Abstracts
Résumé
Peu après la Grande Guerre paraissait, sous la signature de Paul Vidal de la Blache et Lucien Gallois, Le bassin de la Sarre. Clauses du traité de Versailles. Étude historique et économique. Notre but, dans le présent article, est d’expliquer le contexte qui fit advenir cet ouvrage. Une analyse bibliologique permet d’examiner l’évolution de son corpus textuel et iconographique depuis sa première formulation au sein du Comité d’études, créé en 1917 pour définir les buts de guerre de la France. Il s’avère que Le bassin de la Sarre, tout en affichant la neutralité qui sied à la science, est fortement arrimé au traité de Versailles signé le 28 juin 1919, en soutenant la position de la France face au destin national de cette région contestée.
Mots-clés :
- Sarre,
- bassin houiller de la Sarre,
- Grande Guerre,
- traité de Versailles,
- traités de Paris de 1814 et 1815,
- Paul Vidal de la Blache,
- Lucien Gallois
Abstract
Shortly after the Great War, Paul Vidal de la Blache and Lucien Gallois authored Le bassin de la Sarre. Clauses du traité de Versailles. Étude historique et économique. This paper explores the context in which Le bassin de la Sarre was written and published. A bibliological analysis shows the evolution of its textual and iconographic corpus from its first formulation within the Comité d’études, created in 1917 to define France’s war goals. It turns out that the book, while displaying the neutrality proper to science, is strongly connected to the Treaty of Versailles, signed on June 28, 1919, by supporting France’s position about this contested region.
Keywords:
- Saar,
- coal basin of the Saar,
- Great War,
- Treaty of Versailles,
- Treaties of Paris of 1814 and 1815,
- Paul Vidal de la Blache,
- Lucien Gallois
Resumen
Poco después de la Gran Guerra, se publica Le bassin de la Sarre. Clauses du traité de Versailles. Étude historique et économique, firmado por Paul Vidal de la Blache y por Lucien Gallois. En este artículo, explicamos el contexto donde nació esta obra. Un análisis bibliológico nos permite de examinar la evolución del corpus textual e iconográfico desde su primera formulación en el Comité de estudios creado en 1917 para definir los objetivos de la guerra de Francia. A pesar de reclamarse de la neutralidad científica, Le bassin de la Sarre se apoya en el Tratado de Versalles, firmado el 28 de Junio de 1919, sosteniendo la posición de Francia frente al destino nacional de esta región en litigio.
Palabras clave:
- Sarre,
- cuenca carbonífera del Sarre,
- Gran Guerra,
- tratado de Versalles,
- Tratados de París de 1814 y 1815,
- Paul Vidal de la Blache,
- Lucien Gallois
Article body
La part d’ombre d’un ouvrage négligé
Peu après la Première Guerre mondiale, sous la signature de P. Vidal de la Blache et L. Gallois, paraissait chez l’éditeur Armand Colin, à Paris, un petit livre de 55 pages intitulé Le bassin de la Sarre. Clauses du traité de Versailles. Étude historique et économique (figure 1). Les auteurs, deux éminents géographes français[1], y dépeignaient une région jusque-là rattachée à l’Allemagne, mais dont le destin était remis en question par plusieurs de leurs compatriotes (Tardieu, 1921 : 277 et suivantes). La France, prétendait-on, y avait des droits, ou du moins des intérêts, et l’issue du conflit avait paru être une occasion propice pour accorder la situation à leurs vues (MacMillan, 2003 : 170-172). Cependant, rien de comparable à l’Alsace-Lorraine, dont le retour à la France était devenu une affaire d’État, voire l’emblème de la patrie, et une condition même de la paix pour ses alliés (Becker, 2002 : 2 et passim)[2]. Alors que l’Alsace-Lorraine était spontanément perçue comme française, la Sarre suscitait plutôt le débat. De fait, les motivations à l’égard de la Sarre divergeaient et ne ralliaient pas pareillement les uns et les autres. En France, sauf exception, la Sarre restait en marge du patriotisme. Pour leur part, les alliés de la France – les États-Unis d’Amérique tout spécialement – avaient répugné, lors des négociations de paix (de janvier à juin 1919), à l’idée d’accorder d’emblée la Sarre à la France (MacMillan, 2003 : 195). Le projet avait par ailleurs suscité une vive opposition en Allemagne[3], mais cette opinion, il est vrai, n’avait pas beaucoup de retentissement en France. Quoi qu’il en fût, le traité de Versailles, signé le 28 juin 1919, avait tranché le débat : la Sarre était temporairement mise sous l’autorité de la Société des Nations, elle-même instituée par le traité, et son exploitation industrielle revenait à la France à titre de réparations en attendant la tenue d’un référendum devant déterminer l’appartenance nationale de la région[4]. Du côté français, plusieurs en furent déçus. Souvent, leur déception ne se limitait pas au seul devenir de la Sarre, mais témoignait d’un doute, d’une crainte ou d’une objection relativement à ce que, plus globalement, il advenait de la Rhénanie, si ce n’était de l’ancienne France rhénane (Tardieu, 1921 : 162 et suivantes ; MacMillan, 2003 : 166 et suivantes). Encore là, diverses considérations s’entrecroisaient concernant le droit des peuples, la sécurité des frontières, l’éradication sinon l’endiguement du militarisme allemand[5] ou la viabilité économique de la métallurgie lorraine, voire de toute la France de l’Est. Peu importe la raison, l’insatisfaction manifestée en France à propos de la Sarre pouvait difficilement justifier à elle seule une entière condamnation de la paix de Versailles. Il ne fallait pas moins s’en expliquer. Connaître la Sarre et le lot que lui avaient réservé les plénipotentiaires était en effet une manière d’absorber le choc. Les convictions pouvaient en être autant nuancées que confortées, en même temps que la science pouvait calmer l’inquiétude ou encore tempérer l’ambition. La plaquette de Vidal de la Blache et de Gallois pourrait avoir servi cette fin. Encore faut-il y voir de près pour savoir de quoi il retourne exactement.
Le bassin de la Sarre rassemble quatre textes formant autant de chapitres. La table des matières n’en désigne pas les auteurs respectifs (figure 2). Un avertissement, signé L.G., signale cependant que le chapitre II est de la main de Vidal de la Blache, de sorte qu’on présume que les autres sont de Gallois[6]. Le premier chapitre présente, sans trop de commentaires, le statut de la Sarre selon le traité de Versailles en rappelant qu’était de ce fait constitué un territoire du bassin de la Sarre, territoire soumis à l’autorité de la Société des Nations, alors que son exploitation économique était réservée à la France au titre des réparations de guerre[7]. Ce premier chapitre indique également la tenue d’un référendum, 15 ans après la signature du traité, pour déterminer à qui serait reconnue la souveraineté sur le territoire. Le deuxième chapitre, attribué à Vidal, brosse à grands traits le tableau géographique de la Sarre et en rappelle les vicissitudes frontalières depuis l’époque de Louis XIV jusqu’au second traité de Paris, en 1815. Vidal y explique comment la France, en l’incorporant dans son territoire ou en y exerçant une influence féconde, avait activement contribué au progrès de cette région jusqu’au début du XIXe siècle. Bien que la Sarre lui fût complètement retirée au terme du second traité de Paris, l’essor industriel de la région au cours du XIXe siècle aurait également été redevable, selon Vidal, de l’action bénéfique de la France, tandis que la Prusse, qui en était devenue la puissance tutélaire, l’aurait utilisée à ses propres fins plutôt que d’en assurer l’épanouissement. Le troisième chapitre reprend cette idée que la région, bien que sous domination prussienne, dépendait économiquement de la France en montrant que l’exploitation industrielle du bassin houiller de la Sarre avait bénéficié de son maillage infrastructurel et commercial avec les régions avoisinantes, tout particulièrement la Lorraine française. Le quatrième et dernier chapitre décrit la structure démographique induite, autour de la Sarre, par cette dynamique économique que la France n’aurait eu de cesse de soutenir.
Le document inclut quatre cartes pliées et en couleurs, dont deux hors texte. Les deux cartes in texto, intégrées respectivement dans l’un et l’autre des deux derniers chapitres, illustrent des phénomènes économiques : pour l’une (figure 3), les infrastructures du bassin houiller de la Sarre (puits d’extraction, hauts fourneaux, aciéries, autres fabriques et voies ferrées), pour l’autre (figure 4), celles de la Lorraine et du Luxembourg. La première carte détachée (figure 5) trace les variations de la frontière nord-est de la France, depuis le premier traité de Paris (1814) jusqu’au traité de Versailles (1919). La seconde, à la même échelle (1 : 6 000) et cadrant la même section de la surface terrestre (de Karlsruhe à l’est à Bouillon à l’ouest), fait ressortir, par la disposition des plages de forte densité d’occupation humaine, la structure géographique de la démographie, qui elle-même témoigne, comme le souligne le quatrième chapitre, de l’organisation industrielle de cette vaste zone (figure 6). Au total, cette iconographie rend compte éloquemment de la nature historique et économique de l’étude annoncée dans le titre de l’ouvrage, ainsi que de la dynamique politique qui, d’après les auteurs, définit la géographie de la Sarre.
