Comptes rendus bibliographiques

ARNAUD, Jean-Luc, BESSE, Jean-Marc, MONSAINGEON, Guillaume, RENAUD, David et A. TIBERGHIEN, Gilles (2019) Mappa Insulae. Parenthèses, 144 p. (ISBN : 978-2-86364-350-1)[Record]

  • Dominique Soulancé

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  • Dominique Soulancé
    Université de Lille

« Une île est par définition fragile, nomade. Tout le monde a peur qu’elle se dissolve à un moment donné ou parte à la dérive. Alors on navigue, d’un morceau de terre à un autre, d’un livre à l’autre, d’une langue à une autre. Je suis de plus en plus frappé par la similitude entre le fait d’écrire il était une fois et celui de hisser la voile ». Erik Orsenna. L’île a de tout temps fasciné les hommes. Elle enchante et fait rêver. Différente, à part, elle semble incarner l’Ailleurs, cet ailleurs insulaire à la fois spatial et temporel, parfois inaccessible même quand on l’a trouvé. Mappa Insulae ou la carte de l’île : un titre, tout aussi intrigant que captivant, invite au voyage… et nous voilà partis au fil des pages sur toutes les mers du globe à la découverte des îles et de leurs représentations cartographiques. Un collectif de chercheurs baptisé Stevenson signe cet ouvrage. Le travail de ses membres a été réalisé dans le cadre du laboratoire d’excellence LabexMed et a bénéficié du soutien de l’Agence nationale de la recherche – Projet ANR-11-IDEX-0001-02. Trois philosophes (Jean-Marc Besse, Guillaume Monsaingeon, Gilles A. Tiberghien), un artiste (David Renaud) et un architecte (Jean-Luc Arnaud), tous passionnés de cartographie, ont mis en commun leurs découvertes amassées durant des années. Paru aux Éditions Parenthèses, le livre accompagne une exposition consacrée aux terres émergées « Le Temps de l’île », qui a été tenue en France, au Mucem (Marseille), entre juillet et novembre 2019. En format carnet de voyage, l’ouvrage se compose d’une soixantaine de cartes et illustrations. La qualité du papier et de la reproduction ainsi que l’esthétisme de la charte graphique et une mise en page harmonieuse le rendent attrayant et agréable à feuilleter. La forme choisie est originale. Chaque sélection est présentée en duo : une représentation cartographique de l’île sur la page de droite et un texte sur celle de gauche. Court et dense à la fois, le texte analyse la carte de manière plus ou moins détaillée, permet d’en connaître l’auteur et la situe dans l’espace comme dans le temps. Il est souvent complété par des commentaires, des poèmes ou des citations littéraires ayant trait à l’insularité. Dès les premières lignes de l’ouvrage, les auteurs nous entraînent dans les mondes fascinants de Robert Louis Stevenson et d’Herman Melville. En avant-propos, ils nous présentent une traduction de quelques pages de L’Île au trésor : « Le récit plonge ses racines dans la carte, il croît sur ce terreau… » ; la carte, inventée, dessinée, coloriée et affublée de noms imaginaires par Robert Louis Stevenson est ainsi une « mine de suggestions pour l’intrigue ». Et voilà le lecteur invité à parcourir le monde. Il embarque avec Melville à bord d’un baleinier et rencontre un marin amérindien originaire de Rokovoko, « une île très lointaine dans l’ouest et dans le sud. Elle ne figure sur aucune carte, c’est le propre des endroits vrais ». Puis il navigue d’île en île : à chaque page, une escale. Voguant sur tous les océans, le recueil explore toutes sortes d’espaces insulaires, des plus anciens aux plus récents, des plus enchanteurs (Archipels sidéraux de Rimbaud) aux plus cauchemardesques (île-ville de Poinciana, Radeau de la Méduse), des imaginaires aux réels, des oubliés aux non-retrouvés (p. 40) ou à ceux passés inaperçus (île sans la moindre importance). Incertaines dans leur localisation « (…) la mer du Sud (…) apparaissait animée par des îles (…) qui faute de précision dans les déterminants astronomiques, semblaient mal enracinées et flottaient sur les cartes », elles sont danger pour …