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Professeur au département de sociologie et membre de l’Institut en environnement, développement et société, à l’Université Laval, Louis Guay nous livre un ouvrage de 400 pages en 13 chapitres, très documenté, sur l’environnement envisagé d’un point de vue sociologique. Le texte est étayé par une bibliographie à dominante anglo-saxonne de plus de 1000 titres.
L’auteur dresse un état des lieux très complet des approches théoriques de la sociologie environnementale : écologie humaine, écologie humaine structurelle, écologie politique, modernisation écologique, laquelle insiste notamment sur la connaissance scientifique et peut ainsi apparaître très technocratique. Ces différentes approches révèlent « une ambition théorique affichée », ce qui n’est pas le cas du « socioconstructivisme ou constructivisme écologique », qui se positionne davantage comme une méthode d’analyse des processus sociaux, notamment des controverses nombreuses en environnement. Enfin, « la théorie » de la société mondiale et l’environnement » considère que, par delà les intérêts stratégiques et économiques des nations, un monde institutionnel serait en construction, appuyé sur la valeur de l’environnement, de l’éducation et de la démocratie. Cet ouvrage permet donc d’envisager les courants, nombreux, qui traversent et fondent les analyses environnementales. L’auteur rappelle cependant que d’autres approches existent, « l’écologie sociale, l’écologie profonde, l’écoféminisme… », qu’il n’envisage pas dans le cadre de ses analyses sociologiques de l’environnement.
Si les deux premiers chapitres rappellent plusieurs courants de pensée en environnement, les contours de l’analyse sociologique auraient cependant pu être plus finement précisés. Où se situe cette discipline par rapport à l’économie, au droit et, plus largement, aux sciences sociales, notamment la géographie qui envisage aussi « des problèmes aux actions » environnementaux. Finalement, n’assiste-t-on pas à l’émergence nécessaire d’une science environnementale spécifique associant étroitement sciences sociales, sciences « dures » (biologie, physique, chimie), droit, économie, politique ? De même les rapports nature/sociétés qui ont varié dans l’histoire et fondent différentes approches environnementales auraient pu, en début de l’ouvrage, occuper une place plus large. De la conception de ces rapports dépendent diverses manières de penser l’environnement et des façons différentes de le traiter.
Les courants de l’analyse environnementale évoqués par l’auteur servent de fil pour les analyses qui suivent, qu’il s’agisse du développement durable, des changements climatiques, de la biodiversité, de la gouvernance, de la forêt, de l’eau, de la ville. Suivent des chapitres concernant le contexte mondial et sa gouvernance. Le chapitre XII « Aménager et ménager la terre » insiste sur la transition ou les transitions écologiques, la gouvernance des sciences et des technologies et la participation nécessaire des acteurs, au-delà du noyau dur des scientifiques. Le chapitre XIII est à la fois une synthèse et une conclusion. Il rappelle les points forts sur lesquels l’auteur veut insister : la complexité des questions environnementales qui justifient des analyses multiples et des conceptions variées, différentes notamment entre l’Europe et l’Amérique du Nord en dépit de certaines convergences. Il souligne que les différentes approches de la sociologie de l’environnement paraissent parfois incompatibles entre elles, que les pratiques de gouvernance sont multiples. Les enjeux sociaux de l’environnement qui impliquent sciences, sociétés et politiques posent la question de la place de la science, au-dessus ou dans la société. L’auteur réfléchit, dans cette conclusion, à l’engagement politique de la sociologie de l’environnement et considère que celle-ci ne peut être « le porte-parole d’un groupe particulier, mais (doit) représenter avec méthode tous les acteurs qui participent à un débat environnemental ».
Cet ouvrage très riche, très documenté, devrait fournir beaucoup d’information sur les conceptions et les travaux les plus récents en environnement, et devrait alimenter une réflexion sur les interfaces entre disciplines. Il sera, n’en doutons pas, très utile au chercheurs, aux praticiens et, plus largement, aux acteurs de l’environnement.