Parfois mentionné, mais à notre connaissance jamais commenté, Le bassin de la Sarre de Vidal et Gallois demeure énigmatique, un siècle après sa publication. Au seul regard des études vidaliennes, deux questions surgissent d’emblée. D’une part, Vidal de la Blache, bien que désigné premier auteur de la plaquette, pouvait-il en avoir projeté la publication ? Décédé le 5 avril 1918, soit plus d’un an avant la signature du traité de Versailles, Vidal put-il avoir commandé la sortie de l’ouvrage ? L’interrogation ouvre plus largement la réflexion sur les motifs et les événements ayant présidé à la production et à la publication de l’ouvrage. En considérant ce contexte, on se donne les moyens, à défaut de découvrir une quelconque intention de Vidal de publier Le bassin de la Sarre, de comprendre le parcours et la destination de cette plaquette. D’autre part, quelles que fussent la raison d’être de l’ouvrage et les circonstances qui le firent advenir, il demeure qu’il contient l’un des derniers écrits de Paul Vidal de la Blache. Or, quelle est la teneur de ce propos formulé en fin de vie ? Aucune étude n’a systématiquement porté là-dessus jusqu’à maintenant. Pourtant, il serait pertinent de savoir comment la pensée vidalienne s’y prolongea ou s’y infléchit[8]. Comment Vidal y définit-il la région, l’État, la frontière, la coexistence nationale ? Et puisque son texte concerne une région pour laquelle on réclamait à l’époque des droits au nom de la France, pour quelle raison et de quelle façon Vidal de la Blache se ralliait-il à cette revendication ? Ces questions et toutes les autres que soulève Le bassin de la Sarre en requièrent l’exégèse, soit l’interprétation, sous forme d’un commentaire détaillé, non seulement de son contenu, mais aussi de son édition. C’est pourquoi, dans l’étude qui s’engage, nous faisons appel aux ressources conjointes de la bibliologie et de la textologie. La bibliologie, objet d’une première partie livrée dans le présent article, concerne l’élaboration même de l’ouvrage. Elle établit son histoire éditoriale et, ce faisant, détaille sa relation avec le contexte où il prit existence. La textologie, objet d’une deuxième partie publiée dans un autre article, consiste pour sa part à analyser le livre en son verbe. L’examen s’attache dans cette optique aux concepts et aux propositions qui composent le texte, lequel est conçu comme une unité porteuse d’un sens propre.
Histoire éditoriale
En raison de son premier sous-titre, « Clauses du traité de Versailles », on se doute que Le bassin de Sarre est un ouvrage fortement marqué par la terrible guerre qui venait de secouer le monde et dont les conséquences étaient hautement préoccupantes. Les armes s’étaient tues, mais encore fallait-il réussir la paix, tout en s’assurant que les préjudices causés par le conflit fussent réparés sans que d’autres n’en résultassent. Par son contenu même, surtout son premier chapitre, Le bassin de la Sarre s’inscrivait dans cette préoccupation d’une guerre et d’une paix à acquitter au meilleur compte. En l’occurrence, une région frontalière au destin national contesté et de haut intérêt économique était en cause. La Grande Guerre qui venait de s’achever avait réactivé le débat à ce sujet et son issue avait laissé entrevoir, chez d’aucuns, une nouvelle répartition territoriale. Mais plus exactement, quelle place occupe l’opuscule de Vidal et Gallois dans cette révision de la question sarroise, sinon dans sa compréhension ? Pour circonscrire ce problème, il faut considérer l’histoire même du livre.
Production séquencée au rythme d’une fin de guerre
Le bassin de la Sarre rassemble quatre textes produits à différents moments entre le début de 1917 et le milieu de 1919, soit avant et après la fin des combats de la Grande Guerre. Avant de paraître dans cet ouvrage, trois de ces textes avaient fait l’objet de deux publications préalables, l’un étant repris quasi intégralement et les autres ayant été passablement retouchés après leur première publication. Sous l’angle de la bibliologie, cette production ponctuée de trois éditions, quatre si on considère que Le bassin de la Sarre fut réédité en 1923, fournit un cadre temporel pour étudier le contexte dans lequel l’ouvrage a été conçu et dont, on le suppose, il porte l’empreinte. Or, avant d’examiner chacune de ces étapes, il convient d’en brosser un portrait d’ensemble afin de voir la forme que prit chaque texte au fil des éditions successives. À cette fin, un tableau exhaustif a été préparé (annexe 1) pour comparer les chapitres du Bassin de la Sarre à leurs versions précédentes dans le rapport du Comité d’études intitulé L’Alsace-Lorraine et la frontière du Nord-Est et dans le numéro 154 des Annales de Géographie[9]. L’exercice permet de voir, dans la séquence des éditions successives, la modulation du texte et du paratexte de l’ouvrage. Il s’en dégage des marqueurs temporels et idéationnels d’un contexte dont on ne peut ignorer le poids, d’où l’intérêt de les considérer attentivement.
Comité d’études
Trois des textes du Bassin de la Sarre avaient été d’abord réunis au début de 1918, intégralement ou sous une forme différente, dans un rapport du Comité d’études[10] constitué le 17 février 1917, soit au moment où les États-Unis d’Amérique rompaient leurs relations diplomatiques avec le Reich allemand (3 février). Ce comité fut créé à la demande d’Aristide Briand, président du Conseil et ministre des Affaires étrangères[11]. Suivant une idée émise en 1915 par le président de la République Raymond Poincaré, ce comité, actif jusqu’en 1919, avait comme mission de mener « une série d’études en vue de déterminer, d’après les données de la géographie et les leçons de l’histoire, les bases du futur traité de paix » (Benoist, 1932 : 324)[12]. Ses membres originaux étaient tous des professeurs d’université, dont certains également académiciens. Un militaire y siégeait, le général Robert Bourgeois, directeur du Service géographique de l’armée et par ailleurs titulaire de la chaire d’astronomie et de géodésie de l’École polytechnique. Par sa composition même, le Comité affichait une volonté de fonder ses conclusions dans la plus haute érudition[13]. On plaça à sa tête deux savants réputés : l’historien Ernest Lavisse à la présidence et le géographe Paul Vidal de la Blache à la vice-présidence. Ce dernier s’assura de la cooptation de deux de ses anciens élèves : Lucien Gallois[14] et Emmanuel de Martonne[15], celui-ci agissant comme secrétaire du comité[16].
Le Comité d’études s’attacha d’abord à la frontière de la France avec l’Allemagne. Ses travaux à ce sujet, de mars à novembre 1917, se tinrent en parallèle d’événements majeurs dans le cours de la guerre. En Allemagne, le chancelier Theobald von Bethmann Hollweg, en poste depuis 1909 et porteur à cette époque d’un projet de démocratisation du Reich, subissait la pression des militaires qui craignaient qu’une paix de compromis fût acceptée. Paul von Hindenburg, chef des armées depuis août 1916, et son quartier-maître Erich Ludendorff prônaient une accentuation des combats sur le front occidental à la faveur d’une détente avec la Russie[17], en plus de faire subir à l’Angleterre, à partir de janvier 1917, une guerre sous-marine à outrance (Masson, 2012 : 572-579). Leur objectif d’instituer une dictature militaire se concrétisa, en juillet 1917, quand Bethmann Hollweg fut poussé à la démission. Malgré la déclaration de guerre américaine le 6 avril 1917, l’état-major allemand, décidé à venger la défaite de Verdun de 1916, était convaincu de venir à bout des Français et des Anglais. Il n’espérait rien de moins qu’une victoire totale assortie de la conquête de territoires. À l’ouest, les buts de guerre du Reich étaient en effet maximisés. La Belgique devait devenir un État satellite tout en étant dépouillée de la côte flamande et de la région liégeoise qui, elles, devaient être annexées à l’Allemagne. Quant à la France, elle devait être amputée, au profit de l’Allemagne, du bassin de Longwy-Briey (Bled, 2020 : 82). Mais les dirigeants de la Deutsches Heer avaient beau être ambitieux et optimistes, les Allemands, souvent privés de l’essentiel en raison du blocus imposé par les pays de l’Entente, ne manquèrent pas de signifier leur mécontentement dans de nombreuses émeutes de la faim. Du côté français, le printemps 1917 fut marqué par l’échec de l’offensive Nivelle, qui avait pourtant suscité de vifs espoirs. La désillusion, qui en fut d’autant plus grande, secoua toute la population et ébranla le monde politique. Dans l’espoir d’y remédier, le président de la République, Raymond Poincaré, invita le partisan d’une victoire sans compromis Georges Clemenceau à former le gouvernement, le 16 novembre 1917. Le nouveau président du Conseil prit alors le devant de la scène et soutint sans relâche l’effort de guerre jusqu’à l’armistice du 11 novembre de l’année suivante (Becker, 2002 : 9).
Les premières conclusions du Comité d’études furent rassemblées en 1918 dans un ouvrage de 453 pages intitulé L’Alsace-Lorraine et la frontière du Nord-Est[18]. Dans ce document, l’analyse porte à la fois sur la frontière et sur les régions frontalières. La question du tracé de la frontière est principalement traitée sous l’angle de l’histoire et de la géographie. La première permet d’en reconstituer l’évolution, au gré des alliances et des conflits, tandis que la seconde indique comment, selon les circonstances, la frontière est la cause ou l’effet des identités régionales qui se cristallisent à la faveur d’une communauté de langue, de religion, de genre de vie ou d’intérêt. Tandis que l’histoire et la géographie recherchent dans le passé l’existence des délimitations et des identités, les régions frontalières sont plutôt abordées selon le potentiel ou le danger qu’elles présentent. Le potentiel s’entrevoit sur le mode d’une collaboration à long terme qui dynamiserait la production, le commerce et la main-d’oeuvre. La justification en est le légitime progrès d’une économie moderne aux accents industriels et urbains, à laquelle s’ajoute, en ce cas, la tout aussi légitime réparation des dommages de guerre subis par la France. Le danger, plus immédiat, concerne la menace que représenterait une armée allemande postée à la frontière française, voire d’une Rhénanie militarisée et livrée à la domination prussienne.
L’introduction du rapport du Comité d’études sur la frontière franco-allemande est signée par Ernest Lavisse et Christian Pfister. Elle consiste en une démonstration historique du caractère fondamentalement français de l’Alsace-Lorraine et sur l’illégitimité du rattachement de cette région au Reich allemand en 1871. La période suivant cette conquête est peu développée et n’y sont évoquées, en conclusion, que les « protestations des Alsaciens-Lorrains contre l’annexion à l’Allemagne » (p. 33-36). Est omise la question du fort peuplement allemand que cette région avait connu sous le premier Reich et qui aurait pu contredire les prétentions de la France si, comme d’aucuns l’avaient demandé, un référendum avait été tenu (Deperchin, 2012a : 621). Un texte de Gallois complète l’introduction en décrivant les variations, depuis la Révolution française, de la frontière du nord et du nord-est. Les traités de Paris de 1814 et de 1815 y tiennent une place prépondérante.
