Comptes rendus bibliographiques

DUPUY, Lionel (2019) L’imaginaire géographique. Essai de géographie littéraire. Pau, Presses universitaires de Pau et des Pays de l’Adour, 194 p. (ISBN 978-2-35311-097-1)[Record]

  • Christiane Lahaie

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  • Christiane Lahaie
    Université de Sherbrooke, Sherbrooke (Canada)

Publié dans la collection Spatialités, laquelle « accueille des ouvrages qui s’intéressent aux spatialités individuelles et collectives liées aux transformations de la modernité saisie sous ses aspects réflexifs, inattendus et pluriels », cette étude de Lionel Dupuy consiste en une version remaniée d’un essai d’habilitation à diriger des recherches en géographie. L’imaginaire géographique. Essai de géographie littéraire s’inscrit dans la droite lignée des travaux sur le « roman‑géographe », de sorte qu’on ne s’étonne pas que Marc Brosseau en ait rédigé la préface. L’étude de Dupuy, car selon moi il s’agit davantage d’une étude que d’un essai, comporte une généreuse introduction générale, trois parties et une conclusion peu diserte, où l’auteur résume les grandes lignes d’un concept inédit : le « chronochore ». Dans son introduction, qui pose les jalons théoriques de ses travaux et en contextualise la teneur, l’auteur rappelle les notions d’imaginaire et de sujet géographique, puis de sujet et de prédicat, en s’inspirant des réflexions d’Augustin Berque, notamment dans Écoumène. Introduction à l’étude des milieux humains (1987). Du coup, il vulgarise en quelque sorte les concepts de trajection et de chorésie chers à Berque, concepts que le roman‑géographe convoquerait nécessairement. Dupuy poursuit avec la question de la métaphorisation, caractéristique de la fiction littéraire (ici, plus précisément du genre romanesque ) pour déboucher sur l’imaginaire géographique que le « roman‑géographe » contribuerait à créer. Cette introduction a le mérite d’être limpide : elle explique comment la fiction et la géographie se rencontrent pour parler du monde et de la façon dont les humains l’habitent. Suit la première partie de l’ouvrage, analyse portant sur l’imaginaire géographique dans des oeuvres romanesques déjà visitées par plusieurs spécialistes de la géographie littéraire dont Lionel Dupuy lui-même, soit, et surtout, Le rivage des Syrtes de Julien Gracq (1989), quelques romans de Jules Verne ( Le superbe Orénoque [1898] et Voyage au centre de la Terre [1867], par exemple ) et Le partage des eaux d’Alejo Carpentier (1976). L’auteur pose la question du brouillage référentiel propre à la fiction, brouillage dont la géographie littéraire – et la géocritique – ferait son pain et son beurre. Au fil de sa démonstration, il emprunte des idées à Brian McHale, Bertrand Westphal et Clément Lévy, notamment. Il parle également de la « structure d’horizon » que le roman-géographe proposerait. La deuxième partie de l’ouvrage s’intitule À la recherche du temps perdu: récit et analyse d’un maillon d’une chaîne trajective. Dupuy s’y penche sur l’oeuvre bien connue de Marcel Proust, afin de montrer comment ce cycle romanesque instaure, par la « discontinuité géographique », une chorésie particulière, marquée par le passage du temps, ce dernier assurant sa cohésion à l’ensemble. On s’en doute, Dupuy ne fait qu’effleurer l’oeuvre de Proust, mais il en expose bien le fonctionnement spatiotemporel. C’est au terme de cette analyse que le chercheur propose la notion de chronochore, qu’il développe dans la troisième et dernière partie de son étude. Dupuy se réfère d’abord au chronotope bakhtinien, concept favorisant selon lui le temps au détriment de l’espace. Or, Mikhaïl Bakhtine n’a pas été d’une cohérence sans faille dans sa définition du chronotope. D’une certaine manière, Dupuy tente d’en colmater les brèches en proposant de lorgner du côté de ce qu’il nomme le chronochore, soit le « principe organisateur du roman-géographe », principe qui obligerait à tenir compte de la géographie plus ou moins référentielle, proposée par une fiction romanesque, et de la chorésie qui en découle, eu égard aux diverses stratégies poétiques déployées au sein de l’oeuvre. La courte conclusion de l’étude revient brièvement sur ce concept, le décrivant tel « un modèle …

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