimarães, artiste qui articule de façon originale des stratégies tirées des pratiques artistiques contemporaines à des procédés chers à la tradition du documentaire.
EN:
The following article examines the concept “apparatus” in contemporary Brazilian documentary, drawing on the classic conception of the apparatus in film theory and more recent contributions in the fields of art and documentary. The filmmakers discussed here set out to create filmmaking strategies whose function is no longer to reflect a pre-existing reality, but rather to instigate events which will be captured by the camera. The article analyses at greater length two films by Cao Guimarães, an artist who joins in an original manner strategies taken from contemporary artistic practices with techniques which have a long history in documentary filmmaking.
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Figures de l’altérité dans le documentaire brésilien contemporain
César Guimarães
pp. 105–122
AbstractFR:
En tenant compte du contexte de la production brésilienne de documentaires au cours des deux dernières décennies, cet article décrit quelques figures de l’altérité qui, au milieu de la pauvreté et de la violence, émergent des espaces quotidiens. Ce faisant, il aborde les difficultés touchant la représentation de « celui de l’autre classe sociale » et fait ressortir le caractère de la fameuse « ethnographie discrète » qu’Ismail Xavier a reconnue dans les films d’Eduardo Coutinho, tout en portant une attention particulière à l’apparition de la figure de la femme ou de l’homme de la rue dans Boca de Lixo.
EN:
This article, taking into account the production context of Brazilian documentary film over the past twenty years, describes a few figures of difference which, in the midst of poverty and violence, have emerged from everyday life. Difficulties around depicting “someone from another social class” are addressed and the nature of the “discreet ethnography” Ismail Xavier has ascertained in the films of Eduardo Coutinho emerges, while at the same time particular attention is paid to the appearance of the man or woman living on the street in the film Boca de Lixo.
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From City of God to City of Men: The Representation of Violence in Brazilian Cinema and Television
Gabriela Borges
pp. 123–148
AbstractEN:
This paper discusses the representation of violence in Brazilian cinema and television through analysis of the TV series City of Men (2003-7), which is a follow-up to the film City of God (2002), with the same actors, sets and non-linear narrative. The project began with the production of the TV episode Palace II (2000), which was developed into City of God’s script. After receiving international acclaim, it resulted in the production of City of Men. In this context, it is important to emphasise the relationship between cinema and television and their particular features as products of the Brazilian audiovisual industry’s renaissance in the 1990s. The representation of violence is analysed not only as a thematic issue common to Brazilian favelas but also as an aesthetic element of TV drama. The representation of the oppressed has been well known in Brazilian cinema since Glauber Rocha’s manifesto “Aesthetics of Hunger” (1965), in which he argues that films need to be aggressive in order to truly expose poverty. The main point to be addressed, however, is whether the representation of violence in this series conveys, criticises or reflects about what is really happening in Brazilian favelas or if it merely offers an aesthetic look into poverty for the delight of audiences in Brazil and abroad.
FR:
Cet article examine la représentation de la violence dans le cinéma et la télévision du Brésil, en analysant la télésérie Cidade dos Homens (2003-2007), une suite au film Cidade de Deus (2002) présentant les mêmes acteurs, les mêmes décors et un même récit non linéaire. Le projet débute avec la production d’un épisode télé intitulé Palace II (2000), qui servira ensuite de base au scénario de Cidade de Deus. Le succès critique du film à l’échelle internationale mènera ensuite à la production de Cidade dos Homens. Il est dès lors important d’insister sur la relation qu’entretiennent le cinéma et la télévision, ainsi que sur leurs caractéristiques particulières, durant la renaissance de l’industrie audiovisuelle brésilienne des années 1990. La représentation de la violence est analysée non seulement dans sa façon de thématiser un problème inhérent aux favelas brésiliennes, mais aussi en tant que composante esthétique de la fiction télévisuelle. La représentation des opprimés est un autre aspect bien connu du cinéma brésilien depuis le manifeste de Glauber Rocha, « Esthétique de la faim » (1965), dans lequel il avance que les films doivent faire preuve de violence pour révéler véritablement la pauvreté. Le principal enjeu, toutefois, sera de déterminer si la représentation de la violence dans cette série exprime, critique ou questionne ce qui se passe réellement dans les favelas brésiliennes ou si elle n’offre qu’un regard esthétisé sur la pauvreté, pour le simple plaisir du public brésilien et étranger.
Hors dossier / Miscellaneous
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Âmes d’enfants, un « film-parabole » représentatif de la propagande solidariste en France dans l’entre-deux-guerres
Pascal Laborderie
pp. 151–173
AbstractFR:
Âmes d’enfants (Jean Benoit-Lévy et Marie Epstein, France, 1928) est un film engagé traitant des conditions de vie des ouvriers et prônant une plus grande intervention de l’État en matière de logement social, notamment par la construction de cités-jardins. D’un point de vue générique, le film s’inscrit dans la lignée des fables moralisatrices empreintes de réalisme social du cinéma des premiers temps. Il s’en écarte néanmoins par son discours social complexe, qui s’appuie sur un mode de lecture comparable à celui d’une parabole. Conciliant les ambitions du monde de l’éducation populaire et les goûts récréatifs du public, il aménage un espace d’échange entre les classes intermédiaires et le monde ouvrier. Cette tentative d’harmonisation des modes d’appréhension culturelle de divers publics trouve son pendant thématique dans l’engagement pour un modèle de société fondé sur la concorde sociale, qui s’inspire de la philosophie solidariste de Léon Bourgeois et qui fut promu par les gauches radicale et socialiste durant le Cartel des gauches.
EN:
Âmes d’enfants (Jean Benoit-Lévy and Marie Epstein, France, 1928) is both a film that examines tuberculosis prevention and a politically committed film that calls for greater government involvement in social housing, in particular through the construction of garden cities. In terms of genre, the film is related to early cinema’s moralizing fables in a social realism vein. Its complex social discourse distinguishes it from these films, however, and is based on a means of address similar to that of the parable. Reconciling the ambitions of the advocates of popular education and the entertainment tastes of audiences, the film creates a space in which the middle and working classes can enter into dialogue. This attempt to harmonize the cultural worlds of diverse audiences is reflected in the film’s theme and its commitment to a society based on social harmony, inspired by the “solidarism” philosophy of Léon Bourgeois promoted by the Gauche Radical and Socialist parties left during the Cartel des gauches (Left-wing Coalition) period in France.