Au-delà de l’introduction, le rapport du Comité d’études est divisé en six parties : I) La frontière d’Alsace-Lorraine ; II) La question du Luxembourg ; III) Questions économiques ; IV) Le Rhin fleuve international ; V) Questions stratégiques ; VI) Les populations rhénanes (figure 7). La question de la Rhénanie occupe les trois dernières parties, soit près de la moitié de l’ouvrage, en plus d’être évoquée çà et là. La tonalité, lorsqu’il s’agit de la Rhénanie, est résolument prospective. À la lecture, il apparaît clairement qu’on soupesa alors les options qui s’offraient pour que cette vaste région devînt, dans l’intérêt de la France, un facteur de paix en même temps qu’un atout économique. Diverses possibilités y avaient été analysées, dont l’annexion partielle ou complète de la Rhénanie à la France, ou encore son détachement de l’Allemagne pour qu’y soient créés un ou plusieurs États. La nécessité de sa démilitarisation était également exprimée. Même si aucune préférence n’y avait été affirmée, le voeu avait été que la Rhénanie fût pour la France un bouclier contre une éventuelle revanche allemande. Ce voeu, dont l’opérationnalisation demeurait pourtant délicate, serait amplement repris par la suite en France, pendant les négociations de paix ou après. En complément, le rapport plaidait en faveur de l’internationalisation du Rhin, afin que ce fleuve, au bénéfice de la France mais pas seulement, assumât encore plus qu’avant son rôle d’épine dorsale du progrès économique de l’Europe[19].
La question de la Sarre est traitée dans la première partie, intitulée « La frontière d’Alsace-Lorraine ». Cette partie est elle-même divisée en trois chapitres. Le premier porte sur la frontière entre l’Alsace et le Palatinat au regard, principalement, des traités de Paris de 1814 et de 1815, que le Comité d’études, dans une perspective française, estimait arbitraires, voire vexatoires. Ce chapitre est assorti de trois courts appendices, dont l’un de Paul Vidal de la Blache : « Persistance du sentiment français à Landau » (1918b : 75)[20]. Le géographe y rapporte qu’en février 1859, alors que la France était sur un pied de guerre avec l’Autriche, « l’ancienne ville française de Landau » ne partageait pas l’hostilité contre la France qui se manifestait par ailleurs en Bavière. On remarque en l’occurrence que l’anecdote, qui pourrait bien n’être qu’une simple curiosité, semble au contraire érigée en symbole de la justesse des prétentions françaises sur la région. Le deuxième chapitre, « La frontière de la Sarre d’après les traités de 1814 et 1815 » (p. 79-94), est également de Vidal de la Blache. Il s’agit du texte repris intégralement dans Le bassin de la Sarre sous le titre « La frontière de la Sarre, d’après les traités de 1814 et 1815 ». Ce chapitre est accompagné d’un bref exposé d’Emmanuel de Martonne : « Note sur la carte à 1/200 000e de la frontière lorraine en 1814 et 1815 » (p. 97-101), qui énumère, par département et par canton, les territoires que la France conserva ou perdit dans ces traités.
Le texte de Vidal de la Blache sur la frontière de la Sarre fut soumis à l’attention du Comité d’études, lors de sa séance du 19 mars 1917[21]. Le procès-verbal, qui fait part des propos tenus à cette occasion, souligne que le sujet traité, bien que campé dans le passé, demeurait d’actualité aux yeux du géographe[22]. Il y est en effet rapporté que Vidal « a voulu dans son rapport montrer que la question des frontières de la Sarre se posait en 1814-1815 à peu près de la même façon qu’actuellement » (Soutou et Davion, 2015 : 44). À l’époque, note-t-on, « [l]es revendications des Prussiens étaient sans doute stratégiques » et plus encore « d’ordre économique » (ibid.), de sorte qu’elles n’étaient pas, tout comme en ce début de XXe siècle, dans l’intérêt premier de la Sarre.
Selon Vidal, cette pression extérieure sur la région aurait marqué tout spécialement le secteur industriel dont l’essor fut remarquable au XIXe siècle, car de même qu’il y avait, un siècle plus tôt, « concurrence entre la métallurgie de la Sarre et la Moselle et la métallurgie rhénane [aux mains de la Prusse], une des principales usines du bassin de Sarrebruck actuel porte le nom de l’agent qui a provoqué et âprement soutenu les revendications prussiennes (aciérie Böcking) » (ibid.)[23]. Par ce commentaire formulé en séance, où l’argument semble céder au raccourci, Vidal avançait que l’injustice dont la Sarre avait été victime au début du XIXe siècle était toujours patente 100 ans plus tard. Dans une réunion ultérieure, le 23 avril 1917, il franchit un pas supplémentaire en ce sens en suggérant le bien-fondé d’une éventuelle annexion de la Sarre à la France. À cet effet, il y rappela d’abord que « la question des échanges de houille et minerai de fer [entre la Sarre et la Lorraine] a[vait] été déjà étudiée dans divers mémoires, notamment celui de la Fédération des industriels et commerçants » (Soutou et Davion, 2015 : 54). Ces échanges lui paraissant une nécessité, il ajouta qu’« [u]ne solution proposée est l’annexion du bassin de la Sarre », solution d’ailleurs « justifiée par les arguments historiques déjà exposés ici » (ibid.). Ainsi, Vidal voyait dans l’annexion de la Sarre, non seulement un juste retour au passé, mais aussi la reconnaissance d’une légitime économie régionale encore en mal d’une condition politique optimale. La perspective, toutefois, se heurtait à un obstacle diplomatique que Charles Seignobos, selon le procès-verbal de cette même réunion du 23 avril 1917, énonça sèchement : « Les Américains n’admettraient pas d’annexions dépassant l’Alsace-Lorraine » (Soutou et Davion, 2015 : 55)[24]. D’où la résolution de distinguer, après discussion, une « frontière économique », qui pourrait être « reportée au Rhin », d’une frontière politique, qui devrait « rester en deçà » (ibid.). Si une telle perspective semblait être un acceptable compromis diplomatique, la suite des travaux du Comité d’études prouverait qu’il était malgré tout ardu de s’y résoudre, comme si la géographie et l’histoire, en s’actualisant régionalement dans le progrès industriel, pouvaient encore résister aux conditions de la sécurité nationale, voire de la paix mondiale[25].
Le troisième et dernier chapitre de la partie sur l’Alsace-Lorraine est de Lucien Gallois : « Le bassin houiller de Sarrebruck, étude économique et politique » (p. 105-129)[26]. Il est accompagné de trois appendices, dont deux sont de Gallois[27]. Ces documents furent soumis à l’attention du Comité d’études lors de la séance du 7 mai 1917. Après avoir brossé le portrait économique de la région, Gallois y exprime clairement, dans une seconde partie, le projet d’une annexion de la Sarre à la France. Le propos à cet effet est explicite. Gallois détaille les raisons historiques autant que prospectives d’une telle annexion, en dessine la carte et en estime les moyens pour que la population y adhère. Cette proposition, si elle emportait une grande adhésion au sein du Comité, n’en posait pas moins une grave difficulté sur le plan diplomatique, difficulté déjà signalée lors de la séance du 23 avril 1917. Cette fois, le débat s’étira pendant trois séances, les 7, 14 et 21 mai 1917, le but, visiblement, étant de contourner le problème posé par la position des alliés concernant la Sarre. L’enjeu était tel qu’on jugea nécessaire de résumer la discussion dans le rapport du Comité. En voici les termes :
Discussion. // Le rapport de M. L. Gallois a donné lieu à une vive discussion. // M. Émile Bourgeois, bien que répugnant profondément à toute idée d’annexion contre le gré des populations, se rallie aux propositions formulées. Nous avons le devoir de garantir notre pays contre de nouvelles épreuves. La guerre moderne est oeuvre d’industrie ; nous ne pouvons rester dans l’état d’infériorité où nous nous trouvons au point de vue métallurgique. // Ces observations sont appuyées par plusieurs membres de la Commission. // M. Aulard n’est pas sans inquiétude en constatant que la rectification de frontière proposée annexerait malgré eux un assez grand nombre d’Allemands pour que nous ayons la perspective de voir siéger au Parlement français des députés protestataires. Cette violation du principe même pour lequel nous combattons serait dangereuse. Il ne s’agit pas de ce faux principe, appelé principe des nationalités, mais de celui du libre consentement des peuples au nom duquel nous revendiquons l’Alsace-Lorraine. Sarrelouis et Landau, ayant juré le pacte de la patrie française en 1790, ont été violemment arrachés à cette patrie en 1815 et ne se trouvent pas dans les mêmes conditions que le reste des pays rhénans. Quant aux mines du bassin de la Sarre, rien de plus légitime que d’en attribuer le profit à la France, comme compensation aux destructions de mines opérées par les Allemands. Mais n’y aurait-il pas moyen d’assurer ce profit à notre pays sans annexer les habitants ? // M. Seignobos croit qu’une occupation militaire, rendue nécessaire pour garantir le payement de l’indemnité qu’on devra exiger de l’Allemagne, pourrait permettre de régler la question
Comité d’études, 1918 : 129
Non sans réticences, le Comité d’études renonça au projet d’une annexion politique de la Sarre au profit d’une occupation temporaire autorisant l’Allemagne à tirer profit des charbonnages et des entreprises de la région à titre de réparations de guerre. Par ce moyen, la France pouvait relancer sa métallurgie gravement atteinte par la guerre, tout en délogeant l’ennemi d’une position stratégique. En mettant ainsi de l’avant des motifs relevant uniquement de la guerre en cours et limités à la seule exigence de réparations et de garanties, on n’avait pas à faire valoir des raisons géographiques ou historiques qui, en la circonstance, pouvaient être aussi compliquées à mettre en oeuvre qu’elles prêtaient à controverse. Encore là, l’impératif diplomatique pesa de tout son poids sur la conscience des membres du Comité d’études, mais il n’enlevait rien aux ressentiments et aux craintes qu’inspirait l’Allemagne. Aussi, pour le Comité d’études, la question de la Sarre ne pouvait se réduire à des arrangements économiques aux fins des seules réparations de guerre. À travers elle et par-delà, c’était l’Allemagne, dont on ne doutait pas de la faute, des inclinations et des intentions, qu’il fallait assujettir militairement pour la corriger, comme le plaida vigoureusement le secrétaire du comité, le géographe Emmanuel de Martonne, lors de la séance du 11 juin 1917, quand il fut à nouveau question de la Sarre. Le procès-verbal ne laisse aucun doute à cet égard :
M. E. de Martonne ne craint pas d’humilier l’Allemagne. Il estime au contraire que la chose est nécessaire. Les grandes qualités des Allemands, que nul n’admire plus que lui, ont été changées en vices par un phénomène d’intoxication, par une sorte d’ivresse entretenue en surexcitant l’orgueil national. Nous avons affaire à un peuple malade, qu’il s’agit de guérir, comme un alcoolique, dans l’intérêt de la Société des Nations[28], aussi bien que dans son propre intérêt. L’occupation militaire sera le signe incontestable montrant à tous les Allemands qu’on les a trompés. C’est un remède brutal, mais le seul dont l’efficacité puisse être garantie[29].
