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Les écrits sur l’aménagement touristique étant relativement rares dans la littérature scientifique, ils suscitent toujours beaucoup d’espoir. En effet, l’aménagement joue un rôle fondamental dans le développement touristique. Il a un effet direct sur l’attractivité des territoires, et il se répercute bien concrètement sur la qualité de vie des résidents. Une action considérée avantageuse pour une région touristique peut se transformer en désavantage pour les résidents. L’aménagement doit donc assurer une mise en valeur et un accès équitable aux lieux, tant pour les touristes que pour les résidents. Il doit en préserver « l’authenticité » et la vitalité. Il doit créer des lieux désirables, rares, tout en contenant les flux et en préservant ces lieux d’une consommation dévastatrice. Pour ce faire, l’aménagement touristique doit concilier des intérêts issus d’acteurs et de nombreuses échelles territoriales, des intérêts parfois contradictoires. En somme, l’aménagement doit définir les facteurs et les agencer de façon à contribuer au développement économique des territoires, tout en réduisant les inégalités socioéconomiques et en protégeant les ressources naturelles ou patrimoniales. Pour y parvenir, les enseignements transmis par les écrits scientifiques sur l’aménagement touristique doivent s’appuyer sur des sources multidisciplinaires et législatives. Leur tâche est colossale.
Le livre de Catherine Sicart, géographe spécialisée en tourisme, engage les lecteurs dans cette réflexion et ces enseignements. Les premières pages exposent d’ailleurs des exemples contemporains de territoires soumis à des pressions et des intérêts éclatés, et dont l’aménagement devrait, ou aurait dû, assurer une conciliation entre les différents groupes, urbains et ruraux, et les différents intérêts, locaux et mondiaux. L’auteur nous propose cette lecture en ayant recours à plusieurs disciplines et domaines d’expertise : histoire, géopolitique, droit, parmi d’autres.
Ainsi, le premier chapitre, Fondements, présente les principaux textes législatifs qui ont encadré et encadrent actuellement les territoires touristiques en France. Suit un exposé qui rappelle que le tourisme a été rendu possible grâce à la croissance du temps libre, une mobilité accrue par la technologie des transports et l’amélioration du niveau de vie. Ce mode de vie est maintenant partagé par de nouveaux marchés, notamment la Chine. L’auteure rappelle également que le séjour touristique est un déplacement dans le temps, et nécessite des services pour se réaliser. Cette définition justifie le choix de l’étude approfondie d’un des secteurs du tourisme, soit l’hôtellerie et la parahôtellerie, et particulièrement de son réseau de distribution. Une grande partie du second chapitre porte d’ailleurs sur la distribution numérique des grandes chaînes, et précisément sur leurs stratégies financières qui révolutionnent le rapport de pouvoir entre les acteurs. Ce chapitre est aussi l’occasion de présenter les principaux changements qui influencent le tourisme, du développement durable au terrorisme. Le troisième chapitre présente l’avènement de la station touristique à partir de l’histoire de la station anglaise Bath. Y sont également décrits les différents types de stations qui ont fait leur apparition depuis l’avènement de ce premier modèle, ainsi que leurs déclinaisons jusqu’aux destinations de luxe contemporaines.
Tout au long du livre, et à travers les différents thèmes abordés, l’auteure rappelle que le tourisme a été, et est encore aujourd’hui, un phénomène propre aux classes aisées. Le tourisme « de masse », s’il a laissé des marques bétonnées sur les littoraux et en montagne, a été un intermède caractéristique des « Trente glorieuses », une période où les critères de réussite se basaient sur la croissance – ou la « démocratisation » – de la consommation touristique. Aujourd’hui, sous l’influence de la mondialisation, les stratégies d’investissement favorisent les équipements haut de gamme, répondant aux demandes de la classe supérieure, celle qui a encore les moyens et le temps de voyager. Les aménagements touristiques répondent ainsi à la mondialisation des flux de touristes de classe, mais surtout à la mondialisation des investissements. Les transformations urbaines actuelles en sont exemplaires.
Issu d’une partie de la thèse doctorale de l’auteure, le livre aborde donc les principaux enjeux touristiques : typologie des espaces touristiques, tourisme durable, terrorisme, législation, distribution et expansion numérique, croissance des marchés et tourisme de classe. Cela dit, le traitement de ces enjeux – relevant plutôt de l’énumération que de l’analyse critique – suscite des questions. L’aménagement touristique est certes un sujet vaste et complexe qui oblige à tenir compte d’un ensemble de facteurs. Mais parfois « qui trop embrasse, mal étreint » ; les facteurs présentés mériteraient une meilleure contextualisation. Le recours à de nombreuses statistiques fait office de « vérité », mais de façon générale, très peu de références soutiennent ces données. Il est alors difficile de remettre en question ou d’approfondir ces « évidences ». Ce manque de références à d’autres sources scientifiques ainsi que le peu d’explication sur la méthodologie et les cas choisis ne permettent pas de classer le livre comme un écrit scientifique, au sens strict. Le public à qui s’adresse le livre n’est pas non plus facile à discerner. À la fois très pointu sur certains aspects, tels que les articles de lois, l’ouvrage demeure le plus souvent à un niveau des généralités en prenant exemple, sans justification appuyée, sur des cas fortuits d’actualité. S’il traite de mondialisation, le livre s’attarde principalement aux cas français. La mise en perspective avec d’autres politiques ou typologies nationales aurait été appréciable pour mieux faire saisir tant les spécificités françaises que leurs avantages ou entraves.