Ce titre concerne un numéro de la revue Géo-Regards (no 14, 2021) de la Société Neuchâteloise de Géographie et de l’Institut de géographie de l’Université de Neuchâtel, et je salue la mémoire de D. Maillat. Il résulte d’un appel à contribution dont l’objet était de « collecter des travaux interrogeant la relation entre géopatrimoines et géodiversité, d’une part, et les dynamiques territoriales, d’autre part » (p. 6). Vingt-trois propositions ont été faites et huit articles ont été finalement retenus. Un géopatrimoine est une portion de la géosphère (minéraux, fossiles, structures géologiques, formes du relief, etc.) que des acteurs de la société considèrent comme digne d’être protégée et transmise aux générations futures. Cette définition large (geoheritage) reconnaît que des situations, des événements, des sites méritent attention et, éventuellement, protection car ils permettent de comprendre l’histoire de la Terre et du climat. À cette conception relevant d’appréciations d’ordre scientifique s’ajoutent des dimensions sociétales, esthétiques, culturelles, religieuses qui permettent de « conceptualiser les rapports unissant les sociétés au territoire et au milieu, aussi bien dans les pays du Nord que ceux du Sud », Tob-Ro et al. (p. 55). Les géopatrimoines concernent le monde et les regards politiques ne sont pas absents : les géopatrimoines devraient mobiliser des crédits pour les chercheurs ; ils sont des arguments de développement, notamment par le tourisme, et il faut veiller à éviter une ethnographie de pacotille ou folklorique qui apporte des recettes et des dégradations de sites fragiles. Le monde universitaire des géopatrimoines, relativement récent – une trentaine d’années –, s’est ainsi développé pour fonder un champ scientifique nourri surtout de géographie et de géologie. Il décline « géotourisme », « géoconservation », « géodiversité », « géoscientifiques », « géozones », « géoparcs », « géosites », « géomorphosite », « géomorphologies » et, dans un instant, des « géoterritoires ». J’ai envie d’écrire qu’il y a aussi des « géo-maîtres », dont Reynard et Cayla qui semblent avoir des rôles essentiels et sont présents dans les références (et les autocitations). De manière plus illustrée, Moutard nous donne des exemples : klippes, lapiaz, déglaciation post-wûrmienne, calcaires à faciès urgonien. Et Bussard et al. précisent, en matière de glacier, les kames, eskers, kettles. La revue est riche en photos, en schémas en couleurs. On apprend et on apprécie. Il est plus délicat de saisir les liens « géopatrimoines et territoires », car les auteurs utilisent le terme dans des sens variés peu explicités. Ainsi, pour Hobléa et al., le territoire c’est la région Auvergne-Rhône-Alpes (l ’AURA), et ses espaces « auverhonalpins » (p. 19), région d’inventaires, de schémas. Et cette « région des territoires » serait peut-être un « géoterritoire ». Il est question à plusieurs reprises d’« échelle locale » pour évoquer une attractivité et une fréquentation réduites à une zone proche des sources thermales de Bir Hâmiye, au Tchad : Tob-Ro et al. se demandent « comment une source devient-elle ressource ? » (p. 5). Sont évoqués des acteurs régionaux et les maires, des « effets territorialisants » d’un géopatrimoine qui est perçu comme « ressource territoriale ») : Reynard et Bussard qui écrivent, dans une formulation singulière, « la valorisation socio-économique du géopatrimoine : une territorialisation par l’activation ressourcielle » ( p. 23). Gumuchian et Pecqueur, Landel, Peyrache-Gadeau sont heureusement cités en matière de ressource territoriale. Cette ressource présente dans plusieurs articles nous paraît cependant plus invoquée que véritablement utilisée. Trois articles évoquent G. Di Méo, Tob-Ro (p. 67), Ait Omar (p. 159), Bussard (p. 152) sur les processus de patrimonialisation et la construction des territoires. …
BUSSARD Jonathan et REYNARD Emmanuel (2022), Géopatrimoines et territoires. Presses Universitaires Suisses, 182 p. (ISBN 978-2-88930-448-6)[Record]
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Claude Lacour
Université de Bordeaux