Le bassin de la Sarre de Vidal de la Blache et de Gallois provient donc directement des travaux du Comité d’études. Pour l’essentiel, son contenu et son esprit y trouvent leur origine. Ainsi, trois des quatre textes qui, par la suite, composeraient l’ouvrage avaient été conçus dans la perspective de définir des buts de guerre. En ce qui concerne la Sarre, l’idée d’une annexion à la France n’était pas exclue. Vidal et Gallois l’avaient à ce moment envisagée et en avaient même fait la promotion. L’heure était à exprimer un point de vue français, où l’Allemagne demeurait cet ennemi qui avait naguère arraché des territoires à la patrie, qui encore l’attaquait sur son propre sol et qui, même une fois vaincu, constituerait une menace. Le Comité d’études ne pouvait cependant ignorer l’envergure internationale que prendraient les négociations de paix qui, tôt ou tard, allaient advenir. Certes, les Fourteen Points de Wilson n’avaient pas encore été énoncés – ils le seraient le 8 janvier 1918 –, mais le Comité d’études avait déjà pris conscience des aspirations qui les préparaient.
Annales de Géographie
L’Alsace-Lorraine et la frontière du Nord-Est, premier rapport du Comité d’études, eut une diffusion restreinte. Il ne fut pas rendu public. Il ne fut pas non plus considéré comme un document officiel par les délégués français aux négociations de paix. Il n’en circula pas moins auprès de plusieurs représentants étrangers réunis à Paris pour l’occasion (Benoist, 1932 ; Lowczyk, 2010 ; Ginsburger, 2010). Il ne fut jamais réimprimé après coup. Parce qu’il en rééditait des extraits pour les faire connaître publiquement, Le bassin de la Sarre était à ce titre une exception[30].
Or cette exception n’était pas le seul fait de cet ouvrage, puisqu’un numéro des Annales de Géographie, daté du 15 juillet 1919, avait déjà repris les mêmes extraits (figure 8). On avait regroupé dans ce numéro (tome 28, no 154) quatre textes sur la Sarre, dont trois seraient repris intégralement dans Le bassin de la Sarre. Les trois articles plus tard réédités dans cet opuscule sont « La frontière de la Sarre d’après les traités de 1814 et 1815 », de Vidal de la Blache, « Le bassin houiller de la Sarre », de Gallois, et « La répartition de la population dans le bassin de la Sarre et les régions environnantes », de Gallois également. Il n’est pas anodin de préciser que, dans sa version des Annales de Géographie comme dans celle dans Le bassin de la Sarre, le texte de Gallois intitulé « Le bassin houiller de la Sarre » reprend seulement la première partie du chapitre « Le bassin houiller de Sarrebruck, étude économique et politique » publié par le Comité d’études. Ainsi, il y est amputé de la seconde partie où avait été présenté un projet d’annexion de la Sarre à la France. Par ailleurs, dans les Annales de Géographie, les articles sur la Sarre provenant du rapport du Comité d’études sont coiffés d’un autre texte de Gallois, « La paix de Versailles. Les nouvelles frontières de l’Allemagne » qui, pour sa part, n’est pas repris dans Le bassin de la Sarre, sinon pour l’un de ses passages. Cet extrait y est intégré dans un texte largement inédit, « Les clauses du traité de Versailles », où Gallois explique, comme mentionné plus haut, le statut de la Sarre à l’issue de la Grande Guerre.
Dans la mesure où il fut publié à peine deux semaines après la signature du traité de Versailles (28 juin 1919), ce dossier des Annales de Géographie sur la Sarre est assurément en relation directe avec les lourdes décisions qui venaient d’être prises. S’agissait-il de marquer une objection au traité relativement à la Sarre ? Cela paraît peu probable étant donné le retrait du long passage, dans l’un des textes de Gallois, sur les raisons et la manière d’annexer cette région. En fait, il n’y avait pas nécessairement matière à une franche opposition, puisque le traité de Versailles sanctionnait l’idée, déjà formulée en compromis par le Comité d’études, d’une occupation de la Sarre aux fins des réparations de guerre. De plus, la planification d’un référendum pour déterminer, dans 15 ans, le destin national de la Sarre n’excluait pas que la France pût à terme être rétablie dans ses prétendus droits, fondés, comme l’avait interprété le Comité d’études, sur la géographie et l’histoire de la région. D’ailleurs, les textes réédités dans les Annales de Géographie, en confortant cette conviction auprès des géographes et de leurs amis, pouvaient s’avérer opportuns dans cette perspective.
Première édition
Les études de Vidal de la Blache et de Gallois sur la Sarre trouvaient certainement, par la voie des Annales de Géographie, des lecteurs avertis. Leur nombre était néanmoins limité, puisque la revue, bien que réputée, s’adressait essentiellement aux spécialistes de la géographie ou à ceux qui s’intéressaient à cette discipline. Réunies au sein d’un ouvrage publié chez un éditeur connu et bien distribué, ces études pouvaient gagner un auditoire élargi. À propos de cette édition, la principale question bibliologique qu’il reste à éclaircir concerne sa date de sortie, à commencer par son année de publication qui n’est nulle part indiquée dans le livre. En fait, la seule assurance a priori à ce sujet est que l’ouvrage fut publié après le numéro 154 des Annales de Géographie dont il reprend de larges extraits. Aussi, Le bassin de la Sarre sortit après le 15 juillet 1919, mais quand exactement ?
Les catalogues bibliographiques récents ou actuels ne concordent pas sur ce point, balançant entre 1919 et 1920, quand ils ne s’abstiennent pas de mentionner une date. Le catalogue de la Bibliothèque nationale de France ne cite aucune date de publication, sinon en référence à la seconde édition, de 1923. Le Comité des travaux historiques et scientifiques retient également 1923 dans sa notice bibliographique sur Vidal de la Blache, tout en préférant, pour le même ouvrage, la mention sans date (sd) dans celle sur Gallois. Des bases documentaires telles que Gallica, OCLC WorldCat et Sudoc mentionnent 1919, 1920 ou renoncent à le dater. La Bibliothèque de documentation internationale contemporaine est muette sur l’année d’édition de l’ouvrage. La bibliographie de Vidal de la Blache rassemblée en 1984 par Howard Andrews indique 1919. De leur côté, la Library of Congress de Washington et le Portail des bibliothèques et centres de documentation du ministère des Armées estiment que l’ouvrage a été publié en 1919. Enfin, une bibliographie sélective effectuée par la Bibliothèque de France en 2018 (à l’occasion du centenaire du décès de Vidal de la Blache) n’inclut aucune notice bibliographique sur Le bassin de la Sarre.
Même les bibliographies de l’époque ne sont pas d’une grande précision. Étonnamment, la Bibliographie géographique, pourtant proche des cercles vidaliens, ne comprend aucune entrée concernant l’ouvrage dans ses numéros de 25 à 29, regroupés en un seul volume en 1921, pour faire part des titres parus de 1915 à 1919. Seule une publicité de l’éditeur Armand Colin, qui annonce des nouveautés, le mentionne en dernière page. Quant aux fameux Petermanns Geographische Mitteilungen, l’ouvrage y est recensé deux fois. La première référence propose 1921 comme date de publication ; la seconde la déclare inconnue en indiquant o.J. (soit ohne Jahr, littéralement sans année et équivalent de l’expression française « sans date »).
La presse généraliste recèle toutefois la réponse. En effet, le Journal des débats politiques et littéraires, l’Excelsior et Le Temps, dans leur livraison du 9 ou du 10 octobre 1919, signalèrent l’édition de l’ouvrage, ce qui autorise à penser que Le bassin de la Sarre était déjà disponible à la fin de septembre de la même année. Un avis de parution diffusé dans le numéro 155 des Annales de Géographie daté du 15 septembre 1919 (figure 9)[31], conforte de surcroît cette idée.
