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Blanchard Makanga propose un livre sur l’agir humain, la nature et la crise écoclimatique qui sévit présentement sur la planète. C’est un ouvrage de 150 pages où il expose sa vision critique sur les notions de nature, de la science et des technosciences. Qui plus est, il se livre à une analyse des travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et des Conférences des parties (COP) en s’interrogeant, du même coup, sur le poids de l’Afrique dans les débats internationaux. Sur cet enjeu, dès le départ, l’auteur note que le sujet « semble devenu une source à la fois de fantasmes millénaristes et de polémiques scientistes en termes d’analyses, de diagnostics et des résultats » (p. 15). Ce constat sera du reste signalé sans arrêt tout au long de la publication par des références aux discours de climatosceptiques, prétextant le peu de place que le milieu scientifique leur consent.
Le livre se divise en deux sections de deux chapitres chacune. Dans la première section « L’Univers, la nature et l’énigme », Makanga s’inspire grandement des oeuvres importantes de la Grèce antique pour étayer ses arguments sur l’exploitation de la nature par l’homme et sur l’absence d’une éthique environnementale. Dans le premier chapitre, il fait un retour aux oeuvres d’Héraclite et d’Aristote qui soulignent l’harmonie existante au sein même de la nature, et que l’auteur oppose à cette idée que « la relation humaine à la nature est le plus souvent purement égoïste et utilitariste » (p. 32).
Très influencé par la pensée stoïcienne, il salue la prudence des Anciens, qui appelle à vivre conformément à la nature (p. 45). Plus loin, il dénonce l’esprit de conquête des modernes et des postmodernes. Commentant les rapports du GIEC, l’auteur semble douter du diagnostic des experts onusiens sur le dérèglement du climat par des causes anthropiques (p. 39). Alors, il se réfère (entre autres), à l’oeuvre importante de l’historien Emmanuel Le Roy Ladurie, dans son ouvrage Histoire du climat depuis l’an mil qui répète, comme bien des chercheurs crédibles, que le climat a toujours connu des variations périodiques (p. 42). Mais Makanga semble ignorer que l’historien partage les arguments du GIEC.
Au chapitre II, il revient encore une fois sur la conception qu’avaient les Anciens de la nature comme étant fondamentalement harmonieuse, et sur le vecteur de bonté (p. 54). Il revendique alors, le principe de responsabilité où la raison mènerait les communautés humaines vers une attitude prudente et intelligente à l’égard de la nature. Il s’inquiète des conséquences de la créativité humaine et prend pour exemple les biotechnologies, particulièrement les manipulations du génome humain, ainsi que les OGM, sources de craintes, de débats et de controverses. De plus, il en appelle au principe de précaution afin d’éviter des pratiques contraires aux valeurs humaines et non respectueuses des exigences éthiques (p. 56).
Dans la deuxième partie, constituée de deux chapitres, l’auteur traite particulièrement des changements climatiques et de la domination des technosciences sur la nature. Il explique, dans un premier temps, les enjeux environnementaux et les effets des changements climatiques sur le continent africain.
Dans le premier chapitre, il parle en particulier des COP et des travaux du GIEC, dont les membres sont désignés comme seuls intervenants chargés de réfléchir et de communiquer sur les questions scientifiques inhérentes au climat de la planète (p. 69). Ensuite, il revient sur l’idée que l’activité humaine apparaît probablement comme un facteur important, mais pas l’unique cause du dérèglement climatique (p. 72). Citant les climatosceptiques Hacène Aretzki et Jean de Kervasdoué, il reproche à la communauté scientifique de semer la peur et la psychose (p. 73). Puis il va encore plus loin en rapportant les opinions très contestées de Claude Allègre, qui taxe certains groupes de scientifiques d’imposture écologique et les accuse de soutenir une fausse écologie (p. 74). Il constate, cela dit, qu’à cause des incivilités humaines et de notre empreinte sur la nature (particulièrement sur le continent africain), la planète souffre déjà de problèmes d’infrastructures importants et subit des événements extraclimatiques fréquents. Par ailleurs, il pose le problème du poids véritable des représentants africains dans les discussions aux COP. Il se questionne sur l’objectivité et l’impartialité des rapports (p. 101).
Dans le deuxième chapitre, l’auteur expose le problème des pays africains à s’autodéterminer, notamment dans la conduite des politiques environnementales et la réelle autonomie de ces pays dans l’exploitation des richesses de leurs sous-sols (p. 133). Finalement, Il revient sur l’importance du principe de responsabilité et sur les incidences environnementales de l’action humaine dans les pays du Sud. En même temps, il veut donner la parole à des voix dissidentes qui, apparemment, ne trouvent pas leur place dans le monde scientifique.
Dans son ouvrage, Blanchard Makanga essaie de cerner plusieurs problèmes touchant les changements climatiques. Il réussit en partie à conscientiser le lecteur sur le contexte africain, mais sous d’autres rapports, ses propos sont ambigus, voire discutables. Effectivement, dans tous les chapitres de l’ouvrage, il se réfère à quelques auteurs dont on peut, dans certains cas, se questionner légitimement sur les compétences dans le domaine des changements climatiques.
Revenir constamment sur le fait que le climat connaît depuis toujours des variations cycliques donne l’impression que les causes anthropiques n’ont que peu ou pas d’effets sur les changements actuels. De plus, le recours continuel de Makanga à la philosophie de la Grèce antique et à certains penseurs de la Renaissance ne laisse aucune place à ceux du XXIe siècle. On le constate dans la deuxième partie du livre où il aurait pu s’étendre sur les impacts environnementaux et socioéconomiques des changements climatiques sur le continent africain, au lieu de s’attarder aux philosophes de la Grèce antique ou de rappeler constamment les voix discordantes de certains climatosceptiques.
Malgré tout, l’ouvrage de Blanchard Makanga a le mérite de poser des questions pertinentes sur les effets des bouleversements climatiques en territoire africain et la responsabilité des pays occidentaux à cet égard, face aux pays en voie de développement.