Comptes rendus bibliographiques

GIRARD, Camil et BRISSON, Carl (2018) Reconnaissance et exclusion des peuples autochtones au Québec : du traité d’alliance de 1603 à nos jours. Québec, Presses de l’Université Laval, 265 p. (ISBN 978-2-76373-369-2)[Record]

  • André Joyal

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  • André Joyal
    Centre de recherche et développement territorial, Université du Québec à Trois-Rivières, Trois-Rivières (Canada)

Avec raison, tout ce qui touche les Premières Nations a bonne presse ; il était temps. Il ne faut donc pas se surprendre quand un député libéral, à la Chambre des communes, débute ses interventions dans la langue des Mohawks ou qu’on donne des noms amérindiens à des rues ou à des places publiques. Dans ce contexte de reconnaissance et de réconciliation, la publication d’un livre traitant de façon exhaustive de l’histoire des relations entre Autochtones et non‑Autochtones, du début du XVIIe siècle à nos jours, ne peut que tomber à point. Et on ne s’étonnera pas que les deux auteurs affichent sans détour un préjugé favorable à l’endroit de ceux qui font ici l’objet d’une recherche conduite de façon on ne peut plus minutieuse. Détenteur d’un doctorat en histoire obtenu à la Sorbonne, Camil Girard – auteur de plusieurs publications, professeur au Centre interuniversitaire d’études et de recherche sur les Autochtones de l’Université Laval –, fait ici oeuvre commune avec Carl Brisson, un géographe diplômé de la maîtrise en études régionales et associé au Groupe de recherche sur l’histoire de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Dans leur introduction, les auteurs formulent l’hypothèse que le législateur, par la création des réserves au milieu du XIXe siècle, avait la ferme intention d’imposer un modèle de « civilisation ». « La négation des peuples autochtones et de leurs territoires est un discours inventé et entretenu soigneusement par les colonisateurs pour affirmer leur pouvoir » (p. 5). Comme ils le signalent dans le deuxième chapitre, deux modes de représentation ont contribué à exclure les Autochtones dans ce qui deviendra l’Amérique du Nord. D’abord, l’Autochtone se voit représenté comme un « barbare » dépourvu des attributs de la civilisation chrétienne. Il devra donc croire au dieu européen. Ensuite, au XIXe siècle, à la faveur de la création d’États‑nations qui comprendront le Canada‑Uni ( 1840-1867 ), on voudra « intégrer l’autre à la culture dominante » (p. 117). Tout sera fait pour l’assimiler. Le sordide rapt des enfants en vue de l’assimilation à travers la scolarisation, qui durera de nombreuses décennies, se trouve ici occulté, car ne faisant pas partie de ce qui constitue l’essentiel de l’ouvrage. Le chapitre I, « La politique de la France: des alliances avec les peuples qui habitent le territoire », plonge le lecteur à l’intérieur des stratégies mises de l’avant par Champlain. Ce dernier instaure un régime qui prend appui sur une politique d’alliances avec les peuples rencontrés. À ce propos, les auteurs soulignent que, pour les Autochtones, accueillir ne correspond nullement à la cession de leur territoire, et pas davantage à la négation de leur culture. C’est pourquoi, à leurs yeux, tout le territoire de la Nouvelle‑France est un « territoire indien », peu leur importe si, sur ce très vaste territoire aux dimensions continentales, de grandes étendues ne sont pratiquement occupées, entre autres, que par les bisons et divers cervidés. Avec le deuxième chapitre, « Le régime anglais jusqu’à loi des Indiens (1876) », les auteurs insistent à nouveau sur le caractère jamais cédé des territoires indiens. Le gouverneur de la province de Québec, James Murray, l’aurait confirmé en 1767. Toutefois, avec l’Acte de Québec, on aurait un premier jalon dans la disparition des territoires indiens comme entités spatiales reconnues, ce qui aurait eu comme conséquence l’amorce « d’un discours voulant que les droits des Autochtones sur leurs terres traditionnelles soient éteints » (p. 77). Le territoire indien devenant limité à celui des réserves, les Autochtones, de guerriers alliés qu’ils avaient toujours été, se voient dorénavant placés dans un contexte de tutelle avec, en …