L’ouvrage parut donc au moment de la ratification du traité de Versailles par les instances supérieures de la République française. Dès le 3 juillet 1919, une commission parlementaire avait été constituée pour étudier le traité. L’objectif était de vérifier si l’entente servait les intérêts supérieurs de la France. Malgré une opinion générale plutôt favorable, un courant soutenait que la France avait trop concédé (Becker, 2002 : 107-110). Cette critique ne s’attachait pas principalement à la Sarre. Elle concernait avant tout la garantie militaire qu’avait obtenue la France de l’Angleterre et des États-Unis d’Amérique en vue de la défendre contre l’Allemagne en cas d’une nouvelle agression. D’aucuns, dont le maréchal Ferdinand Foch qui avait mené les armées interalliées à la victoire et assuré l’occupation de la Rhénanie prévue par l’armistice (Krumeich, 2012 : 604), estimaient qu’il eût mieux valu soustraire toute la rive gauche du Rhin au territoire allemand et non simplement prévoir sa démilitarisation et son occupation pendant 15 ans. Déjà, pendant les négociations de paix, Foch avait tenté, mais sans succès, de faire valoir ce point de vue, qui heurtait le droit des nations, érigé en principe de la paix par le président étasunien. En même temps, une telle sanction eût trop bouleversé l’équilibre européen en affaiblissant outre mesure l’Allemagne qui, par ailleurs, perdait de larges portions de territoire (Becker, 2002 : 5-52 ; Becker et Krumeich, 2008 : 286-287)[32]. L’argument, qui avait malgré tout des partisans en France, fut repris quand il fallut procéder à la ratification du traité de Versailles, mais ne put la contrecarrer (Becker et Krumeich, 2008 : 291). En parallèle, on jugea approprié de rappeler au grand public ce qu’était la Sarre et ce qu’il en advenait, en republiant ce que deux géographes estimés, qui y voyaient avant tout l’oeuvre de la France, avaient pu en dire.
Seconde édition
Le bassin de la Sarre fut réédité en 1923 chez le même éditeur, Armand Colin, mais dans un format différent[33] et sous un titre retouché, puisque le segment « Clauses du traité de Versailles » en fut retiré. Cette fois, l’année de publication y était indiquée. Le contenu de l’ouvrage est le même qu’à la première édition[34], sans mise à jour des statistiques[35]. Les différences concernent la correction de coquilles[36], l’usage d’une nouvelle règle typographique[37] et un changement dans le paratexte[38].
À l’époque, l’histoire mouvementée de l’après-guerre subissait une autre secousse. Les réparations de guerre, que l’Allemagne devait verser à partir de 1920, suscitaient de fortes tensions (Imbert, 1935), alors que la sécurisation de la Rhénanie en inquiétait encore plusieurs (Becker, 2002 : 116-117). L’Allemagne, accablée par l’hyperinflation (Feiertag, 2012 : 837-840), fit immédiatement défaut de paiement et l’agitation sociale s’y intensifia[39]. En janvier 1923, la Belgique et la France, dans l’espoir de s’assurer des réparations de guerre, occupèrent la Ruhr (Becker et Krumeich, 2008 : 306). Revêtue d’une nouvelle actualité, la question allemande pouvait justifier de revenir sur une problématique certes incidente dans le débat en cours, mais tout de même reliée, en republiant Le bassin de la Sarre[40].
Conclusion
Il se dégage de l’analyse bibliologique que la seule contribution de Paul Vidal de la Blache au Bassin de la Sarre, publié au début de l’automne 1919, réside dans le chapitre dont il est l’auteur. Et encore là, ce chapitre n’est qu’une reprise d’un texte rédigé dans un autre contexte, au cours des premiers mois de 1917. Par ailleurs, aucun indice ne laisse croire que Vidal n’eût à ce moment, et jusqu’à son décès en avril 1918, le projet d’un ouvrage sur la Sarre coécrit avec son collègue Lucien Gallois. Ses carnets n’en font pas mention[41]. Les archives de l’éditeur Armand Colin et des Annales de Géographie, muettes relativement à cette époque selon les informations reçues, ne permettent pas non plus d’en attester. Il reste à compulser la correspondance personnelle de Vidal, autre que celle déjà diffusée[42]. Si elle recelait l’intention d’une publication sur la Sarre à partir des matériaux tirés du Comité d’études, il faudrait espérer qu’elle en dévoile également les motifs. En l’état actuel des connaissances, la raison d’être du Bassin de la Sarre, en tant qu’ouvrage, semble n’appartenir qu’au seul Lucien Gallois, qui en conçut une édition séquencée selon trois circonstances critiques d’après-guerre : la signature du traité de Versailles le 28 juin 1919 (le dossier dans les Annales de Géographie), sa ratification par le parlement français en octobre 1919 (première édition) et sa quasi-rupture en 1923 (seconde édition). Dans cette condition, l’attribution de l’ouvrage à Vidal semble avant tout reposer sur le simple fait qu’un chapitre était de sa plume, de même qu’elle témoigne possiblement d’une déférence d’un élève envers son maître.
Cela étant dit, il convient de distinguer la volonté de publier un ouvrage et l’adhésion à ce qui y est exprimé. Certes, Vidal, disparu au printemps 1918, n’avait pas connu la fin de la Grande Guerre et encore moins les conditions de paix qui en découlèrent. Il pouvait néanmoins anticiper cette issue, car il avait participé aux travaux du Comité d’études, créé en février 1917 pour contribuer à la définition des buts de guerre de la France. Ce fut d’ailleurs là la circonstance qui l’avait amené à rédiger son étude historique sur les frontières de la Sarre. Or ce comité avait confronté maintes options et il s’y dégageait déjà que la volonté d’annexer la Sarre, pourtant légitime aux yeux de la plupart de ses membres, dont Vidal, risquait de compromettre le consensus nécessaire à l’aboutissement des négociations de paix. A minima, le Comité n’en caressait pas moins l’espoir d’une occupation temporaire à des fins économiques. Seulement, peut-on déduire de cette conjoncture une volonté vidalienne de, plus tard, publier un ouvrage pour nuancer, voire pour remettre en cause, la position qui, de son vivant, semblait devoir à terme s’imposer ? Il est plus probable que Gallois en décida seul au vu du débat sur le traité de Versailles qui faisait alors l’actualité. Vidal eût ainsi été mobilisé dans une entreprise éditoriale pour défendre une opinion que, sans plus, on pouvait par extension lui prêter.
L’étude bibliologique qui vient d’être menée ne peut confirmer que Le bassin de la Sarre a été produit et publié selon la volonté de Vidal. Elle indique toutefois que Vidal était animé de motifs politiques au moment d’écrire le texte qui serait plus tard publié sous son nom, dans l’ouvrage. En effet, comme Gallois, Vidal avait fait la promotion au sein du Comité d’études d’un projet d’annexion de la Sarre à la France et s’était rallié au compromis diplomatique que le même comité avait finalement accepté, compromis que le traité de Versailles concrétiserait à terme. Mais est-ce que ce motif politique transparaît dans son texte ? Certes, Vidal y insiste de manière certainement partisane sur les bienfaits prodigués à la Sarre par la France, mais il n’y prône aucune option politique expressément. Cette réserve transparaît d’ailleurs dans tout Le bassin de la Sarre, judicieusement dépourvu d’introduction et de conclusion sous cet angle.
En fait, il pouvait difficilement en être autrement. À bien y penser, il n’était pas opportun, après la signature du traité de Versailles, que des intellectuels dérogeassent publiquement d’une position officielle qu’ils venaient en quelque sorte de justifier à l’invitation des cercles du pouvoir. De plus, aux yeux de la seule science qu’ils représentaient désormais, ils n’avaient pas la capacité, par statut ou par mandat, d’exprimer ouvertement une position politique à ce propos. Sans compter que le sujet, propice au débat à cette époque, pouvait, si on prenait parti, susciter ou entretenir de fâcheuses et inutiles mésalliances. Il n’empêche que Vidal de la Blache et Gallois avaient reconnu, sur la base d’une connaissance de la géographie de la Sarre, le caractère français de cette région et avaient défendu en conséquence la légitimité de la France à vouloir le maintenir. Aussi pouvait-il être tentant, pour Gallois, de revenir discrètement à la charge, ne fût-ce que pour exposer la science géographique qui en attestait, tout en laissant la question politique en suspens. La solution offrait l’avantage d’éloigner la réflexion politique sur la Sarre du piège des circonstances immédiates en laissant à une « étude historique et économique » de la région le soin d’inspirer une solution qui pourrait bien trouver une autre occasion de se réaliser. Ainsi s’entrevoit l’hypothèse d’un engagement politique envers la Sarre exprimé à la faveur d’une description géographique de cette région et au risque d’asservir la géographie à cette fin. Or, pour explorer cette hypothèse, il faut maintenant soumettre Le bassin de la Sarre à un examen textologique, que nous proposons de mener dans un second article.
Appendices
Annexe
Nomenclature et trajectoire éditoriale des textes et des illustrations composant Le bassin de la Sarre
Le tableau indique la correspondance des textes et les illustrations de la première édition, de septembre 1919, de l’ouvrage Le bassin de la Sarre (colonne de gauche) avec leurs versions préalables parues en juillet 1919 dans le numéro 154 des Annales de Géographie (colonne centrale) et au début 1918 dans le rapport du Comité d’études (colonne de droite).
Une cellule du tableau est réservée à un seul texte. Quand un texte comprend des sections et des illustrations, celles-ci sont détaillées. Les éléments (textes, sections ou illustrations) absents d’une édition précédente ou ultérieure sont indiqués, là où c’est le cas, par la mention « sans objet ».
Notes
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[1]
Parmi une très abondante littérature relative à ces deux géographes, voir notamment Bourgeois (1920), Martonne (1941), Charle (1985), Havelange et al. (1986), Berdoulay (1995), Tissier (1996), Claval (1998), Berdoulay et Soubeyran (2003), Robic (2006), Ozouf-Marignier et Robic (2008), Mercier (2009), Pinchemel (2011) et Robic et Tissier (2018).
