Comptes rendus bibliographiques

PETERS, Evelyn J. et CHRISTENSEN, Julia (dir.) (2016) Indigenous homelessness: Perspectives from Canada, Australia, and New Zealand. Winnipeg, University of Manitoba Press, 408 p. ISBN 978-0-88755-826-9[Record]

  • Bastien Sepulveda

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  • Bastien Sepulveda
    TVES – EA 4477, Programme ACHN-ANR, Université de Lille, Lille (France)

« Novateur », « intéressant » et « nécessaire » sont probablement les adjectifs les plus à même de qualifier cet ouvrage qui couvre un champ encore largement délaissé des études autochtones. Alors que beaucoup a été écrit sur la question migratoire et le rapport des Autochtones à la ville, ainsi que leurs difficultés d’accès au logement, l’itinérance constituait en effet jusque-là une sorte d’angle mort que l’ouvrage collectif Indigenous homelessness: Perspectives from Canada, Australia, and New Zealand propose d’explorer. Et il devenait urgent de s’y atteler, au vu notamment de l’importance croissante du phénomène et de la surreprésentation des Autochtones parmi la population en situation d’itinérance dans les trois pays ciblés. Pour l’occasion, Evelyn Peters et Julia Christensen, toutes deux géographes et spécialistes de la question autochtone au Canada, ont fait appel à plus d’une trentaine de contributeurs s’intéressant, selon des approches variées, à l’itinérance autochtone au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande. La diversité des profils de ces contributeurs mérite d’être soulignée : si la plupart sont universitaires, provenant de disciplines comme l’anthropologie, l’architecture, la géographie, les sciences politiques ou encore le travail social et la psychologie, d’autres sont consultants, travaillent pour le compte de fondations ou militent dans des organisations non gouvernementales (ONG). Plusieurs revendiquent en outre une appartenance autochtone. L’ouvrage se décompose en 17 chapitres regroupés en trois parties. Ces parties s’organisent par pays, ce qui constitue un choix permettant d’isoler et saisir ce qu’il y a de spécifique à chaque contexte national et de faciliter le travail de comparaison. La première partie traite ainsi du Canada, la seconde de l’Australie, puis la troisième de la Nouvelle-Zélande. Chacune comporte un chapitre introductif précisant les spécificités du contexte national abordé, ce qui est fort bienvenu. Si l’on omet ces chapitres introductifs, il apparaît toutefois que la première partie comporte deux fois plus de chapitres que la seconde, qui en contient elle-même deux fois plus que la troisième. La section portant sur la Nouvelle-Zélande ne propose ainsi que deux chapitres, contre huit pour celle sur le Canada. Si ce déséquilibre n’influe pas sur la qualité globale de l’ouvrage, on peut alors regretter que les parties n’aient pas été définies en fonction des croisements et rapprochements possibles entre les différentes contributions. Outre de faire ressortir une analyse thématique transversale mettant d’emblée en perspective les points forts de l’ouvrage, une telle structure aurait sûrement permis aussi d’éviter le déséquilibre lié au regroupement des contributions par pays. Cette analyse transversale est toutefois présente et solidement articulée dans la conclusion d’Evelyn Peters. Dans l’introduction générale, Julia Christensen insiste sur les difficultés à saisir le phénomène d’itinérance au sein de la population autochtone, dont elle propose par ailleurs une définition opérationnelle efficace. Elle préfère à ce propos parler d’un « spectre de l’itinérance », expression englobant aussi bien les individus en situation d’itinérance absolue – ceux dormant dans des lieux impropres à l’habitation ou ayant recours à des foyers d’accueil – que ceux se trouvant en risque d’itinérance, en raison de l’entassement, de l’insalubrité des logements ou des violences familiales, notamment envers les femmes. Comme le démontrent les différents chapitres, il n’y a rien de figé en la matière et il n’est pas rare qu’un même individu transite successivement d’un état à un autre, faisant de l’itinérance autochtone un phénomène souvent difficile à cerner. En ce sens, le point fort de l’ouvrage est de remettre en question ouvertement le fait que l’itinérance est généralement abordée comme un phénomène exclusivement urbain et lié à des carences en termes d’accès au logement. Une telle vision réduit en effet l’itinérance à ses manifestations les plus extrêmes, …