Comptes rendus bibliographiques

GLON, Éric et SEPÙLVEDA, Bastien (2021) Autochtonies. Regards croisés sur les territorialités et les territoires des peuples autochtones. Presses universitaires de Rennes, 420 p. (ISBN 978-2-7535-8294-1)[Record]

  • Dominique Royoux

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  • Dominique Royoux
    Université de Poitiers

L’introduction générale rappelle les processus de colonisation, les facteurs de marginalisation sociale et politique qui ont affecté les peuples autochtones, mais aussi les luttes pour faire reconnaître les droits collectifs d’accès à la terre qu’ils ont fini par obtenir. La notion de peuple autochtone est largement discutée, comme les diverses formes d’hésitation ou d’évitement de reconnaissance des droits dont ont fait preuve plusieurs États (comme en Europe de l’Ouest). Cette contribution souligne également comment nombre de populations concernées ont gagné leur autonomie tout en résistant aux tentatives d’assimilation. Elle évoque aussi comment les jeunes générations s’émancipent plus que celles qui les ont précédées des dimensions de spiritualité ayant forgé l’identité des peuples autochtones et leurs engagements pour améliorer leurs conditions de vie. Dans une première partie centrée sur la nature des revendications et intitulée « Revendiquer son droit (à accéder) au(x) territoire(s) », Irène Bellier présente la réalité démographique des peuples autochtones, le rôle de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 2007 en faveur de l’autodétermination, mais aussi les menaces qui continuent de peser sur l’effectivité de ces droits, quand des entreprises extractives, de grands barrages ou des concessions d’exploitation bafouent les appartenances territoriales. L’auteure insiste sur le fait que les peuples autochtones recherchent une reconnaissance politique plutôt qu’identitaire, et constatent qu’ils restent peu associés par les institutions aux décisions qui les concernent. En analysant la situation des Métis du Canada, Étienne Rivard constate que la reconnaissance des droits est moins poussée par les États, notamment en milieu urbain, parlant même d’« invisibilité » des peuples autochtones. L’auteur montre bien, en outre, l’attitude différente de l’État entre sa reconnaissance des droits des Métis dans l’ouest du Canada et une attitude inverse vis-à-vis des mêmes populations plus dispersées à l’est. S’intéressant aux Mapuches du Chili, Bastien Sepùlveda. fait les mêmes constats quant à la non-reconnaissance des droits de ce peuple dans la capitale du pays. Il suggère de réactiver le « droit à la ville » d’Henri Lefebvre, entendu comme capacité d’agir en faveur d’une justice spatiale. Afin de valider cette orientation, il montre comment les Mapuches, pour exprimer leur citoyenneté, se sont investis à Santiago dans la création de « comités logement ». Pierre-Christophe Pantz analyse la situation des Kanaks en Nouvelle-Calédonie. Il montre la forme originale d’appropriation des terres qu’ils ont conçue en combinant une « multirésidentialité » à une hypermobilité sur l’archipel, l’auteur les qualifiant ainsi de « fins géographes ». Mais il insiste aussi sur les conditions sociales difficiles que les Kanaks doivent affronter quotidiennement. Dans une deuxième partie, titrée « Clamer son être au monde » et centrée sur les initiatives déployées par les peuples autochtones pour se faire mieux entendre des autorités, Éric Glon montre comment les Lil’wat, en Colombie-Britannique (Canada), se sont réapproprié leur territoire en nommant les lieux dont ils sont originaires. Il place cette action dans un mouvement d’« agentivité », c’est-à-dire dans la recherche d’une puissance d’agir selon les contextes de vie. Fabrice Dubertret mesure l’intérêt, pour les peuples autochtones, de se doter d’un nouveau savoir-faire, celui d’élaborer des « contre-cartographies » autochtones pour sécuriser les revendications territoriales et faire reconnaître l’« extension des territorialités vers de nouveaux espaces, souvent bien au-delà de leurs terres ancestrales ». Fabienne Joliet et Laine Chanteloup ont conduit leurs recherches dans les terres inuites canadiennes. Elles ont cherché à favoriser la réappropriation territoriale en utilisant la photographie, montrant notamment comment les Inuits, comme les autres peuples autochtones, « impriment » leur territorialité par la pensée holiste mêlant nature et vie humaine. Sylvain Guyot s’est …