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[2]
Même si ces territoires perdus au profit du Reich allemand en 1871 n’animaient plus un sentiment de revanche (Becker et Krumeich, 2008 : 19 et passim), la restitution de l’Alsace et de la Lorraine fut le premier but de guerre de la France (Duroselle, 1966 : 10), ce que le président de la République Raymond Poincaré réitéra à maintes occasions durant le conflit (Champagne, 2008 ; MacMillan, 2013 : 518). En 1915, le gouvernement de la République constitua une conférence d’Alsace-Lorraine dont la mission était de préparer le retour à la France de ce territoire. Pour sa part, Georges Clemenceau, président du Conseil, forma le 15 septembre 1918 un Service général d’Alsace-Lorraine qui, sans avoir à se coordonner avec la conférence déjà à l’oeuvre par ailleurs, poursuivait la même fin (Roth, 2012 : 702). Le soutien des alliés de la France à ce sujet était très ferme. Les Fourteen Points, que le président américain Woodrow Wilson énonça le 8 janvier 1918, en témoignèrent éloquemment. Ainsi, le retour de l’Alsace-Lorraine à la France était-il déclaré essentiel non seulement pour rendre justice à ce pays, mais plus encore pour assurer la paix mondiale : « All French territory should be freed and the invaded portions restored, and the wrong done to France by Prussia in 1871 in the matter of Alsace-Lorraine, which has unsettled the peace of the world for nearly fifty years, should be righted, in order that peace may once more be made secure in the interest of all ». Leur idéalisme ayant dû parfois céder à d’autres considérations, les Fourteen Points du président Wilson, auxquels se ralliaient tous les membres de l’Entente (Kaspi, 2012 : 664), ne purent se traduire entièrement dans le traité de Versailles, qui fixa les termes de la paix avec l’Allemagne. Conforme au voeu de la France, l’ambition wilsonienne concernant l’Alsace-Lorraine s’y réalisa toutefois pleinement (voir la section V du traité de Versailles), sans même qu’un référendum ne fût exigé pour en garantir l’approbation populaire. En réalité, le traité de Versailles ne fit que confirmer ce qui avait déjà été établi dans l’armistice signé le 11 novembre 1918, dont l’article II définissait l’Alsace-Lorraine comme faisant partie d’un « pays envahi » que l’Allemagne, au même titre que la Belgique et le Luxembourg, s’engageait à évacuer sur-le-champ. Cela signifie que l’Alsace-Lorraine ne fut pas un objet de négociation au moment de l’élaboration du traité de paix. Ainsi, tout débat sur le caractère allemand de ce territoire put être évité. Or, comme ce caractère s’était accentué depuis le traité de Francfort de 1871, il eût certainement été risqué de tenir un tel référendum. Non pas que l’exercice eût pu révéler une majorité allemande, mais un nombre suffisant qui eût exigé, au nom même des principes adoptés pour les négociations de paix, le respect du droit de la minorité (Becker, 2002 : 47). Bref, l’Alsace-Lorraine, dont la valeur patriotique était très élevée dans l’opinion française, échappa au débat territorial que la fin de la Grande Guerre suscitait. Aussi, réclamer son retour dans le giron français ou en expliquer les raisons était faire profession d’une ferveur patriotique largement partagée et, au surplus, approuvée par les alliés. Sur la position des intellectuels français de l’époque, dont Paul Vidal de la Blache, en faveur de la restitution de l’Alsace-Lorraine, voir notamment Heffernan (2001).
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[3]
Parmi les opposants allemands aux visées françaises sur la Sarre, signalons le sociologue Max Weber (1864-1920) qui exprima sa position à ce sujet dans un discours prononcé à l’université d’Heidelberg, le 1er mars 1919 : « L’appartenance économique de la Sarre à l’Allemagne » (Weber, 2015[1919] : 119-129). Rappelons que Weber fut par ailleurs à l’origine d’un mouvement d’intellectuels allemands visant à prouver que l’Allemagne n’était pas responsable du déclenchement de la guerre (Becker, 2002 : 103).
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[4]
Avant la Grande Guerre, la Sarre ne constituait pas une unité administrative en soi. Elle appartenait en grande partie à la Prusse rhénane, le reste relevant du Palatinat bavarois. Lors des négociations de paix, l’accord sur la Sarre advint au début d’avril 1919 sur la base d’un compromis formulé le 28 mars par le premier ministre anglais Lloyd George (Tardieu, 1921 : 299-300 ; Duroselle, 1966 : 10-11 ; MacMillan, 2003 : 198-199). Un territoire du bassin de la Sarre fut délimité, dont la gouverne était confiée à une commission. Les membres de la commission de gouvernement furent nommés en février 1920. Des troubles éclatèrent peu après, de sorte qu’il fallut proclamer la loi martiale et appeler l’armée française pour rétablir l’ordre (Duroselle, 1966 : 10-11). Comme prévu, le référendum fut tenu en 1935. Les résultats furent non équivoques. Pas moins de 98 % des 540 000 électeurs se prononcèrent, et plus de 90 % des voix exprimées favorisèrent l’unification à l’Allemagne. Près de 9 % étaient en faveur du statu quo, soit la prolongation du mandat de la Société des Nations, et 0,4 % pour le rattachement à la France. MacMillan (2003 : 195) estime que la Sarre, en 1919, comptait 650 000 habitants, dont la plupart étaient allemands d’origine et de culture. La Sarre fut sous protectorat français après la Seconde Guerre mondiale, avant d’être réunifiée en 1957 à l’Allemagne (Keegan, 1989 : 190-191), dont elle forme aujourd’hui l’un des 16 Länder, le Saarland.
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[5]
Le traité de Versailles déclara l’Allemagne et ses alliés responsables du déclenchement de la guerre (art. 231). S’exprimait là un jugement largement partagé en France (Becker, 2002 : 37), où la Grande Guerre cristallisa la conviction, déjà largement acquise, du militarisme allemand. Ce penchant était plus encore attribué à la Prusse qui, grandement en raison de sa culture militaire, avait acquis un fort ascendant sur le Reich allemand qu’elle avait conduit, à la faveur d’une victoire sur la France, sur les fonts baptismaux, en 1871. Les cercles intellectuels français n’étaient pas en reste à ce sujet. On y déplorait largement, mais avec plus ou moins d’élan, le bellicisme allemand et plus encore prussien, quitte à y ajouter, comme chez Vidal de la Blache, une certaine admiration pour la science allemande (Vidal de la Blache, 1898 ; Berdoulay, 1995 : 27 et suiv. ; Mercier 1995). Le sociologue Émile Durkheim (1858-1917), pour sa part, considérait que le militarisme et la guerre étaient au coeur de la mentalité allemande, ce qu’il dénonça vigoureusement dans son ouvrage L’Allemagne au-dessus de tout (1915). Sa philippique s’attaquait plus spécifiquement aux thèses de l’influent historien Heinrich von Treitschke (1834-1896) dont la doctrine attestait, selon Durkheim, que la morale et la société n’avaient d’autre fin, en Allemagne, que se fondre dans un État essentiellement guerrier (Treitschke, 1919). Notons que cet ouvrage de Durkheim a été publié chez Armand Colin dans la collection « Études et documents sur la guerre », dont le but était, selon les mots mêmes de l’auteur, « de dépeindre l’Allemagne telle que la guerre nous l’a révélée » (2015[1915] : 57). Cette collection était dirigée par un comité composé d’éminents intellectuels français, dont Ernest Denis, Ernest Lavisse et Charles Seignobos, avec qui Vidal de la Blache collabora durant la guerre au sein du Comité d’études, organisme qui fut, comme nous l’expliquons plus loin dans cet article, à l’origine de l’ouvrage Le bassin de la Sarre.
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[6]
Dans sa note d’ouverture, Gallois précise que le chapitre II, celui rédigé par Vidal de la Blache, provient du rapport du comité d’études. On peut s’étonner qu’il ne mentionne pas qu’il en est de même pour les chapitres III et IV. Nous reviendrons sur cette question dans la deuxième partie de notre étude.
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[7]
Les réparations, qui occupent une place déterminante dans le traité de Versailles, sont davantage que de simples indemnités (Becker, 2002 : 40 et suiv.). En ce cas, les réparations étaient justifiées par la faute morale commise par les responsables de la guerre et par les destructions massives qui en découlèrent. Autrement dit, les réparations symbolisaient la culpabilité de l’Allemagne et de ses alliés relativement au déclenchement de la guerre et aux graves dommages que leurs victimes en subirent.
-
[8]
Selon Lacoste (1979, 1994 et 2003), Vidal de la Blache aurait opéré un virage épistémologique majeur à la fin de sa vie. La France de l’Est, ouvrage paru en 1917, aurait été l’occasion et le révélateur de cette transformation en profondeur. Vidal aurait alors porté son regard sur le rôle fondamental de l’industrialisation, de l’urbanisation et de la démocratisation. Si ces thèmes sont bel et bien présents dans La France de l’Est, le jugement porté par Lacoste n’en dénote pas moins une lecture tronquée de l’évolution de la pensée vidalienne, puisque ces questions traversaient la pensée vidalienne depuis longtemps. En effet, Vidal n’avait pas manqué auparavant d’étudier – et même d’encourager – les facteurs géographiques de la modernisation économique et, plus encore, du progrès social. Son adhésion au mouvement régionaliste et le plaidoyer qu’il avança à cet effet témoignent notamment de l’antériorité, chez lui, d’une géographie économique et politique résolument ancrée dans le présent et engagée dans l’avenir (Ozouf-Marignier et Robic, 1995 ; Mercier, 1998 et 2001). Aussi, notre perspective n’est pas d’étayer la thèse d’un renouveau tardif des « orientations théoriques » de Vidal (Lacoste, 1994 : XXXVIII), mais de comprendre comment le géographe, dans un ultime exercice intellectuel encore à éclaircir, modula sa pensée pour interpréter la situation sarroise.
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[9]
L’édition de 1923 du Bassin de la Sarre n’est pas incluse dans le tableau, car le texte est identique à celui de la première édition. Aussi, en ce qui concerne cette édition, seul le moment de la publication est considéré aux fins de la présente étude bibliologique.
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[10]
Parfois également nommé « Comité d’études sur la conférence de paix ».
