Pour ma part j’ai rencontré le mot [filmologie] et la chose presque par hasard. Un livre récent m’avait été soumis pour en rendre compte. L’auteur m’était alors parfaitement inconnu : Gilbert Cohen-Séat. Le titre en était audacieux…
Cet essai n’est pas facile à lire. Il est écrit dans une langue extraordinairement abstraite. L’idée d’une discipline nouvelle, à créer de toutes pièces, la filmologie qui (précisément) s’y trouve présentée et défendue, dans une argumentation frappante et fatigante. […]
Le livre de Cohen-Séat semble bien n’avoir marqué dans l’esprit de son auteur que la phase initiale d’une entreprise de longue portée, que le premier engagement de ce qui devait être la bataille filmologique, la bataille pour la filmologie.
Quel intérêt pouvait-il avoir à la déclencher, lui qui, à ce moment-là, était administrateur d’une société de production de films ? Nous le comprendrons, au moins en partie […] en voyant l’action se développer.
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J’ai souvent songé au coup d’audace de ce premier numéro [de la Revue internationale de filmologie] […] C’était d’ailleurs un fort beau cahier […] [animé par] une équipe ralliée autour de l’idée de la filmologie à mieux définir, à concevoir, à expliciter, à promouvoir.
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Le lancement du premier numéro de la revue n’était encore qu’une mesure préliminaire. Il préparait une plus grande action : la convocation du 1er Congrès international de filmologie. […] Préparé par des jeunes gens animés par G. Cohen-Séat et appuyés énergiquement par M. Roques.
Admirez encore une fois l’audace et le geste. Quelle confiance en l’avenir…
Il n’est pas nécessaire d’avoir longuement médité pour comprendre que le problème du cinéma est un des grands problèmes, un des problèmes urgents de notre temps.
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Pour ma part j’avais entre-temps pris contact avec Cohen-Séat. C’est une histoire assez singulière. Je ne suis pas ce qu’on appelle un assidu du cinéma. Jusque-là je n’avais presque aucune relation avec le monde cinématographique. Nous venions donc, Cohen-Séat et moi, de mondes culturels complètement différents. Sur la question de la filmologie cependant notre accord fut immédiat. Pour mieux dire, je lui ai donné instantanément raison. Pourquoi ? J’aurai, je crois l’occasion de vous le dire tout à l’heure.
Il fut donc entendu que je participerai au Congrès en tant que… comment faut-il dire ?… je ne voudrais pas dire conjuré… disons donc en tant que membre de l’équipe…
[Au Congrès de filmologie,] plusieurs personnalités de très haut rang scientifique vinrent répondre préalablement à la question commune : « Pourquoi suis-je déjà filmologue ? »