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LEPERCHEY, Sarah, Alain Resnais. Une lecture topologique, Paris, L’Harmattan, 2000, 98 p.[Record]

  • Anne Lardeux

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  • Anne Lardeux
    Université de Montréal

Après Bergman et Antonioni, Alain Resnais est le troisième cinéaste auquel la collection « L’art en bref », dirigée par Dominique Chateau, consacre un ouvrage théorique. Cette collection d’essais brefs favoriserait l’épanouissement d’une écriture hors de la somme-fleuve des articles de recherche, la quête d’une forme plus libre bien que sérieusement travaillée. Un petit format qui expliquerait en partie le choix de l’auteure d’un corpus limité aux trois premiers longs métrages de Resnais ; Leperchey justifie son choix en arguant de l’exemplarité de ces films pour qualifier la modernité du cinéma de Resnais : un cinéma marqué par la crise de l’image-action, la faillite des schèmes sensorimoteurs, l’errance des personnages… Cette crise de l’image-action, telle qu’établie par Deleuze, marque le passage de l’image-mouvement à l’image-temps : la situation ne se traduit plus en action mais devient purement optique et sonore ; le temps, dont l’image-temps est une représentation directe, se « désubordonnise » de l’espace et du mouvement. En approfondissant la question du récit, le cinéma en est venu à se poser celle du temps et de sa représentation, et ce avec une acuité particulière dans le cas de Resnais, dont Deleuze (1985, p. 69) a qualifié les espaces cinématographiques de « probabilitaires et topologiques ». « Topologie » — le mot est lâché — un intrus certes, mais légitimé par cette glorieuse entremise. Il ne reste plus qu’à initier le lecteur auquel l’auteure, en introduction, présente son programme : expliquer en quoi la nature des trois premiers longs métrages de Resnais peut être qualifiée de topologique, en s’appuyant sur cette notion d’espace topologique décrite par Deleuze et qui implique l’idée de continuum ; s’intéresser aux mouvements qui agitent ces continuums et aux rapports qu’ils peuvent entretenir entre eux, aux ruptures qui les travaillent. Avant de détailler plus avant l’argumentation de Sarah Leperchey développée dans les trois chapitres qui constituent le livre, je voudrais d’abord revenir sur la notion de topologie et sur les implications d’un tel emprunt dans le domaine qui nous intéresse — rappelons que nous devons ce terme aux mathématiques. La topologie n’est pas, comme je me la représentais confusément, une forme abstraite de topographie, une branche plus fluide de l’étude du topos, adoucie par le « lo » d’un fleuve intégré à l’habituelle graphie qui y est associée. La topologie est une branche des mathématiques qui étudie les notions de continuité et de limite, qui s’attache aux propriétés qualitatives et aux positions relatives des êtres géométriques. Sarah Leperchey fonde en particulier son analyse sur l’ouvrage à vocation interdisciplinaire de Claude-Paul Bruter (1985), Topologie et Perception. Bases philosophiques et mathématiques, selon lequel la topologie permet de repenser tout phénomène de transformation, de génération, de contamination, de dilatation et de contraction, de capture et de libération entre des ensembles. La topologie permettrait de penser les liens et les relations entre des objets, donc l’élaboration et l’organisation d’une structure, en l’occurrence, ici, d’une structure filmique. Gilles Deleuze, dans Image-temps, évoque les dangers qu’implique l’emprunt de « déterminations scientifiques hors de leur domaine ». Il faut, nous dit-il, pour éviter les écueils — notamment ceux d’une « métaphore arbitraire ou d’une application pénible » — naviguer prudemment en se contentant « […] d’extraire des opérateurs scientifiques tel ou tel caractère conceptualisable qui renvoie lui-même à des domaines non-scientifiques, et converge vers la science sans faire application ni métaphore » (Deleuze 1985, p. 19). Ne pas faire métaphore, ne pas opacifier le transfert par la multiplication d’écrans et de possibilités sémantiques. Sarah Leperchey évite avec brio ces pièges, me semble-t-il, et n’enferme pas les films de …

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