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[11]
En même temps qu’il créait le Comité d’études, le président du Conseil délégua à Saint-Pétersbourg son ministre des Colonies, Gaston Doumergue, pour discuter d’un soutien financier de la France à la Russie. Lors des négociations, qui s’étendirent du 2 au 21 février 1917, des discussions eurent lieu en parallèle sur les buts de guerre. La Russie promit alors son soutien aux « revendications de la France sur l’Alsace-Lorraine, sur le bassin houiller de la Sarre, sur la séparation et l’occupation de la rive gauche du Rhin » (Droz, 1959 : 540). En retour, la France devait laisser libre cours aux demandes de la Russie concernant sa frontière avec la Pologne. Aristide Briand y donna son accord le 11 mars 1917, mais six jours plus tard le régime tsariste fut emporté et cet accord franco-russe avec lui (ibid.).
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[12]
Ni Aristide Briand ni Raymond Poincaré ne participèrent aux négociations de paix. Ils en furent écartés par Georges Clemenceau. Ce dernier, nommé président du Conseil et ministre de la Guerre en novembre 1917, reçut la confiance du parlement en décembre 1918 pour représenter la France à la conférence de Paris qui réunissait les alliés et leurs associés dans le but de préparer les traités devant mettre un terme diplomatique à la guerre. Pourtant responsable de la politique étrangère à titre de président de la République, Poincaré aurait été trop intransigeant, aux yeux de Clemenceau (Deperchin, 2012a : 612). Celui-ci était en effet convaincu que la France, dans la guerre comme dans la paix, avait besoin de ses alliés et que cette alliance exigeait des sacrifices que plusieurs, d’après lui, n’étaient pas prêts à faire (Becker, 2002 : 34). Par ailleurs, tout investi dans l’effort de guerre et ensuite dans la négociation de la paix, Clemenceau aurait eu peu d’intérêt pour les travaux du Comité d’études. Lorsque la guerre battait encore son plein, il aurait même suspecté de défaitisme toute discussion sur les buts de guerre (Deperchin, 2012a : 618). Après la signature du traité de Versailles, Poincaré dénonça les compromis que Clemenceau avait consentis relativement à la Rhénanie, estimant que la sécurité de la France s’en trouvait menacée. Briand, ministre des Affaires étrangères en 1921, s’engagea pour sa part dans une politique d’exécution du traité de Versailles. Dans cet esprit, il s’apprêtait à signer un accord à la conférence de Cannes en 1922 où, en contrepartie d’un moratoire sur les réparations, la France eût obtenu de l’Angleterre des garanties de sécurité en Rhénanie. Poincaré, alors président du Conseil, rejeta cette option, obtint la démission de Briand et encouragea en sous-main le séparatisme rhénan, avant d’ordonner une occupation militaire de la Ruhr en janvier 1923, occupation qui cessa en août 1925. En 1930, à nouveau ministre des Affaires étrangères et désormais champion d’une union fédérale de l’Europe, Briand procéda à l’évacuation de la Rhénanie par l’armée française, soit quatre ans avant ce que le traité de Versailles avait prévu (Sirel, 2003).
-
[13]
En réunissant essentiellement des universitaires, le Comité d’études dénotait une volonté d’instituer la paix sur les bases rationnelles. La conférence de Paris, d’où sortirent le traité de Versailles et plusieurs autres à sa suite pour clore la Grande Guerre, fut à ce titre emblématique, car elle reposa sur une expertise scientifique qui prolongeait celle que le conflit avait également mobilisée (Deperchin, 2012a : 615 ; MacMillan, 2013 : 317 et suiv.). Il n’en demeure pas moins que les négociations de paix furent menées non par des experts des peuples et des territoires, historiens, géographes ou autres, ni même par des diplomates de carrière, mais par des politiciens, chefs d’État ou de gouvernement de surcroît pour les principaux protagonistes (Clemenceau, Wilson, Lloyd George et Orlando), ce qui marquait là aussi une nouveauté (MacMillan, 2003). D’après Graig (1967), cette politisation de la négociation de la paix correspondait au fait que la Grande Guerre avait été non seulement totale, dans la mesure où elle avait engagé autant les peuples et toutes leurs ressources que les armées, mais aussi hautement idéologique, en ce sens qu’elle avait été conduite sans compromis et sous la coupe d’une intense propagande. Or, cette paix politique, soutient Roth (1967), le président américain, dont les Fourteen Points avaient donné le ton, la voulait apte à assurer la coexistence future des peuples à l’échelle internationale – rêvant même de la proclamer sans vainqueurs (Becker et Krumeich, 2008 : 285) –, alors que ses alliés comptaient plutôt solder des conflits anciens dont la Grande Guerre n’avait été, finalement, que l’aboutissement (Deperchin, 2012b). À terme, le traité de Versailles balança entre ces deux pôles, l’un idéaliste et généreux, l’autre pragmatique et protecteur. Au nom de l’idéalisme, la Société des Nations fut créée, de même qu’on s’efforça de maintenir ou de découper le territoire des États en respectant au mieux l’emprise géographique des peuples (Becker, 2002). Mais cette noble disposition dut s’accommoder de plusieurs exemptions au droit des nationalités (Becker et Krumeich, 2008 : 288 et passim) et, surtout, elle n’empêcha pas le vae victis, notamment pour l’Allemagne, qui fut déclarée principale responsable de la guerre (article 231 du traité de Versailles) et condamnée à verser des réparations, dont la lourdeur parut injuste à plusieurs. Et comme ce montant restait à être négocié après la signature du traité, il en résulta, déplorèrent Churchill (1929 et 1985) et de nombreux autres, des tensions faisant que les conditions de paix étaient aussi facteurs du prolongement des conflits entre plusieurs des États concernés. Cette issue montre que le traité de Versailles, s’il mobilisa comme jamais des intellectuels aux fins d’une négociation de paix, les marginalisa finalement tout autant, puisque la politique, parallèlement, s’y engageait encore davantage en revendiquant sa prépondérance. Après la guerre, Clemenceau, pour sa part, ne manqua pas de rappeler aux orgueilleux intellectuels qu’ils n’avaient été en la circonstance que simples conseillers. À ce propos, il écrivit, au terme de sa longue vie : « Les politiciens, en tous pays, ne sont pas nécessairement des intellectuels. Il n’est donc pas étonnant que les professionnels de la “culture” cèdent à l’envie de les éclairer. Longtemps encore, les gouvernants demeureront, sans doute, d’empirisme chanceux. Dès lors, point de surprise si des hommes, très différents de doctrine, se mettent volontiers en devoir de prodiguer leurs lumières à ceux qui se dépensent dans les convulsions de leur temps. Cependant, puisqu’il est reconnu que les savants eux-mêmes ont le droit de se tromper, peut-être serait-il bon qu’ils consentissent à tourner et à retourner leur plume avant de s’exprimer » (Clemenceau, 2008 : 223-224).
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[14]
Lorrain ayant goûté à la domination prussienne en sa jeunesse messine, Lucien Gallois (1857-1941) était réputé, selon Blanchard (1941 : 505), pour avoir désiré « mettre toutes ses forces au service de la patrie blessée ». Fidèle disciple de Vidal de la Blache, il le seconda aux Annales de Géographie et pilota, en leurs deux noms, la Géographie universelle dont la publication s’étala de 1927 à 1948 (Ozouf-Marignier et Robic, 2008).
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[15]
Successeur de Vidal de la Blache à la chaire de géographie de la Sorbonne, Emmanuel de Martonne (1877-1955) fut, de 1920 à 1952, secrétaire général du Comité national français de géographie, de même que secrétaire et ensuite président de l’Union géographique internationale, de 1931 à 1949. Il était aussi gendre de Vidal de la Blache (Charle, 1986 ; Galochet, 2020 : 21-24; Galochet et Veyret, 2020 : 71-74).
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[16]
Les autres membres originaux du Comité d’études étaient Alphonse Aulard, Ernest Babelon, Charles Benoist, Émile Bourgeois, Arthur Chuquet, Antonin Débidour (décédé avant la première réunion du Comité), Ernest Denis, Camille Jullian, Christian Pfister et Charles Seignobos.
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[17]
Alors que la révolution bolchévique abattait les derniers reliquats du tsarisme, la Russie invita tous les belligérants à une paix générale, en octobre 1917. Le 15 décembre suivant, le Reich allemand et la double monarchie austro-hongroise consentirent un armistice à l’armée russe, en passe de devenir l’Armée rouge. Insatisfaite des négociations de paix qui traînaient en longueur, l’Allemagne reprit l’offensive et s’enfonça profondément vers l’est, imposant à la Russie, en mars 1918, le traité de Brest-Litovsk, dans lequel le Reich s’arrogeait de larges territoires, ce à quoi le traité de Versailles, en juin 1919, tenta de remédier.
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[18]
Comme mentionné dans l’ouvrage, « [L]es rapports publiés dans ce volume ont été présentés et discutés dans quatorze séances, les 19 mars, 26 mars, 23 avril, 30 avril, 7 mai, 14 mai, 21 mai, 4 juin, 11 juin, 18 juin, 25 juin, 2 juillet, 12 novembre et 19 novembre 1917 » (p. V). À cela s’ajoute la séance d’ouverture du 28 février 1917, elle-même précédée d’une « conférence préliminaire » le 23 février (p. IV). Le document est daté de 1918. Dans le procès-verbal de la séance du 28 janvier 1918, il est mentionné qu’à cette date le document est sous presses (Ginsburger, 2010 : 1565-1566).
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[19]
Cette idée du Rhin comme fleuve à vocation résolument européenne, défendue par le Comité d’études, était depuis longtemps chère à Vidal de la Blache, comme en témoignent maints passages de son ouvrage de 1889, Autour de la France : États et nations de l’Europe. On remarque que l’Atlas général de Vidal (1894 : 73) intègre pour sa part le Rhin aux voies de navigation de la France. Signalons également que le 33e carnet de Vidal, disponible sur le site de la Bibliothèque interuniversitaire de la Sorbonne, comporte une paraphrase de l’incipit de La Marseillaise de la paix d’Alphonse de Lamartine : « Roule libre et superbe entre tes larges rives, / Rhin, Nil de l’Occident, coupe des nations ! » La transposition de Vidal se lit comme suit : « Coule libre et superbe entre tes larges rives, Rhin, Nil de l’Occident, fleuve des nations ! » (le soulignement est de l’auteur lui-même).
-
[20]
Certaines personnalités publiques françaises considéraient que la ville de Landau devait être retournée à la France en même temps que l’Alsace-Lorraine, à laquelle elle aurait appartenu. La ville fut en effet française aux XVIIe et XVIIIe siècles, tout en étant convoitée par d’autres puissances, avant d’être rattachée au Palatinat, à la signature du second traité de Paris, en 1815. Si le traité de Versailles confirma le rattachement de l’Alsace-Lorraine à la France, il laissa la ville de Landau à l’Allemagne.
-
[21]
Ainsi, le rapport de Vidal de la Blache fut l’un des premiers reçus et examinés par le Comité d’études.
-
[22]
Les procès-verbaux des séances du Comité d’études ont été retranscrits et annotés par Ginsburger (2010 : 1544 et suiv.) et par Soutou et Davion (2015).
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[23]
Le procès-verbal de la séance du 19 mars 1917 indique également que ce fut à la demande de Gallois que l’appendice donnant la liste des communes touchées par les traités de 1814 et 1815 fut ajouté au rapport de Vidal. Précisons que cet appendice n’accompagne plus le texte de Vidal lors de sa réédition dans les Annales de Géographie et dans Le bassin de la Sarre.
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[24]
Il est à noter que, malgré cette mise en garde, le Comité d’études, dans son ouvrage édité plus tard, début 1918, regroupa tout de même ses réflexions sur la Sarre dans la partie consacrée à la frontière sur l’Alsace-Lorraine.
-
[25]
Lors des négociations de paix, Clemenceau plaida – avec véhémence, soutint Churchill (1929 : 212) – en faveur d’une annexion de la Sarre. Son argument, étayé sur un mémoire inédit mais proche des propositions du Comité d’études (Tardieu, 1921 : 279-289), considérait autant les droits historiques de la France sur la région que la nécessité des réparations (Droz, 1959 : 569). Les alliés – et Wilson à leur tête – nièrent les prétendus droits historiques de la France sur la Sarre tout comme sur la région de Landau ou, plus largement, sur la Rhénanie. Pour eux, ce raisonnement ne pouvait s’appliquer qu’à l’Alsace-Lorraine et, encore là, ils s’interdisaient même d’en débattre, puisque l’affaire avait déjà été entendue. Bref, au-delà de l’Alsace-Lorraine, l’intérêt de la France envers les territoires de l’ancien Reich allemand, selon eux, concernait essentiellement le dédommagement et la sécurité (Becker, 2002 : 48-49 ; MacMillan, 2003 : 194 et suiv.).
-
[26]
À l’exception de sa deuxième partie, ce texte est repris dans Le bassin de la Sarre sous le titre « Le bassin houiller de la Sarre » (p. 30-41) et en constitue le troisième chapitre. Le sous-titre « Étude économique et politique » en est retiré, mais il réapparaît dans le deuxième sous-titre du Bassin de la Sarre, à ceci près que l’épithète « historique » y remplace « politique » et occupe la première position.
-
[27]
L’un des appendices de Gallois, titré « Note sur la carte de la répartition de la population dans le Bassin de Sarrebruck et les régions avoisinantes » (p. 132-140) est reproduit quasi intégralement dans Le Bassin de la Sarre, où il forme le dernier chapitre sous le titre « La répartition de la population dans le bassin de la Sarre et les régions avoisinantes » (p. 42-54). Dans Le bassin de la Sarre, le texte de cette note est légèrement revu, notamment pour l’adapter aux nouvelles circonstances, par exemple en précisant que des territoires lorrains ne sont plus annexés par l’Allemagne.
-
[28]
Le traité de Versailles instituerait la Société des Nations deux ans plus tard, le 28 juin 1919, après que le président Wilson en eût fait, en janvier 1918, une condition de paix dans ses Fourteen Points. Le projet d’une telle société avait toutefois été mis de l’avant, sur la scène internationale, dès le début de la Grande Guerre (Henig, 2019).
-
[29]
Procès-verbal de la séance du Comité d’études du lundi 11 juin 1917 tenue à la Sorbonne, Salle des cartes de l’Institut de géographie (faculté des lettres). Documents cités dans Ginsburger (2010 : 1558) et Soutou et Davion (2015 : 86). Soutou et Davion en donnent la référence suivante : Travaux du Comité d’études pour la Conférence de la paix, Série polycopiée, 1918-1919 (Cote F res 155).
-
[30]
Toutes requêtes, pour chacun des chapitres du rapport du Comité d’études, dans différents outils de recherche généraux ou spécialisés n’indiquent aucune réédition sous un même titre.
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[31]
On notera la juxtaposition, au sein de la même page, de l’avis de parution du Bassin de la Sarre et de celui de la troisième édition de La France de l’Est de Vidal de la Blache. Deux territoires dont la Grande Guerre affecta la destinée et auxquels la géographie française porta à l’époque volontiers attention.
-
[32]
Cette crainte de l’affaiblissement de l’Allemagne, que John Maynard Keynes (1920 et 1922) redoutait tout particulièrement, prenait différents contours. Plusieurs souhaitaient que le pays, ruiné par la guerre, pût se redresser, ne fût-ce pour qu’il ne sombrât pas dans l’anarchie ou ne se livrât au bolchévisme, dont la menace venait d’apparaître. On redoutait également que l’Allemagne, si elle perdait trop de sa puissance économique, ne pût verser les réparations qui lui seraient exigées (MacMillan, 2003 : 180 et suivantes). S’ajoutaient des considérations géopolitiques auxquelles David Lloyd George, le premier ministre anglais qui représentait l’Angleterre aux négociations de paix, était particulièrement sensible (Becker, 2002 : 26). Tout ami qu’il fût de la France, il n’en souhaitait pas moins maintenir un équilibre au sein du continent européen. Or, son voeu était d’établir cet équilibre au travers d’une saine rivalité entre l’Allemagne et la France. Aussi, il lui importait de conserver à l’Allemagne une assise territoriale viable, ce qui exigeait que fussent modérées certaines ambitions françaises à ce chapitre, ambitions d’autant plus tenaces que se percevait parfois, chez son allié continental, derrière sa quête de sécurité militaire, une nostalgie de ses anciennes possessions rhénanes, cette Rhénanie perdue avec la chute de l’Empire français en 1814 (Deperchin, 2012c : 647).
-
[33]
Le format de la seconde édition est un in-16 au lieu d’un in-8, ce qui double le nombre de pages.
-
[34]
Comme un certain temps s’était écoulé depuis la fin du conflit, quelques formules évoquant la guerre qui venait tout juste de se terminer apparaissent par conséquent moins appropriées dans la seconde édition.
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[35]
Pour décrire la situation en cours, la première édition faisait appel à des données de recensements d’avant-guerre, mais somme toute assez récentes. La seconde édition reprend ces mêmes informations et omet celles provenant des recensements d’après-guerre, comme celui mené en France en 1921, que Gallois avait pourtant commenté par ailleurs dans une publication également parue en 1923 (Gallois, 1923 : 85-86).
-
[36]
Par exemple, la numérotation de la deuxième carte insérée fut corrigée. Dans la première édition, les deux cartes portaient la mention « Fig. 1 ».
-
[37]
Dans la version de 1923, le point («.») est utilisé, dans les nombres, comme séparateur des milliers, ce qui n’est pas le cas dans celle de 1919.
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[38]
Une distinction apparaît dans la signature des cahiers. Dans la version originale, les cahiers sont numérotés, mais non signés. Dans la version de 1923, la signature des cahiers affiche « GALLOIS. – Le Bassin de la Sarre. », suivi de la numérotation.
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[39]
L’histoire éditoriale du Bassin de la Sarre illustre donc à sa façon que les réparations de guerre sont au coeur du dilemme soulevé par la fin de la Grande Guerre. Les réparations suscitèrent des tensions entre les membres de l’Entente dès la négociation de l’armistice, tensions qui se manifestèrent ensuite durant les négociations de paix et qui se poursuivirent après l’entrée en vigueur du traité de Versailles (Becker, 2002 : 16 et passim). Comme il fut décidé, surtout en raison de l’insistance américaine, de traiter la question de la Sarre sous l’angle des réparations et non pas sous celui du droit des peuples, comme d’aucuns le défendaient en France (dont Gallois et Vidal, comme nous l’avons constaté), on comprend que les difficultés de la France à toucher les réparations qui lui étaient dues pouvaient également raviver des ressentiments relativement au lot réservé par le traité à la Sarre.
-
[40]
L’occupation de la Ruhr s’acheva en 1925. La situation se dénoua, d’abord par la signature en 1924 du plan Dawes, qui aménageait la dette allemande, et ensuite par les accords de Locarno, où l’Allemagne, en adhérant au Pacte rhénan, reconnaissait formellement les frontières héritées du traité de Versailles. Mais tout cela fut davantage une promesse qu’un fait, puisque la suite allait montrer que ni la dette ni les frontières ne furent respectées par l’Allemagne (Duroselle, 1966 : 75 et suiv.).
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[41]
Le carnet 29 de Paul Vidal de la Blache, disponible sur le site Internet de la bibliothèque interuniversitaire de la Sorbonne (Nubis), contient une esquisse du projet éditorial de la Géographie universelle, qui a été publiée à partir de 1927. L’oeuvre indique, en page titre de tous les volumes qui la constituent, que Vidal de la Blache et Lucien Gallois en sont tous les deux les directeurs.
-
[42]
La divulgation de la correspondance de Vidal demeure, à ce jour, très limitée. Quelques extraits sont publiés dans la biographie que Sanguin (1993) consacre au géographe. Une vingtaine de lettres ou billets adressés à Émile Burnouf entre 1867 et 1872, à l’époque où Vidal était élève à l’École française d’Athènes, sont disponibles sur le site Internet de la bibliothèque de l’Université de Lorraine (Fonds Burnouf). Quant au reste, s’il existe encore, il ne semble pas disponible.
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